Rencontre avec Veryshow Productions

Rencontre avec Veryshow Productions

Interview préparée et réalisée par Dominique Boulay et Anne Marie Calendini.
Documents et photographies: © Veryshow

Cela faisait un moment que nos chemins se croisaient et que nous rencontrions des membres de l’équipe Veryshow puisqu’ils concrétisaient un bon nombre de concerts ainsi que la venue d’artistes d’outre Manche ou d’outre Atlantique. Nous avons décidé d’aller les voir pour que vous, lecteurs de Paris-Move, puissiez savoir ce qui motive autant ces chevilles ouvrières en charge de tous ces concerts. Nous avons rencontré pour vous Romain Turgel, le fils, que nous croisons depuis des lustres, et le père, Simon Turgel, qui nous a expliqué comment il s’est lancé dans la musique, lui, un ex-banquier.

Depuis combien de temps organisez-vous des concerts?
Pour être précis, nous avons commencé le 8 octobre 2008, en créant Veryshow Productions, et notre premier concert a été le concert de Christopher Cross à la Cigale, le 3 décembre 2009.

Etaient-ce vos premiers pas dans le monde de la production musicale?
Oui, car auparavant j’étais banquier dans le privé. J’ai vendu ma société en 2007 à une banque luxembourgeoise qui m’a demandé de rester à la direction de la banque, en France, pendant 3 ans. Ce que j’ai fait, même si je savais que je ne continuerai pas dans la finance! A côté de ça j’étais passionné de musique et ayant un peu regardé comment fonctionnaient les boîtes de productions et les tourneurs en France qui travaillaient, entre guillemets, un peu à l’ancienne, j’avais envie d’y apporter ma propre touche. Il fallait pour cela mettre en place une organisation très rigoureuse et j’ai fait cela en me disant que mon ‘luxe’ serait de ne produire et de ne faire tourner que des groupes de très grande qualité, quelle que soit d’ailleurs leur couleur musicale. Mon fils Romain n’avait pas, lui non plus, vocation à travailler dans la musique, puisqu’il a une maîtrise de biochimie et qu’il s’était spécialisé dans l’étude des valeurs cotées en bourse en biotechnologie. Mais nous n’étions à cette période là qu’au début de la crise et le marché était encore flottant. Alors je lui ai parlé de mon projet de monter une boîte de production, et du fait que j’étais encore coincé contractuellement pour trois ans, je lui ai proposé d’en prendre la gérance pendant ce laps de temps. Et puis une fois dégagé de mes obligations, je lui ai proposé d’en reprendre les rennes, afin qu’il puisse retourner à la biotechnologie, s’il le souhaitait.

C’est donc au départ une aventure familiale?
Oui, exactement, puisqu’au départ je travaillais avec mon épouse et mon fils Romain. Nous étions donc une toute petite structure composée de trois personnes. Puis à force de croiser des agents en Angleterre et aux Etats-Unis, avec Romain nous avons vite compris que si l’on voulait gagner du temps et se positionner rapidement en tant que professionnels légitimes dans ce métier, il fallait avoir une équipe solide. On s’est donc entouré de professionnels et aujourd’hui nous sommes 12. Et nous employons également des stagiaires.

Sans véritables réseau et relations dans la musique au départ, est-ce que cela n’a pas été trop difficile de vous imposer dans ce secteur?
Si, bien sûr! Il est difficile de réussir dans ce métier, car il est très cloisonné. Les grands artistes travaillent toujours avec les mêmes tourneurs depuis des années, alors pour des nouveaux venus comme nous, c’est loin d’être aisé! Soit l’on récupère des artistes parce qu’ils ne sont plus contents de leur tourneur habituel, soit c’est pour des raisons financières… Ils peuvent être insatisfaits de ce qu’ils perçoivent avec tel ou tel producteur et estimer qu’ils peuvent prétendre à plus. Pour faire court, on peut dire qu’il y a toutes sortes de raisons qui vous obligent très vite à vous positionner. Et c’est quelque chose que l’on a plutôt bien réussi, puisque pour le moment les agents et les artistes sont satisfaits de notre façon de travailler et de notre équipe, constituée de gens du métier.

Vos principaux concurrents?
Il y a ce que l’on peut appeler les ‘grosses machines’, comme Live Nation ou Gérard Drouot Productions, mais nous ne sommes pas du tout ce que l’on peut appeler des concurrents puisque l’on ne joue pas du tout dans la même cour qu’eux…! Ils produisent les plus grands artistes français et internationaux, en termes de logistique et de notoriété. Même s’il est vrai que Gérard Drouot, par exemple, produit des artistes aux couleurs musicales similaires aux nôtres. Des artistes internationaux de rock et de blues, des guitares-légendes… Même s’il a un éventail artistique bien plus large, avec des artistes qui sont plus ‘grand public’, comme Liza Minnelli ou Dionne Warwick. C’est pourquoi je dis que l’on ne peut pas parler de concurrents à notre niveau, mais s’il y a un tourneur, aujourd’hui, qui est la figure de proue du métier dans notre couleur musicale, c’est bien Gérard Drouot.

Vous avez aussi la particularité d’avoir créé un label. Pourquoi?
Nous avons souhaité nous différencier un petit peu en créant un label. Ce qui est inhabituel dans le métier de tourneur! Il y a bien des labels qui, à un moment donné, se sont soit acheté un tourneur soit ont voulu créer une cellule de tourneurs pour s’approcher de ce qu’on appelle chez nous, dans notre jargon, le 360, mais cela est resté exceptionnel. Le 360, c’est l’évocation du cercle complet, de l’objectif photo qui permet de couvrir le plus grand champ de vision possible. Dans notre métier, c’est la gestion complète de la création artistique, de l’entrée en studio d’enregistrement à la maquette, de la sortie du CD à sa mise sur le marché, de la promotion du groupe à la tournée de ce celui-ci et à l’organisation du plus grand nombre possible de concerts. Mais à ma connaissance, il n’y a pas de tourneur qui ait créé son propre label. Dans la vie, les opportunités se créent souvent grâce à des rencontres. En ce qui me concerne, j’ai eu la chance de croiser la route de Mehdi, qui travaillait chez XIII bis Records. Et nous avons décidé de tenter l’aventure ensemble, de monter un nouveau label et de faire évidemment tourner nous-mêmes les artistes de cette nouvelle maison de disques. C’est le 28 novembre 2011 que Veryshow Productions a lancé ce nouveau label indépendant, Verycords.

Vos deux activités, produire et faire tourner, restent indépendantes l’une de l’autre, je suppose?
Oui, le 360, c’est une opportunité que l’on propose en plus! La société qui s’occupe de faire tourner les artistes n’a rien à voir avec le label qui lui, s’occupe de la production des créations discographiques. Et les artistes ont le choix. Ils choisissent de manière indépendante et nous respectons leur décision! S’ils ne veulent que le label, ils font leurs disques chez nous et ils continuent de bosser avec leurs agents habituels tout en appartenant au label comme la plupart des artistes le font partout. Ou alors s’ils veulent seulement qu’on les fasse tourner, on s’occupe de leur trouver et de leur planifier des dates. Par contre s’ils veulent les deux, c’est dorénavant possible avec nous. Les artistes choisissent, bien sûr, mais c’est nous aussi qui leur proposons, en tant que tourneur, une option supplémentaire, et je dois reconnaître que nous sommes plutôt contents de cette innovation.

Est-ce que Christopher Cross fait partie de ce fameux 360?
Non, Christopher Cross n’est pas dans le 360. Son label historique, c’est Edel, mais nous avons eu l’opportunité sur le concert du Trianon, à Paris, de faire un DVD Live. On a donc commencé par cela et nous verrons avec lui si nous pouvons entamer autre chose. La première signature de Veryshow-Verycords sera Triggerfinger. C’est un groupe belge qui connaît un très gros succès en Belgique et en Hollande. Ils ont une équipe de management qui les drive très bien et qui essaye d’élargir leur public en ouvrant leur horizon musical, très rock. Sinon, sur le label nous avons Skunk Anansie, Mass Hysteria, mais aussi un artiste à l’audience plus large, Dick Rivers. Nous avons aussi Steve Nieve, le clavier d’Elvis Costello. C’est vrai que pour le moment le label propose un éventail artistique plus large que ne l’est celui des artistes que l’on fait tourner. Notre idéal, avec Romain, serait qu’au niveau de notre réputation de tourneur, un passant qui regarderait une affiche annonçant l’un de nos concerts et ne connaissant pas l’artiste se dise tout simplement que ‘puisque c’est produit par Veryshow, ce ne peut être que du bon’, l’étiquette Veryshow se suffisant à elle-même. Cela peut paraître prétentieux, mais c’est un objectif qui compte, pour nous. Mon angoisse serait d’être pointé du doigt et perçu comme ne produisant ou ne faisant tourner que pour faire de l’argent. L’argent n’est pas notre objectif premier.

Vos plus belles réalisations, en tant que tourneur?
Johnny Winter à Bobino le 15 mars 2010, notre premier Olympia avec le Alan Parsons Live Projet le 1er juin 2010, Gov’t Mule au Bataclan le 23 juin 2010, Steve Winwood à Bobino le 7 octobre 2010, et le 9 octobre Point Blank et Robin Trower en co-billings, toujours dans cette superbe salle qu’est Bobino. Cela a continué en 2011 avec Robert Gordon et Chris Spedding au Bus Palladium le 24 mars 2011, Al Di Meola au Casino de Paris le 30 mai 2011, Gregg Allman au Grand Rex le 29 juin 2011, les Beach Boys au Grand Rex aussi, le 6 juillet 201, puis le 8 juillet Johnny Winter et Warren Haynes à l’Olympia et le 23 novembre 2011 Peter Frampton au Bataclan. On a fait Johnny Winter et Warren Haynes en co-billings aussi parce que ce sont tous les deux de tels artistes que l’on ne peut objectivement pas mettre en avant l’un plus que l’autre!

Comment expliquez-vous que des groupes, et ils sont nombreux, qui passent par l’Allemagne, la Belgique, la Hollande et parfois même la Suisse, ne viennent pas jouer en France?
Je pense qu’en France le public a une vraie appétence pour le rock en général, et j’englobe là dedans le blues, la country, le métal, la folk, bien que moins importante que dans d’autres pays d’Europe. De ce fait, le taux de remplissage d’une salle est plus difficile à atteindre en France qu’il ne l’est en Belgique ou en Allemagne. Ca c’est la première chose, et la seconde est le prix du billet. Nous sommes en période de crise et le public français rechigne à payer des billets trop chers. A ce propos, nous sommes, nous, les tourneurs, injustement montrés du doigt en étant accusés de vouloir profiter du public pour gagner de l’argent, et en pratiquant des prix abusifs. Le problème vient du fait que les artistes, aujourd’hui, ne vivent plus des revenus de leurs disques mais de ceux du spectacle vivant qui vient compenser en quelque sorte la crise du disque, ces derniers pouvant se télécharger, se copier…

C’est ce que Christopher Cross nous expliquait lors de son interview, l’obligation aujourd’hui, bien plus qu’hier, de faire soi-même la promotion des disques et des concerts. A l’époque du disque vinyle, il ne s’occupait de rien à ce niveau là.
Quand on fait des concerts, que ce soit au Casino de Paris, au Bataclan, à La Cigale ou à l’Olympia, ce qu’on appelle le break, c’est à dire le moment où on équilibre les comptes dans la vente des billets, est souvent situé aux alentours de 90% de remplissage. Donc tu vois bien que tous les tourneurs prennent des risques. Même s’il y a quelques artistes en France ou à l’international pour lesquels il suffit de claquer des doigts pour faire le plein, cela reste l’exception, surtout dans les couleurs musicales que nous défendons, le blues et le rock.

Pensez-vous que l’offre du blues et du rock peut encore s’élargir, en France?
Nous pensons, Romain et moi, qu’il y a une vraie demande pour le blues-rock aujourd’hui en France, même si cela reste un genre encore assez méconnu du ‘grand public’. Et on parvient à juxtaposer ces deux publics différents: les aficionados, hélas pas si nombreux que ça, et un grand public un peu plus ouvert.

Pouvez-vous nous parler de vos prochains concerts?
Il y a une belle soirée de blues qui arrive, le 9 juillet au Trianon de Paris, avec Govt’ Mule. Puis nous faisons également jouer Soft Machine au New Morning le 21 octobre, et Triggerfinger au Nouveau Casino le 24 du même mois.

J’ai vu également que vous faites tourner Jethro Tull…
Oui, c’est la première fois depuis 1972 qu’il va reprendre l’album Thick as a Brick, intégralement et à l’identique, avec Ian Anderson à la flûte. Là encore, un grand moment en perspective. Jethro Tull sera le 18 novembre prochain à Paris, à l’Olympia. Et vos lecteurs peuvent trouver toutes les dates de nos réalisations sur notre site, www.veryshow.fr

Quels sont vos prochains objectifs, au sein de Veryshow?
Hé bien nous souhaitons poursuivre et développer ce que l’on a commencé, grossir petit à petit et surtout continuer à promouvoir les artistes qui nous sont chers, permettre à des légendes comme Johnny Winter de continuer à se produire en Live en France, et puis faire tourner les futures potentielles légendes! Aujourd’hui un groupe monstrueux, scéniquement parlant, comme Triggerfinger est encore quasi inconnu, hormis les journalistes comme vous, à Paris-Move, et les initiés qui suivent de près l’actualité blues-rock, mais ça reste très confidentiel. Avec eux tout est à faire, et on y croit beaucoup. Faire connaître des artistes de cette puissance est très excitant et stimulant. C’est cela aussi l’avenir de Veryshow!

Et d’autres évènements dans lesquels vous intervenez?
Nous sommes partie prenante dans les programmations de Solidays, les Vieilles Charrues, Jazz à Vienne, le Festival de Carcassonne, la Foire de Colmar, les Nuits de la guitare de Patrimonio, le Hellefest, et d’autres encore…! Et en 2011 nous avons aussi participé au Cahors Blues Festival et à l’Avoine Zone Blues.

Il nous reste à souhaiter longue vie à Veryshow et Verycords, et pleins de beaux succès à venir!
Merci à vous et à tous les lecteurs de Paris-Move.

Quelques dates des concerts à venir:
9 juillet 2012: Gov’t Mule, Le Trianon de Paris
29 juillet 2012: Joan As A Police Woman, Nouveau Casino
21 octobre 2012: Soft Machine, New Morning
24 octobre 2012: Triggerfinger, Nouveau Casino
18 novembre 2012: Jethro Tull’s Ian Anderson, Olympia

Toutes les dates sur: www.veryshow.fr

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