Portrait de Maxime Perrin

Portrait et Interview de Maxime Perrin by Thierry Docmac  (Bayou Blue Radio – Paris-Move)
Le 5 Février 2020

Régulièrement je vous propose un focus sur un artiste que souvent seuls les professionnels connaissent vraiment. Cette fois, c’est le compositeur et accordéoniste Maxime Perrin qui a accepté de réponde à quelques questions qui vous permettront de mieux connaitre le personnage et son œuvre.

Thierry: Hello Maxime, et bienvenue sur Paris-Move, avec un grand merci pour le temps passé à me répondre.

Maxime Perrin: Merci à vous de m’accueillir sur Paris-Move!

Thierry: On parle de plus en plus de toi, pas seulement comme accordéoniste de jazz, avec le talent reconnu par tous, mais aussi pour ton travail de compositeur et arrangeur. Alors, pour commencer cette interview, peux- tu nous dire comment tu es arrivé dans la musique? As-tu commencé jeune, et… par l’accordéon?

Maxime Perrin: J’ai commencé l’accordéon à 6 ans et j’ai eu la chance d’avoir un prof très ouvert sur la modernité de l’instrument. Bien sûr, j’ai joué des valses, des tangos, mais également des pièces plus concertantes comme les œuvres d’André Astier, de Baselli, Claude Thomain, Marcel Azzolla, et des pièces plus contemporaines écrites vraiment pour l’instrument. Après, mon parcours m’a emmené à Paris dans la classe de Max Bonnay, qui m’a montré la rigueur exigée du musicien, la technique et l’investissement nécessaire. Le Jazz m’est apparu un peu par hasard, mais comme une évidence, avec la liberté trouvée, un espace de création en direct. Jouer des mélodies et pouvoir partir loin…
Parallèlement, j’ai suivi un cursus de musicologie à La Sorbonne et suis allé jusqu’en master sous la direction de Laurent Cugny. Et ausssi un parcours de conservatoire avec Analyse, écriture et la pratique du cor, a complété ma formation et m’a ouvert les oreilles à écouter de tout.

Thierry: On ne compte plus tes collaborations avec divers artistes, que ce soit des chanteurs ou dans le spectacle. Peux-tu nous dire ce que tu tires de ces expériences diverses?

Maxime Perrin: J’ai eu la chance, dès 20 ans, d’accompagner Christophe Alévêque. On a tourné ensemble pendant plus de 10 ans, de l’Olympia au théâtre du Rond-Point, et des centaines de dates un peu partout…. J’ai pu développer mon sens de l’accompagnement. Le secret c’est d’être “au service de”, ne pas trop en mettre mais être là, au juste endroit. Les divers spectacles de théâtre (Cyrano, Chambre Bleue, Le cœur d’Hippolyte…) m’ont permis d’être à l’écoute du temps… Faire monter les suspenses, être en crescendo… et surtout se taire! On a souvent peur du vide, mais le silence fait partie de la musique. J’ai accompagné également de nombreux poètes (Arrabal, Sabatier, Delouze…). Il y a une musicalité des mots, j’en ai pris conscience au fur et à mesure du temps. Les divers groupes de chansons françaises m’ont permis d’aller vers “l’efficacité”. Je m’épanouis aujourd’hui dans l’accompagnement de théâtre improvisé, c’est un condensé de tout ça.

Thierry: Tes projets sont aussi divers que variés, que ce soit avec ce groupe que je n’ai jamais vu sur scène et que j’adore, “Azura”, le duo “Maxime Perrin et Jonathan Mauch” qui s’inspire de musiques de pays de l’est, ou le très poétique duo avec l’excellent clarinettiste Samuel Thézé
ou encore “Les Célestins”, autant de projet, de diversités et de complexités… Peux-tu nous parler de ces parcours, de façon chronologique?

Maxime Perrin: Au lycée j’ai rencontré Jonathan Mauch (hautbois et sax). Très vite, l’idée du duo s’est développée. C’était une sorte de “rébellion” contre le conservatoire, faire notre musique avec nos instruments. Du jazz hautbois/accordéon, c’était plutôt rare à l’époque (je parle comme un vieux maintenant…). Nous avons enregistré un premier CD qui avait séduit F. Hagège, qui malheureusement est décédé juste avant la signature. Ce CD n’est jamais sorti mais nous a donné une volonté encore plus forte. Nous avons commencé à faire des petites tournées (France, Autriche…), puis est né ANAMORPHOSES, un album avec nos “tubes” de l’époque. J’ai à ce moment-là voulu élargir mes formations, et aZurA est arrivé, un quartet jazz fusion mais acoustique. Avoir une rythmique me libérait et me permettait de voler au-dessus. J’ai eu la chance d’avoir des compagnons de route formidable. Jean Brice Godet propose aujourd’hui un langage à lui, c’est très intéressant dans la recherche, Rémi Habib continu d’être à mes côtés… Après, la forme duo était toujours là, a donc suivi ESPERANTO avec Jonathan et des invités exceptionnels: T. Mailllard, J.M. Ecay, N. Genest… C’est notre vision d’une Europe musicale, nous sommes Jazz du monde et citoyens!
Un autre duo est né quelque temps plus tard, celui avec Samuel Thézé, “Sessions I”. C’est comme un mix des projets d’avant: la forme duo et la (re)rencontre avec la clarinette basse, comme une réminiscence de mes écoutes de Galliano/Portal. Mon style d’écriture s’est affiné également au fil de ces albums. Les Célestins sont arrivés juste après. Comme un nouvel aZurA, avec une volonté d’être plus actuel dans le son. C’est pourquoi j’ai invité DJ Borz et Malek Khemiri, avec qui on a également sorti “Zombie Star”. Les Célestins résonnent en Tunisie où nous venons de faire une tournée, le “gnawa” et le côté “transe” m’interrogent en ce moment.
Pour cette année, je m’ancre dans la continuité: un Duo avec Olivier Cahours, guitariste de talent et mélodiste hors pair (sortie en avril 2020), et à venir un Sessions II (octobre 20) et un nouveau Célestins (février 21). Peut-être aussi une surprise avec Jonathan pour nos 20 ans. Bref, je suis heureux de défendre ma musique, d’écrire pour mes “amis”, je suis fidèle aux musiciens qui m’accompagnent. Je trace ma route comme un indépendant, avec l’aide depuis maintenant 4 ans de mon éditeur Thierry Durepaire (Music Box Publishing) et également suivi par des radios tes que Aligre FM ou Bayou Blue (merci Thierry!!!).

Thierry: Et puis il y a ta collaboration avec ce groupe incroyable “Les Fils Canouche” dont le CD “Transhumance” que nous avons chroniqué sur Paris-Move (chronique à lire ICI), sort ce 15 février. Peux-tu nous parler de cette rencontre avec Hussan Haliwat et Minino Garay, un résultat tellement naturel et éblouissant que l’on a l’impression que vous avez toujours joué ensemble…

Maxime Perrin: Cela fait 5 ans maintenant que je fais partie de ce groupe. Nous avons créé “La Fasciculation”, un répertoire écrit par Xavier Margogne et S. Thézé, il s’agit de notre vision des musiques de l’Est revisitées de manière décalées. Nous avons fait plein de concerts, que ce soit en France ou encore en Ecosse, en Suisse. Cela parle au grand public, une formation pleine de joies et d’envies. J’amène la distorsion et l’énergie là-dedans. L’envie de “Transhumance” est venue de l’envie d’ailleurs. Elargir le groupe et faire une rencontre avec d’autres cultures, peut-être plus inattendues. Minino s’est imposé comme une évidence, touche à tout de génie et d’une terrible efficacité! Le choix d’Hussam est venu après notre recherche de son. Nous voulions un accent oriental et donc du oud. Son album nous avait touchés. L’EPK s’est créé assez rapidement, notre sextet s’est bien trouvé. Nous avions fait de bonnes pré-prods avant, ce qui nous a permis de savoir ce que nous voulions assez précisément. Nous sommes en plein démarchage pour faire vivre ce projet le plus largement possible, comme un message de mélange de culture possible dans le monde entier.

Thierry: Il y a aussi cet album peu connu, enregistré il y a longtemps en Corse, où tu es en solo et en pleine nature. Etait-ce un passage obligé? Et si oui, pourquoi?

Maxime Perrin: Mon premier! “Terra Nuda”. C’était l’envie de faire une première sortie sous mon nom. Je voulais réaliser un album concept. Un disque d’accordéon en solo en pleine nature, réalisé comme une seule plage, un passage d’un endroit vers un autre. Un road trip avec mon ingé son Rémi Daru (nominé pour les César cette année!), nous avons été dans des paysages formidables et la magie de l’instant a opéré. C’est un disque très personnel, seul et en interaction avec l’extérieur. Je referai peut être quelque chose en solo un jour…

Thierry: Peux-tu nous parler de ton travail de compositeur et arrangeur? Quel regard portes-tu dessus, et est-ce que tu nous prépares quelque chose dans les années à venir qui mette en valeur plus spécialement ces activités?

Maxime Perrin: J’écris par envie et par commande. Un besoin de renouveau dans les répertoires. Mes compositions sont souvent écrites pour un projet en particulier, pour coller le plus possible à la formation et aux musiciens qui la composent. J’aime ces moments de créations, se dire comment ça va sonner, est-ce que c’est ce que j’entendais… J’écris souvent dans des endroits calmes, lors de vacances avec ma femme, dans une maison inconnue. Ce qui m’entoure m’inspire. L’actualité aussi. Je fais des musiques de spectacle aussi, j’aime ça. Trouver un “leitmotiv” pour chaque personnage et décliner ce thème sous toutes ses formes, suivre l’action et être en collaboration avec le metteur en scène (Eric Charon, J. Giustiniani…). C’est une autre façon d’écrire. Pour les arrangements, tout dépends des projets. J’ai des idées sur ce que je veux, mais je laisse de la place à mes musiciens. Je ne suis pas fermé, je laisse place à leurs folies. Pour Esperanto, j’avais pu collaborer avec une partie de l’orchestre de l’opéra de Ljubljana, c’était une expérience très forte et cela m’ouvre des perspectives appétissantes. Je songe aussi à un projet plus “gros” et plus arrangé pour l’avenir, mais pas tout de suite… Ce sont des projets difficiles à faire vivre, car la société ne songe plus trop à la culture et aux difficultés financières que cela engendre.

Thierry: Enfin, tu as collaboré à l’album “Reasons” de Ilene Martinez, là encore un travail remarquable et remarqué, puisque les américains qui découvrent en ce moment cet album te qualifient régulièrement de “génie”, avec là encore, un mélange des cultures. Quel regard portes-tu sur cet album, avec le recul, aujourd’hui?

Maxime Perrin: C’est une belle rencontre! Un travail de groupe avec Olivier Mugot et Philippe Henner, nous avons fait un “écrin » pour la voix d’Ilene. Tout se passe dans ce qui n’est pas dit. Pas de démonstration de notes, la simplicité est de mise. La direction artistique nous a donné le défi de faire ce disque sans batterie, sans clavier, prog…. Pari tenu! J’espère que nous pourrons défendre ce projet sur scène pour trouver encore plus l’intimité voulue!

Thierry: Un dernier mot pour la fin?

Maxime Perrin: Merci pour ce moment! Et bravo pour votre engagement avec la musique de création. N’oublions pas que la musique se vit en live et que nous avons besoin des uns des autres pour continuer!

Thierry: Et comme dirait Marvin Gaye… Merci, Merci!

Site internet de Maxime Perrin: ICI

Dates de concerts: ICI