Jean-Do Bernard (Camion Blanc)
Avec son parcours aussi sinueux que le Loner, avec le même charisme discret et attachant que le kid de Toronto, Jean-Do Bernard ne pouvait passer à côté d’un second pavé dédié à ‘Monsieur’ Neil Young après son fameux ‘En remontant la rivière’, première biographie française dédiée au génial songwriter canadien.
Passé par plusieurs rédactions dont celles de L’Express, Guitare et Claviers, Crossroads, La Dépêche du Midi, France Inter, Oui FM et bien d’autres encore, Jean-Do nous propose en 186 pages une approche toute en chaleur humaine de celui qui marqua de son empreinte les 70’s, les 80’s, les 90’s et bien entendu le début de ce nouveau millénaire. La première décennie de cette nouvelle page de l’humanité tournée, il était peut être temps pour Jean-Do de jeter sur le papier tout ce que le rebelle du rock a balayé, pulvérisé, incendié, incinéré, illuminé, transmis.
Avec Jean-Do on approche l’auteur de chansons et d’albums devenus incontournables, des références absolues, mais aussi l’auteur-compositeur qui a traduit en paroles tous les obstacles que la vie a posés devant lui, sans jamais lui laisser de répit. Parents divorcés, lui aussi divorcé, deux fils atteints de handicaps moteur et mental, des crises d’épilepsies, un accident vasculaire cérébral, rien ne semble devoir lui être épargné et pourtant le Loner impose sa silhouette et son style (ses styles!) depuis plus de 40 ans, avec toujours cette volonté de vouloir traduire dans chaque album le contexte social et politique du moment. Comme des instantanés N/B que l’on range dans un tiroir de sa mémoire pour pouvoir les consulter à chaque fois que l’on a un coup de blues, un coup de sang, une crise de rire, une envie de tout faire péter. Car approcher Neil au travers de Jean-Do, c’est ressentir comment le solitaire que l’on écoute dans ‘Heart of Gold’ s’est mué en loup triturant ses guitares saturées sur ‘Rockin’ in the Free World’, c’est tenter de décoder pourquoi le quatrième larron de CSN&Y avait refusé de se laisser filmer à Woodstock avant que le lascar et ses Stray Gators nous balancent à la gueule un ‘Harvest’ phénoménal, monumental, titanesque, avant de traverser une période noire de chez noir, avec crises d’épilepsies à la clef.
Au travers de ce bouquin qui s’avale comme un alcool fort et goûteux, on devient frère de sang du rebelle et face à lui on échange ses idées, on confronte ses opinions. Jean-Do n’est déjà plus là, car il a quitté la pièce depuis un moment et on se retrouve seul face à l’ombre qui passe devant la pochette de ‘Harvest Moon’. On marche dans les pas du marginal qui ne cesse de se rebeller et on le suit dans ses dérives, se repassant encore et encore ce tube planétaire que fut ‘Ohio’, sans doute l’une des plus belles pages de l’histoire du rock, un titre pondu en quelques minutes par Neil Young qui venait tout juste de lire un article relatant la tuerie de Kent, le 4 mai 1970, lorsque la Garde Nationale Américaine ouvrit le feu sur une dizaine d’étudiants qui militaient contre l’intervention au Vietnam. Tout Neil Young est dans ce titre, ‘Ohio’, comme tout ce qu’est Neil Young est dans ce ‘Rock’n Roll Rebel?’, même si Jean-Do pose le point d’interrogation qu’il faut, sans doute, car le loup solitaire et marginal n’a pas fini de nous surprendre. Le volcan peut se réveiller à tout moment, et c’est ce qui fait que ce putain de bouquin est déjà devenu indispensable.