King Automatic en ITW
ITW préparée et réalisée par Anne Marie Calendini et Dominique Boulay
Photographies: Anne- Marie Calendini.
C’est lors d’un passage impromptu par Paris que nous avons eu la chance d’intercepter au vol le King Automatic, un fan d’Elvis aux rouflaquettes presqu’aussi fournies que celles de son maître ‘es rock’n’roll’. L’origine de la première partie du nom de scène de l’artiste étant explicitée et n’ayant naturellement rien à voir avec Louis XIV, comme il nous le rappela lui-même, nous avons cherché à découvrir qui se cache derrière ce pseudo Automatic, même si l’intérêt pour Kraftwerk est moins flagrant dans le dernier opus du lascar que dans les précédents, sortis chez Woodoo Rhythm.
BM: Alors, qui est derrière ce nom de scène de King Automatic?
King Automatic: Je m'appelle Jeremy et je viens de Nancy, voilà! (sourire)
BM: Le Nancy Jazz Pulsation, je suppose que tu connais?
KA: Oui, évidemment. J'ai été bercé par ce festival. J'y suis beaucoup allé quand j'étais gamin et ado, mais depuis quelques temps j’y vais un peu moins, car il y a de moins en moins de trucs qui m'intéressent.
BM: Te sens-tu attiré vers le Jazz?
KA: Non, pas vraiment. C’est un festival où j'allais avec mes parents, mais sans être amateur de jazz. J’allais voir des groupes comme UB40, tu vois… Et je préférais les soirées rock. J’ai pu y voir Joe Strummer, La Mano Negra et Screamin' Jay Hawkins. Ca, ce sont des concerts qui m'ont marqué.
BM: Qu'est-ce-qui t'a amené à faire de la musique?
KA: Lorsque j'étais à l'école primaire, ceux qui ont ensuite fondé le NJP (Nancy Jazz Pulsation) jouaient dans un groupe de Jazz dans une MJC et ils venaient à l'école faire un peu d'initiation à la musique. C'était très libre, car ils amenaient des instruments et chaque élève jouait de l'instrument qu'il voulait. Moi, j’avais pris le bongo et l'un des intervenants avait suggéré à ma mère que je fasse de la batterie. J’ai donc pris des cours de batterie,…et à cette époque, je devais avoir 9/10 ans. Ensuite, j'ai joué dans des groupes pendant 20 ans en tant que batteur.
BM: D’où t'es venue alors cette idée de jouer seul?
KA: Au bout d'un moment, tu aspires à pouvoir faire ce que tu veux, quand tu veux, car quand tu joues dans un groupe tu es toujours tributaire de Pierre, Paul, Jacques. Et puis j’ai toujours aimé bidouiller des trucs tout seul avec des instruments, des magnétos à bandes, et j'écoutais beaucoup d'artistes de ce genre comme Hasil Adkins ou Bob Log. C’est d’ailleurs lui qui a relancé un peu la mode des ‘One Man Band’. Mais même si c’est Bob Log III qui est mon idole, c’est surtout Hasil Adkins qui m'a ouvert les portes du One Man Band. Il faisait tout chez lui, dans ses collines de Virginie, enregistrant sur plusieurs magnétos à bandes puis donnant des concerts avec toute cette musique enregistrée. Après, j'ai découvert des bluesmen qui en faisaient comme Doctor Ross, par exemple, mais il y en a beaucoup d'autres et je ne les connais pas tous.
BM: Es-tu fan de blues?
KA: J'aime le blues, oui, mais plus en tant qu'auditeur que musicien, parce que je trouve que je ne le joue pas très bien…
BM: Comment pourrait-on définir alors la ligne conductrice de ton dernier album?
KA: Il y a des influences sixties, seventies, des choses plus soul, et des trucs plus mélodiques dans le style ballade. Pour faire un morceau, en général, le premier truc que je fais c'est de trouver une ambiance, et peu importe le style de celle-ci.
BM: Ta voix semble effectivement s'adapter à beaucoup de styles différents.
KA: Oui, c'est vrai que parfois je change ma manière de chanter. D'ailleurs cela ne me satisfait pas toujours. Pour être très franc avec toi, il y a des choses que je ne réitèrerai pas, parce que cela ne me va pas spécialement.
BM: Considères-tu alors que ta musique se cherche encore?
KA: Oui, car j’ai toujours ce besoin de tester de nouvelles choses. Il y a des trucs qui m'intéressent et que j'expérimente, mais sur scène, il y a des choses qui ne fonctionnent pas forcément comme sur le disque. Et puis j'évolue dans un milieu plutôt garage, rock'n'roll, et ce n’est pas évident de faire passer des chansons plutôt tranquilles, genre ballades, en concert.
BM: Pour ton arrivée sur le marché français, un album ‘live’ n'aurait-il pas été plus représentatif de ton univers musical?
KA: Non, de toute façon, je n'aime pas les albums ‘live’. Je n'en ai jamais beaucoup acheté, ou alors il fallait vraiment que je sois très fan du groupe…!
BM: Quels albums live as-tu donc?
KA: Bob Log, bien sûr, (rires) et puis quelques vieux groupes comme les Cramps, dont j'étais fan quand j'étais ado.
BM: Tu as joué de la batterie, mais qu'est-ce qui t'a donné envie de t’exprimer avec un orgue, une guitare, un clavier et un harmonica?
KA: Moi, je suis fan de plein de groupes différents, donc, il fallait que j'arrive à restituer ces nombreuses influences tout seul. L'orgue, par exemple, c'est pour restituer l’atmosphère des groupes des sixties, et qui utilisaient l'orgue Hammond ou le Farfisa. J'aime bien le son qu’ils avaient, à cette époque là.
BM: Mais tu ne joues pas du Farfisa…
KA: En fait, j'utilise un clavier qui imite le son du Farfisa.
BM: Et quel son de guitare recherches-tu?
KA: Un son assez sec, plutôt anglais, celui des années 60 et que produisaient des groupes comme The Kinks, par exemple. Je joue sur une guitare Custom qu'un pote à moi a fabriquée.
BM: Depuis combien de temps est-ce que tu joues en one man band?
KA: Cela fait dix ans que je m'y intéresse, mais je ne m'y consacre totalement que depuis 2005. Le dernier groupe auquel j'appartenais, Thunder Crack, a cessé de jouer en 2003 alors que pourtant c’est cette année là que nous avions sorti notre deuxième album chez Estrus, un label américain.
BM: Et côté albums, depuis que tu t’es lancé en one man band ?
KA: Je fais un album tous les deux ans. Ce n’est pas énorme, car il y a des artistes qui en enregistrent tous les 6 mois! Moi, je fais des tas de petits trucs, entre les albums, car j'aime bien prendre mon temps. Je fais aussi des musiques de films pour un ami à moi, dont la boîte s'appelle Slowboat Film. C’est lui qui a réalisé un documentaire intitulé The Folk Singer, qui parle des racines de la musique américaine, et actuellement il fait un film sur les personnes qui vivent en dehors du système, aux Etats-Unis. Il a rencontré et interviewé Noam Chomsky, à cette occasion.
BM: Qui écrit les textes et qui compose les musiques de tes chansons?
KA: C'est un ami qui écrit les textes. Il s'appelle Rich Deluxe. C’est un anglais, un exilé londonien qui habite Nancy. En général, on se fixe une date, on se voit et on réfléchit ensemble sur des idées de chansons. Lui, il a une plume très fluide et les idées lui viennent très rapidement. Et comme l'anglais est sa langue d'origine, alors cela aide, évidemment…
BM: Sur ton dernier album, toutes les chansons sont interprétées en anglais sauf une, ‘Le redresseur de tort’. Qui l’a écrite, celle-ci?
KA: Moi…
BM: Que peux-tu nous dire sur ce texte, et pourquoi ce titre?
KA: Il fallait que je trouve quelque chose qui me corresponde bien, donc, je me suis dit qu'il fallait me lancer dans l'écriture d'une chanson. Elle raconte l'histoire d'un mec payé par quelqu’un pour aller récupérer du fric auprès d'une troisième personne. Et tout ça dans une ambiance un peu polar, noire et humoristique à la fois. Cela s'inspire un peu des films d'Audiard, avec le phrasé populaire, l'argot, le verlan. Mon grand-père parlait comme ça, car il était parisien.
BM: Est-ce le signe qu’il y aura un plus de chansons en français sur ton prochain album?
KA: J'aimerais bien, mais je ne suis pas capable de dire combien je pourrai en écrire. Cela m’oblige aussi à chanter différemment et il faut que les mots sonnent bien entre eux. C’est une vraie galère! On a moins ce problème en anglais. Et puis je n'ai pas énormément de choses à dire, contrairement à mon auteur anglais, car chez lui, un rien l'inspire. Il voit un verre de vin sur une table, près d’un cendrier, et d’un coup, ça va lui inspirer une histoire. Moi, je suis incapable de faire ça.
BM: Quel rapport as-tu avec tout ce qui est électronique?
KA: Ce n'est pas trop mon truc, même s’il y a quelques arrangements sur le disque, comme des chœurs ou des choses comme ça. Ce sont des choses qui sont possibles sur le disque mais que l’on ne peut, évidemment, pas retrouver sur scène.
BM: On te voit peu en France. Quels sont les pays où tu tournes le plus?
KA: J’ai peu tourné en France. Par contre, j’ai tourné en Suisse, en Allemagne, en Belgique, en Italie, en Autriche, en Espagne, au Portugal,… En France, ça a été plus long à démarrer. D’ailleurs, la plupart des groupes dans mon style se produisent peu en France. En gros, je dirai que je fais une soixantaine de concerts par an, ce qui fait quatre par mois, mais cela me va bien, car j'aime aussi être chez moi pour pouvoir enregistrer, et faire d'autres choses. Et puis j'ai aussi une vie de famille et des projets parallèles, comme les musiques de films, dont je te parlais tout à l’heure. Je suis un autodidacte dans tout ce que je fais. Par exemple, j'aime bien également créer des pochettes. Et puis mes disques, je les enregistre aussi chez moi, car comme ça je prends le temps que je veux pour les faire, et je ne dépends de personne.
BM: Aurais-tu un message à faire passer à nos lecteurs?
KA: Ha oui… ! (rires) Venez nombreux aux concerts. Arrêtez d'aller en boîte et venez plutôt découvrir les artistes en live…!!! Je vais vous donner un exemple: en Belgique, la fête de la musique dure cinq jours alors qu’en France, pays qui a créé cet événement, ça ne dure qu’une journée… Et puis ici, on aide les groupes français s’ils chantent en français, ce qui est très réducteur, et c'est sans doute pour ça que j'ai encore peu tourné en France. Sinon, tu restes cantonné à des milieux underground alors qu'à l'étranger il y a une attente et un intérêt pour les chansons en français. Comme quoi ce ne sont pas les artistes chantant dans la langue de leur pays qui sont favorisés, et il faut croire que les majors ne sont pas très attentives à cette demande… Le mieux, pour vos lecteurs, c’est de venir me voir en ‘live’, lorsque je passe en France, et ils jugeront sur place.