ITW : PETER NATHANSON – ‘OPIUM KISS’ Confidences

ITW préparée et réalisée par Alain AJ Blues
Photos : © Alain AJ-Blues
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Peter Nathanson, bluesman originaire du Massachusetts, un des meilleurs guitaristes de sa génération fait partie des artistes que l’on ne présente pas, tant sa réputation n’est plus à faire. Je me souviendrai toujours de ma première rencontre avec Peter : elle date de novembre 2009, c’était lors du festival de Blues sur Seine. J’ai découvert non seulement l’artiste, mais également ce personnage authentique, sincère et disponible, ce Peter au grand cœur. Depuis, je l’ai retrouvé à plusieurs reprises, avec toujours autant d’émotion, et en ce soir du 8 avril 2017, avant le concert et dans l’intimité de la loge du Pitchtime, à Dourdan, partageons ensemble avec vous, amis lecteurs de Paris-Move, quelques confidences avec ce ténor de la 6 cordes, celui que notre rédacteur en chef a surnommé ‘le tueur de Boston’.

Alain AJ Blues : Bonsoir Peter, je te remercie infiniment de m’accorder cette interview. Nous la consacrerons essentiellement à ton actualité récente, c’est à dire ton nouvel album, ‘Opium Kiss’, le huitième tout de même.

Peter Nathanson : Avec grand plaisir, Alain. Ce sera même d’ailleurs la première interview concernant cet album, car l’occasion ne s’était pas encore présentée, et je suis très heureux d’en parler avec toi. Et ensuite nous parlerons Blues, bien sûr.

Commençons  par le producteur de cet opus. Je te laisse le soin de nous le présenter, car cela parait à peine croyable.

J’arrive à un stade de ma vie où j’ai cette chance d’avoir ce producteur mythique à mes côtés. Pour comprendre comment cela s’est passé, il faut remonter en 2012. Je jouais lors de la première édition du festival  Douchapt Blues en Dordogne, dont Jean-Luc Warnier est le directeur. Après le concert, un ‘vieux Monsieur’ vient vers moi et me dit qu’il aime ma voix haute et ma musique. Nous discutons ensemble et il me dit être Geoff Haslam. Ce nom me dit vaguement quelque chose, mais le soir-même je recherche sur le net pour en savoir plus. Et quelle surprise quand je découvre qui est Geoff Haslam ! Ce producteur anglais qui a travaillé à New York pour Atlantic Records et qui a produit dans les années ‘70 et ‘80 un grand nombre d’artistes et de groupes comme Bette Midler, Cactus, Yes, The Velvet Underground, The J.Geils Band et Manhattan Tranfer. Le lendemain, Geoff me recontacte et me demande si nous pouvons nous retrouver au mois d’août à Paris pour déjeuner ensemble avant son retour en Angleterre. Et donc à Paris nous avons parlé de mon projet, de mon prochain album. Il a apprécié ce que je proposais, mes compositions proches du Blues du Delta, tel le groove de ce titre, ‘I Want You’.

Comme quoi la vie réserve toujours de belles surprises, comme cette rencontre improbable, peut-être un signe du destin, n’est-ce pas ?

Effectivement. Ensuite j’ai travaillé durant deux ans et demi  sur les compositions à venir. C’était beaucoup de travail, bien sûr, mais j’étais très motivé. En 2015 j’ai retrouvé Geoff à Londres, avec ses musiciens, pour premièrement travailler ensemble sur mes compos et aboutir à l’enregistrement.

Peux-tu nous présenter ces musiciens ?

Bien sûr ! Ils sont anglais, et ce sont des musiciens de studio expérimentés qui jouent également avec différents groupes. Le guitariste, Dan Anderson, a joué en Grande Bretagne et en Amérique et il a enregistré avec de nombreux artistes. Le batteur, Chris Page, a accompagné Big Bill Morganfield, Eddie Kirkland, The Collin John Band et beaucoup d’autres en Europe, au Japon et aux USA. Le claviériste, Tom Hughes, a joué avec Phil Guy, Billy Bragg, Eddie Floyd. Le bassiste, Laurie Higgens, joue et a joué dans différents styles, Jazz, Blues, Rock, auprès de Julie Lewis, Big Bill Morganfield, Lightning Head et d’autres, car la liste est longue.

Envisages-tu de jouer en France avec ces grosses pointures ?

Malheureusement ce n’est pas possible, et c’est bien dommage, car tu dois t’en douter, le cachet ne serait pas approprié. Par contre, en janvier dernier, pour la promotion de l’album, j’ai fait deux concerts avec eux à Londres, dans ce club mythique qu’est le Troubadour, là où se sont produit Hendrix, Bob Dylan, Paul Simon, Elton John, Jimmy Page ou encore Robert Plant… C’était vraiment super ! Je pense d’ailleurs que c’est plus facile de jouer en Angleterre qu’en France. Un agent essaie de monter pour moi une tournée en Angleterre pour la fin d’année. C’est en projet, et espérons que cela se concrétise.

Tu es toujours fidèle à la même guitare, celle qui comme toi a bien vécu, marquée par les affres du temps, mais qui comme toi également n’a pris aucune ride.

Ha ha (rires), je l’aime ma Strato. Elle et moi ne faisons qu’un. Je vais te dire, c’est dans ma tête, mais je suis toujours à la recherche de ‘mon son’, et je ne l’ai pas encore trouvé. Je m’en suis approché avec ‘Opium Kiss’, qui pour moi est l’album le plus abouti. Je vais te conter une petite anecdote : il y a longtemps déjà, j’étais venu sur un festival avec 4 guitares, et certaines personnes, dont des journalistes, ont dit « Tiens, Peter est venu pour faire une exposition de guitares ! ». Je t’assure, cette réflexion n’était vraiment pas sympa, je n’ai pas apprécié. C’est pourquoi je continue de jouer avec ma vieille Strato, et avec elle, je le répète, je continue de travailler et j’aboutirai à trouver ce son qui est dans ma tête, car c’est une recherche perpétuelle pour moi.

Comment toi, tu qualifies ton Blues ? Non seulement celui de ton dernier album, mais celui de ta discographie, en général ?

Je le qualifie principalement de ‘Texas Blues’. Bien sûr, je peux rajouter quelques touches jazzy ou autres, mais il faut rester à la frontière, ne pas dépasser la limite, pour conserver toute la puissance du Texas Blues. Il faut que le jeu de guitare soit ponctué de hargne, tu vois, et je dirais même de méchanceté dans le phrasé. Il faut qua ça pète, pour conserver ce qui pour moi est l’âme du blues.

La dernière fois que nous sommes rencontrés, Peter, il y environ un an, je t’avais fait cette remarque, te disant qu’à certaines périodes tu ne jouais pas beaucoup avec ton propre groupe, mais plutôt en additionnel avec d’autres musiciens. Pouvons-nous revenir sur ce sujet ?

Bien sûr, Alain. J’ai ma conception sur ce sujet. Je pense qu’un musicien doit toujours renouveler son répertoire et apporter des nouveautés pour premièrement, le respect du public, et deuxièmement pour éviter que ce dernier ne se lasse. Donc, si je n’ai rien de nouveau à proposer, tout en continuant à me faire plaisir, je préfère faire le bœuf avec des amis, comme je l’ai fait par exemple avec Jean Patrick Capdevielle, Nina Van Horn, Philippe Grancher, Boney Fields, Steve Verbeke, Anne Papiri, en première partie de Michel Sardou durant 11 jours, ou encore avec Buddy Miles, le batteur de Hendrix, au New Morning, et également avec l’américain Scott Richardson. Actuellement, je joue avec les musiciens de Los Wackos et j’accompagne à la guitare Lottie, une jeune artiste très talentueuse, dont je suis le producteur.

Maintenant, Peter, ouvrons une petite parenthèse concernant les festivals de Blues en France. Les grands festivals donnent souvent la priorité aux groupes étrangers, principalement américains. Certains d’ailleurs font venir, et ce n’est pas d’aujourd’hui, des artistes qui n’ont absolument rien à voir avec le Blues. Je ne veux faire aucune polémique, bien sûr, mais plutôt l’approche d’une réflexion avec toi. La plupart des petits festivals privilégient les groupes français, et c’est tant mieux. Tu fais partie de ces musiciens de Blues et tu n’es pas le seul à ne pas accéder à ces évènements, mais toi, en plus, tu es un bluesman américain mais aussi un bluesman français. Qu’en penses-tu ?

C’est très bien, ce que tu dis. J’ai joué sur des festivals comme Cognac, Cahors, Le Buis, Blues sur Seine…, mais il faut dire, me concernant, que lorsque tu quittes les USA pour venir jouer en France, certaines personnes dans ce milieu de la musique pensent que là-bas tu n’étais pas un bon et que c’est pour cette raison tu es venu t’installer en France. Ca, c’est déjà la première chose qui me fâche, car je suis arrivé en France en 1989, uniquement pour l’amour de ma femme, pour vivre avec elle.
Comme je le dis souvent, aux USA j’ai partagé la scène et joué avec de nombreux bluesmen de Boston à Austin, en passant par Los Angeles. J’ai commencé à joué en France avec de petits groupes en 1993 et j’ai sorti mon premier CD l’année suivante. J’ai surtout beaucoup enseigné la guitare et formé de nombreux élèves dans différents endroits comme la prestigieuse Music Academy International à Nancy, qui est l’école de référence. J’ai également travaillé pour les marques de guitares Gibson et Fender comme démonstrateur. Pour ces raisons, des musiciens, des tourneurs, des organisateurs de festivals ne me reconnaissent pas comme étant un vrai bluesman. Je ne suis pas reconnu pour ce que je suis, c’est à dire un guitariste de blues, un guitariste de scène. Par manque de respect, ces gens ne connaissent pas assez le Blues et te collent dans un moule. C’est la deuxième raison qui me fâche, et celle-ci, énormément. Par contre, le public ne se trompe pas et il m’apprécie toujours en tant que tel.
Voilà, c’est mon coup de gueule, il est légitime.

Merci Peter, j’aime lorsque l’on ne pratique pas la langue de bois et je t’approuve. Restons dans le Blues de l’Hexagone, quels sont tes guitaristes préférés ?

Il y en a quelques-uns… Mais pour moi, Stan Noubard Pacha, Fred Chapellier, Bernard Sellam et Arnaud Fradin sont pour moi les meilleurs !

Peter, habituellement tu joues en trio, et ce soir tu es en quatuor. La famille grandit…

J’ai invité Gilles Gabisson à l’harmo pour ce concert. Tu verras, il est excellent ! Après coup, je me dis qu’un harmo à la place de la deuxième guitare dans ‘Opium Kiss’ aurait bien rendu également.

Encore merci, Peter, pour ces précieux moments passés auprès de toi pour cette interview. La soirée ne fait que commencer, et comme d’habitude je me réjouis du concert à venir. Je termine avec un peu d’humour : sais-tu que notre rédacteur en chef à Paris-Move te surnomme le ‘Tueur de Boston’ ?

Non, je ne le savais pas. Le ‘Tueur de Boston’… J’aime ! Dis-lui que cela me va bien !

Je lui dirai. Et bon concert, Peter !

ITW préparée et réalisée par Alain AJ Blues
Photos : © Alain AJ-Blues
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