ITW de Mo Al Jaz à propos de son album “Blues Of Little Walter”
ITW préparée et réalisée par Dominique Boulay pour Paris-Move
.
Le tout Paris Blues parlant de cet artiste comme LA révélation musicale de l’année, il était primordial que je rencontre ce musicien pour faire plus ample connaissance. Deux excellentes chroniques sur PARIS-MOVE (ici) et une dans Blues Magazine justifiaient donc pleinement une visite au Balajo, à Paris Bastille, où l’artiste donnait un concert le mercredi 28 juin 2017.
Paris-Move: Peux-tu tout d’abord nous dire ce que signifie ton nom, Mo Al Jaz ?
Mo Al Jaz: C’est tout simplement un diminutif de mon nom.
Peux-tu brièvement nous résumer ta biographie musicale ?
J’ai joué dans différentes formations de Chicago blues dans les années 80 (dont un groupe qui s’appelait Back Door Man) dans la région de Clermont Ferrand, ville ou j’habite depuis mon adolescence. Je suis né dans la région Auvergne, à Montluçon, dans l’Allier. Pendant plusieurs années, dans les années ’80/90, j’ai joué en duo avec un ami british, John Brassett, venu s’installer dans la région. Nous avons à l’époque écumé les clubs, concerts et festivals de France et de Navarre. Il jouait un blues plutôt particulier, je dirais entre le blues, les ballades country, le folk et le rock. Il appelait ça du “Real modern Blues”! On partait régulièrement jouer en Angleterre, deux à trois fois par an. Souvent pour des petites tournées de 10 à 15 jours. On jouait dans les pubs de Londres, Birmingham… jusqu’au pays de Galles. Ca a été une très bonne expérience pour moi. Qui a duré quand même 8 ans. Mais à un moment donné, il a fallu que ça s’arrête car je n’avais pas vraiment les mêmes inspirations. Je me suis bien marré avec lui et j’ai appris beaucoup. Nous avons même eu le privilège de faire ensemble le premier festival de Blues Passions de Cognac!
J’ai ensuite monté ma propre formation de Chicago blues en 1992, Mo and the Reapers, avec des musiciens de ma région. Cette formation existe toujours mais les musiciens ont souvent changé suite aux aléas de la vie. Nous avons eu ensemble l’occasion de jouer sur de nombreux festivals dont Cognac, Cahors et bien d’autres, et nous avons aussi fait de nombreuses ouvertures de Chicago blues festivals. Il y avait à la batterie Denis Cusumano, Bernard Maridet à la basse et Jean Michel Borello à la guitare. Nous avons eu l’occasion de faire 5 albums ensemble. De nombreux titres étaient écrits par Mister Borello, avec qui je partageais le chant.
Mo Al Jaz, es-tu professionnel ou amateur? Intermittent du spectacle qui vit pleinement de son art ou bien condamné à faire de l’alimentaire à côté?
J’ai toujours joué en amateur jusqu’à aujourd’hui. Pour moi le blues c’est une passion depuis très jeune. Je joue avec des amateurs comme avec des pros et j’envisage de passer le cap pro prochainement.
Ne joues-tu que de l’harmonica ou bien pratiques-tu également un autre instrument?
J’ai commencé à jouer de la guitare quand j’étais ado, malheureusement un accident m’a obligé à stopper. Je me suis rabattu sur l’harmonica. Normal, j’étais déjà fan de Little Walter, Sonny Boy Williamson et Walter Horton!
C’est ce qui explique donc le choix de ce premier CD sous ton nom, Mo Al Jaz, et qui ne contient que des titres de Little Walter?
Oui, c’est le premier album en mon nom. Little Walter a toujours été mon harmoniciste favori, et il y en a d’autres bien sûr, en particulier SBWII, mais lui a exercé une attirance particulière. Sa façon d’appréhender les titres, ses instrumentaux, je les écoute et les suit comme un poème. Tous ses chorus sont travaillés dans le moindre détail et, crois-moi, des détails, il y en a un paquet, ne serait-ce que dans un seul petit phrasé! Et puis le son inimitable, amplifié, le feeling et un swing extraordinaire, un ressenti, waouh!!! Et puis la vie du mec, quoi…! C’était un écorché vif. Ses titres resteront à jamais gravés dans la pierre et inspireront encore des générations d’harmonicistes. Il est l’un des plus grands représentants de l’harmonica et du Chicago blues sound. Il ne sera jamais égalé!
Voilà un artiste qui a manifestement exercé plus qu’une attirance pour toi?
C’est plus qu’une attirance pour moi, et j’ai voulu lui faire cet hommage non pas en interprétant simplement ses titres comme beaucoup l’ont déjà fait, mais plutôt en tentant de recréer l’ambiance musicale des Studios Chess de l’époque, le feeling, le jeu et le son des guitares, et bien sûr en m’approchant au plus près de ses solos d’harmonica. C’est seulement en écoutant dans le détail que l’on peut se rendre compte que c’était un véritable génie! Little Walter est inégalable!
Le producteur Little Victor, en écoutant le résultat de mes enregistrements, a très vite compris mon idée et a poursuivi dans le même sens ce projet. Il a souhaité le produire et c’est devenu cet album “THE BLUES OF LITTLE WALTER” by Mo Al Jaz and Friends, pour se rapprocher encore plus de l’original, avec la pochette que l’on connaît. Je voulais que l’on ait en main un objet d’art, comme à l’époque, dans les 50’s. Une magnifique pochette qui, je le rappelle, est une peinture de Little Walter en noir et blanc. De plus, le macaron sur l’album a été reproduit dans le même style que les originaux de CHESS et les titres que j’ai choisis et interprétés ont été pour la plupart au Top dans les Charts du Billboard american. La musique, les guitares, le son rappellent vraiment les albums sortis dans les 50’s et sont un clin d’œil aux studios CHESS à Chicago. J’en suis fier…!!!
Je sais que sa fille t’a proposé de venir interpréter ces morceaux à Chicago. Peux-tu nous raconter comment tout cela s’est passé?
J’ai voulu avant quiconque faire écouter cet enregistrement à celle qui me paraissait être le plus proche de Little Walter, sa fille Marion, à Chicago. Avoir son point de vue. Je ne te cache pas que je flippais, car quand on connait l’œuvre de son père… Et à ma grande surprise, trois jours après l’envoi, je reçois via FB une réponse de Marion qui me félicitait, moi et les musiciens, et qui en plus rajoutait à mon attention: “DAD APPROUVED”!!! Tu me croiras ou pas, mais j’étais sur une autre planète! Elle rajouta dans son message qu’elle m’invitait à Chicago pour la célébration de l’anniversaire de son père, le 3 Mai, au Buddy Guy’s legends! Là, je ne savais plus quoi faire ni répondre. Les questions défilaient dans ma tête. J’en ai parlé à des amis proches, qui m’ont encouragé à y aller. Benoît Blue Boy m’a dit “Faut pas louper l’occasion, vas-y!”. Je me suis décidé et voilà comment je me suis retrouvé au cœur de Chicago, la ville mythique du Blues et des Studios CHESS dont j’avais toujours entendu parlé et qui a produit tant de bluesmen.
J’ai fait connaissance avec Marion au Buddy Guy’s. Nous sommes tombés dans les bras l’un de l’autre comme si on se connaissait depuis toujours. Ce moment a été intense et le plus fort en émotions de mon séjour! Elle m’a présenté Rosa Branch, l’épouse de Willy Branch, qui m’a conseillé et indiqué des clubs où on m’invitait à jouer. Cela n’a été que succession de moments de bonheur! Le “grand soir”, pour la célébration de l’anniversaire de Little Walter, il n’y avait que du beau monde. Je croyais rêver. Les grandes familles historiques du Chicago blues étaient toutes là, réunies au même endroit, les descendants de Muddy Waters, Willy Dixon, Jimmy Rogers, Lonnie Brooks, pour ne citer qu’eux. Il y avait de nombreux invités, dont Jimmy Johnson, Eddy Clearwater, Billy Branch, Carlos Johnson, Mike Leadbetter, Sugar Blue, Matthew Skoller, Nelly Travis, Cookie Taylor…. (photos de la soirée sur Chicago Blues News ICI). Et à ma grande surprise, quand on m’a apporté la liste du programme, j’y ai vu mon nom, Mo Al Jaz, car je figurais sur la liste des invités sur scène! Cela m’a quand même fait un petit choc!
Les musiciens sur l’album ne sont pas les mêmes que lors du concert du Balajo du 28 juin 2017. Dis-nous quelques mots sur Dexter Shaw et David Imir, Francesca Shaw et Robert Pokorny…
Effectivement, les musiciens ne sont pas les mêmes que sur l’album, pour une question pratique et surtout de disponibilité. Dexter Shaw est un musicien complet puisqu’il joue aussi bien de la guitare, de la contrebasse que de la batterie, il possède une superbe voix et il est ingé-son en plus. Il m’a été d’une grande aide. Il est anglais, de Londres, et s’est installé en France du coté de Rodez où il vit avec sa femme depuis quelques années. Francesca, sa fille, était à la contrebasse. Elle vit toujours à Londres, comme Robert Pokorny, le batteur. Ils se produisent régulièrement dans les clubs londoniens. David Imir, seconde guitare, est français et vit à Toulouse. Je les ai rencontrés via les réseaux sociaux et découvert leurs vidéos sur YouTube. J’ai proposé à Dexter mon projet et il m’a immédiatement répondu “OK, It’s a Great challenge, Mo”. Il m’a proposé sa section rythmique et David nous a rejoints aussitôt sans hésitation.
Le studio La Trappe se trouve dans la région de Toulouse. As-tu l’habitude d’écumer cette région peuplée de fans du Blues?
J’ai pas mal d’amis musiciens sur Toulouse, et David Imir est lui aussi sur Toulouse. Malheureusement ils me disent tous que les lieux ferment tous les uns après les autres et qu’il ne reste pas grand-chose. Dur dur. J’ai choisi le studio de La Trappe pour deux raisons. Premièrement c’est un studio 100% analogique, et secondo il est à proximité de Toulouse, donc pratique pour les vols internationaux, contrairement à Clermont Ferrand.
Ceux de l’autre soir, au Balajo, étaient non seulement des copains, mais constituent également le Gotha du Blues. Quelle relation as-tu avec Nico Duportal, Stan Noubard Pacha, Thibault Chopin et Simon “Shuffle” Boyer?
Eux, ce sont tous des amis de très longue date! Nos chemins se sont croisés de nombreuses fois et nous avons très souvent eu l’occasion de jouer ensemble. Et il y a déjà un sacré moment que nous faisons cela. Et quand je regarde un peu en arrière, je me dis que le temps passe vite, très vite…! Je les apprécie beaucoup pour leur choix professionnel, pour leur talent, leur générosité, et surtout parce que ce sont des gars qui ont le cœur sur la main. Je les adore! Merci, les gars!
Et Benoit Blue Boy?
J’ai croisé Benoit pour la première fois il y a déjà un bail, à l’époque avec Patrick Verbecke, et j’ai toujours aimé ce qu’il faisait. Chanter et jouer le Blues en français comme il le fait, CHAPEAU BAS, et je dis BRAVO! Benoit Blue Boy, c’est “LA POINTURE” du Blues français. Je l’ai abordé une fois en concert entre deux sets, il m’a dit les mots qu’il fallait, et ça m’a touché. Ce jour là il m’a offert son album comme ça, sans que je ne lui demande rien! Je ne suis pas sûr qu’il s’en souvienne, mais moi si…! Dans la vie, il y a des gestes et des mots simples qu’on ne peut pas oublier et qui font toute la différence. Moi j’y suis très sensible. Je suis donc allé tout normalement vers lui pour lui demander conseil par rapport à cet album, et pareil, il m’a donné les bons conseils. C’est pour moi un personnage incontournable, qu’on a tous envie de connaître et avoir dans ses amis. Merci Benoit !
Mo Al Jaz, toi qui fréquente le haut du panier du Blues français et qui connait pas mal de musiciens américains, as-tu noté des différences notoires et des similitudes entre les artistes des deux côtés de l’Atlantique?
Il y a eu, à un certain moment, des différences, oui, certainement. Les ricains sont généralement plus cool, c’est leur musique et ils se donnent à fond dans leur style. Aujourd’hui, en France, le niveau musical a énormément évolué dans ce style de musique. Seul reproche que je ferais, si je peux me permettre et sans m’attirer les foudres de personne, c’est qu’on trouve aujourd’hui beaucoup de blues-rock des deux côtés de l’Atlantique qu’on qualifie de Blues. Je n’ai rien contre, mais je trouve ça dommage, car il y a plein de groupes qu’on ne voit jamais dans les festivals et qui pourtant mériteraient d’être écoutés. Ils jouent le Blues trempé, qui pourrait venir des Bayoux, du Mississippi, du fin fond du Texas… ou un rockin’ blues qui swing et qui bop!
Tu vas défendre ce magnifique album durant les mois à venir. As-tu déjà quelques dates programmées?
Oui, je vais défendre cet album qui est aussi un vrai projet, “The Blues Of Little Walter”, et déjà de nombreuses et bonnes chroniques sont parues dans les revues spécialisées en France, en Europe et aux Etats Unis (*). J’ai parfaitement conscience que je ne suis qu’une goutte d’eau dans l’océan mais c’est bien, et je suis content. Je remercie Little Victor, producteur américain (multi- Awards) de cet album et le Label Rhythm Bomb Records qui m’a intégré dans son catalogue et qui s’occupe de la promotion et la diffusion de cet album. Tout cela va me permettre maintenant de prospecter pour les concerts et festivals en France et à l’étranger pour la saison prochaine car malheusement la saison 2017 est déjà bien entamée. Si tu me le permets, j’en profite pour lancer un appel aux programmateurs de concerts et festivals! Toutes les infos et booking sont sur mon site web, sur cette page: ICI
.
(*) Toutes les chroniques de l’album de Mo Al Jaz en ligne, ICI
Peux-tu nous dire quelques mots sur tes autres projets?
J’ai dit récemment à Little Victor que j’allais commencer à travailler sur un autre projet et il m’a répondu: “La promo de ton album THE BLUES OF LITTLE WALTER vient à peine de commencer. Alors laisse tomber, tu verras ça plus tard. On a encore le temps! Ha-ha!”. Mes autres projets vont donc attendre un peu, car Little Victor a raison, priorité absolue à la promo de cet album.
Mo Al Jaz, souhaites-tu rajouter encore quelque chose à destination de nos lecteurs par rapport à cet album?
Oui, bien sûr. Ce que je peux dire d’abord au lecteur, c’est que cet album-hommage à Little Walter est, me semble-t-il, l’une des plus cool réalisations faites à ce jour, d’après les critiques et chroniques tant en France qu’en Europe ou aux USA. Marion Jacobs Diaz, la fille de Little Walter, ainsi que la “Little Walter blues foundation” le disent également. Savoir que ça a été fait en France, par un français, dans un studio paumé près de Toulouse, ça en épate plus d’un. Comme l’a annoncé récemment la prestigieuse revue anglaise “Blues And Rhythm” (l’équivalent du “Livin Blues Européen), cet album mérite d’être entre les mains de tous les fans de blues, les fans d’harmonica, du son CHESS des années 50 de Chicago, de tous les fans de Little Walter et de tous les collectionneurs à travers la planète. Des journalistes l’ont écrit, cet album est “unique”! N’hésitez donc pas à l’acheter et à l’offrir (**), car il deviendra un “collector”. Et à très bientôt, lors d’un prochain concert.
.
ITW préparée et réalisée par Dominique Boulay pour Paris-Move
.
(**) Album de Mo Al Jaz disponible ICI et ICI
Chroniques de l’album de “MO AL JAZ AND FRIENDS – The Blues Of Little Walter”, noté INDISPENSABLE par la rédaction de PARIS-MOVE: ICI
Extrait: “Voici sans doute l’une des deux ou trois plus crédibles re-créations à ce jour de la grammaire vernaculaire du Maître putatif du Chicago blues harp. Ce CD est à la fois un ovni, et le produit d’une admiration aussi sincère qu’érudite. Incroyable mais vrai, a labour of love, indeed.”