ITW – Flyin’ Saucers Gumbo Special

                              
                            ITW des Flyin’ Saucers Gumbo Special

ITW préparée et réalisée par Virgin B.
Photos : Virgin B.

C’est juste avant de débuter leur tournée comme ‘backing band’ de Sugaray que Fabio, Cédric et Fabrice, des Flyin’ Saucers Gumbo Special, ont bien voulu délaisser un instant leurs instruments pour me permettre de vous les présenter et vous rappeler que leur dernier opus, ‘Crawfish Groove’, avait enthousiasmé notre rédaction.

VB: La chaleur de votre blues, l'énergie du zydeco et une joie de vivre qui vous habite semble être la formule gagnante du groupe, exact?
Fabrice: Oui, tout à fait! Lorsque l'on se retrouve pour jouer, immédiatement la magie opère. On a tous envie de jouer la même chose au même moment, alors nos sourires sur nos visages s'illuminent et le son général du groupe s'en ressent aussitôt.
Fabio: Si le public ressort de nos concerts avec ce sentiment, c’est qu’on a réussi à faire passer notre message premier: prenez du bon temps!!!!

VB: En 2010, avec l'album ‘Crawfish Groove’, ce sont les compositions qui sont mises à l'honneur. Un album frais, épicé, que vous avez voulu festif. Un style qui vous caractérise, rempli de joie mais aussi de thèmes sérieux…
Fabrice: Complètement. On a voulu faire un album qui nous ressemble, car sur scène on est un groupe festif. Certains soirs, Fabio et moi grimpons sur des chaises ou des tables pour faire nos solos! Après, pour être franc, je suis moins sûr que toi en ce qui concerne les thèmes sérieux…, à part peut-être ‘Tsunami blues’.
Cédric: C'est un album qui est la juste photo de ce que l'on joue actuellement.

VB: Pouvez-vous vous présenter en quelques mots?
Fabrice: Moi, j'ai toujours été attiré par le spectacle. De neuf ans à vingt ans j'ai commencé comme danseur classique, j'ai appris à occuper l'espace d'une scène, comment me tenir face à un public, les préparations, les costumes,… Puis j'ai fait un an aux Beaux-Arts de Troyes, mais la guitare est très vite devenue mon unique moyen d'expression. Je composais des chansons, je montais des groupes, puis je suis parti en voyage et j'ai fait mes premières armes en faisant la manche à Sydney, en Australie, où j'y ai rencontré un ancien musicien de BB King, Percy Owens, avec qui j’ai travaillé. Je suis ensuite venu à Toulouse où j'ai joué un peu partout en duo avec Stéphane Bertolino (Awek) sous le nom de ‘Quasi Blues’. J'ai aussi eu plusieurs aventures musicales et j'ai même chanté mes compos en français dans un style plus personnel, voire pop/rock.
Fabio: De mon côté, j’ai baigné depuis tout petit dans un univers musical dans lequel on écoutait beaucoup de blues, de rock’n’roll et de jazz. Je pense que les premiers disques que j’ai écouté c’était ceux de Armstrong, Basie et Presley. J’ai fait un peu de piano au conservatoire quand j’étais gosse, mais rien d’exceptionnel à l’arrivée. Moi, je voulais déjà jouer les parties de piano de The Kid From Red Bank et on m’a expliqué qu’on allait commencer par Mozart. J’ai donc vite démissionné…, ou plutôt c’est au bout de trois ans qu’on m’a demandé de choisir un autre instrument. Alors j’ai proposé la contrebasse, pour faire comme Arthur Edwards, mais bon,…comme c’était pas le genre de la maison, j’ai laissé tomber la musique. Beaucoup plus tard, je me suis retrouvé à Chicago, dans le cadre de mes études, et je passais plus de temps dans les clubs qu’à l’université. C’est là que j’ai décidé qu’il fallait absolument que je retente de jouer de quelque chose.

VB: Et toi, Cédric?
Cédric:
Mon père étant musicien, j'ai baigné dedans depuis tout petit. J'ai fait des études musicales et commencé à jouer dans différentes formations dès mes quize printemps. C'est ma rencontre avec Zeb Heintz qui m'a fait plonger dans cette musique. Depuis, je multiplie les collaborations avec notamment Malted Milk, Bad Mules, Mister K, Tia , Xavier Pillac et j'en oublie…. Pardonnez-moi, les copains! (rire)

VB: Pourquoi le groupe s'appelle-t-il Flyin’ Saucers Gumbo Special? C’est lié à une anecdote particulière?
Fabrice:
Je ne sais pas trop, car je suis le tout dernier arrivant dans le groupe. Je crois que c'est un titre de blues, mais pour les anecdotes il faut voir ça avec Fabio, c'est un spécialiste du genre (rire).
Fabio: C’est en fait tiré d’un titre de Little Walter. Quand le groupe s’est monté, on avait essayé de jouer ce titre mais c’était pas possible de le faire sonner correctement, alors on a abdiqué pour le titre mais pas pour le nom. Gumbo Special a été rajouté il y a quelques années pour éviter toute confusion avec d’autres groupes ayant porté ou portant encore ce nom de Flyin’ Saucers, et puis ça colle bien au répertoire.

VB: Votre cuisine musicale a montré à travers votre dernier CD, comme lors de vos divers concerts, la multiplicité de vos styles. Quelles sont vos références musicales?
Fabrice:
Mes références sont diverses. J'ai toujours aimé ce qui était varié, genre Pink Floyd, Santana, Police, Clapton…, le blues n'étant que la source et l'essence de toutes ces musiques. J'aime le blues d'aujourd'hui, je vis avec mon temps, j'écoute Eli Paperboy Reed, Teddy Morgan mais aussi Paolo Nutini, Raphael Saadik et bien d’autres encore.
Fabio: Moi, je n’ai pas de références musicales à proprement parler, par rapport à ce que l’on fait, même si j’aime bien quand un de nos titres peut sonner ‘à la manière de’ ou ‘dans l’esprit de’. J’écoute énormément de choses tout en revenant régulièrement vers certaines valeurs sûres à mon goût. Même si ce que j’écoute tourne autour ‘des’ blues ou des musiques de Louisiane, je peux passer sans hésiter de Jimmy Reed à Fun Lovin’ Criminals. Après, reviennent régulièrement sur mes platines des albums de groupes que j’appelle ‘complets’, capables de passer d’un répertoire à l’autre comme Doug Sahm ou Los Lobos. Ensuite, je pourrais dire que pour l’harmo, j’ai toujours eu un faible pour Cotton même si j’adore Junior Wells, et pour l’accordéon j’irais plutôt chercher vers Chavis, Joe Mouton ou Beau Jocque.
Cédric: Pour moi aussi, les références sont larges. Néammoins, j'aime beaucoup la musique louisianaise avec des gens comme Dr John, The Meters, The Wild Magnolias. J'écoute aussi pas mal de soul, ces temps-ci, avec des gens comme Willie Walker & The Butanes, Raphael Saadiq. Par rapport à l'orgue, j'ai dévoré les disques de Tony Z, qui a joué avec Ronnie Earl et Buddy Guy. Quel son! Quelle énergie!

VB: Et pourquoi pas, un jour, une tournée au pays de gumbo, du zydeco et de Clifton Chénier…
Cédric:
J’espère que ce rêve deviendra réalité, un jour!

VB: Comment en êtes-vous arrivés à la musique? Et ce choix du blues festif, comment s'est-il imposé à vous?
Fabrice:
Je suis tombé amoureux de la guitare, sa forme et ce que l'on peut en faire. Avec une guitare, on n’est plus seul et c'est un bon moyen pour s'éclater entre copains. La musique rend euphorique, c’est un partage, une séduction. C'est saint, comme esprit. Ensuite, le blues festif n'a pas été un choix, mais plutôt un terrain d'entente. Nous, on sait qu’on peut s’éclater dans ce style plus que sur du jazz, par exemple. J'aurai toujours et encore besoin de me rouler par terre avec ma guitare! (rires)
Cédric: Ce choix s'est imposé à moi, ou ‘à l'insu de mon plein gré’, comme dirait un certain cycliste, au fur et à mesure que les années sont passées. Quant au choix du blues festif, je crois que cela correspond bien à notre esprit. On est là pour s'éclater, donner de la joie aux gens pour qu'ils oublient tous leurs tracas le temps d'un concert, de l’écoute de l’album. Et je pense que la musique louisianaise est pile dans ce registre, c'est ce qui me séduit!
Fabio: Bin…, en ce qui me concerne, c’est dans l’esprit de ce que je te l’ai expliqué un peu plus tôt. En fait, ‘le’ déclic s’est sans doute produit quand j’ai vu J.L. Hooker en 90, à Chicago. Ca m’a fait un effet du genre ‘Wouahhhhh, le mec il est là pendant une heure et il rend tout le monde hystérique. J’veux faire ça, ‘hystériqueur’!’. Je suis venu à l’harmo presque par hasard. On m’a dit que ça avait l’air facile, c’était donc un bon point pour moi, et personne dans les potes musiciens de l’époque n’en jouait. Y’avait donc une place à prendre. Le frottoir, j’ai décidé de m’y mettre après avoir assisté à un concert de C.J. Chénier. A la fin du gig, je suis allé tanner Clifford Alexander pour qu’il m’explique comment ça fonctionnait et, quelques heures après, j’envoyais un fax à Paul Orta par l’intermédiaire d’Eddie Stout qui bossait chez Antone’s, Paul étant difficile à joindre, pour qu’il m’en ramène un lors de sa prochaine venue sur Bordeaux. Quand à l’accordéon, ou plutôt le mélodéon, ça vient du fait qu’avec les Saucers on jouait du zydeco avec les parties accordéon jouées à l’orgue, mais que je voulais entendre cette sonorité. Donc je m’y suis collé il y a deux ans. Concernant le répertoire du groupe, si tu veux, à l’époque à laquelle il s’est monté, on ne connaissait personne qui faisait ce genre de truc dans le quartier, et comme ces styles m
usicaux nous éclataient à jouer et qu’il y avait une place à prendre….

VB: Fabio, tu es au chant, à l'harmonica, au mélodéon, au rubboard et tu es presque une sorte d’homme-orchestre au sein du groupe. Avec lequel de ces instruments t'éclates-tu le plus?
Fabrice:
A mon avis, c'est l'harmo.
Fabio: Franchement, je n’ai aucune préférence, même si pratiquant l’harmonica depuis plus longtemps, je peux prendre beaucoup plus de liberté avec cet instrument, donc m’amuser plus facilement quand, sur scène, on se pousse les uns les autres dans nos derniers retranchements. Mais étant plutôt un novice au mélodéon, je le découvre un peu plus à chaque fois que j’en joue, et comme j’aime bien le côté ‘on fonce dans le tas et on verra après’, j’y prends donc aussi beaucoup de plaisir. Tu sais, c’est assez neuf pour moi et je suis comme un gamin avec un nouveau jouet (rire). Et puis aussi, physiquement, c’est pour moi ultra plaisant à jouer. Ce que je veux dire, c’est que je n’ai pas l’air recroquevillé sur un petit truc devant la gueule (rire). Quant au chant, je m’y éclate quand ce que j’entends sur scène me donne une sensation de baigner dans la musique distillée par les copains. Ceci dit, on a la chance de jouer de plus en plus dans de bonnes conditions et je pense que le groupe a un vrai son de scène qui lui correspond bien, comme je l’aime, et donc je prends depuis quelques temps de plus en plus mes aises. Concernant le frottoir, comme on ne peut pas tout faire, je l’utilise de moins en moins sur scène. Et même sur disque, puisque j’ai demandé à Philippe Sauret de s’en charger, sur l’album. Physiquement, ça me manque un peu, parce qu’un truc endiablé au frottoir, ça défoule sec et il y a des titres, quand on les joue, il faut que je m’invente le frottoir dans la tête pour ‘entendre’ le petit plus rythmique.

VB: Fabrice, qu'est-ce que t'inspire le zydeco?
Fabrice:
Je suis allé à la Nouvelle-Orléans et j'y ai découvert cette musique festive, endiablée avec son washboard, tout en gardant ce côté rythm & blues que j'affectionne au plus haut point. C'est simple, c'est frais, ça pulse… Tout y est! C'est une musique d'échange entre les noirs et les blancs, car elle n'appartient pas plus aux uns qu’aux autres. Alors ‘yes’, on peut y aller, c'est parti…!

VB: Je me suis laissée dire que 2011 voyait les Flyin’ s'envoler par delà les frontières et accompagner un grand nom…
Fabio:
On part effectivement en tant que backing band pour Sugaray, un chanteur originaire du Texas basé à Los Angeles. Sur cette tournée, nous assurerons aussi quelques premières parties à la demande de plusieurs organisateurs. Nous partons pour trois semaines en France, Allemagne, Belgique et Lituanie…pour l’instant. Sugaray, c’est un artiste à découvrir absolument, chez nous, en France, même s’il est déjà venu à Blues sur Seine. Son album ‘Blind Alley’ a été superbement reçu par la presse spécialisée.
Fabrice: Et puis, pour nous, c’est une chance, une opportunité d'accompagner un vrai chanteur du cru, mêlant le gospel au blues. On pourrait presque dire que les Flyin’ partent en stage,…et rémunéré! (rires). Mon rêve, c’est de l'accompagner avec le groupe à Los Angeles!!

VB: A qui revient l'écriture des textes de vos morceaux, et les mélodies? Comment procédez-vous? Qu'est ce qui s'écrit en premier? Musiques ou textes?
Fabrice:
Cela se partage entre Cédric, Fabio et moi. En fait, nous n'avons pas de règles: Cédric ou moi pouvons amener un morceau clefs en main et alors le groupe s'occupe des arrangements, ou alors c’est Fabio qui amène un texte, il en chante la mélodie et on s'occupe du reste, ou encore on peut partir tout simplement d'un riff de mélodéon, par exemple, avec une vague idée de style, de rythme.
Fabio: On fonctionne effectivement souvent en ‘démocratie organisée’ pour l’écriture. Personnellement, j’aime bien apporter la base et qu’on s’attèle tous à la finition. Je garde en exemple la manière dont on a monté ‘Let’s Do It’: j’avais le thème, un truc typique zydeco et un couplet. Quand on s’est mis à bosser le titre, Stéphane, notre batteur, a balancé un Bo Diddley beat auquel on ne s’attendait vraiment pas, et alors que, pour moi, sur le papier cela aurait été limite hors sujet, lui, il avait trouvé le truc pour que ce morceau sonne avec l’énergie que je souhaitais…!

VB: Votre formation a-t-elle toujours été composée des mêmes membres?
Fabrice:
Non, je suis le dernier arrivant. Le gamin, quoi…, celui qui fout l'bordel, qui bouscule tout! (rires) Mais passer derrière Anthony Stelmazsack, c'était un sacré challenge. J'ai dû réfléchir à un autre jeu que lui,…le mien.

VB: On vous propose de faire revenir sur scène un grand nom du blues disparu. Qui ce serait?
Fabrice:
J'hésite entre Robert Johnson, Freddy King, Albert Collins ou Jimi Hendrix.
Fabio: Moi, ce serait Junior Wells, pour le voir jouer avec Buddy Guy, Clifton Chenier. Freddy King aussi, j’aurai bien aimé voir ça, et puis Doug Sahm, Muddy Waters avec Little Walter. Y en a toute une flopée, en fait…

VB: Vous êtes deux bretons, un toulousain et deux bordelais: un sacré mélange à la base, et de sacrées distances qui vous séparent. Comment vous organisez-vous?
Fabrice:
Hé bien…on ne répète pas. Et on voit deux ou trois trucs pendant la balance.

VB: Quelles sont vos attentes…
Fabrice:
J'espère jouer dans tous les festivals, de blues, de rock et autres musiques, car je ne nous considère pas seulement comme un groupe de blues. On joue notre musique, c'est tout.
Fabio: Cent pour cent d’accord…! On fait une musique d’inspiration louisianaise influencée par plein de styles de blues, mais dans un état d’esprit très rock’n’roll. J’espère qu’on va arriver à traverser les frontières et passer d’une chapelle à l’autre. Je veux juste prétendre à essayer de faire cette musique du mieux possible pour un maximum de monde, sachant que notre seule revendication c’est ‘venez prendre du bon temps avec nous, amusez vous, profitez de la soirée pour vous changer les idées et laissez vous aller!’. Mes efforts et mes attentes là-dessus seront toujours les mêmes, qu’il s’agisse d’un festival de renom ou d’une fête de village perdu au fin fond d’une région.