ITW des HarpSliders à Blues des Canuts – Radio Canut

                       ITW des HarpSliders à Blues des Canuts

Depuis la création du groupe, en septembre 1999, les rencontres avec le public ont été nombreuses et chaleureuses et les HarpSliders ont teinté de bleu tous les endroits fréquentés et les oreilles tendues vers eux, comme au bon vieux temps des ‘jug bands’ de New Orléans, Memphis ou Kansas City. Lauréats du Tremplin Blues sur Seine 2003, ils remportent le prix très convoité ‘Cognac Blues Passion’. Les voici donc à Cognac, en Juillet 2004, un mois d’autant plus important pour le duo qu’il marque la sortie de leur deuxième CD, ‘Solid Jive’. Quatre années de route et de scènes plus tard, le duo propose un nouvel opus, au titre provocateur, ‘Don't Buy Brand New Guitars’, dans lequel on les retrouve fidèles à leur philosophie: n'achetez pas de guitares neuves car c'est dans les instruments rustiques que vous trouverez l'âme des anciens pour créer la musique d'aujourd'hui. Ce sont les auteurs de cette pensée philosophique très blues que nous avons rencontrés pour vous, au micro de ‘Blues des Canuts’.


P : Un petit mot rapide, peut-être, pour présenter les HarpSliders?

H : HarpSliders est un groupe originaire de Cassel, qui est, pour information, à 176 mètres, le point culminant des Flandres. Ca fait près de 10 ans qu'on arpente les scènes hexagonales, du bar au festival, de la rue à la salle de concert. HarpSliders est composé actuellement de Manu Slide au chant, guitares, ukulélé, harmonica, kazoo, et de Papy Washboard à la batterie primitive, au washbord et au washtub. On aime particulièrement reprendre et arranger les titres oubliés ou méconnus du blues avec un son acoustique ou électrifié mais servi par des instruments uniques et souvent bricolés. On bosse aussi en ce moment avec un deuxième guitariste, un peu plus électrique, pour proposer une nouvelle formule, complémentaire au duo.

P : Vous avez commencé dans la rue. Est-ce le conseil que vous donneriez à quelqu’un qui veut débuter, aujourd'hui?
H : L'école de la rue est une bonne expérience dans la mesure où elle permet à la fois un spectacle spontané avec un public improvisé, mais aussi une grande liberté, dans le choix du répertoire et dans les déplacements, surtout quand les autorités arrivent, et surtout un rodage à toutes les situations. J'ai énormément appris par ce biais sur les gens, la scène, l'impact des chansons, et d’ailleurs il y a toujours des titres de cette époque dans notre répertoire. J'aime toujours la simplicité, le côté direct et sans tricherie de la rue. Et puis ça correspond aux débuts du blues, les premiers chanteurs vagabonds!

P : Votre meilleur souvenir de rue?

H : Le meilleur, je ne sais pas, mais un bon, oui, le jour où, sur un marché, un homme s'est approché de nous et nous a demandé ‘Are you american?’. Mais le plus chouette, vois-tu, est de s'installer, de sentir les sourires, les regards, les interrogations et de balancer tout ce qu'on peut en acoustique ou avec de petits amplis. Et la récompense suprême, c’est l'attroupement…et les billets qui volent (rires).

P : Vous êtes également intervenus auprès des enfants…
H : Oui, dès le départ, nous avons joué dans tous les contextes possibles, comme les brocantes, les rues piétonnes, les mariages, les maisons de retraite,… Alors naturellement, on a aussi essayé le public des enfants. Et puis, quand ‘Blues Box association’, qui nous encadre et produit nos disques est née, on a de suite travaillé à un spectacle de découverte et à une valise pédagogique à l'occasion de notre festival Rockin’ Blues.

P : Et dans le milieu hospitalier, aussi! C’est une démarche assez rare qui mérite d'être saluée et qui semble aller à l'encontre de la dynamique qui tend à arracher la musique de son ancrage dans la vie quotidienne pour en faire un produit marchand qui se consomme à des moments et des lieux bien précis. Comment envisagez-vous cette évolution de la ‘culture’?
H : Pour nous, il est en effet très important que cette musique reste ancrée dans la vie de tous les jours, comme elle l'a toujours été. Le blues, comme la country, est une musique populaire qui se nourrit de la vie. En milieu scolaire, les enfants n'ont pas d'a priori. Ils suivent quand ils sentent un rythme, réagissent bien quand ils voient des instruments joués en vrai, avec énergie et sincérité. On les fait pratiquer le blues, jouer des percussions, du kazoo, écrire leur propres blues. En milieu hospitalier, le blues est aussi apprécié pour sa sensibilité, ses qualités expressives, car l'essentiel reste la rencontre. Le blues est tellement peu médiatisé, ou alors mal, qu'on se doit de le défendre, comme des militants!

P : Vous organisez maintenant le festival Rockin' Blues, à Cassel. Sincèrement, est-ce que ça marche?
H : Oui, puisque nous en sommes à la 8ème édition et que nous faisons salle comble, ou presque, à chaque fois. Et les comptes sont équilibrés, chaque année,… sans doute à cause des prix démocratiques que nous pratiquons et qui permettent aux gens de venir. Notre but est de promouvoir la musique vivante et de faire découvrir à un large public local comme aux plus purs amateurs, des musiciens que nous aimons. Souvent c’est parce que nous les avons rencontrés sur les routes du blues et que nous avons sympathisé. Les retours du public, comme des musiciens et des bénévoles, sont souvent très élogieux. Alors on se sent appréciés,…et on continue.

P : Comment vous y prenez-vous, pour faire votre programmation?

H : Comme je te le disais, on connaît les musiciens pour les avoir rencontrés, entendus et donc appréciés. Ou alors, comme on reçoit aussi pas mal de démos, on connaît toujours quelqu'un qui les a déjà rencontrés. Et puis quand un groupe vient de loin, on essaie de le faire jouer aussi à côté, chez des amis, pour un ou deux concerts de plus.

P : Le fait d'avoir été lauréat de l’édition 2003 du Tremplin du Festival Blues-sur-Seine et de remporter le prix Cognac Blues Passion a-t-il eut un impact sur le déroulement de votre carrière?

H : Tu sais, franchement, on ne raisonne pas en terme de carrière, d'autant qu'on reste des musiciens amateurs. On est avant tout des passionnés, mais ce genre de coup de pouce nous a permis de jouer dans d'autres régions et d'y acquérir une réputation sur scène. Cognac reste un moment important et gravé dans nos mémoires pour les superbes scènes qu'on nous a donné à faire comme pour les personnes rencontrées! Et il est vrai que c'est un des premiers grands festivals qu'on a fréquentés, avec une certaine reconnaissance du milieu blues.

P : Comment envisagez-vous l'avenir du blues en France…et dans l'histoire de la musique en général, puisqu’on y est?
H : Sommes-nous les mieux placés pour disserter sur l'avenir du blues? Euhhh…, non. Par contre, nous constatons toujours, chez les musiciens que l'on rencontre comme dans notre public, beaucoup d'intérêt pour cette musique,…à condition qu'elle ne soit pas figée…car le blues n'est pas une musique morte. Comme on le disait tout à l’heure, le blues est apprécié pour sa sensibilité, ses qualités expressives, car l'essentiel reste la rencontre. Alors peu importe les records de vente de CD, les millions de chargement sur internet. L’essentiel reste la rencontre.

P : Avec le titre de ce nouvel album, on ne peut pas dire non plus que vous poussiez à la consommation. Avez-vous conscience que vous privez votre pays de votre contribution à sa croissance économique? Plus sérieusement, j'ai idée que votre volonté d'utiliser de vieux instruments n'est pas le fruit du hasard… Vous croyez aux fantômes?

H : Le blues est une musique écologique et durable. Historiquement, les instruments des blancs, les outils qui environnaient les noirs ont été recyclés pour trouver une seconde vie, musicale. On aime cette démarche. D'ailleurs Albert est très bricoleur et me propose souvent des trouvailles pour la scène, comme le diddley bow. J'ai toujours possédé des guitares achetées en brocante ; elles ne sont pas faciles à jouer, mais ont un grain d'authenticité et une originalité par rapport à tous les instruments standards. On se fait plaisir avec ces instruments et le côté visuel n'est pas pour nous déplaire. Pour ce qui est des fantômes, c'est le côté symbolique qui m'a intéressé, la transmission, l'héritage. C'est beau de penser qu'un ukulélé, par exemple, a traversé plus de 60 ans en ayant changé de mains, en ayant accompagné différentes existences. J'ai toujours ressenti quelque chose de fort en jouant un instrument qui a vécu.

P : Comment a mûri ce nouvel album?
H : Ca s'est passé surtout sur scène, là où les nouveaux titres vivent, s'épanouissent, se rôdent. Notre dernier album, Solid Jive, datait de 2004, et il nous fallait nous actualiser. On a souvent des morceaux en chantier, des vieux trucs inconnus qu'on adore trafiquer, arranger, et plus on avance, plus on sait qu'on veut aller dans cette direction, creuser le sillon du blues primaire. Et puis, il y a un an, j'ai déniché un vieux ukulélé des années 30/40. En le jouant, je me suis senti proche du blues de Charley Patton, et tout est un peu parti de là. Enfin, notre formule a évolué: on joue assez souvent à deux et l'album en est le reflet.

P : On dénombre avec joie de plus en plus de compositions…

H : J'en suis heureux car j'essaie de proposer des titres cohérents avec les reprises. Je ne compose pas assez, car pour cela il faut vraiment être disponible, ouvert sur le plan mental, artistique, et cela demande des conditions particulières. Mais les compos du disque ont été rôdées en concert et ont passé l'épreuve du temps. Si un titre n'est pas joué souvent, surtout au début de sa vie, il faut l'abandonner car cela veut dire qu'il n'est pas bon.

P : Bonne idée, cette reprise de Mr. Banker, et complètement différente de la version originale. C’était un moment de nostalgie?
H : J'aime ce texte, qui finalement résume la position du musicien, de l'artiste par rapport aux contingences matérielles et financières, représentées par le banquier. Je me sens proche de cette idée: on peut tout me prendre sauf mes instruments, qui n'ont pas forcément beaucoup de valeur mais qui sont mon moyen d'expression privilégié. Lynyrd Skynyrd, comme d'autres musiciens récents ou contemporains ont écrit des titres qui nous plaisent et se prêtent, je pense, à la reprise. On a déjà repris Calvin Russel, Rory Gallagher,…

P : Autre excellente idée, cet hommage à Ali Farka Touré. Selon vous, quelle aura été la principale contribution de ce musicien au blues?

H : Je connais Ali Farka Touré depuis la fin des années 80. Dès le départ, il m'a énormément touché par la musicalité et le côté aérien de ses disques. Il représente l'origine du blues, la pulsation et les gammes pentatoniques exportées depuis l'Afrique de l'Ouest aux USA, mais en même temps, il s'est aussi nourri, enrichi, il a voyagé et a rencontré des musiciens américains comme Otis Redding, James Brown, qui l'ont marqué. C'est ce qui est magnifique dans la musique en général: l'échange. Je garde en mémoire les superbes titres enregistrés avec l'harmoniciste écossais Rory Mc Leod ou le slide-guitariste Ry Cooder. Ali a été un précurseur dans les musiques du monde. Aujourd'hui, à mon sens, les musiciens qui jouent ces mélanges de blues et de world, comme Rokia Traoré ou Roland Tchakounté lui doivent quelque chose.

P : Votre meilleur souvenir de scène?

H : Il y en a beaucoup. Des souvenirs de communion avec le public, c'est d'ailleurs ce que nous recherchons dans tous les concerts: l'échange, et la rigolade aussi. Au festival Rockin' Blues de Cassel, depuis 2/3 ans, il se passe à chaque fois un moment intense, peut-être parce qu'on joue à la maison. Et puis n'oublions pas la rencontre des musiciens, devenus amis, avec qui on a partagé la scène, voire boeuffé: Double Stone Washed, Lise Hanick, Sébastopol, Back To The Roots, Spencer Bohren, Big Brazos, Lenny Lafargue et bien d’autres.

P : Pour finir, quelque chose à déclarer, et qui vous tient à cœur?

Manu: Merci pour l'intérêt que vous nous portez, à nous et au blues en général. Une grosse bise à tous les auditeurs de Radio Canut et aux musiciens qui défendent cette musique fabuleuse. Vous êtes tous les bienvenus dans le grand nord!
Albert: Oui, j’ai quelque chose à déclarer, moi aussi. Patricia, si tu nous écoutes, je t'aime,…et n'oublie pas d'aller chercher du pain pour mon casse-dalle, quand je rentrerai à 5 heures du mat…!!! (rires)

Interview radio réalisée pendant l’émission ‘Blues des Canuts’, le 24 septembre 2008, par Pascal.

L'émission ‘Blues des Canuts’ se déroule tous les mercredis, de 15h à 16 h, sur le 102.2 de Radio Canut (Lyon et sa région) mais vous pouvez l'écouter en direct, sur le net, où que vous soyez dans le monde via le site de Radio Canut: http://radio.canut.free.fr/ ou bien en cliquant tout simplement ici

Sites à consulter :
Site MySpace des HarpSliders : http://www.myspace.com/harpsliders
Site de la Blues Box association : http://association.bluesbox.free.fr/
Site de Radio Canut : http://radio.canut.free.fr/

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