ITW de Totems-project
Réalisée par Pascal, sur Radio Canut (Lyon et sa région)
Le 10 novembre 2010
Photos : © DR
Pour la 96ème émission du Blues des Canuts, sur Radio Canut, Pascal recevait le 10 novembre dernier Totems-project pour parler de leur opus ‘Blues du Monde’, un album dans lequel on retrouve ‘L’indien’, une chanson qui remporta en 2007 le 2ème Prix à l’International Songwriting Competition (Nashville, USA) dans la catégorie AAA/Roots/Americana, et ce, face à plus de 12.000 chansons proposées.
RC: Votre album s'appelle ‘Blues du Monde’. Pourquoi…? Vous trouvez que le monde a le blues ou c'est plutôt que vous vous proposez de chanter le blues des peuples du monde?
TP: L’essence même de l’implication artistique de Totems-project est de se faire passeur des appels de l’Homme ou des peuples en souffrance. Chanter les blessures d’une humanité qui a mal, c’est témoigner des injustices d’un monde qui va mal.
RC: Vous pensez donc qu'il n'y a pas besoin d'être noir et miséreux pour chanter le blues?
TP: Si le blues est né de l’oppression du peuple noir, chanter le blues ne dépend plus d’une couleur de peau, ni d’une origine ethnique. Il est devenu ce langage universel qui se retrouve au cœur des grands courants musicaux contemporains. Notre musique trouve ses racines dans le blues, mais nous sommes un groupe world-blues inspiré, par ailleurs, par les sonorités traditionnelles et modernes de multiples cultures. Loin d’être identitaire, notre chant se veut assurément polychrome.
RC: Dans le nom de votre projet, sur les images qui composent la pochette, dans les costumes que vous portez sur scène ou encore dans l'orchestration de vos morceaux, les références aux cultures indiennes d'Amérique du Nord sont très marquées. Pourquoi donc?
TP: L’histoire des indiens d’Amérique du Nord, qui a nourri l’imaginaire de notre enfance, est la représentation même de la destruction culturelle d’un peuple par la volonté d’une puissance dominatrice. Les valeurs traditionnelles de pensée et de culte de ces peuples premiers d’Amérique sont une référence, un totem pour notre approche critique des valeurs du monde moderne. Les mots du grand chef Cheyenne Standing Bear sont une source d’inspiration profondément ancrée dans le respect de la Terre et de la Vie:
L'homme qui s'est assis sur le sol, pour méditer sur la vie et son sens,
a su accepter une filiation commune à toutes les créatures
reconnaissant ainsi l'unité de l'univers.
RC: Vous chantez l'Amérique à travers ses indiens (‘L'Indien’, ‘La place est Cheyenne’), l'Afrique à travers les Masaï (‘Aux caprices du vent’) et l'Asie à travers le peuple tibétain (‘Lhassa’). Que représentent pour vous les frontières?
TP: À nos yeux, les frontières n’existent que pour répondre, de manière arbitraire, à la peur de l’autre. Loin d’être protectrices, elles sont prétextes aux conflits et aux divisions. L’identité nationale, à l’échelle de notre galaxie, est un concept totalement absurde.
RC: Votre musique est puissante et novatrice. Elle mêle orchestration traditionnelle, mais résolument rock, à la musique numérique. Vous n'êtes donc pas des ‘traditionalistes’ du blues et vous pensez qu'on peut mettre cela au goût du jour?
TP: Nous ne nous imposons aucune contrainte. Nos orchestrations vont instinctivement vers le plaisir de bouger les limites. Nous fuyons les salons des puristes et ne cherchons pas à intégrer une caste. Nourris de cultures différentes, nous jouons du mélange de nos références. Ce que nous voudrions mettre au goût du jour c’est, justement, l’écoute et l’acceptation des différences.
RC: ‘Mon doigt en l'air’, par exemple, fait entendre une orchestration électro-blues. Vous voulez bien nous parler un peu de cette chanson?
TP: Née après l’écoute de ‘L’alternative’, de François Béranger, ‘Mon doigt en l'air’ est à l’origine (guitare/voix) un rock-blues. Un terrain musical trop évident, trop convenu pour Pascal qui a tôt fait d’oublier la guitare et de chercher dans sa palette sonore et rythmique de quoi soutenir le texte autrement. Plus urbain que roots, plus électro que blues. La magie opère et le chant garde sa couleur et son intention initiale.
RC: Et ‘Trop de haine’?
TP: La haine est une énergie totalement négative. Une pulsion qui grandit avec nos peurs. Des hommes politiques ou religieux en ont joué et en jouent encore avec une dangereuse habileté. ‘Trop de haine’ est à la fois un constat acide et un appel à l’amour universel. Sur scène, cette chanson nous emporte loin dans l’émotion, parfois même jusqu’aux larmes.
RC: Votre travail semble encore plus accompli, sur scène. La danse est-elle un élément constitutif du projet?
TP: Un album est la photographie musicale d’un moment. Une fois gravé, le contenu nous échappe et l’émotion voyage hors de tout contrôle. Impossible de revenir sur les erreurs ou d’expliquer les choix. Notre travail est fait pour exister et évoluer en live, sur scène. Au contact du public, notre énergie est sublimée et notre engagement motivé. La danse, tribale et contemporaine, est l’image figurée de la beauté fragile, de la puissance émotionnelle de la vie et des hommes. Les musiciens ont une grande part d’improvisation, tout comme la danse qui, en toute liberté, sur la base d’une écriture chorégraphiée, évolue autour et parmi nous. La danse est l’esprit personnifié, féminisé de notre musique et de nos mots.
RC: Quels sont vos projets maintenant?
TP: La sortie d’un DVD du spectacle ‘Univers totems’, dont les prises ont été faites lors d’une représentation publique à L’Horme. Ce fut une belle rencontre, qui restera un grand souvenir pour toute l’équipe et le public présent,…à partager.
RC: Où peut-on se procurer votre CD et trouver des infos sur Totems-Project?
TP: Sur notre site www.totems-project.eu et à la sortie de nos concerts, bien sûr!
‘Le Blues des Canuts’, c'est l'émission blues de Radio Canut – la plus rebelle des Radios! –, tous les mercredis de 15h à 16h sur le 102.2 FM dans la région lyonnaise et sur www.radiocanut.org pour le reste du monde…!
Ce programme s'inscrit dans une démarche d'Éducation Populaire. Chaque édition est axée sur un(e) artiste, un groupe, une chanson, un style de blues, un aspect social et historique… en tâchant de garder un équilibre entre électrique/acoustique, femme/homme, contemporain/classique.
Nous nous intéressons aux thèmes riches et variés abordés par les blues de toutes les époques et de toutes les origines, replongés dans leur contexte social. A travers des sélections de titres, nous avons déjà commencé à nous pencher sur les thèmes du voyage, du travail, de la misère, de la prison, de l'armée, de la police, de la ségrégation et du racisme, sur les rapports de classes comme sur les rapports de genre,…
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