ITW de Robert Randolph

                                    ITW de Robert Randolph

ITW préparée et réalisée par Dominique Boulay
Photos : Anne Marie Calendini

Nous sommes en juillet 2011, à Paris. Robert Randolph et sa famille nous rendent visite pour une sympathique ITW pour Paris-Move et Blues Magazine dans le cadre d’un événement de taille, puisque Suzanne Tedeschi et son mari Derek Trucks étaient également dans la capitale. Et comme pour la première partie de leur concert, ils avaient eu la bonne idée de faire revenir le Robert Randolph Band, nous n’avons loupé, cette fois-ci, l’occasion de croiser la route de ce Robert là.

DB : Pourquoi as-tu choisi de jouer de la Pedal Steel Guitar et pas simplement de la guitare avec un bottleneck, comme la plupart des musiciens?
Robert Randolph
: En fait, j’ai grandi dans une église dans laquelle presque tous les garçons avaient l’habitude de jouer de cet instrument. C’est une église qui date du début des années ‘90 et déjà, à cette époque, les ‘anciens de l’époque’ jouaient de cela. Et comme j’ai grandi à leurs côtés, j’ai voulu, moi aussi, faire comme ces gars là.

NDLR: L’église The House of God Church fait partie de la congrégation afro-américaine pentecôtiste et la Pedal Steel Guitar est souvent qualifiée de Sacred Steel par les fidèles de cette église.

DB : Si le groupe porte ce nom, Robert Randolph Family Band, c’est que tu n’es pas le seul de la famille à être dans cette formation, n’est-ce pas?
RR
: Exactement ! J’ai en réalité quatre frères et une sœur. Ma sœur Lenesha joue dans le groupe, ainsi que l’un de mes cousins, Marcus, qui joue de la batterie. Mais, comme Lenesha n’a pas pu faire cette tournée avec nous, j’ai donc un premier cousin aux fûts et un autre qui est venu en renfort à la guitare basse. C’est beaucoup plus facile de travailler, composer et jouer en famille.

DB : Tu as du avoir des parents musiciens, ce n’est pas possible autrement…!
RR
: (rires) Ils auraient bien aimé, ha ça oui, mais ils n’étaient pas suffisamment doués pour cela (rires). Ma mère est pasteur de notre église et mon père est diocèse. Ma grand-mère était pasteur, tout comme mon arrière grand-père. La religion est quelque chose qui traverse les générations, chez nous.

DB : Comment est ce que tu définirais ta musique…
RR
: Hé bien, je dirais que c’est un mélange de blues, de rock et de gospel.

DB : Ne trouves-tu pas paradoxal, pour un chrétien comme toi, de jouer la musique du diable, puisque c’est ainsi que l’on surnomme le blues?
RR
: Mais je ne joue pas la musique du diable…! Cette image du blues est complètement obsolète aujourd’hui. C’est vrai que cela l’a été, autrefois, mais ce n’est plus le cas. Ce n’est la musique du diable que si tu le vénères. Et comme ce n’est pas notre cas, on ne joue donc pas de la musique du diable. On écrit, au contraire, des chansons qui sont là pour inspirer les gens, pour indiquer la bonne voie à ceux qui nous écoutent.

DB : Comment te définirais-tu? Comme un croyant qui joue de la musique ou bien comme un musicien qui est un croyant?
RR
: Je suis un musicien et je suis un croyant. Pour moi, Dieu est l’élément de la vie, le plus important qui soit. Dieu est partout. Hier, j’ai regardé des clips de Gospel sur Youtube et j’ai encore eu la confirmation que c’était vraiment de cette source là que je tire toute mon inspiration. Ce sont vraiment l’église et la religion qui me motivent le plus dans ma démarche.

DB : Mais dans de nombreux pays, ceux qui t’écoutent ne comprennent pas forcément le message que véhiculent tes chansons…
RR
: C’est vrai, mais pour moi, c’est très important que les gens comprennent ce que j’ai à dire. Que cela soit en écoutant mes chansons, en les chantant ou en lisant les textes de mes chansons. Parce que je veux véritablement transmettre un message. Et puis je pense que pour tous ceux qui ne comprennent pas mes textes, il se passe suffisamment de choses pour que cela ne les laisse pas indifférents, tout de même!

DB : Es-tu obligé d’être porteur d’une certaine éthique, en tant que membre très actif d’une église, comme ne pas (trop) boire et ne pas se droguer…?
RR
: Cela dépend ce que l’on appelle drogues et jusqu’à quel point tu peux être intoxiqué. De toute façon, ce n’est pas une bonne chose que d’abuser de certaines substances. Ne serait-ce que pour ta santé. Moi, comme je te l’ai dit, j’ai grandi au sein d’une église et j’espère qu’à travers mes chansons, je vais pouvoir aider des gens à se sortir du cercle infernal dans lequel ils se sont plongés, aussi bien avec des drogues que de l’alcool.

DB : Tu es donc conscient que tu as un rôle social important…
RR
: Je sais que je peux avoir un rôle de modèle pour les autres. Du moins, j’espère pouvoir en être un. Un modèle positif qui incarne le bien. Je veux transmettre la bonne parole et convaincre que Dieu est au dessus de nous et la chose la plus importante qu’il soit. Si tu es convaincu de cela, la vie te semble meilleure.

DB : Comment définirais-tu un ‘Ségé’, vu qu’il y en a 6 parmi les 17 morceaux qui constituent ton dernier album…?
RR
: Ce sont de vieux chants gospels que T. Bone Burnett, notre producteur, nous a d’abord fait écouter et que nous avons ensuite repris en studio. Nous les avons un peu transformés, repris à notre manière. Certains ont été réinterprétés et nous avons, par contre, décidé d’en conserver d’autres sous leur forme originelle, comme ‘If I Had My Way’, par exemple, initialement de Blind Willie Johnson. Mais nous avions toujours en tête de conserver cette atmosphère biblique et cette ferveur intrinsèque pour aider les gens à surmonter les épreuves de la vie.

DB : Avez-vous décidé ensemble de mixer nouvelles chansons et ségé?
RR
: Oui, absolument…! Avec T- Bone, cela nous semblait complètement approprié de combiner les morceaux ainsi! Car cela demeurait complètement fidèle à l’esprit de ce que nous désirions faire de cet album.

DB : Comment as-tu rencontré ce producteur?
RR
: C’est à la Warner que cela s’est passé. T- Bone voulait particulièrement travailler avec nous et comme il affectionne particulièrement tous ces vieux gospels et ces vieux blues, tout comme nous tous, cela a été chose facile que travailler ensemble. Nous lui avons demandé de faire de toutes ces chansons quelque chose d’original. Ce qu’il est parvenu à faire, si l’on regarde le résultat!

DB : Penses-tu, comme Suzanne et Dereck, que le Festival Crossroads d’Eric Clapton est un excellent moyen de retrouver les copains et de se faire de nouvelles connaissances, en plus du rôle utile qu’il remplit pour la fondation d’Eric?
RR
: Bien sûr, même si l’on a l’occasion de se rencontrer plusieurs fois dans l’année, ailleurs. Ce festival, c’est un endroit et un moment privilégiés pour se voir et être tous ensemble. On est tous amis et l’on fait tous de la musique. On y rencontre des gens dont on a entendu parler quand on était jeune et on peut y croiser des gens que l’on admire, dont on a été fan, des jeunes, des plus âgés, des blancs, des noirs, des africains, des gens qui viennent de tous les coins du monde. Tous ensembles, les guitaristes et les autres musiciens, nous nous retrouvons pour jouer ensemble et c’est un week-end génial ou tout le monde fait de la musique, parle de musique et met de bonnes choses en commun.

DB : Crois-tu en l’engagement social?
RR
: Bien sûr que j’y crois! Beaucoup de gens ne comprennent pas qu’il faut s’aimer les uns les autres. Et plus il y a de gens qui transmettront ce message, mieux cela sera. Je pense à Stevie Wonder, Marvin Gave. Dés les années ‘60, il y a eu déjà beaucoup d’artistes qui essayaient de propager cette idée. Cela émanait de chez Stax Records, et même de chez les Beatles! Beaucoup ont essayé de faire comprendre aux gens qu’il fallait être meilleur. Et plus il y aura de gens pour propager cette idée d’amour, mieux cela sera pour tout le monde.

DB : Je sais que tu as travaillé avec les frères Dickinson. Comment cela s’est-il passé ?
(NDLR : Les deux frères Luther et Cody ont formé le North Mississippi All Stars dont tous les autres membres ont joué, un jour ou l’autre, avec Robert. Ils sont enfants de Jim Dickinson qui est lui-même musicien et producteur de disques: Ry Cooder, Bob Dylan, les Rolling Stones ou Primal Sream.)
RR : Ils sont supers! Et ce sont de fabuleux musiciens! J’ai beaucoup travaillé avec eux et j’aime collaborer avec eux. Ce sont de proches amis On se téléphone très souvent. On joue ensemble, comme il y a trois semaines, par exemple, où nous étions en concert aux Etats-Unis. Ils sont exceptionnellement doués, aussi bien dans le rock que dans le blues, et ils comprennent le gospel également. Cela a été génial de travailler avec eux. On a même enregistré ensemble. Nous avons fait une sorte de ‘Tribute to’ à l’église dont je suis issu. Il y avait les frères Dickinson et John Medeski, aux claviers également.

DB : Celui-là même avec lequel tu es entré sur la scène musicale new yorkaise?
RR
: Oui, exactement! J’ai commencé avec John Medeski à l’orgue, Bill Martin à la batterie et aux percussions et le bassiste et contrebassiste Chris Wood. Nous faisions du jazz d’avant-garde et nous nous sommes retrouvés pour former The Word, un Bluesy Gospel Style Project, avec Luther, Cody et Chris Chew, le bassiste de NMAS.


DB : C’est ton deuxième passage en France. Es-tu en tournée mondiale, en ce moment?
RR
: Oui, oui, c’est la deuxième fois que je viens en France et pour être franc avec toi, cela ne me paraît pas être la meilleure période pour venir jouer en France, et à Paris, en juillet. Les gens ne prennent-ils pas leurs vacances, en ce moment? Après la France, nous irons jouer en Hollande, en Allemagne, et un peu partout dans le reste de l’Europe.

DB : Où préfères-tu jouer, ailleurs qu’aux Etats Unis?
RR
: J’aime bien Paris, parce que les gens ont le sens du rock’n’roll et connaissent la musique. Mais j’aime bien l’Espagne, Barcelone, et puis l’Allemagne aussi. Mais c’est ici, à Paris, que je trouve le public que j’aime, car les gens semblent être de vrais amateurs de rock, de blues et de gospel.

DB : Je pense que tu es l’un des meilleurs à avoir mis en rock les fondements du gospel et de la musique sacrée.
RR
: Merci tout d’abord pour ce compliment, mais je dois reconnaître que je suis assez d’accord avec toi. J’essaye de vivre avec mon temps et c’est la raison pour laquelle je modernise notre gospel, en l’interprétant au goût du jour.

DB : Te considères-tu comme un songwriter?
RR
: Oui, bien sûr! Surtout que les paroles d’une chanson sont toujours très importantes. Et particulièrement dans le gospel, car tu essaies de transmettre quelque chose aux gens. Tu essaies de leur faire comprendre quelque chose, quel sens ils doivent donner à leur vie, quelle conduite tenir. On doit s’inspirer les uns les autres et s’éduquer les uns les autres. Et cela, il faut le dire dans des textes écrits selon certaines règles.

DB : Trouves-tu le temps d’aller à la rencontre des gens, dans les quartiers, et vas-tu comme Joe Bonamassa, par exemple, dans les écoles?
RR
: Oui, bien sûr! Je fais des interventions pour enseigner la musique à tous parce que je pense que la musique appartient à tous, sans distinction d’âge, de couleur et d’origine. Elle est la propriété de chacun. Et si elle a pris un tel essor, c’est justement parce qu’elle appartient à tout le monde. Il n’y a pas de frontière avec la musique. La musique, c’est la liberté.

DB : As-tu entendu parler du projet Playing for Change, de Mark Johnson?
RR
: Bien sûr que je connais… !!! Et on a été des millions à visionner les différents clips. C’est une superbe réalisation. Et, comme je te le disais, la musique est le meilleur moyen de faire passer un message d’amour, d’amitié et de paix. C’est par cet engagement que l’on parviendra à se comprendre tous…!

DB : Un dernier mot pour nos lecteurs, Robert ?
RR
: Oui, que nous serons bientôt de retour en France et que l’on vous attend. N’hésitez pas à revenir nous voir en concert, et encore plus nombreux (rires).

Robert Randolph