ITW de Piers Hackett pour la sortie du CD The Racing Snake

        
         ITW de Piers Hackett pour la sortie de ‘The Racing Snake’

Préparée et réalisée par Frankie Bluesy Pfeiffer
Réalisée le 12 juillet 2010
Photos : © DR

Une voix aux accents légèrement déglingués, comme si chaque année passée avait déposé quelques graviers de plus dans le gosier, voilà ce qui caractérise et distingue déjà Piers Hackett, chanteur-guitariste de Base Camp, un groupe dont le dernier opus, ‘The Racing Snake’, propose neuf compos et deux reprises embuées d’une émotion à fleur de peau. C’est ce londonien installé dans l’hexagone que nous avons rencontré pour vous, afin de comprendre aussi pourquoi cet album qui aurait pu être un album solo n’en est pas un, mais celui d’un groupe.

FB : On ressent cet album comme enregistré dans l’instant, en ‘live’ et sans gros travail de studio. Pourquoi?
PH : C’était très justement ce que je voulais faire, un album enregistré sans gros boulot de studio, dans des conditions ‘live’.

FB : Qu’est-ce qui a motivé cette urgence? Est-ce une démarche artistique ou est-ce une contrainte financière?
PH : On parle ici d’autoproduction et il y a donc de grosses contraintes financières. J’avais les chansons et je voulais absolument avancer, enregistrer et les sortir, d’une manière ou d’une autre. Pour moi, un album n’est pas une fin en soi, c’est juste une étape.

FB : En combien de temps as-tu enregistré et réalisé cet album?
PH : En très peu de temps, en moins de trois jours. Le premier jour j’ai enregistré toutes les guitares, le deuxième jour toutes les voix, et en une demi-journée, ensuite, on a enregistré le banjo de Laurent Beteille et la contrebasse de Philippe Soulié. Philippe est avec moi depuis le début de Base Camp tandis que Laurent, c’est du nouveau. D’ailleurs on n’a eu que deux heures de répète avec lui avant d’enregistrer…

FP : A ce rythme là, ne penses-tu pas que tu aurais pu faire cet album en moins de temps?
PH : Oui, j’aurais peut être pu faire plus vite encore…

FP : Comment composes-tu tes chansons? Tu écris d’abord tes textes puis tu écris les musiques, ou est-ce l’inverse?
PH : J’essaye d’être un auteur et un compositeur. Pour moi, les deux sont aussi importants. Parfois, textes et musiques me viennent ensemble, mais souvent j’écris d’abord des textes. Dans cet album, les textes sont assez intimes, ce qui se reflète forcément dans la musique.

FB : Tes influences, dans le songwriting?
PH : Je suis influencé par 25 ans d’écoute et par l’amour de la musique, particulièrement tout ce qui est joué à la guitare. J’imagine que cela doit s’entendre dans ma musique…, mais trois musiciens vers lesquels je me retourne constamment sont Tom Waits, Chris Whitley et Trent Reznor (Nine Inch Nails).

FB : C’est ton second album solo, exact?
PH : Je ne sais pas comment te répondre, car est-ce que c’est un album solo? Je dirai plutôt que Base Camp est un collectif autour de ma musique qui est adaptable, flexible. D’ailleurs je n’ai pas mis mon seul nom sur la pochette, et c’est Base Camp que j’y ai fait mettre. On ne peut donc pas parler d’album solo, dans le sens où un album solo est un album fait par quelqu’un en solitaire.

FP : Mais c’est bon pour l’égo, d’avoir son seul nom sur une pochette, non?

PH : L’égo, on en a tous un, et bien sûr que cela peut faire plaisir à l’égo d’avoir son nom seul sur une pochette, mais ce n’est pas mon but, et me mettre seul en avant n’a aucun intérêt.

FB : Pourquoi ces deux reprises sur cet album? Pourquoi des reprises, tout d’abord?
PH : Pourquoi deux reprises? Parce que la chance m’a souri. Je voulais tout d’abord faire un Tom Waits, absolument, et j’ai donc repris ‘Walk Away’.

FB : Et pourquoi ‘Money’, de Pink Floyd?

PH : ‘Money’ est le seul titre de ce disque qui n’a pas été enregistré en même temps que les autres. Ce morceau est le fruit d’une répète, disons même plutôt un essai, il y a deux ans. D’un certain côté, c’est un peu le titre ‘bootleg’ de l’album car il a été enregistré en ‘live’, en une prise. Et comme on le joue très rarement, j’ai décidé de le mettre sur ce disque pour ne pas que ce morceau dorme ou soit oublié au fond d’un placard. Je l’ai également mis sur ce disque parce que, pour moi, il est un bon exemple de ce que j’appellerais ‘la beauté de l’instant’. Et puis aussi, je pense qu’il faut s’approprier les reprises et non pas chercher à les interpréter en les imitant. Et cette version de ‘Money’ est un bon exemple de ce que doit être une vraie reprise.

FB : Il y a un douzième titre sur ce disque, à peine caché, quelques secondes à peine après la fin de ‘Money’. Pourquoi ne pas l’avoir annoncé?
PH : Ce douzième titre, c’est parce que j’avais un petit texte qui me plaisait beaucoup et que je voulais faire partager. Je l’ai enregistré en vingt minutes, vite fait, et je ne le trouve pas ‘abouti’. Mais je voulais le laisser, tout de même. Voilà pourquoi il n’est pas annoncé sur la pochette.

FB : Pour que ceux qui ne te connaissent pas encore, peux-tu nous dire qui tu es, d’où tu viens, quel a été ton parcours musical?
PH : En quelques mots, je peux dire que je suis anglais, né à Londres, que je suis un autodidacte, ou dictateur autocratique, je ne sais pas trop….(rires). J’ai été guitariste avant d’être chanteur mais j’ai toujours aimé écrire des chansons. Y’a quelques années déjà, dans mes années 20, je jouais plutôt style Soundgarden ou Alice in Chains plutôt que Grayson Capps, mais après sept ans de groupes, quelques petites réussites et pas grand-chose de plus, je suis parti pour un an à la Nouvelle Orléans avant de venir en France, où je suis toujours.

FB : Quand et comment a débuté cette aventure avec Base Camp?
PH : Base Camp a démarré il y a cinq ans maintenant, et nous en sommes au troisième album, si on considère que ‘Racing Snake’ est un album de Base Camp. Ce qui est bien, avec Base Camp, et comme je te le disais plus tôt, c’est que notre musique est flexible, et c’est ce qui est passionnant avec ce groupe car on peut s’adapter sans problème aux lieux où l’on joue, les grands comme les très petits. On peut ainsi adapter les choses et les idées aux lieux, et c’est ce qui me plait.

FB : Ta voix a un grain particulier. Tel Calvin Russell ou Tom Waits, est-ce le fruit d’années à fréquenter des lieux enfumés et où boire est un grand plaisir? Ou est-ce travaillé?

PH : C’est le fruit des années, je pense,… mais je suis aussi un fumeur et il m’arrive de boire.

FB : Très franchement, que trouves-tu de bon et de moins bon dans cet album?
PH : Très sincèrement, je trouve que l’album manque de dynamisme, ou de couleur. Je le trouverai presque un peu plat, même si la seconde partie du CD est plus réussie que la première. Ensuite…, je suis trop impliqué dans ma musique pour en dire plus. Je ne serais pas totalement objectif, je pense. Ceci dit, comme je te l’avais expliqué, un album n’est qu’une étape et les chansons vont continuer à vivre, à se tordre, à évoluer en ‘live’.

FB : Et l’album suivant sera comment?

PH : Je peux déjà te dire que le prochain sera plus électrique.

FB : Si tu devais définir le Blues en quelques mots, comment le définirais-tu?

PH : Très simplement. Le blues, c’est la note qui tue.


FB : Pour toi qui est britannique, comment expliques-tu que le Blues ne parvienne pas à occuper une meilleure place dans le paysage musical en France? La faute à qui, à quoi?

PH : Je pense que le Blues est une musique appréciée par beaucoup, sans pour autant avoir la place qu’il mériterait d’avoir. Il y a les enthousiastes, les inconditionnels, et heureusement, mais il est vrai que sa place est vraiment petite dans le paysage français. Et, au niveau des grands médias, quasi inexistante. C’est peut être pour cela que le Blues est considéré comme la musique du diable, car pour réussir dans le Blues faut avoir signé un pacte avec le diable (rires). Le problème, en France, c’est que tu peux avoir du talent sans parvenir à te faire entendre, en regardant d’autres artistes beaucoup moins talentueux et ‘fabriqués’ qui eux, sont diffusés par les grands médias.

FB : Comment expliques-tu que vous ne soyez pas plus programmés, car on ne vous voit pas beaucoup, voire pas du tout, dans certains coins de France…
PH : C’est très simple, je n’ai pas d’agent. C’est pour cela que j’ai accepté cette mise en relation avec Sylvain et Crops Blues Mag, pour essayer de remédier un peu à cela. Et toute proposition est la bienvenue. Ce qui me désole, c’est que l’on a envoyé des CD et des liens pour télécharger mon album à pas mal de monde, dont des gens de la presse Blues, et qu’à part deux ou trois retours, dont celui de Paris-Move, on n’a eu aucune réaction. On sait bien que ce silence fait partie des épreuves à traverser sur notre chemin à nous, les musiciens, mais le plus important pour nous est de constater qu’il y en a qui réagissent, et c’est cela qui nous motive à avancer encore sur ce chemin.

Base Camp