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Fan de Blues, Nicolas est un touche à tout. Et tellement accro à la musique qu’il aime, que le lascar a non seulement monté son propre label et sa propre plateforme de distribution, mais il propose également ses services de rédacteur et attaché de presse aux musiciens à la recherche d’une belle plume et d’un bon relationnel. C’est ce personnage à multiples facettes que Paris-Move a rencontré pour vous.
Nicolas Miliani: Nayati Dreams n’est pas à proprement parler un label, c’est un site internet et une plateforme de distribution de labels de deep blues, alternative country, ainsi que des produits importés (vêtements, merchandising de labels,…). Le label que j’ai monté se nomme Normandeep Blues Records. C’est un label spécialisé dans les musiques ‘enracinées’.
Possessed by Paul James ‘Live at Antone’s’ (EP vinyle) est la première sortie.
J’envisage de faire du publishing enfin.
Ton parcours perso et professionnel avant de monter Nayati Dreams?
Enfance et adolescence en Normandie (Calvados), puis Fac de sport de Caen. Ensuite j’effectue une formation de disquaire à Reims. Je bosse comme disquaire par la suite, puis chez un distributeur. Comme malheureusement trop de monde, je me retrouve au chômage et là, je décide de créer un site sur lequel je distribuerai une musique qui, à mon sens, n’était pas assez visible et défendue en France et en Europe. Keith Malette, fondateur d’Hillgrass Bluebilly Records, me propose de devenir le ‘chapter France’ de son label. J’accepte, bien sûr, et je pars à la recherche d’autres labels à distribuer. Voilà comment je me suis construit petit à petit un réseau.
Tes premiers artistes, musiciens, groupes préférés quand tu étais jeune?
J’ai l’impression d’être encore jeune (rires), car je n’ai que 29 ans. Ado, j’écoutais Lou Reed, Mink Deville, Bernard Lavilliers, Thiéfaine, Bashung, Jimi Hendrix, les Stones, Dylan, et pas mal de groupes qu’un de mes oncles écoutait. Après, j’ai remonté le fil et je me suis intéressé aux racines du truc. Itinéraire et démarche assez classique, en somme. Par exemple, je me suis rendu compte que j’ai aimé la country grâce à Eddy Mitchell.
J’écoute pas mal de choses. Je deviens de plus en plus difficile. J’aime la chanson rock française: Manset, Dominique A, Thiéfaine, Bashung…, mais aussi toute musique enracinée et qui vient des tripes. Le country blues constitue la majorité de la musique que j’écoute.
Tu as joué d’un instrument?
Non, mes frères se sont chargés de ça. J’ai toujours fais du sport, mais jamais de musique. Disons que je n’ai pas le sens inné du rythme.
Pourquoi avoir créé ton propre label?
Pour défendre de façon totalement ‘indépendante’ (c’est un de mes mots préférés!) des musiciens et des projets qui me tiennent à coeur. Pour décider ce que je voulais promouvoir, sans attendre que l’on m’en donne l’autorisation. Lorsque je travaillais dans une grosse enseigne de distribution de ‘produits culturels’, j’étais frustré de ne pas pouvoir prendre assez d’initiative. Maintenant je m’épanouis dans mon activité.
Quels sont les artistes que tu proposes?
Le site Nayati Dreams est ouvert à toutes les productions blues/country/Rock’n’roll. Pour le label Normandeep blues Records, j’ai travaillé avec Possessed by Paul James et je bosse sur la prochaine sortie. Pour l’activité Promotion/Booking, j’ai travaillé avec Ray Cashman, Old Kerry McKee, Harold Martinez, Baptiste W. Hamon, Molly Gene one Whoaman Band, Thomas Schoeffler Jr, Eric Bling, le Blues Rules Festival…
Possessed by Paul James ‘Feed the Family’ chez Hilgrass Bluebilly Records. Le film ‘We Juke Up In Here’, dont j’ai été sponsor et distributeur fonctionne bien également. ‘Backatchya’ par Little Joe Ayers tourne bien, lui aussi. C’est un superbe disque de Hill Country Blues acoustique. Enfin, le EP Vinyle de Possessed by Paul James ‘Live at Antone’s’ (Normandeep Blues Records) s’est bien vendu. On prépare d’ailleurs une tournée avec cet artiste incroyable, prévue pour Juin 2013.
Pourquoi, selon toi, ceux-ci se sont mieux vendus que d’autres ?
Les femmes et les hommes qui me commandent des disques sont à la recherche d’authenticité. Les disques et films que je t’ai cités correspondent parfaitement à cette recherche de musique et de musiciens près des gens. Je ne pourrais pas défendre un style prétentieux et faux. De plus, ces disques ont eu de très bonnes critiques dans la presse.
Franchement, est-ce bien raisonnable d’avoir son propre label ?
Pour te répondre je reprendrai une citation de Raymond Devos : ‘Etre raisonnable en toutes circonstances ? Il faudrait être fou… !’
Et sincèrement, est-ce rentable?
Toutes mes activités deviennent peu à peu rentables, ceci car je travaille dans une optique 360 degrés: distribution sur le site, avec une scène musicale identifiée et une identité forte, vente d’encarts pubs pour les festivals sur le site (avec une audience mondiale et grandissante), et puis je fais aussi du booking et de la promo indé. C’est l’alliance de toutes ces activités qui lie la sauce. J’ai besoin de tous les amateurs de diversité musicale et culturelle pour continuer à faire vivre des artistes et des labels dont les disques n’étaient déjà pas disponibles dans les grandes enseignes, quand ils avaient encore des rayons ‘disque’.
Avoir un label c’est bien, mais quid de la distribution? Comment fais-tu distribuer tes CD?
Pour l’instant c’est direct au consommateur, en ligne. On verra par la suite.
Lorsqu’en 2006 je parlais de la formation de disquaire que j’allais effectuer, les gens me répondaient: ‘Ah, mais la crise du disque…’. Maintenant que c’est la crise partout, la situation de la musique enregistrée est rentrée dans le rang des autres crises. Ceci dit, quand des enseignes réduisent les rayons et diminuent l’offre alors que les acheteurs de CD recherchent ce qui vient d’être supprimé du linéaire, il ne faut pas s’étonner que les ventes baissent et que les personnes aillent chercher ce qu’ils veulent ailleurs. La musique était pendant un bon moment un produit d’appel, alors que les gens peuvent maintenant la télécharger. Le CD va peut-être mourir, mais honnêtement c’est moins grave que Fukushima. L’important, et mon combat, c’est que d’honnêtes gens (les musiciens, techniciens, labels, disquaires) puissent continuer à vivre de leur métier, qui a une utilité dans le lien social. Je préfère une rue avec des bars à concerts, des disquaires et des cordonniers, que toutes ces rues des centres villes devenues aussi insipides que les centres commerciaux. Tu sais, si je réassortis mon stock et que je commande des nouveautés, c’est parce que mon stock tourne. S’il tourne, c’est que je vends. Si je vends, c’est qu’il y a une demande. Le disque n’est donc pas mort. Par contre la bulle du disque a explosé. Plus aucun disque ne se vendra comme ‘Thriller’ ou ‘Samedi soir sur la terre’. Retour aux artisans. Les labels comme ‘Dust To Digital’, que je vais bientôt distribuer, ou encore Hillgrass Bluebilly Records et Broke & Hungry Records produisent de belles galettes.
Pourquoi un amateur de musique va-t-il acheter un CD de ton label alors qu’il peut sans doute le trouver en téléchargement ‘gratuit’ en naviguant sur des plateformes d’échanges de fichiers…?
Par ce qu’il a chez moi un conseil, et que si un CD ou un vinyle est en vente, c’est qu’il correspond à une ligne éditoriale. Chez moi on n’est pas chez Auchan avec les têtes de gondoles de disques remplacées par des petits pois (et je n’ai rien contre les petits pois), ce n’est pas le genre de la maison. De plus, le son des CD et vinyles est bien supérieur au standard des plateformes de téléchargement. Steve Jobs était un génie du marketing, mais un fossoyeur du son. Je lis actuellement l’autobiographie de Neil Young et je suis curieux de voir l’évolution de son projet de standard audio ‘Pure Tone’.
Comment réagis-tu face à cette furia actuelle du marché du vinyle? Un effet de mode? Ou la nostalgie d’une génération qui n’a pas grandi ou vécu avec et qui, du coup, s’y met, et à fond?
Quand un système s’écroule, il y a toujours une survivance. Pendant que je te réponds il y a cette galette noire qui tourne, ‘Powerage’, d’AC/DC. J’adore les vinyles. Je propose actuellement une cinquantaine de références vinyles, et je vais développer l’offre.
Pourquoi t’être également lancé dans cette aventure d’attaché de presse ?
Afin de multiplier mes chances de rendre l’affaire rentable, ce qui est en train de se passer. Je suis le monsieur Jourdain de la promo, car je me suis rendu compte il y a un an que je faisais le boulot d’attaché de presse sans le savoir. Donc je me suis dit que j’allais proposer mes services également à des labels, artistes et festivals dont je ne gère pas la distribution afin de ne pas dépendre seulement de la vente du stock. Car des disques marchent, et d’autres non, c’est la vie. Donc ne pas utiliser le réseau que j’ai tissé serait une ineptie.
Face à des ‘incontournables’ et qui ont leurs entrées partout, que penses-tu pouvoir offrir aux artistes qui vont te faire confiance?
Quand la porte est fermée, on peut passer par la fenêtre… Je peux offrir la fait que je travaille à la fois avec la presse écrite généraliste, la presse spécialisée, les web, la radio, la presse régionale… De plus, je suis à la fois promoteur et vendeur, et ça, c’est un plus pour les artistes, car je peux également leur offrir de la visibilité sur le site, être capable de vendre leur album en plus. Un couteau suisse en fait…!
Quels sont les artistes ou les albums de l’année passée qui t’ont fait vibrer?
J’ai beaucoup aimé le Chicken Diamond II, le disque d’Harold Martinez, Possessed by Paul James m’a fait vibrer en concert.
Le meilleur concert auquel tu as été?
Reverend Beat Man au Blues Rules 3, à Crissier, Suisse.
Ce dont tu es le plus fier?
Avoir créé une entreprise en prenant le temps de faire les choses bien.