ITW de Lloyd Cole

                                            ITW de Lloyd Cole

Préparée par Anne Marie Calendini et Dominique Boulay
Traduction: Josée Wingert
Photos: Anne Marie Calendini

Nous avons réussi à croiser la route de Lloyd Cole à Paris, venu pour l'enregistrement de l'émission ‘One shot not’ de Manu Katché, à l’occasion de la sortie de son nouvel album, ‘Broken Records’ chez XIII BIS Records.

PM: Ma première question s'adresse au joueur de golf, car je sais que tu as écrit quelques articles sur le sujet.
Lloyd Cole (LC):
(rire) Oui, c'est vrai. J'ai écrit des articles sur le golf, à certaines époques de ma vie, mais pour le moment, ce n'est plus le cas. Ceci dit, j'espère bien m'y remettre prochainement!

PM: Est-il vrai que tu as aussi fait une publicité vantant ce sport à la télé?
LC:
Non, il ne s’agissait pas d’une pub, à proprement parler, c’était pour une émission sur le golf qui était tournée au Portugal. Et comme j'avais déjà eu également l’occasion d’être filmé sur un parcours de golf en Nouvelle Zélande, j'ai été interviewé à cette occasion.

PM: Est-il vrai que tu consacres ton temps libre à la pratique de ce sport?
LC:
Oui, mais malheureusement je n'ai pas assez de loisirs pour y jouer autant que je le voudrais.

PM: J'ai également lu quelque part que tu choisissais tes dates de concert en fonction des lieux et dates des tournois de golf. Est-ce bien vrai?
LC:
(sourire) Non, ce n'est pas vrai…! Mais je sais pourquoi ils ont dit ça. En fait, il s'est trouvé que j'étais en tournée en Australie au moment de l'Open de Melbourne. Alors j'ai sauté sur l'occasion et je suis resté quelques jours de plus pour profiter du tournoi et jouer. Mais maintenant je ne joue plus lorsque je tourne,…je suis trop vieux (rires), ça demande trop d'énergie de faire du golf dans la journée et d'enchaîner le concert le soir.

PM: Le claviériste de Ten Years After, Chick Churchill, m'a avoué que ce sport était aussi une de ses passions.
LC:
Ah oui? Je ne le savais pas. En réalité, je n’ai jamais eu l’occasion de jouer avec d’autres artistes.

PM: Il se trouve que je joue, moi aussi, et je devrais bientôt obtenir ma carte verte!
LC:
Ah oui? Vous avez cela aussi en France? C'est exactement comme en Suède, vous devez prouver que vous pouvez jouer à un certain niveau pour aller sur le green. Mais tu as pris des leçons?

PM: Oui, et je continue, d'ailleurs… Mais revenons plutôt à toi. Tu as étudié le droit lorsque tu étais jeune. Est-ce à ce moment là que tu as rencontré les autres membres des Commotions?
LC:
J'ai fais du droit pendant une année, mais cela ne m'a pas plu. C'était à Londres. Ensuite je suis allé étudier la philosophie et l'anglais à Glasgow, en Ecosse. Cette période est effectivement celle où nous nous sommes rencontrés.

PM: Tu as obtenu un diplôme en philosophie?
LC:
Non, je n'ai pas eu de diplôme car c'est à ce moment là qu'a commencé la carrière musicale des Commotions. Le succès est arrivé alors que j'allais entrer en troisième année, celle du master, justement, et parallèlement on remplissait des salles de 500 à 600 personnes, alors Blair (NDLR: Blair Cowan, pianiste des Commotions) et moi avons quitté l'université. Blair, lui, y est retourné plus tard pour obtenir son diplôme, ce qui n'a pas été mon cas. J'ai donc interrompu mes études deux fois de suite.

PM: A l'époque des Commotions tu jouais électrique et tu utilisais une Telecaster…
LC:
De toutes les guitares que j'ai utilisé, c'est vrai que c'est surtout avec la Telecaster que j'ai le plus joué.

PM: C'est plutôt une guitare de bluesman, non?
LC
: Oh non, pas seulement! La Telecaster est polyvalente! Tu peux en jouer dans différents registres musicaux. Actuellement j'en possède deux, et qui datent de 1966.

PM: Maintenant que tu te considères davantage comme un chanteur de folk, quelles sont les guitares acoustiques que tu utilises?
LC:
J'ai une Taylor et une Collins. La Taylor est de Californie et la Collins du Texas.

PM: Lors de tes différentes tournées, quels pays as-tu traversé et dans lesquels as-tu joué?
LC:
Je suis allé un peu partout. En Nouvelle Zélande, en Australie, dans la plupart des pays européens de l'ouest, mais jamais dans ceux d'Europe de l'est. Je suis allé plusieurs fois au Japon, également une fois en Amérique du sud, et puis souvent au Etats-Unis et au Canada.

PM: Où vis-tu, maintenant?
LC:
Je vis aux Etats-Unis depuis 20 ans. Les onze premières années à New York, et maintenant je suis dans le Massachusetts, qui n'est pas très éloigné de New York, à peu prés trois heures en voiture. J'y vis avec ma femme et mes deux enfants.

PM: Es-tu toujours en contact avec les membres des Commotions ?
LC:
Oui, je pense qu'on peut dire ça.

PM: N’ont-ils pas envie, parfois, de reformer le groupe?
LC:
Je ne sais pas vraiment ce qu'ils veulent, eux, mais moi, cela ne me dis rien. Je n'en ai pas particulièrement envie, si on peut le dire ainsi.

PM: Par rapport à tes débuts, as-tu changé de sentiment par rapport à la musique?
LC:
Oui, bien sûr. Disons que j’ai évolué. J'ai eu de la chance de faire partie des Commotions, c’est vrai, mais tout cela est derrière moi. Je suis passé à autre chose. J'avais 20 ans quand j'ai commencé et la musique des Commotions n'est plus celle que je veux faire aujourd'hui.

PM: Penses-tu que tes études universitaires t'ont aidé à écrire les paroles de tes chansons, puisque tu te considères comme un chanteur à texte?
LC:
Ho oui, bien sûr que cela m'a aidé. Je ne sais pas si c'est encore le cas, aujourd’hui, mais cela l'a été, c'est certain!

PM: Qu'est ce qui est le plus difficile pour toi, composer les musiques ou écrire les textes?
LC:
La création d'une chanson est un tout. J'ai une approche plus instrumentale des chansons, et souvent le plus difficile est de mettre la touche finale sur les paroles. Pour moi, il est aussi difficile d'achever un texte que de le commencer. Pour composer une chanson, je n'ai pas de plan préconçu. Parfois je prends la guitare, parfois j'ai déjà la mélodie dans la tête et je la transcris directement, et à d’autres moments cela commence par une improvisation au piano.

PM: Te considères-tu comme un compositeur multi-instrumentiste?
LC:
En anglais on dit ‘Jack of all trades, master of none’, c'est-à-dire un homme qui peut tout faire mais qui ne maîtrise rien, une sorte de touche à tout! Un virtuose ou un génie en rien! (rires)

PM: Mais sur ton dernier album tu es essentiellement guitariste…
LC:
Sur cet album je ne joue que de la guitare acoustique. Le piano ne m’a été utile que dans la phase de composition.

PM: As-tu composé tous les morceaux?
LC:
Oui, tous, à l'exception de ‘Oh Genevieve’, qui a été composé avec Blair Cowan. (NDLR: ancien membre des Commotions)

PM: Tu as joué à Paris à L'Alhambra au mois de novembre 2010 et tu as repris des morceaux emblématiques des Commotions. Pourquoi?
LC:
C’est inévitable que l’on reprenne encore des morceaux qui ont contribué à nous rendre connus. Ne pas le faire rendrait la situation difficile pour mon public qui s’attend toujours à écouter ces morceaux. Nous en reprenons donc quelques uns à chaque fois, dont ‘Perfect skin’, par exemple. Tu sais, la plupart des gens qui viennent nous voir en concert nous suivent depuis le début et ils sont toujours contents et touchés d'entendre ces chansons, tout comme celles que je joue en solo depuis plusieurs années maintenant. Les chansons chargées d'émotions, je les joue toujours en fin de concert, car c’est toujours plus intense à ce moment là du concert. Les anciens morceaux sont en quelque sorte un pont, un lien, un moyen d’accès avec ce que je fais désormais.

PM: ‘Broken Rrecord’, ton dernier album, est un disque vraiment folk. Quelles sont tes références dans la musique folk, si tu en as…?
LC:
Je n'ai aucune référence particulière avec cette musique là, car pour moi, la folk anglaise ressemble davantage à de la musique médiévale. La folk américaine m'interpelle davantage, comme le blue grass, la country music ou la pure musique folk. Je ne peux pas expliquer pourquoi je le sens ainsi, mais pour moi la musique folk anglaise je ne la vois jouée que dans un château fort, avec spectacle de troubadours et grande cheminée! Alors que la folk américaine a une structure plus simple. C’est une musique qui est, selon moi, davantage émotionnelle, plus facile d'accès. Elle se veut plus fraternelle et moins sophistiquée.

PM: C’est vrai que c’est une musique qui parait plus ‘naturelle’…
LC:
Tout à fait, et c’est justement ce côté naturel qui me touche car il est souvent chargé de beaucoup d'émotions. Il y a d’autres musiques folk que j'apprécie, comme la folk belge qui est, quelque part, entre la folk anglaise et américaine. J'aime aussi le fado du Portugal, qui est une musique traditionnelle, et aussi certaines musiques africaines, et le blues également.

PM: As-tu planifié une tournée pour l'année à venir?
LC:
Non, rien n'est encore défini, mais j'espère revenir en France au mois de mars.

PM: Est-ce ta première télé, ce soir, en France?
LC:
C'est la première télé depuis…10 ou 12 ans, je crois. Mais j'ai déjà participé à des émissions comme Taratata, et d'autres.

PM: Et comment te sens-tu, dix ans plus tard?
LC:
Je me sens plus vieux et plus gros…! (rires)

PM: J'ai rencontré Stuart Staples, le chanteur des Tindersticks, au printemps dernier. Tu le connais?
LC:
Les Tindersticks, c'est l'un des groupes que je préfère. Ils ont un son très personnel auquel ils sont restés fidèles et qui les rend immédiatement identifiables. Si l’on n'aime pas ce son, on n'aimera aucun de leurs albums. Moi, je trouve leur travail grandiose. D'ailleurs leur son ressemble à celui du quatrième album de Scott Walker. Lui, par contre, je crois qu'il ne fait plus de nouveaux albums.

PM: Compte tenu de ta culture européenne et de ton parcours universitaire, n'as-tu pas eu trop de mal à te faire à la vie aux Etats-Unis?
LC:
Non. D’ailleurs si cela continue, il n'y aura bientôt plus de différences entre les Etats-Unis et l'Europe!

PM: Revenons en Europe. Que penses-tu de la folk irlandaise?
LC:
Cette musique aussi suscite une vive émotion, souvent mélancolique.

PM: Et peut-on parler d'une musique folk écossaise?
LC:
Oui, il y a une excellente musique folk écossaise mais je n'en suis pas un expert même si je peux te citer le fameux Chris Drever et son orchestre. Ils ne font pas un folk nostalgique, et c'est totalement nouveau.

PM: Cela veut dire que tu n'apprécies pas que la musique mélancolique?
LC:
Non, bien sûr, car j'aime aussi le rock.

PM: Quel est alors ton public, au Royaume Uni?
LC:
En fait, je ne joue pas réellement du folk quand je suis là-bas. Je réadapte mes chansons, et en général j'ai un très bon retour de ces concerts. En plus, j’ai un public très hétérogène, il y a des jeunes, des vieux, des enfants avec leurs parents, des parents avec leurs enfants. Il y a beaucoup de fidèles qui avaient 30 ans au début de ma carrière et qui en ont 60, ou presque, aujourd'hui, et ce sont les mêmes de Paris à Stockholm.

PM: As-tu fais beaucoup de concerts en Suède?
LC:
Oui, j'ai déjà joué en Suède, Malmö, Göteborg, Stockholm et Uppsala. J'ai un bon contact avec le public suédois, qui m’est très fidèle. Ce public, lui aussi, a un penchant pour la mélancolie, un peu comme les portugais qui ont une tendance au vague à l'âme. D'ailleurs on se plaisait à dire entre nous que les portugais ont un penchant à la mélancolie et ont le fado tandis que les suédois ont le même penchant mais ils ont…l'alcool!!! (rires)

C'est sur ce trait d'humour que nous avons conclu cette interview, laissant filer Lloyd Cole vers l’enregistrement de l'émission ‘One shot not’ de Manu Katché.

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