ITW de Kenny ‘Blues Boss’ Wayne
ITW préparée et réalisée par Dominique Boulay
ITW réalisée dans les coulisses de l’hôtel Méridien, à Paris, le vendredi 27 mai 2011
Traduction : Josée Wingert
Photos : Yann Charles
Nous avons profité du passage de Kenny ‘Blues Boss’ Wayne par le Méridien où il a donné plusieurs concerts pour aller l’interviewer, faire avec une sorte de bilan de sa carrière et discuter de son dernier album, ‘An Old Rock On A Roll’, sorti chez Dixiefrog, en le laissant se présenter à vous à sa manière…
Kenny Wayne: Hi, je suis Kenny Wayne, surnommé Kenny ‘Blues Boss’ Wayne. Je suis un amoureux du boogie-woogie, un Boss du blues, un pianiste, un chanteur et un amoureux du blues. Voilà qui je suis! (rires)
PM : Tu as gravé huit disque sous ton propre nom, mais avant cela tu jouais avec et pour d’autres artistes. Qu’est ce qui est le plus difficile, jouer pour d’autres artistes ou jouer sous son propre nom?
K W : Rien de tout ça, parce que même lorsque je jouais pour d’autres artistes, j’avais ma propre signature, mon propre style. J’aime jouer sous mon propre nom, c’est vrai, mais lorsque j’accompagnais d’autres musiciens, j’avais toujours mon propre style, ma propre image, ma propre identité, et je suis reconnaissant à ceux avec qui j’ai joués de toujours m’avoir laissé jouer comme le l’entendais. Tu sais, depuis que je joue du blues, je n’ai jamais été considéré comme sideman. J’ai toujours été identifié comme un artiste à part entière et j’ai toujours été sur un pied d’égalité avec ceux pour qui je jouais.
PM : Quelle est alors la chose la plus importante pour toi, ton nom de famille ou ton surnom?
K W : Excellente question, mec (rires). Je pense que le surnom exprime davantage ma personnalité. Comme me le disait Joe Louis Walker, ‘Comme tu as Bruce Wayne et Batman, tu as Kenny Wayne et Blues Boss!’. Blues Boss, c’est une deuxième personnalité, et Kenny Wayne, c’est une manière de protéger mon intimité.
PM : Kenny Wayne, c’est le compositeur, et Blues Boss, son interprète sur scène, en somme…
K W : C’est exactement cela…!
PM : J’ai comptabilisé 238 concerts d’effectués ou de planifiés pour cette seule année 2011…
K W : Quoi…? Tant que cela…? Mon dieu…! (rires) Bien sûr que j’aime les gens, le public, et même les publics du monde entier, devrais-je dire. J’aime sortir de ma propre communauté. Je vis très bien dans ma ville de Vancouver, mais j’aime aussi beaucoup aller à la rencontre des gens, car je suis convaincu qu’il faut propager et diffuser la musique partout dans le monde. J’aime voyager, rencontrer beaucoup d’autres gens, d’autres musiciens. Tout cela m’apporte beaucoup et c’est très important pour moi.
PM : La planète est ton foyer, en quelque sorte.
K W : Exactement…! Et tant que j’aurai un souffle de vie, la planète sera ma maison.
PM : Comment as-tu rencontré Duke Robillard, qui est le producteur de ton dernier album, et dans lequel il est également musicien?
K W : En fait, je ne l’ai rencontré que très récemment. J’allais enregistrer un album avec mon manager et nous étions à la recherche d’un guitariste. Nous avions pensé à Roy Rodgers, qui est un bon ami de mon manager car ils ont tissé des liens amicaux depuis longtemps, mais Roy était malade et il avait besoin d’un peu de temps pour récupérer. Mais moi, je ne pouvais pas me permettre d’attendre, parce qu’entre temps, j’avais eu plein d’engagements et de contrats pour des concerts à venir et il fallait donc que je me dépêche. C’est alors que j’ai vu sur un panneau d’informations qui se trouvait dans le studio, que Duke Robillard se trouvait lui aussi dans l’endroit où j’étais. J’ai commencé par faire des recherches sur Google, parce que je ne le connaissais pas très bien, alors que pourtant je connais pas mal de monde dans le milieu… Bref, je l’ai rencontré et je lui ai donné un de mes disques pour qu’il puisse voir par lui-même ce que je faisais. Il l’a écouté, l’a apprécié et c’est comme cela que nous sommes devenus de bons amis.
PM : De nombreux musiciens qui figurent sur ton dernier album sont membres du Roomful Of Blues ou de l’orchestre de Duke Robillard, ce qui est presque la même chose. Joueras-tu avec les mêmes musiciens pendant cette nouvelle tournée?
K W : Non, je joue cette semaine au Méridien ave deux musiciens français, le batteur Vincent Daune, qui a joué avec Luther Allison, entre autres, et le bassiste Christophe Garreau, qui a l’habitude de jouer dans de nombreux groupes de blues, comme avec Paul Personne, Stan Noubard Pacha… Sinon, j’ai un guitariste américain qui vient de Chicago, Wil Crosby.
PM : As-tu eu l’occasion de jouer en concert avec Duke Robillard?
K W : Nous avons eu des propositions pour le mois de juillet, mais son agence s’était déjà engagée pour lui sur les mêmes dates, donc nous verrons ça un peu plus tard. Mais il est évident que nous avons abordé le sujet, et que cela se fera!
PM : Tu as reçu de nombreuses récompenses, comme des Grammy Award et des Juno Award. Comment ressens-tu cela?
K W : Comme une consécration personnelle…, mais cela ne change en rien ma personnalité, tu sais! Je suis toujours le même homme qu’avant d’avoir reçu ces récompenses. Mais bien sûr qu’un Juno me rend fier, car c’est vraiment ce que l’on peut obtenir de mieux au Canada. Depuis la parution de mon premier disque, j’ai dû être nominé trois ou quatre fois. J’ai d’ailleurs été nominé pour le dernier, ‘An Old Rock On A Roll’, et je suis très heureux de cette récompense là!
PM : Te considères-tu comme un jazzman, un bluesman ou un pianiste gospel?
K W : En fait, je me considère comme un bluesman ‘raffiné’, même si, en tant que pianiste, je suis plus attiré par les festivals de jazz. Mais en réalité, j’ai mélangé les deux et j’aime bien ce mélange là, blues et jazz à la fois!
PM : Pourquoi ‘raffiné’, alors?
K W : (rire) Parce que lorsque j’étais enfant, mon père, qui n’aimait pas le blues, appréciait particulièrement B.B. King et il disait toujours de lui: ‘Lui, au moins, c’est du blues raffiné!’. Ce qu’il voulait dire c’est que c’est classe, bien structuré, cultivé, organisé et mâture. Et il y a toujours comme une légère touche de jazz chez B. B. King. Au piano, beaucoup de musiciens apportent une touche supplémentaire à la partition, et c’est cette dimension supplémentaire que proposent B.B. King et son orchestre. Et je pense un peu comme mon père, finalement.
PM : As-tu eu l’occasion de rencontrer BB King?
K W : Ho oui, plusieurs fois, mais je n’ai jamais joué avec lui. J’ai l’un de mes bassistes, Russel Jackson, qui vient comme moi de Vancouver, qui a joué avec BB King.
PM : Comment composes-tu?
K W : Normalement, j’ai d’abord une idée, un thème en tête, et j’essaie de raconter une histoire là-dessus. Ensuite cela devient les paroles de la chanson, avec une certaine atmosphère nécessaire à la suite de la composition. Et c’est alors que j’écris la musique. Je commence d’abord par les paroles puis il y a ensuite tout un travail d’écriture et d’adaptation. Pendant ce temps, le texte peut changer, les paroles se transformer, mais ce n’est vraiment qu’après avoir écrit les paroles d’une chanson que je peux écrire la musique qui leur correspond.
PM : As-tu besoin d’un climat propice, pour composer?
K W : C’est surtout la nuit que je compose. Même si bien évidemment cela arrive parfois aussi dans la journée. Mais dans la journée, tu as tellement de sujets qui peuvent te distraire… Parfois en conduisant, de jour comme de nuit, j’ai une idée qui me vient. Et alors, dès que j’arrive à la maison, je travaille dessus. En fait, il n’y a pas vraiment de moment particulier pour écrire des musiques. Les paroles, oui, je préfère les rédiger dans la journée. Pour la musique, c’est plutôt la nuit que je préfère.
PM : Il y a quelque temps, tu as publié une méthode sur l’apprentissage du piano. Est-ce que tu travailles toujours à l’amélioration de celle-ci?
K W : Bien sûr que je continue à l’améliorer. Je joue dans des conservatoires et de faire des conférences sur le thème ‘Du piano blues et boogie woogie au piano classique’. Et c’est très stimulant et intéressant d’intervenir sur ce sujet là. J’aime partager mes connaissances sur le blues avec le plus de monde possible, même si je n’ai pas le temps d’enseigner. Et passer par le biais de cette méthode, cela me permet de mettre un pied dans le domaine de la pédagogie. Comme cela les enfants peuvent la lire, l’étudier, la mettre en pratique, et même, s’ils le souhaitent, me poser des questions.
PM : Est-ce que comme certains artistes tu vas enseigner la musique dans les quartiers défavorisés?
K W : Non, car le problème pour moi, c’est l’instrument lui-même. Le piano, ce n’est pas du tout comme la guitare. La guitare, tu peux l’emmener avec toi sous le bras, en voiture, dans le train, et ensuite aller dans une classe et jouer comme tu veux, où tu veux. Le piano, c’est déjà un instrument plus encombrant et il nécessite aussi une certaine technique alliée à une bonne connaissance de l’instrument. J’enseigne au Conservatoire et franchement, vois-tu, le conservatoire est le lieu idéal pour apprendre à jouer de cet instrument. Sinon, oui, j’anime également des ateliers dans des festivals, là où il y a déjà un piano.
PM : Possèdes-tu un piano à queue, chez toi?
K W : Hé bien non, malheureusement! Tu sais, j’habite en appartement et nous avons des pianos, mais pas de piano à queue. Ma femme possède un petit piano électrique, car elle en joue également, et moi, j’ai mes propres claviers. Un piano à queue, cela prendrait trop de place dans l’appartement (rires)…!
PM : Est-ce que tu as déjà joué de l’orgue Hammond?
K W : Il m’est arrivé de jouer de l’orgue sur certains enregistrements discographiques, mais il y a tellement d’excellents joueurs de Hammond que je leur laisse volontiers la place (rires)! Et puis, je vais te dire, je préfère le piano. Pour moi, l’orgue évoque davantage quelque chose de sacré, de spirituel. Moi, j’ai été élevé dans une église où il y avait un orgue avec des tuyaux qui allaient jusqu’au plafond, avec un son réellement impressionnant, majestueux! Et il était donc impossible de jouer du boogie woogie là-dessus. (silence) Mais peut-être que j’aurais dû essayer, mais bon (rires)…!
PM : Quel est ton pianiste préféré?
K W : En jazz, c’est Errol Garner, en blues, c’est Fats Domino, et en boogie woogie, c’est Pete Johnson.
PM : Et que penses-tu de Jerry Lee Lewis?
K W : Je trouve qu’il se situe davantage dans le théâtral que dans le musical. C’est un bon pianiste et un bon chanteur, il n’y a pas à dire, mais je trouve qu’il fait trop le cirque. Debout sur le piano, quand même! Je préfère les pianistes qui ont un jeu plus subtil. Moi, j’aime caresser les touches, faire l’amour avec le piano, et je préfère donc le style plus sobre d’un Fats Domino.
PM : Est-ce que tu t’es essayé au Ragtime, et à jouer du Scott Joplin?
K W : Non, mais j’aimerais bien apprendre à en jouer, mais je n’en ai pas le temps. Ce qui est intéressant avec le Ragtime, c’est que tu es l’orchestre à toi tout seul. Tu n’as besoin de personne. Et tu dois donc faire tes preuves tout seul. Moi, très sincèrement, j’ai besoin d’un orchestre, de musiciens, de saxophones, d’une batterie, de guitares, de travailler tous ensemble.
PM : Connais-tu le jeune pianiste canadien Julian Fault?
K W : Oui, bien sûr! C’est non seulement un très bon pianiste, mais c’est aussi un type très bien! On a enregistré un Pianorama ensemble, mais malheureusement il s’est fait une double fracture du bras en tombant dans la fosse, après un concert. On a même dû organiser des concerts pour lui venir en aide, financièrement parlant. Mais je suis certain qu’il va revenir sur le devant de la scène.
PM : Et Pinetop Perkins…?
K W: Oh, j’aime beaucoup Pinetop Perkin! Nous avons joué ensemble, d’ailleurs. Je vais te raconter une anecdote marrante: on avait toujours la même couleur de costume, sur scène, et sans jamais nous être concerté avant (rires)…! Lorsqu’il était en rouge, je l’étais aussi, et le jour où il était en bleu, j’étais en bleu également C’est fou, n’est-ce pas…? Pinetop Perkins était quelqu’un que j’adorais…, et il me manque beaucoup. (silence) Beaucoup…!