ITW de Imelda May

                                  Imelda May : Le La phénomène

ITW préparée et réalisée par Frenchy
Photos : Bruno ‘Nono’ Migliano & Yann Charles


Imelda May remplit la pièce de son rire franc et massif. Impeccable dans cette chambre décorée fifties de l’Hôtel Renaissance avec sa mèche bicolore à la Lucien (copyright Margerin, qui adorerait son look!), son haut panthère et ses stilettos 12 cm minimum, Imelda, de son vrai nom Imelda Mary Clabby, ne passe pas inaperçue. Cette chanteuse irlandaise, où elle est désormais une star, née le 10 juillet 1974 à Dublin, est venue à Paris entre deux tournées pour nous faire rattraper le retard. L’album de la consécration, ‘Love Tattoo’, sorti tout récemment en France, juste deux ans et demi après le reste du monde, qui lui a déjà fait un triomphe. Mais il n’est jamais trop tard pour bien faire, n’est-ce pas…?

Chez toi, en Irlande, tu es une star mais les français ne te connaissent pas vraiment. Peux-tu te présenter?
Je m’appelle Imelda May et je suis irlandaise (rires).

Comment c’était, de grandir dans ce quartier de Dublin qu’on appelle The Liberties?
J’ai adoré grandir dans ce quartier! C’est au centre de Dublin, la plus vieille partie de la ville, à tel point que chaque fois qu’ils creusent pour faire les fondations d’une nouvelle construction, ils trouvent des restes archéologiques! C’est un super endroit pour vivre.

Un quartier pauvre?
Les gens n’avaient pas beaucoup d’argent mais n’en voulaient pas plus (rires).

Que faisaient tes parents?

Mon père était peintre décorateur et ma mère élevait ses cinq enfants.

Tu es la dernière, n’est-ce pas?

Mes parents en ont eu six, mais ils en ont perdu un avant que je naisse et j’ai été ‘l’enfant de la surprise’!

La bonne ou la mauvaise surprise?
Il faut que tu demandes à mes parents (rires)…!

Comment t’est venu ce goût pour la musique?
Comme mes parents étaient un peu ‘vieux’, j’ai eu accès à de la musique fantastique comme Judy Garland, Nat King Cole, Glenn Miller, Bing Crosby ou Dean Martin! C’est le genre de musique que j’ai écoutée en grandissant. On avait un lecteur de disques dans le salon et, à la différence de maintenant où chacun écoute de la musique dans son coin, tout le monde mettait ses disques! Un de mes frères écoutait Joe Cocker, les Stones et Léonard Cohen, un autre n’écoutait que de la funk music et j’ai été confrontée à tous ces styles différents

… mais tu es tombée amoureuse du Rockabilly!
Oui. J’avais 13 ans et on m’avait offert un lecteur de K7 mais je n’avais pas de K7 (rires). J’en ai trouvé une dans la chambre d’un de mes frères et c’était une compilation avec Eddie Cochran, Gene Vincent et Buddy Holly. Et j’ai… adoréééééé…! Je me rappelle des Blue Caps HURLANT derrière Gene Vincent… WOOOOOOOOOOOWWWW….! Ca me filait des frissons dans le cou, à moitié effrayée et à moitié excitée. J’aimais ça à tel point que j’ai changé de coiffure, je me suis achetée des jeans…

Et tu cries sur tes disques comme les Blue Caps!
Ouiiiii. C’est dingue, non (rires)?

Au début, tu as été artiste burlesque. Ca n’a pas du plaire à tes parents, ça, non?
J’étais juste chanteuse, pas danseuse. Mais oui, ça a inquiété ma mère ce monde-là (rires). Mon père trouvait ça génial (rires)…!!!

T’as de bons souvenirs de cette période de ta vie?
Magnifiques! Je n’ai plus le temps de faire ça maintenant, mais j’ai adoré. Si c’est bien fait, c’est fantastique, mais ça peut être horrible si c’est mal fait. Je n’irais jamais voir ça dans un club de strip-tease, c’est pas mon truc. Ce que j’aime, c’est le côté Moulin-Rouge ou Vaudeville (NdR : dit en français, je vous laisse deviner la prononciation, avec l’accent de Dublin!), la beauté, le glamour… Mes préférés sont le Flash Monkey à Londres et le Candy Box à Birmingham, car ils ont tous les deux un orchestre qui joue ‘live’.

Tu chantais quoi, comme répertoire?
Certains soirs y’avait des thèmes, comme la science-fiction (rires). Je pouvais chanter des chansons du Rocky Horror Show comme du David Bowie ou du Dolly Parton! Et même du Les Paul/Mary Ford, des chansons comme ‘Smoke Rings’. J’ai aimé le fait que ça me sortait de ma ‘zone de confort’ et que ça me mettait en danger de chanter des trucs pareils. Ca existe, en France, le Burlesque?

Oui, tu devrais te renseigner sur Juliette Dragon et son Cabaret des Filles de Joie.
Je regarderai sur le Net!

Elle utilise le feu en dansant!
Oooohhh…! J’ai une amie à Los Angeles, elle s’appelle Satans Angel. Juliette la connait peut être. Elle est très connue et fait ça depuis les années 60! C’est l’une des quatre femmes au monde à faire tourner ces trucs enflammés avec ses seins (rires). La lumière s’éteint, elle les fait tourner à toute vitesse et puis elle souffle comme une folle pour les éteindre, pffff, pffff…(rires)…!!!

Elle doit pas être jeune, ta copine…
Non, mais elle est encore canon, super sexy, elle a encore le truc, quoi (rires).

Tu es devenue célèbre incroyablement vite. Comment as-tu vécu tout ça?
C’était rapide et lent! C’était rapide après vingt ans (rires).

C’était ma prochaine question. Tu as 36 ans, as-tu eu des doutes de ne pas réussir un jour?

Je n’ai jamais douté, car je n’ai jamais eu cette ambition. Je suis musicienne, je chante, j’écris des chansons, j’ai mon propre groupe, je veux juste faire des concerts et vivre la vie que je veux. Je suis très heureuse d’avoir du succès, mais sans succès je ferais exactement la même chose. Ce qui me dirige, c’est la passion pour ce que je fais!

Oui, quoiqu’il arrive, les musiciens n’ont pas d’autre choix que de faire de la musique.
Exactement! C’est presque comme un sort qu’on t’a jeté!

Et pour gérer le succès, donc, comment as-tu fait?
C’était vraiment nouveau pour moi, après tant d’années dans l’ombre, et dans un sens j’étais heureuse d’être assez âgée pour voir les choses plus clairement que si j’avais eu dix-huit ans. Et puis aussi parce que ce sont mes chansons, mon groupe, et que je produis moi-même mes albums, c’est vraiment…mon bébé.

C’est quand même incroyable que tu passes dans cette salle de Dublin, le Vicar Street, où tu nettoyais les toilettes plus jeune! Ca a du te faire drôle, non?
Oui. Je me disais: ’Un jour…, ce serait bien…’, et j’en croyais pas mes yeux quand on a joué là et qu’il y avait plein de gens qui étaient venus nous voir (rires)! Des fois aussi, dans les magasins, je suis encore étonnée car j’arrive à la caisse, je lève le visage et la caissière fait: ‘AAAAAAAAAHHHHHHHHHHHHH….!!!!’ (rires)

A propos de succès, Jeff Beck a été très important pour ta carrière!
Il est venu me voir au Ronnie Scott’s de Londres. Il connaissait déjà mon mari, et il m’a beaucoup aidé depuis. Il est merveilleux, très passionné de musique, et de Rockabilly aussi. On a fini la nuit à faire le bœuf, ‘Tu te rappelles cette chanson? Et celle-là?’. Cognac et musique jusqu’au bout de la nuit (rires)…!

Mais c’est Jools Holland qui a été déterminant, non?
Oui. C’est un mec vraiment formidable! Quand j’ai formé mon groupe, j’ai rappelé tous mes contacts pour tourner. Un des ces contacts était le Jazz Club à Sheffield, dans le Nord de l’Angleterre. On a joué là-bas et le tourneur de Jools était là. Il a aimé et nous a pris en première partie pour le premier concert de la tournée de Jools. Après le premier concert, on nous a proposé toute la tournée (rires)! Tu sais, je suis tellement fan de lui. Il était venu nous voir jouer et je n’osais pas lui offrir notre disque. Il a été l’acheter à l’entrée! Tu le crois ça…?? (rires). Il nous a dit: ‘Sur quel label vous êtes?’ et je lui ai dit qu’on n’avait pas de label. Il nous a passé dans son émission de radio, nous a aussi fait passer dans son show télé car Natalie Cole qui était programmée était trop malade pour le faire, et le lendemain de l’émission, tout a basculé! En trois jours on avait un label!

Chanter avec Jeff Beck au Grammy Awards a dû aussi être un moment incroyable!

Oh oui! J’ai essayé de pas trop réfléchir avant de monter sur scène, parce qu’autrement ça m’aurait rendu dingue (rires)! C’était une journée de dingue, de toute manière, avec des gens partout. On t’entraîne dans tous les coins, une interview ici, une autre là, ce qui est bon, en fait, car tu n’as pas le temps de te prendre la tête pour quand tu vas chanter devant des millions de gens! C’était une expérience magnifique et j’ai vraiment aimé faire ça, comme faire aussi ce Tribute à Les Paul, que j’adore, avec Jeff Beck, que j’adore aussi (NdR: voir chronique dans Xroads #39)

Es-tu entièrement libre artistiquement où as-tu eu des pressions de ton label pour être plus ‘pop’ et dans l’air du temps?
Au début, avant de signer, quand je discutais avec les labels, ils voulaient que je sois plus vendable, ils ne savaient pas trop quoi faire avec moi, dans quelle boite me ranger, mais j’avais décidé de continuer mon propre truc et, dans un sens, ça m’a réussi car j’ai enregistré ‘Love Tattoo’ et tout a commencé.

‘Love Tattoo’ sort maintenant en France mais c’est un vieil album pour toi. Il est même cinq fois disque de platine en Irlande!
Oui, c’est étrange, car en plus c’est vraiment la première fois que je fais de la promo pour cet album (rires)! Je n’avais pas de label quand je l’ai fait, je l’ai enregistré dans le studio de mon mari (NdR: Darrel Higham, qui est aussi le guitariste de son groupe et joue aussi avec Slim Jim Phantom, le batteur des Stray Cats, quand il a le temps), sans pouvoir même me payer un ingénieur du son!

Et pourtant il sonne vachement bien!
Oui, et du coup j’ai fait mon album sans personne, sans label, sans pression et j’ai fait exactement ce que je voulais faire. Et j’étais beaucoup plus sûre de moi pour le deuxième album, ‘Mayhem’. C’était une bénédiction, en fait …


Tu es une star en Irlande, on se rend pas bien compte en France. Tu es la première chanteuse Irlandaise à te retrouver numéro 1 depuis Mary Black, il y a plus de vingt ans!

Oui, c’est dingue. ‘Love Tattoo’ a été numéro 3 et le deuxième (NdR: sur un label, en fait, car Imelda May avait fait un premier album en 2005 appelé ‘No Turning Back’) est numéro 1. Ca m’a vraiment surpris! On a même fait 7ème en Angleterre, c’est dingue!

Comment as-tu évolué entre ces deux albums?
Je voulais plus de ‘production’ sur le deuxième, car ‘Love Tattoo’ a été enregistré de manière simple, juste moi et le groupe dans une pièce. On peut pas faire le même album à chaque fois…

Et ton évolution, en tant que songwriter?
Et bien, j’espère que j’ai évolué en tant que songwriter (rires)! Je suis trop critique par rapport à mon travail pour pouvoir répondre à ça. Et je crois que c’est sain (rires).

As-tu une direction où tu voudrais aller dans le futur?
J’en ai aucune idée et j’aime ça! Je fais juste ce que j’aime faire et j’en profite. Si tu laisses la vie te guider, ça marche mieux que si tu essaies de tout contrôler. Je bosse dur, je prépare les enregistrements et les séances d’écriture, mais j’aime laisser les opportunités se présenter au lieu d’essayer de les programmer. Les rencontres avec Jools Holland et Jeff Beck étaient des ‘accidents heureux’. Aux Etats-Unis, j’ai rencontré Meatloaf et il m’a demandé de partir en tournée avec lui. J’ai fini par chanter un duo avec lui à Wembley… J’ai chanté avec Lou Reed à New-York, sans que rien ne soit prévu, et j’étais juste très honorée…!

Certains disent que ta voix se rapproche de plus en plus de Chrissie Hynde.
Vraiment…? Je prends ça comme un compliment, j’adore Chrissie Hynde…!

D’autres disent que tu serais une réponse à Amy Winehouse, sûrement à cause de ton look, je suppose…
Je sais pas. Quand je suis tombée amoureuse de cette musique, je suis aussi tombée amoureuse de tout ce qui allait avec. Et pour les fringues, c’est bien pour les femmes qui ont un peu de taille (rires).

J’ai vu que tu adores tourner.
Oui, on vient de finir une tournée de neuf semaines en Angleterre, en Ecosse, en Australie et aux Etats-Unis avec Jeff Beck. Là, on part en Norvège et en Allemagne, mais je sais qu’on va venir à Paris (NdR: le 28 Juin au Grand Rex avec Brian Setzer mais elle reviendra en tête d’affiche en Octobre). Je me sens mieux sur scène que partout ailleurs! C’est pas étrange (rires)…?

On doit arrêter. Merci beaucoup Imelda pour cet entretien!
Ca allait, l’accent? J’ai essayé de faire mon possible (rires).

Not that bad, paddy!!! (son rire énorme emplit la pièce une nouvelle fois)

Imelda May