ITW de Emilio Armillès
ITW préparée et réalisée par Virgin B.
Photos: © Emilio A.
C’est en Bourgogne qu’un esprit bouillonnant, créatif et artistiquement très éclectique réside. Posant sa guitare et sa plume quelques instants, Emilio Armillès a bien voulu répondre à quelques questions.
PM: Pendant une dizaine d’années tu fus directeur artistique et programmateur d’un grand festival de blues, exact?
EA: Yes! J’ai été pendant dix ans directeur artistique d’un festival assez important, au Creusot, en Bourgogne, qui s’appelait à l’époque Festival National de Blues, et ça de 1991 à 1999. Ca avait démarré en 1989 par un évènement tous styles musicaux, le Festival Clin d’Oreille, et en 91 c’est devenu un évènement Blues et musiques dérivées.
PM: Pourquoi as-tu quitté cette fonction?
EA: Je n’ai pas trop envie de parler de choses qui fâchent (rires), mais bon… Je dirai simplement que dix ans, c’est long… Et pour faire court, je dirais qu’il y a eu quelques divergences de vues sur la façon de travailler, etc., et puis voilà, j’ai donné ma démission en souhaitant bon vent à toute l’équipe. Le festival existe encore aujourd’hui, il s’appelle désormais Blues en Bourgogne et même s’il a fortement revu ses ambitions à la baisse, il propose quelquefois des choses intéressantes.
PM: Tu avais un pied dans la musique bien avant ces responsabilités festivalières…
EA: Oui, mais pas en tant qu’organisateur.
PM: Quelles furent tes plus belles rencontres musicales pendant cette période?
EA: Hans Olson, américain du Colorado, un musicien extraordinaire, le groove en personne. Bill Wharton, appelé aussi ‘The Sauce Boss’, car il fait la cuisine sur scène tout en jouant un blues très épicé! Chaud devant! Il y a eu aussi Louisiana Red (quel personnage!), Roy Rogers et bien sûr le regretté Luther Allison, qui manque beaucoup aujourd’hui.
PM: A quel âge la guitare t’est-elle tombée entre les mains? Et pourquoi cet instrument? Des musiciens dans ta famille?
EA: J’ai commencé la musique vers 14, 15ans. Mon grand frère en jouait déjà un peu. J’ai acheté ma première guitare d’occasion à un ami. C’était une Doris, avec une forme très vaguement Jazz, une couleur sunburst à vomir et un manche énorme! Pourquoi la guitare? Je n’en sais rien… Ca s’est fait comme ça, naturellement. J’ai tout de suite commencé à apprendre des trucs très simples, en arpèges, pour épater les filles (rires), puis des chansons de Graeme Allwright et Hugues Aufray. C’est l’album ‘Hugues Aufray chante Dylan’ qui m’a donné le goût du Folk. Je me suis attaqué au picking vers 19 ans, grâce à Marcel Dadi, et par lui j’ai découvert Chet Atkins, Doc Watson et bien d’autres. Encore aujourd’hui, sur trois notes que je joue, j’en dois toujours une à Marcel Dadi.
PM: Tu touches à tout, chanson française, blues, country, blues-irish. D’ailleurs tu évolues dans plusieurs formations: Stone Creek, Rue de Lappe,…
EA: Ben oui, je suis fait comme ça! J’aime aussi ce qu’on appelle couramment la ‘chanson française’. Je suis également chanteur-guitariste dans le groupe ‘Rue de Lappe’ qui propose deux spectacles: ‘Chansons réalistes et swinguantes’ et ‘Un jour tu verras’, qui est un hommage à Mouloudji. Frédéric Gateau est à l’accordéon, à l’orgue de Barbarie et au chant, et Pascal Brenot à la contrebasse. On se connaît depuis 30 ans. Plus besoin de trop parler pour qu’on se comprenne…
PM: Je te dis bottleneck, résonateur accordé en open tuning, ça te parle?
EA: Oui, bien sûr, j’adore ça! Comme tu le sais, j’ai écrit pendant trois ans la rubrique ‘Exercices de Steel ©’ dans la revue nationale ‘Guitarist Magazine’, et j’en ai décortiqué des parties de slide guitar! J’ai aussi donné des cours, encadré des stages sur des festivals, mais je t’avoue que là, j’ai un peu décroché de cet univers et ça me va bien. J’y reviens de temps à autre… Je me souviens qu’à une époque j’avais noté parmi les joyeux adeptes de ce style de jeu comme un esprit de caste, une mentalité qui ne me plaisait pas du tout, un cercle fermé d’initiés, reconnaissables à leur auriculaire rigide. Si tu veux en faire partie, tu te dois de jouer sur telle marque d’instrument, évidemment vintage et américain. Heureusement que tous ne sont pas comme ça! Par exemple, dans les français, un certain Loïc Hula Boy, excellent musicien et chanteur de Blues à la française, à écouter sur son Myspace www.myspace.com/loichulaboy
PM: D’où te viens cette passion du blues?
EA: Dans le Blues, je prends seulement ce que j’aime. Là aussi, j’assume mes goûts. J’ai vraiment du mal avec le Blues dit ‘classique’. Je suis par exemple incapable d’écouter dix morceaux de Robert Johnson à la suite! J’ai vraiment besoin d’entrecouper ça avec une valse musette (rires)…! Plus près de nous, même Eric Clapton, avec tout le talent qu’il a, me fatigue un peu. La gamme pentatonique à outrance, ça va cinq minutes. Et j’ai une passion pour la vieille Country, car j’en ai beaucoup écouté, celle des racines…, des trucs de Folk, Cisco Houston, Pete Seeger et tout ça. Celle d’aujourd’hui, avec cette mode du Line-Dance, je préfère ne pas en parler, merci.
PM: Dans l’album Stone Creek tu as repris des morceaux issus du folklore et quelques compositions de ton cru, et quand on connait la région où tu vis, ce mot a d’autant plus de signification. Des morceaux que tu as découvert comment?
EA: Oui, il y quelques morceaux ‘trad.’ dans l’album de Stone Creek, groupe Country Blues Old Time avec qui je tourne depuis une vingtaine d’années. Une formation dans laquelle il y a Tom Pike au violon, guitare, banjo et chant, Pascal Brenot à la contrebasse, et moi-même aux guitares et au chant. Comme je le disais plus haut, j’ai beaucoup écouté ça, et Tom nous a beaucoup apporté par sa culture, puisqu’il est américain.
PM: Des chansons, des thèmes interprétés pour adultes dans ton répertoire, mais pas seulement, tu t’adresses également aux enfants. Et là je te parle de Jack Agile et les Chats de Montréal.
EA: Oui, on tourne également un spectacle pour enfants, ‘le Merveilleux Voyage de Jack Agile’, conte musical avec de la musique trad du Québec, des Appalaches, et des compos jouées dans ce style. Quand aux Chats de Montréal, là, c’est un album pour enfants (chez Musinfo / Eveil et Découvertes). Sur cet album figurent deux chansons dont j’ai écrit les textes et qui sont chantées par Daniel Lavoie. Ce sont Gérard Beauchamp, excellent compositeur et également auteur, et Denis Truchi, pour toute la belle partie graphique, qui sont les créateurs de cet album. Sandrine Roy a également écrit et co-écrit une grande partie des textes. Sur cet album figurent aussi Dominica Merola, talentueuse chanteuse québécoise, Danny Boudreau, chanteur acadien très en vue, Audrey Gagnon, jeune artiste de la relève, qui a une belle voix très originale. A noter aussi une jeune artiste française, chanteuse également, dont on va entendre beaucoup entendre parler dans peu de temps, Nadège Vacante. Elle prépare son premier album sous la direction de Gérard Beauchamp. A noter qu’il y a eu également la sortie des ‘Chats de Paris’ (mêmes éditions, mêmes créateurs), et sur cet album je suis simplement interprète d’une chanson.
PM: Tu entretiens des relations particulières avec la Belle Province, jet e me suis laissée dire que tu travaillais avec des maisons d’édition au Québec. Tu confirmes?
EA: Oui, je confirme ! J’ai confié des chansons à des éditeurs du Québec mais c’est avec Musinfo que commencent tout doucement à se faire des choses. C’est un grand plaisir de travailler avec Jehan Valiquet, car c’est quelqu’un de très influent au Québec et quelqu’un de très droit. J’aimerais évoquer également l’auteur Roger Tabra, qui écrit pour les plus grandes stars au Québec et qui m’a fait l’honneur de me confier deux textes que j’ai mis en musique. Ils sont pressentis pour figurer sur son prochain album. A paraître au Québec ce printemps, le premier album de Valérie Crête, sur lequel j’ai signé un texte mis en musique par le chanteur acadien Danny Boudreau, et dont des extraits sont en ligne ici: www.valeriecrete.com D’autres belles choses sont en cours, mais dont je ne peux pas encore parler. A suivre, donc…!
PM: Avec Rue de Lappe c’est un hommage vibrant à Mouloudji que tu rends. Quand as-tu été attiré par le personnage?
EA: Depuis que j’écoute de la chanson française! C’était un très grand interprète et même un excellent auteur. Mais là je renvoie vos lecteurs au site de Rue de Lappe, ici : http://ruedelappe.free.fr où vous découvrirez le pourquoi du comment, et où vous pourrez même écouter des extraits de chansons.
PM: Tu es avant tout un poète troubadour au service de la musique et non l’inverse. Est-ce dans cet esprit que tu te rends dans les foyers de personnes âgées?
EA: Oui, et j’aime beaucoup ça car les personnes âgées rendent beaucoup en retour. J’aime vraiment beaucoup me produire en maisons de retraite. Et rendre les gens heureux, faire ce qu’on aime tout en gagnant sa vie, c’est merveilleux, non?
PM: Avec quelle guitares joues-tu? Es-tu collectionneur? Une anecdote…
EA: Non, je ne suis absolument pas collectionneur de guitares. J’en ai une vingtaine, mais ce sont toutes des guitares que je peux emmener en concert sans craindre qu’il leur arrive quelque chose, de bonnes guitares que n’importe qui peut acheter: des Lag, Takamine, Gretsch, Regal. Une anecdote? J’avais une National Résolectric et je l’ai revendue. Elle vieillissait vraiment très, très, mal. On ne s’entendait pas du tout (rires)! A part ça, j’aime bien bidouiller mes guitares électriques, surtout les Fender Telecaster. Je suis fou de ce modèle. J’en ai deux que j’ai customisées, une vraie tuerie!
PM: Avec qui souhaiterais-tu monter sur scène pour interpréter le morceau qui te donne le plus de frissons?
EA: Sans hésiter une seconde, ‘Les Primitifs du Futur’! Ils jouent et représentent tout ce que j’aime. Ils passent du Blues à la Java, à la chanson de quatre sous, au Musette. La chanson que j’aimerais interpréter avec eux? ‘Sous les toits de Paris’, ou ‘Ramona’, ou encore un vieux Blues de derrière les fagots, genre ‘One meat ball’.
PM: Comme les grands crus, les musiciens s’affineraient en prenant de la bouteille. Partages-tu cette opinion?
EA: Oui, bien sûr. Mais pour tout le reste, on a moins la niaque pour aller toujours plus de l’avant! Je ne sais plus où j’ai lu ça: ‘Quand t’as les dents, t’as pas la pomme. Quand t’as la pomme, t’as plus les dents.’, mais bon, la vie continue et elle est belle…! Youpi…!