ITW de Crows, les corbeaux du blues
Préparée et réalisée par Alain Betton
Réalisée le 8 mai 2010 au Chalet des Cascades, à Cernay la Ville (78)
Photos : © Alain Betton
Le Chalet des Cascades, lové au cœur de la forêt de Rambouillet, organise chaque week-end depuis de nombreuses années des concerts pour la plus grande joie des passionnés de blues et de blues-rock. Peu importe la saison, les viandes sont toujours grillées à la cheminée. Brice et son équipe vous y réservent leur meilleur accueil et le lieu est idéal pour se faire un bon repas et écouter de la bonne zik.
Ce soir, ce sont les Crows qui se posent au Chalet et nous avons rencontré pour vous José 'The Old Crow' Tibaldi, Christian Schneiter, Jean Marie 'Jimdi', Laurent Aporchat et Hervé Mathout pour cette ITW d’avant concert.
AB : Entrons dans le vif du sujet, l'actualité des Crows avec la sortie imminente de ce premier album de reprises ‘Forty Years Later…’. Ce titre est-il évocateur d'une certaine nostalgie?
JT (José) : Faisons ensemble un petit retour dans le passé. Le groupe s'appelait The Crows, formé en 1966 avec le guitariste Christian Schneiter, le bassiste Elian Ayache, le batteur Philippe Renault et moi même au chant. Fin 68, j'ai du malheureusement cesser de chanter suite à une opération des amygdales, puis j’ai fait mon service militaire et chacun de nous est reparti vers des horizons différents. Avant de reparler de la formation de Crows en 2007 et pour revenir sur cet album, ‘Forty Years Later…’, effectivement on peut parler d’une certaine nostalgie. Nostalgie d'une certaine époque, de la musique des seventies et d'une jeunesse passée.
AB : Peut-on dire, José, que tu entames désormais une deuxième jeunesse…?
JT : (rires) Pas du tout, Alain, car ma première jeunesse n'est pas encore terminée.
AB : Comment s'est fait le choix des titres pour cet album?
JT : Notre répertoire est plus rock-blues que blues-rock. Sur scène, nous reprenons des standards de Spencer Davis, Steppenwolf, Spooky Tooth, Ten Years After, Steve Winwood, Jimi Hendrix et bien d'autres. Nous voulions nous démarquer pour faire cet opus. J'ai donc proposé à mes gars des titres certes connus mais peu interprétés par d'autres formations et puisés dans le créneau des années 65 à 75 comme ‘Barefootin’ de Robert Parker , ‘Big Bird’ d’Eddie Floyd, ‘Bedroom Thang’ de Billy Gibbons, ‘Rocky Mountain Way’ de Joe Walsh, ‘Locomotive Breath’ de Ian Anderson ainsi que d'autres compos de Moon Martin, Jackie Edwards, John D. Loudermilk,… Nous sommes tout de suite tombés d'accord sur ce choix de dix titres pour l'album et nous y avons travaillé très rapidement tous ensembles.
AB : En plus des titres évoqués, trois ‘Bonus tracks’ sont proposés. Pourquoi?
JT : Nous avions sorti en 2008 un CD 7 titres de démo. Je dirai que c'était notre carte de visite pour pourvoir faire des concerts. Et nous avons repris sur ‘Forty Years Later…’ trois titres ‘coup de cœur’ de cette démo qui sont ‘Dust My Blues’ d’Elmore James, un vieux blues de Robert Johnson sorti en 1936 sous le titre ‘I believe I'll dust my broom’, ‘Call me the Breeze’, un incontournable de J.J. Cale, et ‘Roadhouse blues’, des Doors, que nous avions enregistré en live au Petit Journal Montparnasse.
AB : José, puisque tu nous cites des artistes incontournables, ne t'arrêtes pas en si bon chemin…Quels sont ceux qui t’ont fortement influencé?
JT : Pour te citer quelques guitaristes: Rory Galhager, Eric Clapton, mais avant tout mon idole, Jimi Hendrix. Mon chanteur de référence est Mike Harrisson, des Spooky Tooth. J'ai également un faible pour les voix d’Eric Burdon, Van Morrison et John Kay, de Steppenwolf.
AB : Revenons sur le nouveau départ des Crows. Comment les oiseaux noirs ont-ils repris leur envol?
JT : Le mérite en revient à Christian, alors laissons lui la parole.
CS (Christian Schneiter) : J'ai retrouvé mon ami José en 2005, lors d'une fête de la musique. Je jouais toujours comme guitariste dans le groupe Twin Set en compagnie de Laurent et Jimdi, respectivement à la basse et à la guitare. Mes retrouvailles avec José, le passé qui resurgit, l'émotion et l'irrésistible envie de replonger avec lui dans le monde du blues-rock étaient très fortes, mais José est un perfectionniste et il n'était pas prêt pour reprendre l'aventure. J'ai du le tanner, le tanner et le tanner encore pour enfin le décider à reformer Crows, fin 2007.
JT : Vois-tu, Alain, j’étais dans le style ‘j’suis tranquille, j’suis peinard à écouter de la musique dans un bar’, mais rien à faire, ils sont venus me chercher (rires).
AB : Christian, après l'arrêt du groupe The Crows, en 1968, as-tu continué à jouer?
CS : J'ai joué deux ans avec Les Dauphins, en 70 et 71. C'était la folle époque du Golf Drouot et nous avons fait de nombreuses tournées en France. Ensuite, j'ai donné la priorité à mes activités professionnelles et ne suis revenu à la guitare qu’en 1998, avec la première formation du groupe Twin Set. Cette formation a évolué au fil des années, avec de nouveaux venus comme Laurent Aporchat et Jimdi. Lorsque j'ai quitté Twin Set pour Crows, Laurent m'a suivi et un peu plus tard, Jimdi aussi, en remplacement de Thierry Huylebroeck, qui n'est resté qu'un an avec Crows.
AB : Pour quelles raisons Thierry Huylebroeck a-t-il quitté le groupe?
JT : Thierry n'est resté qu'un an avec nous, car en parallèle, il avait créé Kob, un groupe de Hard Rock, et de ce fait, il n'était plus possible pour lui de s'investir avec Crows. Christian, avec sa Strat plutôt blues, et Thierry, avec sa Gibson plutôt rock, ont apporté cette touche à la fois de finesse et d'agressivité qui caractérise aujourd'hui la musique du groupe. Une alchimie perpétuée avec la présence de Jimdi, présent parmi nous depuis plus d'un an et demi. Mais je tiens à préciser que Thierry reprend la guitare avec Crows lorsque Jimdi est indisponible, tout comme Philippe Renault, le premier batteur du groupe, en 68, est souvent présent lors de nos concerts et reste toujours prêt pour un petit bœuf avec nous. Nous avons conservé une très grande amitié entre nous, et en sommes très heureux.
AB : Jimdi, tu es le benjamin des Crows. Peux-tu nous parler de tes premiers pas? J'allais dire, de tes premiers battements d'ailes?
Jimdi : Je suis un autodidacte et j’ai commencé à jouer de la guitare en 1994, à l'âge de 15/16 ans. Il n’y avait aucun musicien dans ma famille. A vingt ans, je suis rentré à l'American School of Modern Music, à Paris, pour trois années de conservatoire de jazz. Ensuite, j'ai joué avec Warm up, Opus orchestra, Twin Set, et maintenant Crows.
AB : Jimdi est un pseudo, bien sûr…
Jimdi : Bien sûr, et c'est un clin d'œil au légendaire Jimi Hendrix.
AB : Le bassiste des Crows n'est d'ailleurs pas le dernier à porter un tee-shirt de Jimi Hendrix lorsqu'il joue en concert, n'est ce pas Laurent?
LA (Laurent Aporchat) : (rires) Effectivement, moi non plus je n'échappe pas à la règle. Comme Jimdi, j'ai eu ma première guitare à 15 ans et la basse est venue dix ans plus tard, à l'âge de 25 ans. J’ai joué dans différentes formations de funk, blues, pop-rock et jazz-rock. En parallèle des Crows, je retrouve également Jimdi avec le groupe Open Door.
AB : Passons derrière les fûts, maintenant. Hervé, peux-tu nous dire quelques mots de toi qui est le batteur des Crows?
HM (Hervé Mathout) : C’est un grand plaisir de jouer avec Crows depuis 2007 et de partager la vie du groupe avec deux jeunes dans la trentaine et deux… moins jeunes! (rires) Le plus important est de toujours garder une ouverture d'esprit sans jamais pour autant se prendre au sérieux. J'ai acheté ma première batterie à 15 ans et j'ai accompagné mon père qui était accordéoniste. Jouer cinq heures de suite dans les bals musette te forme et t'apprend le métier. J'ai aussi touché au jazz-rock, j’ai joué avec des Antillais et même en duo avec un claviériste dans les paroisses et les églises. Ceci dit, je suis plutôt blues-rock mais rien ne m'empêche depuis une vingtaine d'années de jouer également dans les bals et thés dansants.
AB : Le public doit être très différent, non? Mais je pense que cela ne te dérange pas…
HM : Tu sais, l'essentiel est de s'éclater et de faire plaisir au public, quel qu'il soit. Et puis je vais te dire, Alain, que le troisième âge est un excellent public, toujours partant pour danser. Et si tu veux savoir, les 'Ginette' ne sont pas des timides et côté vestimentaire, elles sont souvent prêtes à imiter Madonna (rires)…!
AB : Je comprends pourquoi, Hervé, on te surnomme le bout en train des Crows. Dis-moi, José, en revenant à nos Crows, les dates de concerts du groupe sont de plus en plus nombreuses, non?
JT : Oui, et ce n'est pas le fait du hasard mais celui d'un travail collectif. Nous effectuons une cinquantaine de dates par an. En 2010, en plus de notre fief en Ile de France, nous avons joué dans le Nord et le Centre de la France. Dans les semaines et mois à venir nous nous produirons également en Bourgogne, en Auvergne, en Aquitaine et aussi dans d'autres lieux à confirmer. Mais je voudrais revenir sur une chose et te conter une anecdote. Au début de The Crows, en 67, nous avons joué dans un lieu très prisé, au Plessis-Robinson. Je dois reconnaitre que ce jour-là le public ne nous était pas acquis et que notre prestation n'avait pas fait l'unanimité, loin s'en faut. Nous avons retenu la leçon et après cette belle claque, nous avons travaillé, répété, répété sans cesse, tous les soirs, des fois de vingt heures à deux heures du matin. Tout cela pour te dire qu'il faut travailler pour réussir. Que rien n’est acquis sans efforts. Et lorsqu'ensuite nous nous sommes présentés au Golf Drouot, deux fois, les deux fois nous avons remporté le Tremplin (qui s'appelait 'concours d'orchestre'), devant des groupes anglais considérés comme les meilleurs, à cette époque. Travail et ténacité, voilà la récompense pour le groupe.
AB : Nous retenons la leçon, José. Une dernière question, encore. Pourquoi Crows, et quel rapport avec les oiseaux du même nom?
JT : A mes débuts, j'étais tout de noir vêtu, mais avant tout, je suis fasciné par les corbeaux, ces oiseaux très intelligents qui vivent en communauté. Je suis très proche de la nature et je les ai observés maintes fois. Je pourrai beaucoup t'en dire sur eux, également te parler de mes passions comme la pêche à la mouche, les voitures anciennes et les rallyes automobiles, mais ceci est une autre histoire (rire)…..