ITW de Carlos Malles García

       
     ITW de Carlos Malles García (Festival de Blues de Hondarribia)

Réalisée par Dominique Boulay et Frankie Bluesy Pfeiffer
Réalisée le 11 juillet 2010 à Hondarribia
Photos : © Frankie Bluesy Pfeiffer

C’est une fois la pression retombée, le dernier jour du festival de blues de Hondarribia, que nous sommes allés questionner Carlos Malles García, le principal instigateur de celui-ci, sur l’organisation impressionnante de ce festival qui a lieu, chaque année, début juillet, sur la berge espagnole de la Bidassoa, frontière naturelle entre l’Espagne et la France.

BM: Bonjour Carlos. En quelques mots, qui es-tu?
Carlos:
(sourire) Je fais partie d’une petite formation qui joue du blues et je joue de la batterie,…mais c’est un loisir. Et puis, par ailleurs, j’ai commencé à organiser quelque chose ici parce qu’il n’y avait rien en matière de blues. Seul le jazz avait droit de cité. Il nous fallait toujours attendre un concert de blues…qui ne venait jamais. Alors, à quelques uns, on s’est dit qu’il fallait créer un festival de blues. Et tout est parti de là.

BM: Et vous avez, tout de suite, voulu commencer par un festival. Rien que cela! Pas par un concert, mais tout de suite un festival. Vous n’y êtes pas allés de main morte.
Carlos:
(rire) Exactement…! Je suis allé à la mairie, avec deux CD, pour les leur faire écouter. Et après, je leur ai dit: vous voyez, c’est cela le blues!

BM: Est-ce que tu te rappelles avec quels disques tu es allé à la mairie?
Carlos:
Oui, bien sûr! Il y avait un disque d’Eric Clapton et un de Muddy Waters. Et je leur ai dit: c’est cela, le blues, quand est-ce que l’on peut organiser un festival? Nous avons eu de la chance, car ils nous ont soutenus, tout de suite. Ils ont vraiment joué le jeu. Sans doute aussi parce qu’ils ont bien senti qu’on était prêt à nous investir comme des malades dans ce festival. Ils m’ont donné 12.000 euros pour la première fois et on s’est lancé. Des amis qui connaissaient Bob Margolin me l’ont fait écouter et m’ont proposé de le faire venir. Cela m’a beaucoup plu. Et le public aussi a beaucoup aimé. L’audience a augmenté immédiatement après et cela a continué, d’année en année. Nous en sommes maintenant à la cinquième édition et le succès augmente toujours. C’est incroyable, le monde qu’il y a, cette année.

BM: Le public est là, mais il faut dire qu’au niveau de l’organisation, c’est quelque chose d’exceptionnel. Sincèrement, on a rarement vu festival aussi bien organisé…
Carlos:
Cela fait plaisir à entendre parce que tu sais que finalement nous sommes peu nombreux à préparer et organiser ce festival. Il y a ma femme, mon frère, ma belle-sœur, et quelques amis très proches. Cela fonctionne un peu comme une petite entreprise familiale. D’ailleurs, le reste est du même acabit. Tout est familial. Même les liens avec les artistes sont de cet ordre là. C’est comme cela que nous avons toujours fonctionné et cela donne, je pense, un côté familial et très convivial à ce festival. Si tu parles avec les musiciens, comme avec Bob Margolin, par exemple, c’est exactement la même chose. C’est comme si l’on était dans une réunion de famille. Tout le monde est content de se retrouver et de préparer la fête.

BM: C’est vrai que tout le monde a l’air de se sentir bien, ici. C’est vrai que les spectateurs, autant que les bénévoles et les musiciens, ont l’air heureux d’être ici. Nous qui venons pour la première fois, on parle déjà de revenir l’année prochaine, tant l’accueil est chaleureux. Comment expliques-tu cela?
Carlos:
Nous avons, nous-mêmes, du mal à expliquer le succès de ce festival, mais comme je vous le disais, cela vient sans doute du fait que tout fonctionne comme si tout le monde faisait partie de la même famille, notre famille. Et puis cela tient peut-être aussi à la situation de la ville. Mais je dois vous dire que nous ne comprenons pas nous-mêmes les raisons d’une telle affluence.

BM: Mais cette scène, cette régie télé, ces artistes, c’est aussi la marque d’un désormais ‘grand’ festival…
Carlos:
Tu sais, il faut se méfier des images toutes faites. La scène, la régie, les caméras, tout cela donne une image très magnifiée, très puissante de notre festival mais nous ne réalisons pourtant ce festival qu’avec de tous petits moyens. Nous ne sommes en vérité qu’une petite équipe qui travaille énormément. Nous n’avons pas de gros budget et nous ne réalisons ce festival qu’avec des sommes relativement restreintes. J’étais l’année dernière en Norvège, à Nottoden, et je peux te certifier, pour avoir discuté avec les organisateurs de ce festival nordique, qu’ils disposent d’un budget beaucoup plus conséquent que nous!

BM: Tu pourrais peut-être disposer d’un budget plus conséquent si tu te décidais à faire payer l’entrée des concerts, par exemple, car ici, tout est gratuit.
Carlos:
Non! Cela, je le refuse catégoriquement…! Parce que si je veux qu’un maximum de monde puisse connaître le blues, il ne faut pas que les concerts soient payants. Car ce n’est pas ainsi que l’on attirera de nouveaux spectateurs vers le blues. Le blues est une musique populaire et elle doit le rester, même si malheureusement elle est encore trop méconnue. La gratuité des spectacles est partie prenante de notre projet. Nous ne voulons pas entrer dans la sphère du business.

BM: Oui, mais vous devez quand même rétribuer les artistes…
Carlos:
Pas de problème! Nous avons des subventions, et elles sont pour cela. Ce festival, c’est un peu notre bébé à nous, et nous nous en occupons presque toute l’année. Les artistes n’ont pas de souci à se faire. Ils le savent et ils aiment revenir à Hondarribia. Nous veillons à ce qu’ils se sentent le plus possible comme chez eux.

BM: Mais dis-nous, en ce qui te concerne, tu es bénévole dans toute cette histoire. Tu as une profession en marge de ce festival?
Carlos:
(sourire) Bien sûr que j’ai mon travail. Et cela devient d’ailleurs au fil du temps de plus en plus difficile de concilier les deux. Parce qu’organiser un tel festival est un travail qui s’étale sur toute l’année. Et je te prie de croire que l’on ne chôme pas! Jusqu’à l’année dernière, j’étais le seul à m’en occuper durant toute l’année, et cette année, nous l’avons fait à deux, avec mon frère, mais vu le succès de cette année, je ne sais pas encore comment nous allons faire pour préparer celui de l’année prochaine.

BM: Sais-tu combien vous avez accueilli de personnes, vu que ce festival est gratuit?
Carlos:
C’est toujours la police qui vient me voir et qui me fournit son estimation. Je suppose qu’elle a l’habitude d’un tel travail. L’année dernière, par exemple, après le passage de John Mayall, la police m’a dit que durant les trois jours il y avait eu plus de 60.000 personnes.

BM: Quoi? 60.000 personnes…? Mais c’est énorme…
Carlos:
(sourire) Oui, je sais, et je peux te dire que j’ai l’impression qu’hier soir il y avait encore plus de monde que l’année dernière. Je n’ose imaginer combien nous étions. Et cette année, nous avons eu quelques handicaps: il y a la Saint Firmin, à Pampelune, un autre festival à Bilbao, et aussi le mondial de football. Je n’ose imaginer ce que cela aurait donné s’il n’y avait pas eu ces événements au même moment…

BM: Est-ce que cela veut dire que tu pourrais peut être choisir d’autres dates, pour l’année prochaine?
Carlos:
Non, absolument pas. Nous avons un accord avec le festival de jazz du Pays basque et chacun dispose d’une semaine bien précise. Donc pas question de changer de date. Voilà, messieurs. Désolé de vous quitter si vite, mais j’ai encore plein de choses à faire avant la clôture de ce festival. A l’année prochaine, j’espère, et amitiés à tous les lecteurs de Paris-Move et Blues Magazine.

Carlos