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BM: Un son et des chansons qui rappellent furieusement ton premier album, ‘Crack in Time’.
CR: Oui, en général je préfère écrire mes chansons seul. Je suis plutôt du genre résistant aux coopérations mais avec Manu, ça a été très facile parce qu’il me donnait des riffs puis il me donnait carte blanche pour le reste, je faisais ce que je voulais. De toute façon je ne suis pas du genre à me…compromettre , et avec Manu je n’ai pas eu à le faire (rire).
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BM: Tu as mentionné ‘Halloween’, une chanson que tu as écrite sur ce jour où tu es né. Tu crois au destin, toi, après tout ce que tu as vécu?
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BM: Est-ce que cela signifie que tu canalises tes frustrations et ta colère par la musique?
CR: Je n’en suis pas conscient, mais tu as sans doute raison, parce que j’écris des paroles de chansons sur des sujets qui ne conviennent pas, et c’est vrai que ça va mieux en le chantant… [Calvin recommence à jouer de la guitare]
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BM: Et tu écris toutes tes chansons assez facilement? Ou est-ce parfois difficile?
CR: Pour certaines chansons, oui, ça vient d’un coup, comme ‘Are You Waiting?’, par exemple. Pour d’autres, je commence par des mots, des bribes de phrases, mais en général elles doivent toujours venir assez facilement, sinon cela ne marche pas et je n’en ferai pas une bonne chanson. Quand je suis chez moi, par exemple, je réfléchis à des mots, puis je vais dans le salon, regarder la télé, puis je retourne écrire quelques mots que je colle sur les murs du couloir, au milieu de plein d’autres petits papiers, puis je retourne dans la cuisine, et petit à petit ça vient. Je pense que c’est le p’tit gars qui nous regarde d’en haut qui fait quelque chose pour que je puisse créer cette chanson (sourire). Je ne sais pas comment te l’expliquer, mais c’est comme ça que ça se passe (rire).
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BM: C’est déjà arrivé que ta femme soit passée et ait enlevé tous tes petits mots collés au mur?
CR: (rires) Non, jamais. Elle sait que c’est mon domaine…
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BM: Dans cet album, il y a deux très belles chansons d’amour, ‘To You My Love’ et ‘Sweet Tenderness’. Elles sont dédiées à ta femme, je pense…
CR: Oui, et je suis très heureux que vous les aimez parce que ces deux chansons ont également fait l’objet d’une vraie collaboration avec Manu. C’est sa musique et ce sont mes paroles…
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BM: Manu, tu as également écrit la musique de plusieurs autres titres…
ML: Oui, comme celle du premier titre, ‘Like A Revolution’. En fait, ce qui est vraiment intéressant avec Calvin c’est qu’il a un phrasé vraiment intéressant auquel je ne m’attendais pas du tout, et il a déstabilisé certaines logiques. Par exemple, dans ‘Like A Revolution’, il a ajouté des mots et ça, je n’y aurais personnellement jamais pensé et c’était vraiment surprenant pour moi.
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BM: Cela a été une vraie collaboration entre vous?
ML: Oui, peut être, mais en fait tout est parti de ce déclic qu’on a eu l’un pour l’autre, le jour où on s’est croisés, et j’ai eu très envie de partager quelque chose avec lui, et puis Calvin a bien voulu participer sur un autre projet sur lequel j’ai travaillé avec mon propre groupe. Et c’est comme ça que tout a commencé, puis je suis allé chez Calvin. Il m’a invité au Texas, j’y suis allé avec mon laptop, et on a travaillé dans sa cuisine. Quand je suis rentré, il m’a appelé en me disant qu’il voulait que je participe à tout l’album, mais je lui ai dit non, car je ne pensais pas que c’était son style de musique. Et puis j’aime travailler avec des gens qui n’ont pas des idées bien précises, bien définies quand ils viennent en studio, j’aime les accidents.
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BM: Et cette deuxième version sera proposée dans l’album qui sera commercialisé, j’espère…
ML: Cela dépendra si Calvin souhaite inviter mon père aux concerts. (rires de Calvin) Peut-être qu’un jour il viendra à un concert, qui sait… (sourire)
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BM: Mais pourquoi ce se serait pas toi qui l’interprèterait?
ML: Non, pas moi. Je suis guitariste, c’est tout.
ML: Ca c’est autre chose, parce qu’autant mon père était à l’aise en studio avec Calvin, autant être sur scène et chanter, je ne sais pas… (sourire) Faudra que vous alliez lui demander…
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ITW de Calvin Russell (2007)
Interview préparée et réalisée par : Frankie Rocky Pfeiffer
Novembre 2007
Photos : Jacques Gavard
Le nouveau Calvin est arrivé. Plus de chapeau texan mais un superbe couvre-chef façon ‘chapeau melon et bottes de cuir’ qui donne une classe folle à ce personnage dont la gentillesse tranche avec la tête de mort qui garnit sa ceinture. Le visage buriné, dont chaque trait vous laisse imaginer tout ce que le bougre a traversé comme épreuves, s’illumine d’un sourire radieux dès que je lui parle de sa femme, car le texan a scellé son destin à celle de l’âme sœur et c’est à cette âme sœur que nous devons d’être la muse inspiratrice de ‘Unrepentant’, ce dernier album que Calvin présente et défend avec attachement.
BM : Calvin, tu étais revenu en France début 2007, après une longue absence, pour jouer avec Paul Personne à la Cigale. Comment cela s’est-il fait ?
CR : C’est Paul Personne qui m’a invité,…et comme son label, XIII Bis Records, est aussi le mien maintenant, cela s’est fait comme ça. (me dit Calvin en claquant les doigts)
BM : Comment cela s’est-il passé avec Paul ? Est-ce que cela a été aussi facile que ça de jouer avec lui ?
CR : Tu sais, quand un musicien est bon, y’a jamais de problème pour jouer avec lui. Paul, lui, est très bon,…alors avec lui ce fut encore plus facile. (sourire) Paul est un super guitariste mais c’est surtout un mec qui a beaucoup d’énergie positive et qui sait transmettre, partager cette énergie positive,…. et c’est pour ça que lorsque tu joues avec lui, tout se passe comme si tu le connaissais et comme si tu jouais avec lui depuis longtemps.
BM : Avez-vous gardé le contact, depuis ?
CR : Oui, bien sûr, surtout que nous avons le même label,… mais lui vit en France et moi au Texas et cela ne facilite pas vraiment les choses.
BM : Tu as également participé à un album hommage à un chanteur français, Michel Polnareff, en interprétant une célèbre chanson : ‘Je suis un homme’. Est-ce que c’est parce que tu es sûr, toi aussi, d’être un homme ?
CR : (grand éclat de rire) Hey, mec, t’as de ces questions, toi… ! Mais bien sûr que je suis un homme ! Et bien des femmes pourraient te le dire que je suis un homme… ! (rire)
BM : Mais Polnareff ce n’est pas du blues, et ce n’est pas du rock non plus…. Comment définirais-tu cette musique ?
CR : Pour moi c’est de la bonne musique,…de la vraie bonne musique. Tu sais, y’a bien sûr le rock, le blues, le jazz, et tout ce que tu pourrais me citer comme styles de musiques mais le plus important, le plus important tu vois, est si cette musique est bonne ou pas.
BM : Et où se situe ta musique, entre le blues et le rock, ou plutôt entre le rock et…
CR : C’est de la bonne musique (grand éclat de rire), de la bonne musique,… mais ça, c’est surtout à toi de me le dire.
BM : Ha oui, c’est vraiment de la bonne musique… !
CR : (rire) Tu vois, on est d’accord tous les deux… !
BM : Alors parlons de bonne musique. Dans ton dernier album, ‘Unrepentant’, on retrouve deux grosses tendances, avec des titres très blues-rock d’un côté et des chansons au tempo plus lent de l’autre, comme ‘When You Smile’.
CR : C’est une chanson que j’ai écrite pour ma femme, une chanson remplie de douceur, de tendresse, car rien n’est plus beau au monde que le sourire d’une femme. Tu n’es pas d’accord ?
BM : C’est vrai, oui. Ta femme a donc été une vraie source d’inspiration pour toi pour cet album…
CR : Oui, c’est pour elle et c’est grâce à elle que j’ai réalisé cet album. Avec des chansons qui parlent de ma vie d’homme heureux, comme ‘Why I Love Her’ (Calvin se met à chantonner…)…., et puis d’autres moments, comme cette fois où je me suis retrouvé dans un hôtel perdu quelque part dans l’ouest du Texas, seul dans ma chambre parce que ma femme était restée à Austin, et j’entendais un train de marchandises passer, tu sais un de ces longs trains qui semblent interminables quand tu les vois passer,… comme celui dont me parlait un mec qui était en prison avec moi, un de ces trains de marchandises qui partait chaque nuit, à minuit, pour le Colorado, un de ces trains que tu dois prendre pour aller plus à l’Ouest encore, un de ces trains que tu entends quand tu es en cellule et dont les bruits te font garder l’espoir de sortir et de partir, partir,….
BM : Mais toi, tu n’es pas parti, tu es toujours resté à Austin ? Tu n’as jamais eu envie de changer d’air ? De t’installer en France ?
CR : Oui, j’y ai pensé,… j’ai hésité, mais finalement je suis bien où je suis, je suis chez moi,…et heureux !
BM : Mais être Texan, est-ce être américain ?
CR : Bonne question… (songeur). Punaise, t’as de ces questions, toi… Pour commencer, je vais te dire une chose : ce qui me gêne le plus en ce moment, tu vois, c’est que Georges Bush dise qu’il soit Texan. Ca, tu vois, je n’arrive pas à l’avaler…
BM : Je pense que cela ne vaut pas la peine que l’on parle de la politique des Etats-Unis…
CR : (sourire) Non, ou alors faudrait qu’on y passe un bon moment et je pense que tous les deux on a des choses plus passionnantes à faire que de parler de politique. Parlons des femmes…. ! (rire)
BM : Allons-y alors, et direct : maintenant que tu es marié, ne regrettes-tu pas tes ex-fiancées,…comme la drogue, l’alcool, la prison ?
CR : (grand éclat de rire) J’aime bien le nom que tu leur donnes. Mes fiancées ? Oh oui que j’étais fiancé,… et bien, même ! Mais je suis marié, maintenant, et pas avec l’une d’elles…. Et c’est bien pour moi !
BM : Qu’est-ce que tes fiancées t’ont apporté comme expériences de la vie ?
CR : C’étaient des expériences, de vraies expériences de vie, mais c’est le genre de fiancées que je déconseillerais aux gens de fréquenter car avec elles tu n’es plus le même, tu n’es plus vraiment toi, et quand tu n’es plus toi-même ce n’est pas bon. La plus belle expérience, vois-tu, c’est de rencontrer la femme avec laquelle tu peux partager chaque heure que tu vis, chaque moment banal de la vie quotidienne et qui devient beau tout simplement parce qu’une femme le partage avec toi et te sourit. C’est ce que j’essaye de dire dans ‘When you smile’.
BM : Pourquoi t’être marié ? N’est-ce pas rentrer dans un moule social ? Un moule social que tu ne semblais pas vraiment apprécier…
CR : Oui et non. Se marier c’est effectivement rentrer dans une sorte de moule social, c’est vrai, mais c’est aussi prouver à celle qui partage ta vie que tu tiens à elle,… et que tu es fier de l’affirmer socialemnt à tous les autres. D’un côté il y a des règles sociales, contraignantes pour certaines et dont je me passerais volontiers, mais de l’autre il y a ce que tu as envie de vivre comme bonheur partagé, et entre les deux j’ai choisi, et je me suis marié.
BM : Pourtant tu étais plutôt du style révolté, non ?
CR : Oui, tout comme j’ai fait des choses qui m’ont coûté la prison, mais avec le temps qui passe on s’aperçoit finalement que ces choses-là ne sont pas les bons choix à faire. J’ai fait des choix et j’en ai assumé les conséquences,…
BM : Ta route aurait croisé celle de Townes Van Zandt. Qu’as-tu appris ou vécu à ses côtés ?
CR : Beaucoup et pas grand-chose. Beaucoup, parce que c’était un super songwriter, un poète, un vrai compositeur qui savait marier paroles et musique pour te faire passer un message ou te raconter un truc vécu. Mais c’était un gars qui bossait toujours seul dans son coin et qui ne te faisait pas écouter les chansons sur lesquelles il bossait. C’était un mec discret et…. (long silence)… secret à la fois ; un vrai poète moderne.
BM : N’as-tu pas envie, un jour, de faire un album genre ‘Tribute to TVZ’ ?
CR : Bonne question, mec,…. et que je ne m’étais pas posée sous cette forme, parce que je pensais plutôt qu’on viendrait me chercher pour participer à un album où on aurait été plusieurs chanteurs pour un CD-hommage à TVZ. Mais moi seul…. ? Pourquoi pas. Faudra que j’y pense, parce que c’est vrai qu’il y a des titres de Townes que j’aimerais interpréter en les adaptant à ma sauce, tu vois,… les interpréter en y apportant ma personnalité, ma musicalité,… oui, pourquoi pas. T’as d’autres idées comme ça, pour moi ? (sourire)
BM : Nous n’allons pas revenir sur ta rencontre avec Patrick Mathé, parce que tout le monde la connaît, je pense, mais avec le recul des années comment expliques-tu que tu n’arrivais pas à percer aux States ?
CR : Je ne sais pas, et je n’ai toujours pas compris pourquoi ma musique est aimée et a du succès en Europe et pas ici. (songeur) Je ne sais pas…
BM : N’es-tu pas déçu par ce manque de reconnaissance dans ton propre pays… ?
CR : Déçu ? Oui et non,… parce que j’y suis peut être pour quelque chose – en n’ayant pas eu de label, par exemple –, mais il y a pas mal de personnes qui aiment bien ma musique, chez moi, à Austin, et puis grâce à Internet j’ai des fans un peu partout maintenant.
BM : Tu sais que sur un site américain on trouve plusieurs de tes concerts, dont un, enregistré chez toi, lors d’une party, le 16 juillet 2005… ?
CR : Non… ! C’est pas vrai… ! T’as trouvé ça comment… ? C’est vraiment dingue. Tu peux me dire sur quel site ? J’aimerais bien l’écouter… ! Et les autres concerts ont été enregistrés où ?
BM : Il y en a plusieurs enregistrés au Tambaleo, et d’autres au Longbranch Inn,…et je ne me souviens plus des autres…, mais tu peux les écouter ou les télécharger sur www.archive.org dans la rubrique ‘Live Music Archive’.
CR : Merci, mec, merci… !
BM : En échange tu me donnes une info, Calvin, car je sais que les artistes n’aiment pas ce genre de question : de tous les albums que tu as enregistrés, quel est ton album préféré ?
CR : (sans hésiter) Le dernier, oui,… mon dernier album, ‘Unrepentant’.
BM : Pourquoi ?
CR : Parce que cet album, c’est comme un aboutissement, quelque chose que je voulais toujours arriver à faire et sans pouvoir le faire. Les albums précédents sont maintenant pour moi comme des étapes, des marches, des trucs qui m’ont fait avancer vers ce que je voulais toujours faire et que je suis enfin parvenu à faire. Et puis, tu sais, faut toujours être fier de son dernier bébé, de son dernier album, car cela ne sert à rien de regarder derrière soi. Ce qui m’intéresse c’est de regarder toujours devant, de travailler sur de nouveaux textes, de composer de nouvelles chansons. C’est ça, la vraie vie : avancer, toujours avancer.
BM : Et comment va Elvis ? (NDLR : son chien)
CR : (large sourire) Très bien, il va très bien, merci. Comme tu le vois, je suis un mec heureux… !