ITW de Calvin Russell – CD ‘Dawg eat Dawg’

Interview préparée et réalisée par Frankie Bluesy Pfeiffer & Nathalie ‘Nat’ Harrap pour Paris-Move, Blues Magazine (Fr) et Blues Matters (UK)
 
Photos: © Eric Martin / www.myspace.com/ericmartinphoto
 
Le Texan qui porte sur sa tronche toutes les routes empruntées durant des décennies sort son nouvel opus au titre révélateur, ‘Dawg eat Dawg’, et dont le premier titre, ‘Like A Revolution’ annonce la couleur. Calvin est de retour, avec un album explosif qui rappelle le Calvin de ses deux premiers albums. Coproduit par Manu Lanvin et Nikko, l’album réserve de belles surprises, comme cette double version d’une chanson chantée en anglais et en français, et dont le chanteur de la version française n’est autre que l’acteur Gérard Lanvin. Ce sont Calvin Russell et Manu Lanvin que nous avons rencontrés pour vous, dans le studio de ‘La Chocolaterie’ dans lequel a été enregistré en bonne partie ce ‘Dawg eat Dawg’.
 
 
BM: Calvin, on s’était rencontrés il y a deux ans pour parler de ton précédent album, ‘Unrepentant’, mais depuis cette rencontre, qu’est-ce que tu as fait?
CR: Hé bien,…(songeur) Pas grand-chose, pour être franc avec toi. En fait, je me demandais même si j’avais encore la musique en moi, si je pouvais faire quelque chose de nouveau, musicalement parlant, tu vois? Je ne voulais surtout pas commencer à jouer ce que d’autres avaient fait avant moi. Moi je ne m’éclate qu’en créant mes propres morceaux, et il faut surtout que j’ai le feu en moi pour sentir que ce je donne dans ma musique est le meilleur de ce que je peux donner. 
 
BM: Mais il y a deux ans, en parlant de ‘Unrepentant’, tu me disais que tu ne pouvais pas imaginer faire quelque chose de mieux après cet album.
CR: (rires) Oui, c’est ce que je pensais, c’est vrai, mais je crois aujourd’hui que ce dernier album que je viens de faire est bien le meilleur. Mais peut-être que ce sera toujours comme ça, tu sais: chaque fois que je vais sortir un nouvel album, il sera pour moi le meilleur. (rires)
 
BM: Et toi, tu es toujours ‘unrepentant’?
CR: Si par ‘unrepentant’ on se demande si j’ai des regrets, oui, bien sûr que j’en ai, mais ce que je veux surtout dire par ‘unrepentant’ c’est  que je n’ai pas changé dans ma façon de voir les choses. Je crois toujours aux mêmes choses et je me dis que si les gens avaient continué à croire à la liberté et aux valeurs fondamentales de notre société, nous ne serions pas où nous en sommes actuellement. Ce que je veux dire, c’est que ma génération a été détruite par ces gens soi-disant bien-pensants. Et le pire, c’est que pour se faire pardonner aujourd’hui leurs erreurs, les gens se mettent aujourd’hui à dire ou à croire des choses complètement débiles, comme ‘embrasse les arbres’, et cela me rend triste de voir toute une génération, la mienne, réduite à rien, et que l’on fait passer pour des idiots parce qu’on voulait faire autre chose de cette société où nous vivons. Alors oui, je suis impénitent parce que je crois toujours aux mêmes idéaux, même si j’ai pris des coups. Je résiste, et je résisterai toujours.
 
BM: Tu es très connu en France, mais très peu en Angleterre. Comment tu expliques cela?
CR: En fait, j’y suis allé en 1993-94 mais ils étaient en plein dans la techno et ma musique ne les intéressait pas vraiment, mais bon, j’espère y remédier car j’aimerais bien y retourner.
 
BM: Avec ton dernier album, ‘Dawg eat Dawg’?
CR: Oui, parce que je pense qu’actuellement le public anglais est revenu à une autre musique, plus proche de celles des grands groupes de rock anglais, et qui colle bien au son de mon dernier album.

 
BM: Un son et des chansons qui rappellent furieusement ton premier album, ‘Crack in Time’.
CR: Yeah… Je suis très heureux que tu l’aies senti, et que tu me le dises. Ca me touche beaucoup que tu l’aies remarqué parce que c’est vrai que pour faire cet album je suis reparti de ce que j’étais au début, pour enregistrer ‘Crack in Time’. Je suis revenu à ce que j’étais, musicalement, parce que c’était ce dont j’avais besoin. Et ce sont ces deux années passées qui m’ont conforté dans cette démarche. Il fallait que je revienne à ce que je jouais, au début.
 
BM: Mais tu ne penses pas que les gens risquent de te dire qu’après ‘Unrepentant’…
CR: (nous coupant la parole) Ce qu’il faut qu’ils comprennent c’est que ce retour était une nécessité. Je me suis rendu compte que c’est là que je me trouve le mieux. Certains artistes recherchent un nouveau style, de nouvelles idées, mais pour moi cela ne marche pas. Je ne vois pas comment je peux me détourner vraiment de la musique que j’aime.
 
BM: Alors comment en es-tu venu à travailler avec Manu Lanvin?
CR: Comme je te le disais tout à l’heure, ces deux dernières années je me préparais à prendre du recul, pour faire le jardin, prendre des vacances dans le désert d’Arizona par exemple, et puis bien sûr ça ne s’est jamais fait, parce qu’en fait, comme je ne faisais pas grand-chose, je commençais à déprimer… (silence) et quand tu déprimes tu perds le goût à beaucoup de choses… (silence) Il me manquait quelque chose, parce que j’ai toujours besoin d’avoir un projet, un but. Et puis un jour on m’a invité à participer à une réunion de musiciens. J’y suis allé, pour deux jours, et là, alors que j’étais dans les coulisses, j’ai commencé à discuter avec ce gars, là, un français vraiment cool (rires). Et là, il s’est vraiment passé quelque chose, on a tout de suite sympathisés. Il m’a dit qu’il avait un studio à Paris et il m’a donné un CD. Quand je suis rentré à la maison, j’ai écouté son CD et je me suis dit que c’est vraiment super, une production géniale. Et lorsqu’un copain m’a dit ‘Ben oui, c’est mieux que ce que tu fais, Calvin’, je l’ai recontacté. Il m’a tout d’abord envoyé quelques riffs de guitare et c’est comme ça que tout est parti.
 
BM: Et pour composer, comment as-tu fait? Parce que normalement tu composes seul…
CR: Oui, en général je préfère écrire mes chansons seul. Je suis plutôt du genre résistant aux coopérations mais avec Manu, ça a été très facile parce qu’il me donnait des riffs puis il me donnait carte blanche pour le reste, je faisais ce que je voulais. De toute façon je ne suis pas du genre à me…compromettre , et avec Manu je n’ai pas eu à le faire (rire).
 
BM: Et comment cela s’est passé quand vous vous êtes retrouvés pour enregistrer?
CR: Très bien. Vraiment très bien. Manu s’est débrouillé pour trouver un studio à Marrakech ; je ne sais pas comment il a fait, mais on a débarqués là-bas et on s’est enfermés sans ordi, sans téléphone et on a travaillé pour trouver les ‘structures’ et je dois dire que Nikko et Manu ont vraiment fait quelque chose d’exceptionnel, et que leur contribution a été énorme. J’avais déjà certaines chansons dans la tête, comme ‘Halloween’ ou ‘Are You Waiting?’, mais c’est là-bas que tout s’est mis en place. C’était comme les morceaux d’un puzzle que tu fais emboîter les uns dans les autres. C’était génial.

 
BM: Tu as mentionné ‘Halloween’, une chanson que tu as écrite sur ce jour où tu es né. Tu crois au destin, toi, après tout ce que tu as vécu?
CR: (songeur) Oui, et je pense que ça peut affecter la façon dont tu vis si tu crois en ça, parce que tu vas agir par rapport à cette idée du destin. C’est vrai que je crois au supranaturel, mais en même temps je me demande s’il y a vraiment autre chose que ce que nous connaissons. Je suis sûr,…et en même temps je doute. Je n’arrive pas à être totalement sûr de ça, ou de ça. Vous le pouvez, vous deux? Il y a tant de choses qui se passent et que je trouve vraiment inexplicables. Par contre, ce que je trouve sympa ce sont ces gens en Inde qui croient en la réincarnation, qui sont sûrs qu’avant ils ont eu une autre vie et qu’ils en auront une, après. Allez, pose-moi une autre question, car sinon on va en discuter pendant des heures, de tout ça… (rires)
 
BM: Alors passons à une autre chanson. ‘Are You Waiting’ est une superbe chanson dont le thème porte sur les gens qui attendent toute leur vie que quelque chose se passe. C’est une chanson que tu as écrite en pensant à toi?
CR: Oui, parce que j’en ai loupé des choses quand j’étais plus jeune, et puis parce que j’en ai fait des conneries, aussi (rire). Et puis je dois reconnaître que quand j’étais jeune j’étais assez fainéant, alors je voudrais encourager les jeunes gars à ne pas faire comme moi Je veux leur dire qu’il faut se motiver, changer, évoluer, et ne pas attendre, parce qu’à force d’attendre, un jour, tu te rends compte que tu n’as rien fait de ta vie, rien de ce que tu voulais faire. Il faut avancer, et savoir que rien n’est jamais fini. Un exemple: quand j’étais jeune, je n’avais qu’une envie, être signé par une maison de disques et quand j’ai eu ce contrat, je me suis dit ‘Super, j’y suis arrivé’, mais tout ne s’est pas arrêté avec ce contrat, au contraire. Il n’y a jamais de pause, il faut toujours continuer.
 
BM: La chanson ‘Dawg eat Dawg’, qui est aussi le titre de cet album, signifie que certains sont prêts à faire n’importe quoi pour y arriver, même à vendre leur grand-mère. Cette sorte d’ambition qui devient infernale parce que très agressive et qui est renforcée par cet égoïsme qui règne aujourd’hui… C’est le monde tel que tu le vois?
CR: Je pense que le monde a toujours été comme ça mais qu’aujourd’hui, avec l’accès aux communications, à internet, il y a de plus en plus de possibilité d’être un ‘dog’ et de montrer ses crocs…et c’est pour cela qu’on est dans cette merde, aujourd’hui, parce qu’il y a des gens qui voulait plus et plus, et encore plus d’argent, mais aux dépens des autres et ça, ce n’est plus acceptable. Ce qui se passe aux States est vraiment écoeurant. On a dépassé un niveau qui, moralement, est inacceptable. Quand tu penses que d’un côté il y a des gens dans le milieu bancaire qui se sont attribués des fortunes en salaires et en primes, alors que de l’autre il y a des gens qui se sont endettés pour acheter leur petite maison, et maintenant ils sont expulsés de cette maison car ils ne peuvent plus rembourser leur crédit. C’est monstrueux. Je ne suis pas pour le communisme, pas du tout, mais là, le problème, c’est qu’on est allé trop loin dans cette envie de gagner de l’argent à tout prix.
 
BM: Mais c’est aussi ce qui se passe dans le monde de la musique, non? Ces artistes qui sont fabriqués pour être des stars très rapidement? Cela doit être frustrant pour un artiste comme toi, qui a galéré pendant des années, non?
CR: Punaise, tu as de ces questions, cette année… (rire) Ne me branche pas trop sur ce sujet, car sinon je ne m’arrêterais plus (rires). C’est vrai qu’il y a pas mal de gens, je ne dirais même pas ‘artistes, qui ont très peu de talent et qui sont au top, et c’est vrai que ça pourrait me mettre très en colère, mais ma façon d’évacuer tout ça, tu vois, c’est ça. [Calvin prend sa guitare et commence à jouer ‘Texas Blues Again’] Voilà, et si je ne faisais pas ça, je risquerais de faire d’énormes bêtises…(rires)

 
BM: Est-ce que cela signifie que tu canalises tes frustrations et ta colère par la musique?
CR: Je n’en suis pas conscient, mais tu as sans doute raison, parce que j’écris des paroles de chansons sur des sujets qui ne conviennent pas, et c’est vrai que ça va mieux en le chantant… [Calvin recommence à jouer de la guitare]

BM: Et tu écris toutes tes chansons assez facilement? Ou est-ce parfois difficile?

CR: Pour certaines chansons, oui, ça vient d’un coup, comme ‘Are You Waiting?’, par exemple. Pour d’autres, je commence par des mots, des bribes de phrases, mais en général elles doivent toujours venir assez facilement, sinon cela ne marche pas et je n’en ferai pas une bonne chanson. Quand je suis chez moi, par exemple, je réfléchis à des mots, puis je vais dans le salon, regarder la télé, puis je retourne écrire quelques mots que je colle sur les murs du couloir, au milieu de plein d’autres petits papiers, puis je retourne dans la cuisine, et petit à petit ça vient. Je pense que c’est le p’tit gars qui nous regarde d’en haut qui fait quelque chose pour que je puisse créer cette chanson (sourire). Je ne sais pas comment te l’expliquer, mais c’est comme ça que ça se passe (rire).
 
BM: C’est déjà arrivé que ta femme soit passée et ait enlevé tous tes petits mots collés au mur?
CR: (rires) Non, jamais. Elle sait que c’est mon domaine…
 
BM: Dans cet album, il y a deux très belles chansons d’amour, ‘To You My Love’ et ‘Sweet Tenderness’. Elles sont dédiées à ta femme, je pense…
CR: Oui, et je suis très heureux que vous les aimez parce que ces deux chansons ont également fait l’objet d’une vraie collaboration avec Manu. C’est sa musique et ce sont mes paroles…
 
BM: Manu, tu as également écrit la musique de plusieurs autres titres…
ML: Oui, comme celle du premier titre, ‘Like A Revolution’. En fait, ce qui est vraiment intéressant avec Calvin c’est qu’il a un phrasé vraiment intéressant auquel je ne m’attendais pas du tout, et il a déstabilisé certaines logiques. Par exemple, dans ‘Like A Revolution’, il a ajouté des mots et ça, je n’y aurais personnellement jamais pensé et c’était vraiment surprenant pour moi.

 
BM: Cela a été une vraie collaboration entre vous?
ML: Oui, avec Calvin c’était une vraie collaboration. Tu peux imaginer qu’au début, un français qui va travailler avec un artiste américain comme Calvin, y’a de quoi avoir un complexe d’infériorité, mais ça s’est super bien passé, même si je ne savais pas trop comment il allait réagir quand j’allais lui demander de changer telle ou telle chose, ou lui refuser certains trucs. Franchement, après avoir bossé avec Calvin je suis beaucoup moins complexé d’être Français…(rire)
 
BM: Pourquoi as-tu décidé de travailler avec Calvin? Parce que tu aurais pu travailler avec beaucoup d’autres artistes français, non?
ML: Oui, peut être, mais en fait tout est parti de ce déclic qu’on a eu l’un pour l’autre, le jour où on s’est croisés, et j’ai eu très envie de partager quelque chose avec lui, et puis Calvin a bien voulu participer sur un autre projet sur lequel j’ai travaillé avec mon propre groupe. Et c’est comme ça que tout a commencé, puis je suis allé chez Calvin. Il m’a invité au Texas, j’y suis allé avec mon laptop, et on a travaillé dans sa cuisine. Quand je suis rentré, il m’a appelé en me disant qu’il voulait que je participe à tout l’album, mais je lui ai dit non, car je ne pensais pas que c’était son style de musique. Et puis j’aime travailler avec des gens qui n’ont pas des idées bien précises, bien définies quand ils viennent en studio, j’aime les accidents.
 
BM: Pouvez-vous nous parler de la chanson ‘5 m2’?
ML: En fait, les paroles viennent de Charlie Bauer, le bras droit de Mesrine, que j’avais rencontré, et c’est mon père [NDLR : l’acteur Gérard Lanvin] qui m’a suggéré de faire quelque chose avec ses propos. J’ai envoyé des riffs à Calvin, qui les a aimés, et puis j’aimais bien l’idée qu’un Texan chante en français. Je me suis dit que les gens verraient ces paroles d’une autre façon, qu’ils auraient des réactions différentes, parce que Calvin donne à cette chanson un certain charme et beaucoup de cachet. Je pense que c’est une chanson vraiment bien réussie.
CR: Moi, je ne sais pas… Je trouve que mon français est vraiment mauvais. J’aimerais tellement mieux prononcer les mots de cette chanson.
 
BM: Mais c’est justement ton intonation qui fait le charme de cette chanson, parce que ta voix est immédiatement reconnaissable et aussi, parce ton accent français est super.
CR: (rires) Merci…, mais je ne te crois pas… (rires)
 
BM: Sur l’album, il y a deux versions de cette chanson, celle chantée par Calvin en français, et celle chantée par Gérard Lanvin avec en fond la voix de Calvin en anglais. Laquelle a été enregistrée en premier?
ML: Celle avec Calvin, car on pensait ne mettre que cette version, à l’origine, sur l’album. Et puis mon père a rencontré Calvin, il a corrigé certains mots de la chanson et il s’est passé un truc ce soir-là, pendant qu’on travaillait tous dessus. Et dans la foulée, mon père a enregistré la seconde version.

 
BM: Et cette deuxième version sera proposée dans l’album qui sera commercialisé, j’espère…
ML: Oui, elle sera offerte en bonus, car pour moi les deux versions sont très intéressantes car les interprétations sont complètement différentes et le public peut les entendre d’une manière totalement différente.
 
BM: Et sur la deuxième version, il y a donc Gérard Lanvin qui chante et derrière, la voix de Calvin qui reprend en anglais une partie de ce que Gérard chante, un peu comme une voix intérieure…
ML: Oui, c’est exactement comme cela qu’on l’a voulue. Pour que la voix de Calvin soit comme une voix intérieure, la voix d’un prisonnier à un autre.
 
BM: Comment allez-vous faire pour interpréter cette chanson, quand vous serez en concert? Ton père viendra la chanter?
ML: Cela dépendra si Calvin souhaite inviter mon père aux concerts. (rires de Calvin) Peut-être qu’un jour il viendra à un concert, qui sait… (sourire)

BM: Mais pourquoi ce se serait pas toi qui l’interprèterait?
ML: Non, pas moi. Je suis guitariste, c’est tout.

CR: Moi, je préfère la version chantée par Gérard, car la mienne n’est pas terrible, je pense. J’aimerais même la retirer de l’album, mais Manu ne veut pas…(rire)
 
BM: Calvin, et si Manu bossait avec toi pour un prochain album, uniquement en français?
CR: C’est drôle que tu me demandes ça, parce que ces derniers jours, c’est exactement ce à quoi je réfléchissais. Oui, c’est vrai que j’aimerais vraiment bien faire un album en français, parce que j’aime cette langue, les sonorités musicales des mots et des phrases, et oui, je pense que ça serait très intéressant à faire. Comme je te l’ai dit, j’y ai pensé et j’ai déjà des chansons en tête, mais il faudra les traduire…(rire)
ML: C’est vrai que ça serait un projet intéressant…
 
BM: Avec la participation de Gérard Lanvin?
CR: (large sourire) Oui, bien sûr, pourquoi pas…
ML: Ca c’est autre chose, parce qu’autant mon père était à l’aise en studio avec Calvin, autant être sur scène et chanter, je ne sais pas… (sourire) Faudra que vous alliez lui demander…

ITW de Calvin Russell (2007)

Interview préparée et réalisée par : Frankie Rocky Pfeiffer
Novembre 2007
Photos : Jacques Gavard

Le nouveau Calvin est arrivé. Plus de chapeau texan mais un superbe couvre-chef façon ‘chapeau melon et bottes de cuir’ qui donne une classe folle à ce personnage dont la gentillesse tranche avec la tête de mort qui garnit sa ceinture. Le visage buriné, dont chaque trait vous laisse imaginer tout ce que le bougre a traversé comme épreuves, s’illumine d’un sourire radieux dès que je lui parle de sa femme, car le texan a scellé son destin à celle de l’âme sœur et c’est à cette âme sœur que nous devons d’être la muse inspiratrice de ‘Unrepentant’, ce dernier album que Calvin présente et défend avec attachement.


BM : Calvin, tu étais revenu en France début 2007, après une longue absence, pour jouer avec Paul Personne à la Cigale. Comment cela s’est-il fait ?
CR :
C’est Paul Personne qui m’a invité,…et comme son label, XIII Bis Records, est aussi le mien maintenant, cela s’est fait comme ça. (me dit Calvin en claquant les doigts)

BM : Comment cela s’est-il passé avec Paul ? Est-ce que cela a  été aussi facile que ça de jouer avec lui ? 
CR :
Tu sais, quand un musicien est bon, y’a jamais de problème pour jouer avec lui. Paul, lui, est très bon,…alors avec lui ce fut encore plus facile. (sourire) Paul est un super guitariste mais c’est surtout un mec qui a beaucoup d’énergie positive et qui sait transmettre, partager cette énergie positive,…. et c’est pour ça que lorsque tu joues avec lui, tout se passe comme si tu le connaissais et comme si tu jouais avec lui depuis longtemps.

BM : Avez-vous gardé le contact, depuis ? 
CR :
Oui, bien sûr, surtout que nous avons le même label,… mais lui vit en France et moi au Texas et cela ne facilite pas vraiment les choses.

BM : Tu as également participé à un album hommage à un chanteur français, Michel Polnareff, en interprétant une célèbre chanson : ‘Je suis un homme’. Est-ce que c’est parce que tu es sûr, toi aussi, d’être un homme ?
CR :
(grand éclat de rire) Hey, mec, t’as de ces questions, toi… ! Mais bien sûr que je suis un homme ! Et bien des femmes pourraient te le dire que je suis un homme… ! (rire)

BM : Mais Polnareff ce n’est pas du blues, et ce n’est pas du rock non plus…. Comment définirais-tu cette musique ?
CR :
Pour moi c’est de la bonne musique,…de la vraie bonne musique. Tu sais, y’a bien sûr le rock, le blues, le jazz, et tout ce que tu pourrais me citer comme styles de musiques mais le plus important, le plus important tu vois, est si cette musique est bonne ou pas. 

BM : Et où se situe ta musique, entre le blues et le rock, ou plutôt entre le rock et…
CR :
C’est de la bonne musique (grand éclat de rire), de la bonne musique,… mais ça, c’est surtout à toi de me le dire.

BM : Ha oui, c’est vraiment de la bonne musique… !
CR :
(rire) Tu vois, on est d’accord tous les deux… !

BM : Alors parlons de bonne musique. Dans ton dernier album, ‘Unrepentant’, on retrouve deux grosses tendances, avec des titres très blues-rock d’un côté et des chansons au tempo plus lent de l’autre, comme ‘When You Smile’.
CR :
C’est une chanson que j’ai écrite pour ma femme, une chanson remplie de douceur, de tendresse, car rien n’est plus beau au monde que le sourire d’une femme. Tu n’es pas d’accord ?

BM : C’est vrai, oui. Ta femme a donc été une vraie source d’inspiration pour toi pour cet album… 
CR :
Oui, c’est pour elle et c’est grâce à elle que j’ai réalisé cet album. Avec des chansons qui parlent de ma vie d’homme heureux, comme ‘Why I Love Her’ (Calvin se met à chantonner…)…., et puis d’autres moments, comme cette fois où je me suis retrouvé dans un hôtel perdu quelque part dans l’ouest du Texas, seul dans ma chambre parce que ma femme était restée à Austin, et j’entendais un train de marchandises passer, tu sais un de ces longs trains qui semblent interminables quand tu les vois passer,… comme celui dont me parlait un mec qui était en prison avec moi, un de ces trains de marchandises qui partait chaque nuit, à minuit, pour le Colorado, un de ces trains que tu dois prendre pour aller plus à l’Ouest encore, un de ces trains que tu entends quand tu es en cellule et dont les bruits te font garder l’espoir de sortir et de partir, partir,….

BM : Mais toi, tu n’es pas parti, tu es toujours resté à Austin ? Tu n’as jamais eu envie de changer d’air ? De t’installer en France ?
CR :
Oui, j’y ai pensé,… j’ai hésité, mais finalement je suis bien où je suis, je suis chez moi,…et heureux !

BM : Mais être Texan, est-ce être américain ?
CR :
Bonne question… (songeur). Punaise, t’as de ces questions, toi… Pour commencer, je vais te dire une chose : ce qui me gêne le plus en ce moment, tu vois, c’est que Georges Bush dise qu’il soit Texan. Ca, tu vois, je n’arrive pas à l’avaler…

BM : Je pense que cela ne vaut pas la peine que l’on parle de la politique des Etats-Unis…
CR :
(sourire) Non, ou alors faudrait qu’on y passe un bon moment et je pense que tous les deux on a des choses plus passionnantes à faire que de parler de politique. Parlons des femmes…. ! (rire)

BM : Allons-y alors, et direct : maintenant que tu es marié, ne regrettes-tu pas tes ex-fiancées,…comme la drogue, l’alcool, la prison ?
CR :
(grand éclat de rire) J’aime bien le nom que tu leur donnes. Mes fiancées ? Oh oui que j’étais fiancé,… et bien, même ! Mais je suis marié, maintenant, et pas avec l’une d’elles…. Et c’est bien pour moi !

BM : Qu’est-ce que tes fiancées t’ont apporté comme expériences de la vie ?
CR :
C’étaient des expériences, de vraies expériences de vie, mais c’est le genre de fiancées que je déconseillerais aux gens de fréquenter car avec elles tu n’es plus le même, tu n’es plus vraiment toi, et quand tu n’es plus toi-même ce n’est pas bon. La plus belle expérience, vois-tu, c’est de rencontrer la femme avec laquelle tu peux partager chaque heure que tu vis, chaque moment banal de la vie quotidienne et qui devient beau tout simplement parce qu’une femme le partage avec toi et te sourit. C’est ce que j’essaye de dire dans ‘When you smile’.

BM : Pourquoi t’être marié ? N’est-ce pas rentrer dans un moule social ? Un moule social que tu ne semblais pas vraiment apprécier…
CR :
Oui et non. Se marier c’est effectivement rentrer dans une sorte de moule social, c’est vrai, mais c’est aussi prouver à celle qui partage ta vie que tu tiens à elle,… et que tu es fier de l’affirmer socialemnt à tous les autres. D’un côté il y a des règles sociales, contraignantes pour certaines et dont je me passerais volontiers, mais de l’autre il y a ce que tu as envie de vivre comme bonheur partagé, et entre les deux j’ai choisi, et je me suis marié.

BM : Pourtant tu étais plutôt du style révolté, non ?
CR :
Oui, tout comme j’ai fait des choses qui m’ont coûté la prison, mais avec le temps qui passe on s’aperçoit finalement que ces choses-là ne sont pas les bons choix à faire. J’ai fait des choix et j’en ai assumé les conséquences,… 

BM : Ta route aurait croisé celle de Townes Van Zandt. Qu’as-tu appris ou vécu à ses côtés ?
CR :
Beaucoup et pas grand-chose. Beaucoup, parce que c’était un super songwriter, un poète, un vrai compositeur qui savait marier paroles et musique pour te faire passer un message ou te raconter un truc vécu. Mais c’était un gars qui bossait toujours seul dans son coin et qui ne te faisait pas écouter les chansons sur lesquelles il bossait. C’était un mec discret et…. (long silence)… secret à la fois ; un vrai poète moderne.

BM : N’as-tu pas envie, un jour, de faire un album genre ‘Tribute to TVZ’ ?
CR :
Bonne question, mec,…. et que je ne m’étais pas posée sous cette forme, parce que je pensais plutôt qu’on viendrait me chercher pour participer à un album où on aurait été plusieurs chanteurs pour un CD-hommage à TVZ. Mais moi seul…. ? Pourquoi pas. Faudra que j’y pense, parce que c’est vrai qu’il y a des titres de Townes que j’aimerais interpréter en les adaptant à ma sauce, tu vois,… les interpréter en y apportant ma personnalité, ma musicalité,… oui, pourquoi pas. T’as d’autres idées comme ça, pour moi ? (sourire)

BM : Nous n’allons pas revenir sur ta rencontre avec Patrick Mathé, parce que tout le monde la connaît, je pense, mais avec le recul des années comment expliques-tu que tu n’arrivais pas à percer aux States ?
CR :
Je ne sais pas, et je n’ai toujours pas compris pourquoi ma musique est aimée et a du succès en Europe et pas ici. (songeur) Je ne sais pas… 

BM : N’es-tu pas déçu par ce manque de reconnaissance dans ton propre pays… ?
CR :
Déçu ? Oui et non,… parce que j’y suis peut être pour quelque chose – en n’ayant pas eu de label, par exemple –, mais il y a pas mal de personnes qui aiment bien ma musique, chez moi, à Austin, et puis grâce à Internet j’ai des fans un peu partout maintenant.

BM : Tu sais que sur un site américain on trouve plusieurs de tes concerts, dont un, enregistré chez toi, lors d’une party, le 16 juillet 2005… ?
CR :
Non… ! C’est pas vrai… ! T’as trouvé ça comment… ? C’est vraiment dingue. Tu peux me dire sur quel site ? J’aimerais bien l’écouter… ! Et les autres concerts ont été enregistrés où ?

BM : Il y en a plusieurs enregistrés au Tambaleo, et d’autres au Longbranch Inn,…et je ne me souviens plus des autres…, mais tu peux les écouter ou les télécharger sur www.archive.org  dans la rubrique ‘Live Music Archive’. 
CR :
Merci, mec, merci… ! 

BM : En échange tu me donnes une info, Calvin, car je sais que les artistes n’aiment pas ce genre de question : de tous les albums que tu as enregistrés, quel est ton album préféré ?
CR :
(sans hésiter) Le dernier, oui,… mon dernier album, ‘Unrepentant’.

BM : Pourquoi ?
CR :
Parce que cet album, c’est comme un aboutissement, quelque chose que je voulais toujours arriver à faire et sans pouvoir le faire. Les albums précédents sont maintenant pour moi comme des étapes, des marches, des trucs qui m’ont fait avancer vers ce que je voulais toujours faire et que je suis enfin parvenu à faire. Et puis, tu sais, faut toujours être fier de son dernier bébé, de son dernier album, car cela ne sert à rien de regarder derrière soi. Ce qui m’intéresse c’est de regarder toujours devant, de travailler sur de nouveaux textes, de composer de nouvelles chansons. C’est ça, la vraie vie : avancer, toujours avancer.

BM : Et comment va Elvis ? (NDLR : son chien) 
CR :
(large sourire) Très bien, il va très bien, merci. Comme tu le vois, je suis un mec heureux… !

Frankie Bluesy Pfeiffer
Paris On The Move & Blues Magazine©
http://www.bluesmagazine.net
Calvin Russell