ITW de Bob Margolin

                                     ITW de Bob Margolin

Préparée et réalisée par Dominique Boulay
Effectuée au Festival de Blues de Hondarribia (juillet 2010)
Photos : © DR – Bob Margolin

C’est pendant qu’étaient réunis les membres des commissions de la troisième Conférence européenne en vue de la création de la European Blues Union, que j’ai eu l’occasion d’approcher l’un des monstres sacrés du blues, le guitariste Bob Margolin, qui prenait le café dans la même salle que nous…

Rencontre avec un Monstre sacrée de la musique bleue

PM: Bob, lorsque l’on va sur ton site web on remarque que celui-ci utilise toujours la première personne du singulier, le ‘je’. C’est toi qui te racontes?
Bob Margolin (BM):
Oui, mais c’est simplement par ce que je suis le mieux à même de connaître le sujet. Je connais mon histoire et je sais tout ce qui me concerne mieux que quiconque d’autre. Lorsque c’est quelqu’un d’autre que toi qui écrit sur toi, il a toujours ses propres idées qui viennent s’immiscer dans le récit et il t’impose donc, quelque part, ses propres points de vue. Voilà pourquoi je rédige moi-même ce qui me concerne.

PM: Peux-tu nous rappeler combien de temps tu es resté avec Muddy Waters?
BM:
Je suis resté environ 7 ans avec lui…, mais contrairement à ce que certains imaginent, je ne fus pas le premier blanc à jouer avec lui. Avant moi il y a eu Paul Oscher, à l’harmonica, et il y a eu aussi un autre guitariste avant moi. Puis Jerry Portnoy est également venu nous rejoindre.

PM: Tu as également enregistré avec the Nighthawks, que j’ai vus au Spring Blues Festival d’Écaussinne, cette année. Es-tu toujours en contact avec eux?
BM:
Oui, bien sûr! Ce sont de très bons amis et l’on continue à se voir régulièrement. On continue même à jouer ensemble. Je les ai vus il y a de cela six semaines et on a fait un truc ensemble à Washington DC.

PM: Tu as également enregistré avec Johnny Winter…
BM:
Oui. C’est dans les années 70, lorsqu’il a enregistré des morceaux avec Muddy, que nous avons joué ensemble, et à plusieurs reprises. Nous avons fait une tournée avec lui et nous sommes ensuite allés en studio ensemble pour enregistrer le LP ‘Nothin’ but the Blues’.

PM: Tu sais qu’il était en France au cours du mois de mars de cette année. J’ai eu l’occasion de le voir et je dois dire qu’il est bien mieux qu’à une certaine époque.
BM:
C’est vrai qu’il va mieux, et ça me fait bien plaisir pour lui. Il a eu des moments difficiles dans les années 90 mais cela va vraiment mieux. Son nouveau manager l’aide beaucoup et cela le rend plus fort. Il sait où aller faire jouer Johnny et grâce à ce monsieur, Johnny croit à nouveau en lui. Et plein de gens sont contents de le revoir sur scène.

PM: Dès les années 80, tu avais ta propre formation. Et ce sont des musiciens avec lesquels tu joues toujours, comme ce soir, par exemple…
BM:
Oui, comme Pinetop Perkins aux claviers, ou Willie ‘Big Eye’ Smith, aussi, et dont le fils est ici, avec nous, d’ailleurs…

PM: Hier, lorsque tu promenais Pinetop dans sa chaise roulante, dans le parc, on te voyait comme un fils plein de respect et d’amour pour son père. C’est une relation très ‘intense’ que vous avez…
BM:
Oui, basée sur un profond respect de l’autre,…et puis je l’aime aussi beaucoup! C’est une personne très importante pour moi! J’ai d’abord été son ami. Quand j’ai commencé à jouer avec Muddy Waters, il était déjà là. Et il avait l’âge que j’ai maintenant. Je n’imaginais pas, à l’époque, que je pourrais encore jouer avec lui en 2010 car comme beaucoup d’autres, je pensais qu’il ne serait plus là…, et on continue pourtant à jouer ensemble (large sourire). Hier, quand je l’ai vu dans le hall de l’hôtel, je suis allé le voir et je lui ai souhaité un bon anniversaire, même si en réalité c’était il y a trois jours. Je lui ai demandé s’il voulait aller se balader, s’il voulait aller quelque part et il m’a répondu oui. Alors nous sommes partis nous promener dans les jardins de l’hôtel, moi poussant sa chaise roulante. Je l’aime énormément. Pas seulement en tant que musicien mais aussi en tant qu’être humain. En 1988, nous étions tous les deux au Japon quand mon père est décédé. J’ai dû rentrer précipitamment aux Etats Unis. Et au moment où j’ai du partir, Pinetop m’a pris dans ses bras et il m’a dit : ‘Je suis ton père noir, dorénavant’. C’est quelqu’un d’une extrême gentillesse et d’une ouverture d’esprit incroyable. Le genre de personne que tout le monde devrait avoir comme ami.

PM: Ce soir tu joues avec lui et Willie ‘Big Eye’ Smith, notamment, et cela ressemble plus à quelque chose comme une revue, non…?
BM:
Peut être, mais c’est une bénédiction de jouer avec eux. J’ai tellement appris de chacun d’eux! Et pas seulement d’un point de vue musical, mais aussi social. Quand on se retrouve ensemble pour jouer, c’est tout simplement normal, naturel. Jouer avec ces gens qui sont mes amis, faire de la musique ensemble, c’est quelque chose qui me semble évident, et puis quand c’est bon, quand le feeling est là, quand le public est en phase avec nous, il se passe quelque chose de magique. Dans ces moments là, il n’y a rien qui puisse nous atteindre, nous blesser.

Pendant toute la durée de l’entretien, Bob m’a montré des photos de son album personnel, sur son ordinateur, et ce sont quelques unes de ces photos, dont certaines sont inédites, que Bob a bien voulu accepter de nous prêter, pour les présenter avec cette ITW.

PM : Qu’est ce qui est le plus difficile pour toi, être musicien ou être producteur?
BM:
J’aime produire des disques pour mon plaisir et j’aime aider, conseiller ceux qui hésitent entre les chansons à jouer ou comment les jouer. Il y a même des musiciens qui viennent me voir car ils ne savent pas vraiment ce qu’ils veulent faire. En fait, j’aime bien me rendre utile, et servir de ‘facilitateur’. J’aime bien faire cela. Mais j’aime bien composer, évidemment.

PM: Tu écrivais aussi dans des revues de blues. Tu aimes le travail de l’écriture…
BM:
Oui, j’aime bien écrire. C’est vrai que j’ai écrit dans des revues, mais tu ne trouveras mes textes que dans des anciens numéros de Blues Revue. Par contre, je travaille actuellement sur un livre dans lequel il y aura pas mal de photographies et plein d’histoires sur le blues. Je conserve tout ce que j’écris dans mon ordinateur, car j’aime bien écrire, et lorsque j’écris rien ne semble difficile. J’écris aussi bien des paroles de chansons que de la musique ou des textes. Et comme j’adore ça, rien ne me parait compliqué (rire).

PM: Et ta vie, à part l’écriture…?
BM:
Déjà, il faut que je te dise que j’aime faire ce que je fais, comme voyager et jouer de la musique. Mais attention, j’aime aussi beaucoup être à la maison. En ce moment, je travaille beaucoup en tant que musicien, alors je mets un peu entre parenthèses mon travail de producteur. Ceci étant, il faut bien avouer que l’on est dans un monde qui est vraiment dingue. On travaille tout le temps et on se réveille même la nuit pour consulter son Ipod. J’aimerais être capable d’arrêter tout ça,…et de prendre mon temps Mais tout ce qui tourne autour de nous va tellement vite, nous entraînant automatiquement dans ce vent de folie, que je ne pense pas que je pourrai m’arrêter pour prendre du temps… Parce que dès que je vais rentrer, je vais me rendre compte que j’ai manqué plein de choses, et je vais donc essayer de faire plus de choses encore, et en moins de temps possible. Mais bon…, il faut dire aussi que j’ai la chance de pouvoir faire ce que je veux, jouer de la musique, car beaucoup de gens ne font pas forcément ce qu’ils aimeraient faire. Et faire ce que l’on a envie de faire dans la vie, c’est une chance, il faut bien le reconnaître.

PM: Pourtant, en France, nous imaginons que cela doit être assez difficile d’être un artiste aux Etats Unis.
BM:
Quand on fait du blues, on ne devient pas riche,…même si par exemple je suis bien payé pour jouer ici, à Hondarribia. Mais il est vrai qu’aux Etats Unis, c’est un peu dingue. Par exemple la protection médicale est très chère. Je paye 1.100 dollars par mois pour ma femme et moi, simplement pour ne pas payer davantage si je dois être hospitalisé une semaine. C’est une sorte d’avance sur une éventuelle hospitalisation… Et cela ne t’exonère pas de régler tes frais de médecin et de médicaments! Avec ce que j’ai gagné dans ma vie de musicien, j’ai pu acheter une maison. J’ai réussi à la payer car j’ai bien gagné ma vie, mais aujourd’hui, je gagne beaucoup moins qu’autrefois.

PM: Peux-tu nous dire quelques mots, si tu as encore un peu de temps à nous consacrer, sur ton sentiment sur la situation du blues aux USA?
BM:
Ce qui est positif, c’est qu’il y a plein de jeunes musiciens qui prennent le relève. Et ils sont animés de la même flamme que Pinetop ou moi-même. Ils aiment jouer le blues profond, le vrai, le roots! Et j’en connais plein, comme Matt Hill, en Caroline du Nord. Il a déjà joué avec moi et on a enregistré un album à la maison, avec lui et l‘un de mes amis. D’ailleurs cet album va sortir dans deux mois, et il s’appellera ‘On The Floor’. Je connais aussi Derek Trucks, et c’est vraiment bien ce qu’il fait. Joe Bonamassa, je l’ai croisé mais on ne peut pas dire que je le connais. En tous cas, c’est un super musicien. Tu sais, je ne me fais aucun souci pour la nouvelle génération, et le blues n’est pas près de mourir.

PM: Tu as vu que le Steve Miller Band vient de ressortir un nouvel album alors qu’ils n’avaient rien enregistré depuis 9 ans….
BM:
Cela confirme ce que je te disais, Dominique, que le blues est toujours vivant. Mais le problème, c’est l’argent. Je pense qu’en Europe, les musiciens jouent ‘ensemble’ au lieu de jouer les uns contre les autres. Ce qui est une bonne chose. Aux Etats-Unis, vois-tu, c’est toujours ‘moi et moi’, et ‘encore moi’ et combien cela va me rapporter, à moi. Ici, En Europe, j’ai l’impression que les musiciens sont plus solidaires et qu’ils arrivent bien mieux qu’aux USA à combiner ce qu’ils veulent faire ensemble. C’est du moins ce que je ressens…

PM : Que penses-tu de cette troisième Conférence et de cette création possible d’une European Blues Union?
BM:
Je pense que c’est une très bonne, et même une excellente chose. Quand je suis arrivé à l’hôtel pour jouer dans ce festival, ici, à Hondarribia, et que j’ai retrouvé plein de vieux copains et de connaissances, je n’en revenais pas de les voir tous ici! Je leur ai demandé ce qu’ils faisaient là et ils m’ont expliqué qu’ils se sont réunis pour essayer de construire cette organisation européenne pour pouvoir promouvoir le blues dans toute l’Europe. Et si cela se fait, ce sera une excellente chose pour les musiciens, pour les organisateurs de festivals, pour les maisons de disques,…bref, pour le blues. Et tout ce qui est fait pour promouvoir le blues doit être défendu, et soutenu.

PM: Tu as un site web, mais que penses-tu d’internet…
BM:
Maintenant qu’il y a internet, tout est devenu plus simple. La communication passe plus facilement et n’importe qui peut savoir ce qui se passe n’importe où dans le monde. Tout comme je peux écouter ce que je veux comme musique, d’où que cela vienne de par le monde.

PM : Tu parlais tout à l’heure d’un monde qui va très vite, peut être trop vite. Trouves-tu le temps de jouer tranquillement de la guitare, chez toi?
BM:
Franchement, presque jamais. C’est seulement lorsque je dois répéter que je joue à la maison.

PM: Et la France….?
BM:
Quand j’étais avec Muddy, je venais souvent, mais plus maintennat. Et pourtant j’ai une sœur qui habite à côté de Paris, depuis 1983. Elle est mariée à un percussionniste africain et lorsque je suis venu en 2006, par exemple, elle et son mari sont venus jouer avec nous. Son mari était à la batterie et elle était aux claviers. C’est une très bonne musicienne. Elle a joué avec l’American Gospel. Mais c’est vrai que j’aimerais pouvoir venir jouer plus souvent en France. Peut être que tu pourras en parler quand vous aurez créer cette European Blues Union…(rire).

Bob Margolin