Interview Ramon Goose – Nublues – Dixiefrog – blues music

Préparée et réalisée par Frankie Bluesy Pfeiffer – novembre 2008, pendant le festival Blues sur Seine de Mantes La Jolie (78)

Le nom seul de Ramon Goose ne vous aurait sans doute rien dit si vous aviez vu ce nom en tête d’affiche, quoi que….dans le cercle plus ou moins élargi des fans de blues le nom circule déjà beaucoup depuis la sortie du premier CD d’un groupe anglais du nom de Nublues, car derrière Nublues, et dans Nublues, y’a ce Ramon là. Un Ramon Goose qui est non seulement guitariste mais aussi auteur-compositeur, ingénieur du son et producteur du groupe. Sans oublier que lors du concert donné en duo avec son frangin Joe (super bassiste, en passant !) à Blues sur Seine, Ramon démontra que le bougre est non seulement un très bon guitariste mais un chanteur qui assure.

BM : Après t’avoir entendu hier soir à Blues sur Seine, en duo avec ton frère Joe, je me demande pourquoi vous n’avez pas encore enregistré un album, tous les deux ?
RG :
Tu sais, j’ai déjà supporté mon frère pendant pas mal d’années, et on a beaucoup joué ensemble. Alors ce n’est pas pour me retrouver encore avec lui dans un studio. (rire) Non, sérieusement: c’est vrai qu’on n’y avait pas pensé, mais c’est sans doute parce qu’on a tellement eu l’habitude de jouer ensemble lorsqu’on était plus jeune. Peut être, un jour, pourquoi pas…

BM : Vous êtes jumeaux, c’est exact ?
RG :
Oui, on est jumeaux, mais Joe est venu au monde 20 minutes avant moi. C’est donc mon aîné… C’est pour ça que je lui dois le respect. (rire)

BM : Un respect qui te ferait presque passer pour un mec timide…
RG :
(sourire) Timide, moi ? Non. Mais discret, oui.

BM : Pourtant, avoir été à l’origine de Nublues, en être l’auteur-compositeur-guitariste, ça devrait te faire gonfler le melon, non ? Tu ne vas pas me faire croire que tu n’as pas d’ego…
RG :
Si, mais je sais le rendre discret, lui aussi. (rire)

BM : Pourquoi ce nom d’abord: Nublues ? Cela se prononce ‘new blues’, exact ? Alors pourquoi ne pas avoir appelé de suite ton groupe ‘Newblues’ ? Parce que tu revendiques tout de même avoir créé quelque chose de nouveau dans le blues, n’est-ce pas ?
RG :
(sourire) Oui, c’est vrai que cela se prononce ‘new’, parce que ce que je voulais faire avec ce groupe était de jouer un blues traditionnel en y apportant des touches très personnelles, nouvelles, réaliser un mélange entre les fondamentaux du blues et les nouveautés musicales des dernières années. Mais de là à l’écrire Newblues, non, faut pas exagérer…(rire)  Et puis écrit comme cela, Nublues’, cela permet aux journalistes de poser des questions, non ? (rire)

BM : Bien vu. Alors donc, Nublues c’était une volonté de ne pas faire la même chose que d’autres, de vous démarquer?
RG :
Oui. Je voulais monter un groupe de blues mais je ne voulais pas monter un groupe comme il y en a des centaines, et de très bons. Ce qui me titillait, c’était d’innover, de jouer quelque chose que d’autres n’avaient pas encore vraiment fait. D’ailleurs c’est cela aussi qui est passionnant quand tu écris des chansons: apporter ce que tu penses être nouveau, et qui va faire bouger les choses. Il faut que les choses bougent, évoluent. La musique c’est comme la vie de tous les jours: tu ne peux pas rester statique, tu dois avancer, bouger, faire des choses. Hé bien, en musique c’est la même chose.

BM : C’est comme cela que tu as introduit du hip-hop, du rap dans ton blues. Mais comment écris-tu tes textes alors que ce n’est pas toi qui chante ? Surtout pour toutes les parties en rap ? N’est-ce pas difficile pour toi ?
RG :
En fait cela ne me pose aucun problème parce que lorsque je compose j’ai en tête la voix de Jay [NDLR : Jay Nicholls, chanteur de Nublues] et je sais exactement comment il chante, quel rythme il a quand il chante, je devine sa respiration. Et puis il faut aussi que tu saches qu’une fois que mes textes sont écrits, je travaille avec Jay qui y apporte sa touche perso, quand il ne me change pas plein de choses, d’ailleurs. Je ne suis pas parfait, tu sais, (rire) et puis comme c’est lui qui chante, c’est très bien qu’il le fasse en étant en totale osmose avec ce que je compose.

BM : Est-ce que finalement Nublues ne serait pas un ‘concept’ plutôt qu’un groupe ?
RG :
Les deux, les deux. C’est un groupe, et en même temps c’est un ‘concept’, dans le sens où c’est un groupe qui expérimente, qui innove, qui tente des choses.

BM : En introduisant des nouveautés comme tu l’as fait avec le hip-hop, n’avais-tu pas peur que le groupe soit rejeté ? Surtout en mêlant ces sons modernes à une musique traditionnelle ?
RG :
C’était un risque, oui, mais qui ne tente rien n’a rien. Et puis, tu sais, quand tu es sûr de toi, que tu sens le truc en te disant que oui, cela va marcher, hé bien cela doit marcher.

BM : Tu n’as pas songé un instant à un échec ? Un rejet ?
RG :
Non, parce que si tu commences à avancer dans la vie en pensant que ce que tu vas faire sera peut être un échec, alors tu ne le fais pas vraiment, et tu ne fais plus rien. Non, j’avais confiance. Cela ne veut pas dire qu’ensuite tout est facile, au contraire, parce qu’il faut toujours se battre pour s’imposer, pour imposer sa musique, et finalement je suis content de voir combien les deux albums ont été bien accueillis en France.

BM : Tu en es fier ?
RG :
Fier ? Non, mais content. Content pour moi, et pour le groupe, surtout.

BM : En tant que guitariste, quelles furent tes influences ?
RG :
John Mayall, Eric Clapton, Jeff Beck, Peter Green tout comme John Lee Hooker.

BM: Un John Lee Hooker auquel on pense de suite lorsque l’on entend ce ‘Travellin’ Blues’ qui figure dans votre second CD, ‘Snow On The Tracks’…
RG :
Oui, et comme tu l’as entendu sur cet album, j’ai mélangé des chansons composées sur un bon vieux rythme de blues avec des chansons plus innovantes. C’est aussi ma manière de rendre hommage aux grands que furent John Lee Hooker et Howlin’ Wolf. Tu vois, innover ne veut pas dire renier ou oublier les origines de cette musique. Innover, c’est apporter un petit truc en plus sur quelques chansons, dans les paroles ou dans la musique. Et c’est ce que je fais avec Nublues.

BM : Y’a un mec qui a cru en vous tout de suite, c’est Chris Thomas King. Puis Philippe Langlois, qui distribue vos albums en France. Cela a du te conforter dans ta démarche, non ? Et te dire que t’avais mis le doigt sur un truc génial, non ?
RG :
(rire) Génial ? Si c’est toi qui le dis…(rire) Non, ceux qui ont été géniaux ce sont effectivement Chris Thomas King et Philippe Langlois, parce qu’ils ont aimé tout de suite ce qu’on faisait, et ça, oui, c’est génial.

BM : Estimes-tu que vous avez progressé entre votre premier album, ‘Dreams Of A Blues Man’ et le second, ‘Snow On The Tracks’?
RG :
Je ne sais pas si le terme progressé est le bon…, mais indéniablement il y a quelque chose de plus dans ce second album, quelque chose de différent. De mieux ? Je ne sais pas, mais de plus, oui, c’est sûr.

BM : Tu sais quel regret j’ai, en écoutant votre second album ?
RG :
(surpris) Non, lequel…

BM : Qu’il n’y ait que neuf titres !
RG :
(rire) Je comprends… Mais si tu savais déjà tout le boulot que cela a représenté de sortir ces neuf titres. Pour le prochain on essayera d’en proposer quelques uns de plus, promis. (rire)

BM : D’un autre côté, lorsque tu en as assez de Nublues, tu as ton autre groupe…
RG :
(sourire) Oui, et c’est quelque chose de super de pouvoir jouer ainsi dans plusieurs groupes, ou comme hier soir avec Joe. Je n’ai pas ma vie rivée sur un seul truc, sur un seul sujet ; je peux passer de l’un à l’autre quand je le veux et cela me donne beaucoup de liberté vis-à-vis de tout ce que j’entreprends.

BM : Alors je te la rends, ta liberté… et merci pour ce moment passé en ta compagnie.
RG :
Merci, et j’espère qu’on se reverra début 2009 à Beauvais, OK ?

BM : Compte sur moi, je serai là !

Frankie Bluesy Pfeiffer
Blues Magazine & Paris-Move

Le dernier CD de Nublues, ‘Snow On The Tracks’, est chroniqué ici…
Les deux CD de Nublues sont disponibles sur le site de Dixiefrog, ici…

Ramon Goose