Interview d'Eddie Martin

Interview préparée par Frankie Bluesy Pfeiffer et Lucky Sylvie Lesemne.
Interview réalisée par Frankie Bluesy Pfeiffer.
Photos : Lucky Sylvie Lesemne

Elu meilleur guitariste anglais de Blues en 1996 et 1997, meilleur album anglais de Blues en 1998, 99 et 2000, et meilleur groupe anglais de Blues en 1998, 99 et 2000, Eddie Martin nous a reçu avec simplicité et un sourire large comme ça. Quelques extraits de la longue interview qu’il nous a accordée avant son premier set sur la scène Juke Joint, au 24ème Festival Blues de Cahors, et la séquence émotion qui fait que pour nous, Eddie a un cœur gros comme ça…. !

BM : Eddie, comment tout cela a commencé ?
EM :
J’avais 16 ans lorsque je me suis acheté ma première guitare, c’était une acoustique. Et tu sais où je l’ai achetée ?… Dans un supermarché ! (rires) Ce n’était pas une super-guitare….
A cette époque j’écoutais beaucoup de chanteurs Folk, surtout Bob Dylan. Et j’ai commencé à jouer ses chansons.

BM : Ce serait donc aussi à cause de Bob Dylan que tu t’es mis à l’harmonica ?
EM :
Hé oui. C’est bien à cause de lui que je me suis mis à l’harmonica, et moins d’un an après avoir touché ma première guitare. C’est fou comme le temps passe vite… ! (rires)

BM : Pourquoi es-tu passé du Folk au Blues ?
EM :
Très vite j’ai découvert d’autres musiciens, comme Woody Guthrie. En fait, j’ai effectué un voyage dans l’histoire, mais à l’envers,….(rires).….J’ai eu beaucoup de plaisir à découvrir et écouter tous les vieux Bluesmen.

BM : Et c’est ce qui t’a incité à composer ?
EM :
Oui, en fait j’ai toujours composé, j’ai toujours écrit. Tout d’abord du Folk, dans le style de Bob Dylan, puis du rock…(large sourire)…comme tous les jeunes.

BM : Tu as donc joué du rock, et composé pour ton groupe de rock… ?
EM :
Oui…oui…j’ai joué aussi du rock, dans le style des Stones, tu vois…., et j’ai composé des titres bien rock.

BM : Pourquoi avoir délaissé le rock, alors ?
EM :
Tout ça c’est la faute de Freddie King (rires)…. Moi et mes copains on écoutait plein de musiques, plein d’albums, et un jour on m’a prêté un album de Freddie King, le seul qu’il ait enregistré en Angleterre, je crois, et là je me suis dit Woa, c’est ça que je veux jouer… !
Comme tu le sais, la musique Blues est plus structurée que la musique Rock, et cette musique là correspondait beaucoup plus à ce que je ressentais et à ce que je voulais faire. Surtout pour composer !

BM : Et arrive cette année charnière, cette année 1996…
EM :
Cette année-là reste une année très spéciale pour moi. C’est l’année où je suis réellement devenu ce que l’on peut appeler un musicien professionnel,…et au cours de laquelle j’ai enregistré mon premier album, Solo in Soho. Et pour un musicien, un premier album est toujours quelque chose d’important.

BM : Tu as été aussi élu meilleur guitariste anglais de Blues, cette année-là ?
EM :
Oui,…c’est vrai que c’est un honneur que d’être reconnu ainsi, mais est-ce le plus important… ? Ce qui m’a fait le plus plaisir c’est que mon album a été bien aimé par le public.

BM : Avec quels autres guitaristes de Blues aimerais-tu bien jouer ?
EM :
Hé bien,…malheureusement beaucoup de ceux avec qui j’aurais aimé jouer sont morts, mais il y en a un avec qui j’aimerais jouer, c’est Clapton. Il a toujours eu un vrai feeling de Bluesman et il a toujours respecté le Blues.

BM : Sur scène tu joues aussi bien de la guitare acoustique que de la guitare électrique. Tu préfères jouer acoustique ou électrique ?
EM : J’aime jouer les deux. Chez moi je joue plus souvent de l’acoustique, pour composer surtout, et puis…le son est moins fort que l’électrique (rires)…. Mais j’adore jouer les deux en concert. Comme j’aime tous les styles et toutes les manières de jouer le Blues. C’est pour cela que je joue en solo, ou alors avec de petits groupes, comme ici à Cahors avec une bassiste et un batteur,…et j’aime aussi beaucoup les orchestres plus gros, avec cuivres, et tout et tout (sourire). Et ce qui est bien aussi, c’est de pouvoir mélanger tout ça pendant un concert : jouer avec une grosse formation, puis en solo, puis avec deux ou trois musiciens seulement,… J’aime jouer comme ça…. Et j’aime jouer en France. En France j’ai trouvé que les gens aiment vraiment le Blues, ils ont le feeling pour cette musique. Dans d’autres pays on n’a pas le même accueil, la même écoute. Oui, c’est super de jouer en France.

BM : Jouer de l’harmonica et de la guitare en même temps est réputé être relativement difficile. Peu de musiciens, comme Neil Young par exemple, le font. Est-ce que cela t’a demandé du travail pour en arriver à ce résultat ?
EM : (avec un large sourire) Oui, beaucoup…beaucoup. Mais j’ai peut être aussi eu de la chance à être arrivé à coordonner tout ça… ! (rires)
C’est vrai que cela demande beaucoup de travail. Ca ne vient pas tout seul, tu sais.

BM : Tu peux nous dire quelques mots de Andy Sheppard, qui a travaillé avec toi sur Ice Cream, car il me semble que tu le connaissait bien avant de produire cet album…
EM : Oui, c’est vrai. En fait, Andy et moi on se connaissait quand on était jeune, à Bristol, et puis on s’est perdu de vue, et un jour, pendant que j’étais en studio entrain d’enregistrer les titres pour mon album Ice Cream, un type est descendu au studio et m’a dit « Hey, comment vas-tu ? ». C’était Andy. Et c’est depuis cet instant là que nous avons travaillé ensemble.

BM : C’est peut être grâce à ces retrouvailles que ton album Ice Cream a été noté par The Times comme « Masterpiece » ?
EM : (rires) Peut-être…qui sait… Mais c’est vraiment une sensation géniale de se voir attribuer une telle appréciation par un tel journal.

BM : Tu peux nous parler de ce lundi 6 juin et de ce concert exceptionnel auquel tu as participé ?
EM : Hé bien,….(la voix de Eddie est hachée, entrecoupée par une émotion à laquelle nous ne pouvons être insensible)…c’était un concert organisé à la mémoire de Dick (ndlr : Dick Heckstall-Smith – saxo ayant notamment joué avec John Mayall),… Dick était un très bon copain à moi…. Il est mort l’année dernière, en Décembre, et sa disparition m’a beaucoup marqué. Il n’avait que 65 ans, tu sais… Il a joué sur plusieurs de mes albums, et j’ai joué sur son dernier album.
J’ai ensuite été contacté pour ce concert du 6 juin, qui a eu lieu au London Astoria, et où de nombreux musiciens lui ont rendu hommage. Il y avait Cream, avec Gary Moore, Jack Bruce et Gary Husband, Mick Taylor et Colloseum, avec John Hyseman et Barbara Thompson au saxo, justement.

BM : Cream lui a rendu hommage en interprétant notamment Born under a Bad Sign et Sunshine of your Love, et toi tu as interprété, avec beaucoup d’émotion m’a-t-on dit, des titres de ton album Ice Cream, et du dernier sorti, Play the Blues with Feeling…
EM : Tu sais, ce jour-là je pense que nous étions tous très, très émus, car on aimait tous Dick. Il nous manque,….il me manque beaucoup.

Frankie Bluesy Pfeiffer
Lucky Sylvie Lesemne
Juillet 2005
BLUES MAGAZINE©
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Eddie Martin