Interview de Sharon Jones, réalisée lors de sa toute première apparition européenne, en juillet 2002.
Interview préparée et réalisée par Patrick Dallongeville (Paris-Move, Blues Magazine, Illico & BluesBoarder)
Contre toute attente (à notre époque de formatage effréné), une poignée de musiciens de New-York résiste encore et toujours à l’envahisseur. Ce n’est pas nouveau, certes: le punk ne naquit-il pas là-bas, dans le Bowery? Mais cette fois, la révolte est black, et contre les bimbos du R&B et les néo-fachos consuméristes du rap se dresse enfin une nouvelle génération de funksters, dont les héros éternels demeurent bel et bien Bootsy Collins, Maceo Parker et leur Godfather à tous, Jaaaaaaaames Brown… La dernière bombe à fragmentation que nous adressait leur label-refuge (Daptone Records) se nommait Sharon JONES. Nous l’avions rencontrée en avant première, après sa torride prestation au festival de Peer (Belgique) en juillet 2002.
Patrick Dallongeville: Bonjour, Sharon! À ma grande honte, j’avoue t’avoir découverte par hasard sur la scène de ce festival: je ne savais rien de toi, et le programme étant rédigé en néerlandais. Je ne savais à quoi m’attendre, mais quelle claque!
Sharon Jones: Merci! En fait, quelqu’un me l’a traduit, et le texte me présentait en quelque sorte comme la grande gueule du funk et du R&B (rire). Je suppose que cela a dû susciter une certaine curiosité et une certaine attente de la part du public de ce festival!
Patrick Dallongeville: Pour tout te dire, j’ai eu l’impression d’assister à une prestation de la fille cachée de Tina Turner et James Brown!
Sharon Jones: Oh, merci, mais alors il faut que tu ajoutes à mon arbre généalogique des noms comme celui d’Otis Redding, et la plupart des artistes soul des sixties et seventies. Comme pour eux auparavant, la section de cuivres est partie intégrante de notre style de vie et de notre musique.
Patrick Dallongeville: Bien, procédons par ordre, si tu le veux… Tu es née à Augusta, Georgie, comme un certain James Brown. Comment as-tu débuté? Dans une chorale gospel, comme tout le monde?
Sharon Jones: Exactement! À vrai dire, ma première prestation solo eut lieu dans une église alors que j’avais à peine cinq ans. Pour me donner du courage, j’ai fixé la statue d’un petit ange aîlé pendant toute la durée de ma chanson! C’était “Silent night”, à la messe de minuit…
Patrick Dallongeville: Comment en es-tu venue ensuite à chanter de la soul?
Sharon Jones: Tout naturellement, comme le font les ados: en imitant mes idoles que j’entendais à la radio. À l’époque, j’étais branchée sur une station qui ne passait que James Brown, Otis Redding, Martha & the Vandellas, ce genre de musique. Puis, j’ai rencontré ces types qui étaient sur Desco Records, et qui se faisaient appeler les Soul Providers. Ils gravitaient autour du chanteur Lee Fields, et étaient à fond dans la funk music. J’ai commencé à faire les chœurs derrière eux, puis j’ai enregistré mon premier single en leur compagnie. C’est sorti à Londres, et l’instant d’après, j’étais embarquée pour une tournée européenne!
Patrick Dallongeville: Où vis-tu à présent?
Sharon Jones: Nous vivons tous à New-York: Brooklyn, le Queens, New-Jersey…
Patrick Dallongeville: Tout le groupe vient de là? Tout à l’heure, sur scène, tu as présenté l’un de tes cuivres sous le prénom de Jean-Pierre…
Sharon Jones: Oh, c’est juste une blague entre nous (rire)! On aime se donner des noms de scène, en tournée. On était en France il y a quelques semaines, et son surnom lui est venu de là: c’était un prénom qu’on entendait partout, et c’est très exotique pour nos oreilles (rire)!
Patrick Dallongeville: Combien d’albums as-tu enregistré à ce jour?
Sharon Jones: “Dap-Dippin'” est mon tout premier, mais j’avais déjà publié auparavant quelques titres sur des compilations du catalogue Desco: “Damn, It’s Hot”, “The Landlord”. Mais cette fois, c’est bien un album entier de mon propre truc! Et quand je reviendrai chez vous, j’en aurai un autre à promouvoir. Je compte sur vous, les amateurs de soul européens, pour l’acheter. Comme c’est déjà tellement arrivé par le passé, si nous devons un jour avoir du succès, ça commencera par l’Europe avant de toucher les États-Unis. En ce sens, nous continuons aussi une certaine tradition (rire)!
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Site internet ICI
Chronique de l’album de Sharon Jones & the Dap-Kings, “Just Dropped in To See What Condition My Rendition Was In”: ICI
Sharon Jones & the Dap-Kings “Stranger To My Happiness”:
Sharon Jones & The Dap-Kings – This Land is your Land (live):