Interview de Paul Personne


Interview préparée et réalisée par Frankie Bluesy Pfeiffer
Photos : Frankie Bluesy Pfeiffer

C’est à Paris, au Hard Rock Café des Grands Boulevards que j’ai retrouvé Paul Personne, là même où quelques jours auparavant il venait d’assurer un concert punchy pour le lancement promotionnel du coffret ‘live’ double CD DVD « Il était une fois la route ». Après quelques mots sur nos scolarités réciproques réalisées en partie sur Maisons-Laffitte, pour lui au Collège du Prieuré et pour moi au Collège Jean-Cocteau, sur nos premiers instruments, lui à la batterie et moi à la guitare – sauf qu’en 1976 j’étais moi dans un trip style floydien tandis que lui jouait avec le ‘Bracos Band’ et tournait avec Bijou et Little Bob – , nous avons décidé de faire cette interview de manière originale, en prenant comme ligne de conduite les titres de ce double CD.

BM : Premier titre, donc, pour commencer : Barjoland.
PP : « Comme un étranger » a été ma première carte de visite mais ce dont tout le monde se souvient en premier c’est « Barjoland ». Ce qui est marrant c’est que je jouais très souvent ce titre sur scène avant même de l’avoir enregistré. Un jour que je le jouais à Cannes, des journalistes sont venus me voir après le concert pour me dire qu’ils trouvaient cette chanson super avec ce riff de guitare et ce « Salut l’amour ». Ils m’ont demandé pourquoi je ne l’avais pas enregistrée, parce que c’était une chanson très appréciée par le public. Je leur ai dit que pour moi cette chanson n’était rien d’autre qu’un riff de guitare, un talking blues rapide et sans refrain. Ils ont insisté en me disant que justement ce riff de guitare et ce « Salut l’amour » étaient aussi percutants qu’un refrain.

J’ai donc enregistré Barjoland sur un six titres et c’est vrai que ça a marché très fort. Il s’en est vendu très vite 40 puis 50.000 exemplaires. Et c’est comme ça que j’ai eu ensuite l’habitude de le jouer en fin de concert, juste avant les rappels, avec une fin un peu barrée, très ‘free’. Mais le problème du succès de ce titre c’est qu’ensuite, pendant toute la durée du concert, des gens n’arrêtaient pas de gueuler ‘Barjoland’, et moi je leur disais « Ne vous inquiétez pas, ça va venir… ». Et c’est pour cela que je l’ai ensuite joué en premier, du style « Voilà, c’est fait. Vous l’attendiez, vous l’avez eu. ».

BM : Et en moins déjanté…
PP :
Oui, en beaucoup plus cool, en acoustique, parce que c’est aussi mon plaisir de changer quand je veux changer. Je n’ai absolument pas envie, comme d’autres le font, de jouer toujours les mêmes titres de la même manière.

BM : Si je ne me trompe, tu avais déjà proposé une version acoustique de Barjoland il y a deux ans, non ?
PP : Exact ! C’est vrai que pendant la tournée 2004 je commençais les concerts avec Barjoland, seul avec ma gratte, avant de continuer le concert de plus en plus électrique. Barjoland c’est comme un étendard, et une fois sorti en tout début de concert je peux ensuite faire le set comme je le veux.
Mon truc c’est d’arriver à pérenniser un ‘vieux’ répertoire en m’amusant. (sourire) Vieux répertoire,…tu te rends compte de ce qu’on dit quand on parle comme ça, entre potes… ? (rire)

BM : L’absence de refrain sur Barjoland n’a-t-il pas pénalisé cette chanson, qui aurait pu être un tube ?
PP :
Ouais, sans doute,….mais la chanson me plaisait bien comme ça, alors la changer pour coller à un système, à une mode, non, c’était pas mon truc. Du tout… !

BM : Tu aurais pu être également plus opportuniste et composer d’autres chansons façon Barjoland…
PP :
Bien sûr ! Bien sûr ! Mais ce n’est pas le but de ma vie de réutiliser les mêmes trucs. Quand j’étais gosse, j’étais comme toi, passionné de musique. Je n’ai jamais voulu faire de balloches et je n’ai jamais cherché à composer de chanson populaire, de tube, tu vois ? Dans les maisons de disques on me disait qu’il fallait que je me coupe les cheveux, que je ne porte plus de jeans et que comme ça je pourrais plaire aux minettes. Moi, je leur ai dit d’aller se faire voir et j’ai claqué la porte à tous ces gens parce que je refuse de faire la pute avec moi-même. Pour moi, une chanson ne peut pas, ne doit pas être une sorte de recette. Chaque fois que je compose, je le fais par rapport à ce que je ressens, et c’est pour ça que je compose aussi des ballades, des trucs très cool, comme des trucs plus bluesy et plus rock. Par contre, dans des bœufs, je reprends des trucs plus classiques, ou de mecs que j’adore, et j’y apporte ma touche perso.

BM : L’autre soir, justement, tu as repris Southern Man, de Neil Young.
PP :
Ouais, et en plus on l’avait décidé à a dernière minute. T’as aimé ?

BM : Sincèrement, c’était un des grands moments du concert.
PP :
(large sourire) Super. Cool… ! J’adore Neil Young, et il y a peu de musiciens qui reprennent du Neil Young. Tiens, l’autre jour j’ai retrouvé Chris Stills [NDLR : Chris Stills est le fils de Véronique Sanson et de Stephen Stills], qui jouait au Réservoir. Je connais Chris depuis qu’il est jeune, je l’aime beaucoup et on a un super feeling à jouer ensemble. Hé bien l’autre soir on a repris Heart of Gold, de Neil Young. Ca m’éclate de jouer du Neil Young.

BM : Parce que tu as aussi ce côté ‘loner’…
PP :
Oui, c’est vrai,…je suis assez sauvage et solitaire, et comme lui j’ai ces deux phases musicales qui me hantent : ce côté acoustique façon Harvest et ce côté électrique presque destroy, mais toujours très mélodique. J’ai comme lui ces deux côtés Dr Jekyll et Mister Hyde (rire).

BM : Second titre de ce double CD : Ca va rouler. Ca roule pour toi, si on regarde le nombre de kilomètres parcourus en 25 ans ?
PP :
(rire) Ouais, c’est sûr que vu de ce côté-là, ça roule pas mal… !

BM : Comme Barjoland, tu places maintenant ce titre en début de concert…
PP :
C’est vrai. Comme Barjoland, c’est un titre que je jouais habituellement en fin de concert, très électrique, très déjanté aussi, alors que là, je l’ai fait shuffle, tranquille, très cool. Y’a le texte, y’a des accords que je joue en acoustique, comme si j’étais avec des potes près de la cheminée,….mais ce que les gens ne savent pas c’est que pour chaque titre enregistré dans mes albums j’en ai plusieurs versions à la maison, sur des tempos différents ou avec plus de guitare électrique. C’est ce que j’ai voulu montrer avec « Le Diable en Hiver », que l’on retrouve sur deux albums aux atmosphères différentes. Et chez moi j’en ai une troisième version, style boogie-rock, plus Allman Brothers Band. J’aurais bien aimé la proposer, mais je me suis dit que deux versions différentes, c’était déjà assez (rire).

BM : Pourquoi ne sortirais-tu pas alors un album de trois ou quatre chansons, mais avec plusieurs versions de chacune de ces chansons ?
PP :
Mais c’est que j’y pense depuis longtemps ! Je me suis toujours dit que ce serait un super exercice de style.

BM : As-tu également songé à un double CD, avec un CD acoustique et un second CD reprenant les mêmes chansons en électrique ?
PP :
Oui, bien sûr, et c’est déjà un peu ce que l’on propose avec le DVD et le choix entre les deux débuts de concert : l’un en acoustique et l’autre plus électrique, les deux s’enchaînant ensuite avec la partie électrique du concert. Tu sais, j’ai des tas de projets : un double CD acoustique-électrique, mais aussi un CD de duos. J’ai joué avec tellement de gens que j’aimerais bien me faire un album de duos avec eux. Le problème c’est que c’est un truc qui a été, et est toujours à la mode, et que ça me gonfle tellement que l’on imagine que je suive la mode des duos que j’ai mis le projet de côté. Et faire un album de covers, aussi !

Lire l'interview dans son intégralité, dans le numéro 44 de Blues Magazine

Frankie Bluesy Pfeiffer
Décembre 2006
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