Traduction : Nathalie Harrap – Active Languages
Photos : Frankie Bluesy et © mickhart.com.au
Né de l’autre côté de la planète, en Australie, en un beau mois de Mai, sous le signe du taureau et sous celui du chien (en astrologie chinoise), Mick est de la lignée de ces artistes qui portent en eux une vérité, un esprit fort, de la race de ceux qui ont la capacité d’émouvoir le public et pour lesquels la force de l’émotion est bien plus puissante que n’importe quel son sur-amplifié.
C’est au sein même de sa famille que tout a commencé pour le jeune Mick :
MH : Mon père était un super joueur de piano. Il joue d’ailleurs toujours dans des groupes de rock’n’roll australiens qui font de la musique des années 60-70. Quand j’avais 4 ans j’allais l’écouter répéter, lui et son groupe, et je n’avais envie que d’une chose, jouer de la guitare. Ce que j’ai fait, quelques années plus tard, accompagné aussi par mon oncle, qui jouait des percussions et de l’harmonica. On faisait beaucoup de jams en famille et je bossais de plus en plus la guitare.
BM : Quel âge avais-tu ?
MH : Dix ans.
BM : Mais pourquoi ne pas avoir suivi les traces de ton père et joué du piano ?
MH : Je devais être un rebelle (large sourire)… J’étais très intéressé par le piano mais ce que je voulais avant tout, c’était jouer de la batterie et de la guitare. Et très jeune aussi j’étais très attiré par l’écriture, et c’est comme cela que j’ai commencé à écrire mes premiers poèmes, mes premières chansons. J’avais douze ans…
BM : Et elles racontaient quoi, ces premières chansons ?
MH : Tu sais, quand on est jeune on est très inspiré par les plus grands mais j’écrivais aussi en puisant mon inspiration dans le quotidien, la vie de tous les jours, et cela donnait des chansons très ‘cliché’…. Mais avec les années qui passent on mûrit, on vit d’autres choses et on écrit différemment. L’écriture évolue avec la vie, et mes textes ont évolué rapidement.
BM : As-tu eu l’occasion de jouer sur scène avec ton père ?
MH : Oui… ! C’est souvent que l’on jammait, backstage,… mais les années passèrent, trop vite, et un jour, alors que je jouais au Basement, à Sydney,…un endroit absolument génial pour jouer sur scène,… c’est d’ailleurs là que Ben Harper fit son premier gig,… un jour donc, il y a trois ou quatre ans, je me suis dit que je devais le faire, que je ne devais pas laisser passer ce moment. Je savais que mon père et mon oncle étaient dans le public et je leur ai demandé de venir nous rejoindre sur scène,… et nous avons fait un super jam. Ce fut absolument génial.
BM : Vous avez reparlé de ce moment ensemble, ton père et toi ?
MH : Non, parce que nous sommes si proches l’un de l’autre que toute parole est superflue. Je sais que pour lui aussi ce fut un très grand moment, et il n’a pas besoin de me le dire parce qu’il sait que je l’ai senti comme tel, pour lui comme pour moi. Ce fut un des plus grands moments de ma vie,… et pour mon oncle aussi ! C’est lui qui m’a soutenu et encouragé pendant toute mes premières années, et c’est lui qui m’a acheté mon premier harmonica. Je lui dois tout, à lui aussi…
BM : Et tu réagiras de la même manière lorsque tu auras un fils ?
MH : Oui, bien sûr, parce que pour moi il n’y a rien de plus beau, de plus fort, de plus intense que de donner à son enfant ce que l’on est !
BM : Tu as rencontré Ben Harper…
MH : (me coupant la parole) Oui. La première fois, c’était en 1999. En avril 99.
BM : Dans quelles conditions ?
MH : C’était au Blues Festival de Byron Bay, sans doute le festival de blues le plus important d’Australie. On jouait tous les deux dans ce festival et pour moi c’était ma première participation. J’étais très fier d’y avoir été invité et j’avais chanté en donnant le meilleur de moi-même. Ben Harper, qui en était une des vedettes, a été interviewé pour une radio et à la question qu’on lui posait pour savoir quel autre artiste il avait apprécié le plus dans ce festival, Ben a répondu « Mick Hart », et quand le journaliste lui a demandé « Mais qui c’est, Mick Hart ? » il a simplement répondu « Mick Hart est un mec très cool. ». Et quand le lendemain je suis remonté sur scène, il y avait des gens très excités backstage et on est venu me dire que quelqu’un d’important était là, pour me voir. C’était Ben Harper, et qui semblait complètement embarqué par notre musique…
BM : Est-il venu vous rejoindre sur scène ?
MH : Non,… Tout d’abord parce que l’on ne s’était pas rencontré, on n’avait même pas échangé un mot,… mais après le concert le manager est venu me voir et m’a dit que Ben aimerait bien me voir. On s’est rencontré et là, Ben m’a dit des choses super : « C’est super, ce que tu fais, mec. J’aime ta voix,…tout. Tu devrais aller en France, il y a un super public pour toi là-bas ! »,… et quelques années plus tard, en 2003, je suis venu m’installer à Paris. Voilà comment j’ai rencontré Ben Harper et comment et pourquoi j’ai quitté l’Australie pour la France… !
BM : Mais tu es venu jouer en France bien avant 2003…
MH : Oui,… nous sommes venus jouer en 2001 ; les concerts ont bien marché, on a pu gagner un peu d’argent et on s’est dit que, OK, on reviendrait l’année suivante,… et nous sommes revenus chaque année, jusqu’à ce qu’en 2003 je me décide finalement à m’installer à Paris. Paris, c’est une ville qui fait rêver, une ville qui aiguise les sens des artistes, une ville riche de culture et d’histoire, une ville passionnante, une ville qui fait aimer la vie.
BM : Pourquoi avoir quitté Paris pour Lille…
MH : La vie à Paris était merveilleuse mais il me fallait retourner en Australie. J’y suis reparti en 2004, pour réaliser un nouvel album. Ensuite, en 2005, j’ai beaucoup tourné et assuré pas mal de concerts, et fin 2005 je me suis dit qu’il fallait que je revienne en France. J’ai rencontré un gars super, qui m’a conseillé de monter à Lille, et comme Lille est très proche de Paris, j’ai accepté l’idée de m’installer dans le Nord. Et puis un ami du gars qui m’a loué l’appartement m’a présenté un autre gars, qui travaillait dans le son et qui m’a dit qu’il aimait beaucoup ce que je faisais et que si j’avais envie d’enregistrer un album, il pourrait m’aider. Et comme j’avais envie de faire un album très différent des quatre autres, beaucoup plus intimiste cette fois, et qui sonne dans le style des 60’s, je me suis mis au boulot, j’ai écrit quelques chansons, je les ai enregistrées et j’ai trouvé le résultat vraiment unique. Cela ne veut pas dire que j’ai abandonné un style plus rock. La preuve, mon cher, c’est que la semaine prochaine je repars pour l’Australie où je vais tourner à nouveau avec mon groupe, et là, crois-moi, ça va être chaud… !
BM : Quand tu écris ou composes tes chansons, l’inspiration te vient-elle difficilement ?
MH : Non, pas du tout,… sans doute parce que chez moi l’écriture est comme une partie de moi. J’ai toujours écrit, et j’ai toujours ce plaisir d’écrire. Pour cet album, tu vois, j’en ai écrit des dizaines et des dizaines de chansons. C’est une créativité qui me fait penser aux groupes de rock et aux chanteurs des 60’s et qui sortaient plusieurs LP par an.
BM : Oui, mais un LP avait une durée d’écoute moins longue et donc un nombre de chansons nettement moins important qu’un CD…
MH : C’est vrai, mais je pense que ces années-là avaient aussi quelque chose d’autre, de différent, dans l’atmosphère, dans la vie de tous les jours. Comme une innocence, une sincérité, une identité différente de celle des années précédentes.
BM: Mais ces chansons que tu écris, tu les chantes aussi bien en acoustique-intimiste qu’en groupe, et là,….tu l’électrifies totalement.
MH : C’est exactement cela. Quand je suis retourné en Australie après 18 mois passés en France, on a tourné et on a aussi enregistré un autre album, mais pendant les concerts on a repris des chansons intimistes que j’avais composées à Paris et on a fait les arrangements pour les jouer avec le band. Tu sais, quand une chanson est bonne, elle le sera toujours, que tu la joues en version acoustique et intimiste ou en version électrique,…ou même complètement déjantée. Une bonne chanson te fera toujours passer l’émotion, la sincérité qu’elle contient.
BM : Ne crains-tu pas que la reconnaissance que t’accorde Ben Harper ne vienne troubler ton image ou te faire passer pour un musicien qui cherche à faire comme l’autre… ?
MH : Si certaines personnes pensent ça de moi, je m’en fous,…. surtout parce que beaucoup savent que lorsque j’ai rencontré Ben, en 99, j’étais déjà complètement dans mon truc. J’avais mon style, mon jeu de guitare, mes compositions, et je n’ai pas attendu de rencontrer Ben pour me dire que c’est ça que je veux faire. Je sais que c’est aussi pour cela que Ben apprécie beaucoup ce que je fais, parce que lui a compris tout de suite que ce que je compose et joue, je l’ai en moi depuis longtemps, et que je le chante depuis un bon moment déjà. Tu sais, il y aura toujours des gens qui auront besoin de comparer, de chercher des trucs là où il n’y a rien à trouver, mais bon, peut être qu’il en faut aussi… (rire). Je vais te dire ce que je pense : quand un chanteur copie ou imite le style d’un autre, cela s’entend tout de suite,…et je me demande toujours où est le plaisir de ce chanteur qui copie. Ce doit être triste de copier, non ?
BM : Sûr, mais toi, tu as la chance d’avoir le talent et la créativité pour écrire de nombreuses chansons. Ce que d’autres n’ont pas…
MH : L’écriture est pour moi comme un besoin, une manière de retranscrire tout ce que je ressens, ce que je vis tous les jours. Ecrire, c’est exprimer ce que l’on ressent mais c’est aussi faire partager ce que l’on ressent. Ecrire a toujours été une de mes passions, tu comprends ?
BM : Une passion, mais aussi un besoin, lorsque des événements te touchent plus que d’autres… Dans ton dernier album, certaines chansons sont directement inspirées de ta vie privée, non ? Je pense à ‘Don’t Walk Away’, par exemple…
MH : Oui, c’est vrai. Celle-là est une chanson triste. Mais je n’écris pas que des chansons tristes, tu sais…. J’aime écrire sur tout ce qui est positif dans la vie, sur la nature, sur les voyages et les gens que je rencontre, et sur la chance que nous avons d’avoir un toit alors que d’autres dorment dehors, sur des cartons. Don’t Walk Away est une chanson spéciale car elle raconte une rupture, une rupture que j’ai vécue, ici, en France….(long silence).
BM : Tu préfères qu’on change de sujet ?
MH : Non,… parce que je suis heureux de voir que non seulement tu as aimé le disque mais que tu as su écouter les paroles de mes chansons et être sensible à ce que j’ai écrit. Don’t Walk Away raconte une rupture, une rupture à distance. Quand j’habitais à Paris, en 2003, je vivais avec une femme, très belle, une française à laquelle j’étais très attaché. J’ai du partir pour l’Australie pour terminer l’enregistrement d’un album et je lui ai dit que je serais de retour dans deux mois. Mais tu sais comment se passent parfois les sessions d’enregistrement, et le temps a passé…. Cela nous a pris plus de temps que prévu pour terminer l’album. Sept mois. Sept mois…(silence) Quand j’ai téléphoné pour dire que j’allais revenir, car le disque était terminé, elle m’a dit qu’elle n’avait pas pu supporter une aussi longue absence et qu’elle avait préféré mettre un terme à notre relation. Le pire, c’est que moi, en travaillant en studio, j’avais l’impression que deux ou trois semaines s’étaient écoulées, mais pas sept mois…(silence)
BM : Cette chanson, et l’album aussi, a été sans doute pour toi la meilleure des thérapies.
MH : C’est exactement ça… ! En écrivant cette chanson et cet album j’ai pu libérer de moi toute cette tristesse, tout ce chagrin qui me dévorait, là,… et cela m’a remis sur les bons rails. Tu vois, c’est un privilège, une chance que j’ai de pouvoir exprimer ce que je ressens de triste dans des chansons parce qu’après l’avoir écrit, je me sens comme un homme neuf, je me sens bien à nouveau.
BM : Tu repars pour l’Australie très bientôt. C’est pour tourner, OK, mais aussi pour enregistrer un nouvel album, exact ? Plus électrique que celui-ci ?
MH : Tout à fait !
BM : A quand quelque chose avec Ben Harper ?
MH : Je ne sais pas, cela dépend tellement de nos plannings,…et qui ne sont pas faciles à croiser ! On a failli faire quelque chose ensemble sur mon premier album,…mais comme Ben est surtout aux States et que lorsqu’il vient en Australie c’est pour une ou deux semaines maxi, et chaque jour il est en concert, interviewé sur des radios ou pour des magazines,… Sur mon troisième album, ‘No Compromise’, il y a une chanson qui s’appelle ‘No Compromise’, celle qui a donné son nom à l’album, que j’avais écrite pour Ben. Je l’avais écrite pour lui, pour l’avoir sur mon second album, mais Ben n’a pas pu l’enregistrer avec moi car quand il est passé en Australie j’étais en Europe, et quand je suis rentré il était déjà reparti aux States. Mais un jour, c’est sûr, on y arrivera ! (large sourire) Et puis c’est tellement excitant de se dire qu’on a encore plein de choses à faire… !