Interview de L.D.

Interview de L.D.
ITW préparée et réalisée par Alain Hiot le 19 juin 2018 pour PARIS-MOVE
Photos: Alain Hiot

L.D., ce sont 2 musiciens sacrément talentueux et particulièrement sympas, Dom Bruneau et Lionel Da Silva, dont j’ai eu le plaisir de voir le tout premier concert ensemble lors d’une Assemblée Générale de l’association France Blues il y a 3 ans sous le nom de Lefty Dom & Mister Yo. Depuis, nous sommes restés en contact et ce sont à présent devenus des amis dont la marque de fabrique est une vraie originalité et une convivialité exemplaire sur scène et en dehors.

Alain Hiot – Paris-Move: Pour commencer, l’histoire de L.D. et de votre rencontre n’est pas forcément banale… Vous pouvez nous la résumer?
Lionel (L.D.): En fait il y a deux versions… la mienne est assez édulcorée. C’est en allant assister à un concert de Manu Lanvin à Auvers-sur-Oise que j’ai vu en entrant ce monsieur-là qui exposait et qui jouait sur une guitare un peu bizarre, de mémoire une boîte de Porto Cruz. Elle était accordée en Sol, ce qui tombait bien car j’avais un harmonica en Do dans mon sac et donc parfaitement compatible au niveau tonalité, j’ai donc jammé avec lui et ensuite je ne l’ai pas lâché.

Dom (L.D.): Seconde version… c’était la toute première fois que je montrais mes guitares grâce aux potes d’Auvers Jazz à qui j’avais proposé d’exposer mes instruments, pas forcément d’ailleurs pour les vendre, mais j’avais à peine déballé la première que Caroline Charassier, qui manage Manu, me l’a achetée. C’était une Jack Daniel’s, et comme c’était l’anniversaire de Manu, elle est maintenant chez lui, offerte par Caroline. Et puis j’ai donc vu arriver Lionel et son harmo qui voulait jouer avec moi, mais bon… au début je n’étais pas vraiment très chaud car je cherchais surtout un batteur, mais comme j’ai trouvé qu’il jouait vraiment bien, on a effectivement jammé. On était fin novembre, je lui ai dit que je le rappellerais en janvier, et il est allé faire le bœuf ensuite avec Manu.
Lionel: Et moi, le 2 janvier: Alloooo…? (rires)

Quel est votre parcours musical respectif avant cette rencontre ?
Dom: J’ai fait plein de choses, je compose depuis très longtemps… mon truc c’est de faire des chansons et de les chanter, mais il y a surtout eu “Coup de Blues”, qui a duré environ 15 ans, et maintenant il y a donc L.D.
Lionel: Rien de très concret avant L.D. pour moi… Des rencontres, bien entendu, mais rien de vraiment structuré et pro comme ça l’est maintenant avec Dom. Là, avec L.D., on a les mêmes objectifs, on sait ce que l’on a envie de faire et de ne pas faire alors qu’avant il n’y avait rien de tout ça. Et puis mon activité professionnelle me prenait tout mon temps et l’harmo c’était dans les bouchons ou sur quelques dates le samedi soir à l’Atelier 33 à Pontoise.

Dom, tu es reconnu pour tes cigar box dont tu joues sur scène, mais moi qui t’ai vu également avec une 6 cordes en main je me disais que ce serait bien d’en avoir un peu plus non?
Dom: Depuis que je fabrique des cigar box et que j’en joue, j’ai de moins en moins envie de tâter de la 6 cordes, je n’ai plus trop le feeling… et puis une autre raison est que ça me procure des douleurs aux tendons peut-être dues à la position de la main qui est différente de celle des cigar box. J’y reviendrai sans aucun doute avec la 6 cordes, le Dobro ou le Weissenborn, mais pour le moment c’est cigar box!

Lionel, en plus de l’harmo tu assures la gestion de la pédale Loop, le Cajon et tu partages également Jacqueline avec ton compère…. On va peut-être préciser d’ailleurs qui est Jacqueline… et la question est de savoir si en dehors de l’apparente facilité avec laquelle tu fais tout ça sur scène une bonne dose d’ entraînement a été nécessaire?
Lionel: Son nom complet c’est Miss Jacqueline, et sur scène c’est la contrebasse, mais c’est aussi le prénom de ma mère et de ma belle mère! C’est une contrebasse à une seule corde, spécialement destinée aux ambibextres, ce qui nous permet d’en jouer tous les 2, chacun de son côté de l’instrument. Sinon ça ne se voit donc pas, mais c’est effectivement beaucoup de travail en amont pour gérer tout ça et en premier lieu pour amener Dom à accepter la pédale Loop, car il était un réfractaire à tout ça au départ. On nous avait fait quelques retours en nous disant que ce serait bien d’apporter quelques petites choses en plus, de gonfler un peu le son, et j’avais cette Loop depuis très longtemps et c’était donc l’occasion de s’en servir.
Dom: Oui, et maintenant je suis convaincu… l’idée étant de mélanger des choses très technologiques avec des choses beaucoup plus roots et avec des habillages bien vintage comme le préampli dans le poste de radio par exemple.
Lionel: Et pour assembler tout ça c’est effectivement beaucoup de boulot de préparation!

Lionel, ta qualité de jeu me laisse pantois à chaque fois, car je te considère comme l’un des tous meilleurs que j’ai eu l’occasion d’entendre. As-tu des “maîtres” en la matière qui t’ont vraiment influencé ou est-ce que tu as chopé des trucs à l’oreille comme ça, à droite ou à gauche?
Lionel: J’ai commencé par attraper des trucs ici ou là, effectivement, en autodidacte vers 17 ou 18 ans, et puis j’ai rencontré un prof à Neuville, Julien Gourdet, et un jour dans le cadre de l’association il a fait venir Nico Wayne Toussaint! J’ai commencé à suivre ce qu’il faisait et puis je l’ai retrouvé un soir au Sunset et il m’a proposé de venir à un stage qu’il organisait et où j’ai rencontré pas mal d’autres gens, Mister Chang, Abdell B-Bop, et surtout Michel Herblin, que je ne connaissais pas. Et je me suis donc retrouvé à être formé dans ce stage par Nico Wayne Toussaint, Michel Herblin et Pierre Lacoque des Mississippi Heat! On peut dire que j’ai été bien encadré et ce sont des personnes que je vois toujours avec grand plaisir, notamment Michel, que je vois beaucoup, et qui sont bien entendu des techniciens hors pair mais qui sont également humainement des gens formidables.

Dom, on a pu voir ensemble il y a peu une Lap Steel construite dans un capot de tracteur par Cyril des Vicious Steel. Cela te donne t-il d’autres idées de réalisation, un peu comme Justin Johnson et ses grattes fabriquées, entre autre, avec des pelles bèches?
Dom: Oui, forcément! J’ai plein d’idées, mais je les réalise maintenant uniquement au fur et à mesure des besoins, je me régale aussi de voir les réalisations des autres et le tracteur c’est vraiment super top et c’est quelque chose à laquelle je n’aurais pas pensé moi-même. Beaucoup de choses ont déjà été faites sur des planches à repasser, des skate-board etc… et je serais plus intéressé maintenant pour faire d’autres choses, différentes des guitares, comme des instruments Africains, par exemple.

Vous apportez un soin tout particulier à la présentation et la disposition de votre matériel sur scène. Vous avez trouvé la bonne formule pour que le public puisse découvrir vos créations?
Lionel: C’est encore en cours de réflexion, ça évolue en permanence et c’est aussi en fonction des scènes. On a trouvé un habillage pour le préampli, il y a un porte-manteaux qui va arriver, il n’aura pas de fonction musicale mais servira à la décoration… des choses comme ça…
Dom: On aime bien mélanger aussi des choses assez hétéroclites et c’est finalement important pour nous. C’est venu comme ça au fur et à mesure, ce n’était pas prévu au départ mais on a des copains brocanteurs chez qui on trouve un tas d’objets intéressants et puis, pour tout dire, j’étais aussi un peu jaloux du côté vintage de l’ampli de Lionel! J’ai un ampli classique, moderne, et donc j’ai trouvé beaucoup plus rigolo de mettre quelques planches autour et d’en faire une autre présentation, et c’est comme ça que ça a commencé.

Parlez nous un peu de l’album de L.D. à venir… Les compos avancent?
Lionel: Oui, on est en plein dedans, on a déjà rodé quelques titres en live comme “Ban Ba Blues” ou les “Chiens de Bistrots”, et on reprendra certainement “Katrina” également, avec comme fil conducteur un album entièrement en Français avec uniquement des compos!

On pourra compter sur combien de titres?
Lionel: On peut tabler sur une dizaine…

J’ai été bluffé par la qualité de l’enregistrement du premier album alors que tout est ‘fait maison’. Vous pouvez nous expliquer un peu comment vous procédez pour avoir un si bon résultat?
Dom: Le truc c’est le choix de la simplicité! Un très bon micro, toutes les prises ont été faites en live en direct dans le même local, donc pas d’ampli ailleurs, pas de “post-prod”, le strict minimum en terme d’effets. On compte 3… 4 et on y va! Souvent en studio c’est un peu noyé sous des effets, justement, et là c’est du live intégral, et le plus pur possible!
Lionel: À l’époque où on l’a fait j’étais en tant qu’étudiant à l’école ATLA (École des musiques actuelles) et j’ai pu bénéficier d’une séance au studio Piccolo dans le 17ème, où on ne s’occupait donc que de jouer. Et malgré le studio on a enregistré ensemble, en live, et on fait deux titres là-bas, comme ça.
Dom: Mais pour le prochain je pense que ça va évoluer un peu, il y a Miss Jacqueline, il y a le Cajon, et la question est de savoir jusqu’où on peut arranger les morceaux ou pas. Est-ce qu’on les fait exactement comme sur scène ou différemment… il faut qu’on teste tout ça.

Je fais une petite parenthèse concernant la technique d’enregistrement… dans l’interview que j’ai faite de Jerry-T, il m’a expliqué ses difficultés à enregistrer sa voix en superposition sur la musique déjà en boîte, et sa difficulté à “rentrer dedans”, contrairement à ce qu’il peut donner sur scène. C’est aussi votre ressenti?
Dom: J’ai l’habitude de faire des voix comme ça, en “Re-re” sur des enregistrements tout faits, et ce depuis très longtemps puisque c’était mon job. Je travaillais vraiment dans le domaine de la voix, et ce sont effectivement deux choses totalement différentes. Il faut apprendre à entendre ta voix comme un instrument à part entière et ça demande une certaine habitude. Tu ne peux pas chanter comme sur scène, car en studio tu dois souvent te limiter un peu, mais en revanche tu dois donner des intentions, et du coup c’est compliqué, si tu n’as pas cette habitude, de rentrer dedans comme en live et de trouver la bonne énergie.

Du coup vous y passez beaucoup de temps? C’est combien de prises en moyenne?
Dom: C’était assez rapide. On n’a pas fait plus de 2 ou 3 prises, et on a des vidéos d’ailleurs des sessions sur notre chaîne YouTube. On voit bien comment on a procédé avec un seul micro pour deux, l’excellent Neumann U87 où tu peux régler l’enregistrement d’un seul côté, tout autour ou face à face, et on a trouvé les bonnes distances. Il y a un groupe qui fonctionne comme ça, c’est Moriarty, avec un seul micro, et nous on a travaillé exactement comme eux, à l’ancienne! Par exemple, lorsque Lionel a des parties d’harmo alors que je suis entrain de chanter, il se recule du micro et le mix se fait comme ça, en direct, et on ne peut donc pas remixer quoi que ce soit ensuite.
Lionel: Et lorsqu’on a enregistré au studio Piccolo, on a été félicités par Vincent Brulay parce qu’on a fait une seule prise de Katrina avec cette méthode là, ce qui sous-entend aussi qu’on avait sérieusement bossé en amont pour connaître le morceau sur le bout des doigts.

Au sein de L.D., comment se fait le choix du “qui chante quoi”…?
Lionel: Facile, c’est celui qui amène la chanson, celui qui fournit le texte!
Dom: C’est une expérience nouvelle pour moi, d’ailleurs, car auparavant j’étais un peu solitaire au niveau de mes compos, mais là, avec LD, on réussit à travailler tous les deux ensemble. Il y a des choses que l’on fait ensemble, d’autres que l’on fait séparément, et ça fonctionne parfaitement bien.

En somme vous êtes les Lennon/Mac Cartney du Val d’Oise… (rires)
Dom: (rires) Hahaha… oui, on peut dire ça, sauf que l’on n’écrit pas nos textes.
Lionel: Nos écrivains, ce sont Jean-François et Jean-François! Pour moi c’est Jean-François Maurier et pour Dom c’est Jean-François Crance.
Dom: En plus, avec Lionel, on n’a pas forcément envie de parler des mêmes choses et il y a un vrai respect entre nous, une écoute, un partage, et avec nos trois ans d’existence on voit mieux à présent ce que l’on veut faire, il y a un style qui commence vraiment à émerger et que l’on va essayer de développer.

Vous commencez à tourner un peu dans les festivals. Cela a été difficile avant d’arriver à être programmés?
Lionel: Oui, ça reste un peu compliqué, ça se fait souvent par connaissances avec des gens qui parlent de nous, mais aussi avec Christelle de KBKC qui nous a programmés sur SEM le Blues à Saint Estève. Cela se fait aussi par rencontres… Lorsqu’on a joué au Boucanier, on a rencontré des gens de Blues sur Seine, de là on a fait 4 dates dans le “Off” avec eux l’année dernière, et du coup je leur ai proposé de venir sur le festival Tracteur Blues qui correspond bien à notre univers, et cette année on a donc fait 3 dates sur ce festival.

Question pour tous les deux: pour un débutant qui veut se lancer et acheter une cigar box et un harmo, vous leur conseillez de commencer par quoi? L’ harmo, un Do? Et la Cigar Box, un diddley bow?
Lionel: Oui l’harmo en Do c’est très bien, on peut déjà faire beaucoup de choses, et puis c’est ce que j’avais dans mon sac quand j’ai rencontré Dom, c’est ce que je conseille d’acheter à mes élèves pour débuter, et tous mes supports pédagogiques sont basés sur un Do.
Dom: Pour moi, ce ne serait pas forcément un Diddley Bow, justement, car curieusement ce n’est pas le plus simple à jouer, et si tu veux vraiment te plonger dedans c’est un peu une rythmique des deux mains. Pour moi, l’idéal pour débuter c’est une 3 cordes non frettée qui est tout de suite assez valorisante, il faut juste savoir comment bien l’accorder.

Dernière question: Dom réalise des vidéos pédagogiques, Lionel est ce que ça te tente de faire pareil? En revanche tu animes des stages d’initiation à l’harmo, donc Dom est ce que ça te tente de monter un stage d’initiation à l’utilisation de la cigar box?
Lionel: Étant tout l’inverse d’un Geek en terme de technologie, ça me chahute un peu, mais en revanche j’adore le rapport humain et je préfère cent fois ça! Si je dois le faire pour un cours, pourquoi pas, mais il y a plein de gens qui le font et qui le font très bien, et personnellement je préfère les stages et les cours…
Dom: De mon côté j’en fais un peu avec la construction et ensuite l’apprentissage de l’instrument, car c’est important que les gens les construisent eux même et en apprennent les rudiments. Quant aux vidéos, j’en fais car il y en a très peu en Français sur YouTube et je trouve que ça manque. Je voudrais en faire pour expliquer comment jouer sur un Diddley Bow, sur une 3 cordes et une 4 cordes, mais tout ça prend du temps. Mais c’est vrai que les vidéos pédagogiques sont très regardées sur ma chaîne YouTube et donc il faut que je m’y remette.

Si vous voulez rajouter quelque chose, c’est open…
Dom: Oui… l’important c’est bien entendu cet album en Français à venir. On va peut-être s’éloigner un tout petit peu du Blues pur et dur, car c’est ce qui nous attire en ce moment, mais ça reste tout de même de la famille du Blues et c’est ce qui nous plait. On va certainement tenter également d’autres choses que l’on a pas encore expérimentées, comme des boucles d’harmonica par exemple, et puis la scène bien entendu…

Donc prochain rendez-vous?
Lionel: L.D. sera à SEM le Blues à Saint-Estève le 27 septembre.

Merci les amis et à très bientôt, sur scène et en dehors!
L.D.: Merci à toi.

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