Gregg Allman – Attention, Légende vivante!

                   Gregg Allman : Attention, Légende vivante!

ITW préparée et réalisée par Frenchy

L’homme a tout vécu. Plusieurs fois. Chanteur d’un groupe légendaire qui a créé un genre à lui tout seul, le Southern Rock, et dont le frère Duane, mort trop tôt (24 ans), reste encore aujourd’hui un des plus grands guitaristes de Rock, Gregg Allman a connu le paradis, jusqu’à enregistrer le meilleur album Live jamais paru, ‘The Allman Brothers at Fillmore East’ (Capricorn, 1971), être nommé au célèbre Rock n’ Roll Hall of Fame 25 ans plus tard, épouser Cher quand elle était encore magnifique et fêter les 40 ans de son groupe avec, comme invités, Eric Clapton, Billy Gibbons, Johnny Winter, Buddy Guy, Stanley Clarke, Lenny White, Kid Rock, Taj Mahal, Sheryl Crow, John Hammond, Boz Scaggs, Chuck Leavell, Levon Helm, Bruce Hornsby, Southside Johnny, The Juke Horns, Susan Tedeschi, Bonnie Bramlett, Jimmy Herring, Robert Randolph, Sonny Landreth, Randy Brecker, Bob Margolin, John Popper, Trey Anastasio, et des membres des groupes Los Lobos, Cowboy, Wet Willie et le Grateful Dead…!
Mais il a connu l’enfer aussi : épouser Cher, devenir accro à l’alcool et à la dope pendant trente ans, les arrestations et la délation (il témoigna en 1976 contre son ami et manager John ‘Scooter’ Herring pour éviter la taule!). Et la mort aussi, celle des autres souvent, mais aussi la sienne, encore évitée de justesse en 2010 grâce à une transplantation de foie miraculeuse…
Mais l’homme est toujours debout. Et nous n’étions pas peu fiers et honorés de le rencontrer à l’occasion de la parution de ‘Low Country Blues’, son album de Blues mais aussi celui de la résurrection, un disque magnifique. Le temps et le reste ont fait leur œuvre, l’homme cherche parfois ses mots, avec cet accent à couper au couteau de sa Georgia chérie, mais on peut tout pardonner au plus grand chanteur noir de Blues ayant la peau blanche, n’est-ce pas…?

Pourquoi faire un album solo maintenant?
J’avais du temps libre et j’ai trouvé les gens qu’il fallait pour le faire. Mon producteur (NdR: le légendaire Tom Dowd) est mort en 2002 et, après avoir fait mon deuil car il était un ami très proche, une figure paternelle même, je me suis dit que je ne pourrais plus jamais enregistrer de disque. Et puis j’ai rencontré T-Bone Burnett et il a réussi à rallumer cette flamme en moi…

Comment s’y est-il pris?
Il m’a emmené un groupe de rêve et des bons titres (rires). Il se promène avec un disque dur qui contient littéralement des milliers de vieux, vraiment vieux, Blues traditionnels dont certains sont tombés dans le domaine public et même difficiles à comprendre parfois (rires)…!

Quelles différences as-tu de suite remarquées entre T Bone et Tom?
Pas beaucoup, en fait. T Bone m’a dit: ‘Je vais prendre 25 titres sur ce disque dur, te les envoyer, et tu choisis tes 15 préférés sur ces 25!’. Quand j’ai entendu les 25, j’avais envie d’entendre tout le disque dur (rires)…! On en a pris 15 et on les a toutes réarrangées. Ca m’a pris six semaines et demie, et ensuite je l’ai appelé pour lui dire que c’était ‘fini’. Ahahaha!! (NdR: ‘fini’, il le dit en français)

Que s’est-il passé ensuite?

Il m’a dit: ‘Je vais booker un studio’, et après il m’a dit que je ne pourrais pas emmener mon groupe… Ca a presque fait arrêter le processus (rires)! C’est presque comme une insulte, tu sais! ‘Quoi, tu n’aimes pas mon groupe??’ (rires). Je lui ai dit: ‘Je vais raccrocher là. Merci pour ce qu’on a fait, je reste en contact…’

Il savait qu’il t’avait mis en colère!

Oui, et il m’a dit qu’il savait que ça me mettrait en colère! Et quand on s’est revu, il ne m’avait toujours pas dit quel groupe serait sur le disque. Mais quand j’ai revu mon super pote Mac (NdR : Rebennack, dit Dr John) et que j’ai su qu’il jouerait du piano sur tout le fichu truc… Tu sais, il a joué sur mon deuxième album solo, en 1976 (NdR: ‘Playin' Up a Storm’, sorti en 1977), on avait même écrit une chanson ensemble (NdR: ‘Let This Be a Lesson to Ya’) et on est amis depuis très très longtemps!

Tu le vois souvent?

Oh non, il arrête pas! Il a son groupe et, en plus, il fait des sessions pour tout le monde! Enfin…, tout le monde, j’imagine que tu dois avoir un certain calibre pour qu’il vienne participer à la fête (rire)!

Tu devais être heureux de le voir!
Oui, surtout que la dernière fois qu’on s’était vus, on était plus ou moins tout les deux ‘envapés’, si tu vois ce que je veux dire… Et maintenant on est tous les deux propres et sobres. Moi depuis seize ans et lui, vingt et quelques… Et le reste du groupe est impeccable. Tu en as la liste, j’imagine…

Bien sûr. Aux guitares il y a un mec que je suis depuis longtemps et que j’adore, Doyle Bramhall.
Doyle est génial, mec! Faut le voir jouer à l’envers sur une guitare de droitier (NdR: d’autres guitaristes connus jouaient de cette manière, Albert King, Otis Rush, Coco Montoya, Marc Loison…)

T’as aimé le groupe, finalement?

Je l’ai adoré, même si j’adore toujours mon groupe aussi (rires)!

Du coup, tu t’es réconcilié avec T Bone…
J’étais encore un peu en colère mais ce groupe m’a vraiment pris par surprise. Et les gars de mon groupe ont été très cool, me disant: ‘Enregistre ce truc et partons ensuite sur la route!’. Et c’est ce qu’on a fait, parce que quand on a recommencé à répéter, ils connaissaient le disque mieux que moi (rires)…!

Faut dire que c’est des bons, eux aussi!

Oui. Jerry Jemmott, le bassiste, a fait partie du groupe de B.B King. C’est lui qui joue sur la version originale de ‘Thrill is gone’! Steve Potts, le batteur, a joué avec tout le monde et il joue aussi avec Booker T & the MG's. Bruce Katz a joué avec des gens comme Ronnie Earl, John Hammond, Duke Robillard, Jerry Portnoy ou Little Milton…

Est- ce que l’idée de départ était de faire un album de pur Blues?
Oui, T Bone m’avait dit: ‘Ca te plairait de faire un pur album de Blues?’. Je lui ai dit que c’était sûrement moi le mec le plus branché Blues dans les Allman Brothers. On vient tous de trucs différents, le batteur était branché Otis Redding et Percy Sledge, le bassiste et le deuxième guitariste aimaient le son de San Francisco et Duane aimait le jazz! Quand j’étais gosse, je jouais pas encore de claviers. J’ai commencé avec le groupe, d’ailleurs, mais j’écoutais déjà du Blues.

C’était bon de revenir à tes racines musicales?
Oh, c’était vraiment bon!

Tu sembles chérir ce disque, avec le recul.
C’est vrai, je pense que c’est ce que j’ai fait de mieux, même si j’ai toujours une tendresse particulière pour ‘Laid Back’, mon premier album solo en 1973. Il a été fait en même temps que ‘Brothers and Sisters’ de l’Allman Brothers Band.


‘Low Country Blues’ est déjà numéro 5 dans les charts. Comment expliques-tu ça?

Oui, j’ai vu ça et je le croyais pas (rires). C’est parce que c’est un disque très bien fait. C’est peut-être aussi parce que ça fait longtemps que je n’ai pas sorti un disque solo (NdR: quatorze ans).

Le contraire de l’Allman Brothers Band…
Oui, nous on enregistre chaque concert! Et maintenant, on filme chaque concert (rires)! Bientôt, tu pourras acheter n’importe quel concert du groupe, j’espère. On travaille là-dessus actuellement.

Parle-moi de la photo de la pochette. Cet endroit me parait familier…
As-tu vu ‘Forrest Gump’, quand la fille dit: ‘Run, Forrest, run!!!’…? Ca a été filmé exactement au même endroit!

Yessssss (rires) !!!
C’est une plantation immense, à côté de chez moi, à Savannah, possédée depuis toujours par la même famille. Elle possède plusieurs bâtiments, chacun pour un truc différent. Un bâtiment sert d’abattoir, un autre pour la découpe de la viande, un autre pour faire du beurre, un autre pour transformer la canne à sucre en sucre. Ils cultivent les pêches, aussi. Juste une vieille plantation du Sud, c’est exactement ce que c’est, mais c’est vraiment immense…

Que devient le groupe avec tous ces projets en solo, le tien, celui de Warren Haynes dont on parlait ici récemment?
On a pris une année sabbatique pour faire tous ces albums solo, mais ça ne veut pas dire qu’on freine quoique ce soit. Comme disait mon grand-père, ne crois rien de ce que tu entends, ne crois pas tout ce que tu vois et crois juste une partie de ce que tu lis (rires)! ‘Crois ce que tu sens!’, disait-il.

Ton changement de foie n’a-t-il rien changé dans ton style de vie?

Laisse-moi réfléchir… Je ne peux plus fumer d’herbe (rires). J’ai encore des douleurs résiduelles, juste un an après. Je suis juste un peu plus lent qu’avant, c’est tout. J’ai même plus de puissance quand je chante…!

Ca n’a rien changé par rapport à la musique?
On fait moins de dates et les tournées sont moins longues. Ca m’arrange, car j’ai du mal si on fait trois dates d’affilée par exemple. La première date est bien, normale, la seconde tu commences à te poser des questions, même si tu assures, et le troisième soir tu as l’impression de te forcer et de ne pas être naturel.

Tu vas jouer bientôt en Europe, et en France aussi. Quels sentiments ça t’inspire?

Je suis excité mais moins que certains mecs de mon groupe qui ne sont jamais allés là-bas! Moi j’y suis allé déjà trois fois (rires)…!

Ca ne fait pas beaucoup, en 42 ans de carrière!
C’est de la faute aux promoteurs! La première fois qu’on est venus, ça a coûté tellement cher de faire venir le groupe et le matériel qu’on n’a pas gagné un sou. Ici, on peut gagner 60 à 80.000 dollars chaque nuit et il nous en reste la moitié. Mais je veux vraiment changer ça. L’année prochaine, moi, Derek Trucks et Warren Haynes, on veut organiser une tournée à trois, où chacun ferait un set. Et le dernier set serait le groupe le plus proche de l’Allman Brothers Band puisque Oteil (Burbridge), le bassiste, joue dans le nouveau groupe de Derek, le Tedeschi Trucks Band. Peut-être on emmènerait aussi un des Brothers…

Ce serait génial…!!
Attention, ce n’est pas encore écrit dans le marbre ou quoi que ce soit (rires)! J’espère que tu n’es pas déçu…

Euhhhh…
Ecoute, sache que les trois groupes ont envie de le faire…

Et toi, comment te sens-tu, Gregg?
Je me sens vraiment bien. Vraiment…!

Gregg Allman