En tête à tête avec Orville Grant

                              En tête à tête avec Orville Grant

ITW préparée et réalisée par Virgin B.

Les grands espaces américains en décor, un chapeau de cow-boy, des santiags, un bottleneck, une guitare et des lunettes aux verres fumés, c'est Orville qui se prête au jeu de l’interview, histoire de voir comment la Country se conjugue sur notre bon vieux Continent.


VB: Orville Grant en est à son quatrième album country qui ne nous propose que des compos. Cela n’a pas toujours été le cas…
OG:
Le premier, ‘I believe I’m in love with you’, sorti en 2006, est un album de reprises à l’exception d’une compo, mais dans les trois suivants il n’y a que des compositions.

VB: Le blues et le rock sont intégrés dans ta musique. Es-tu d'accord de ne pas vouloir systématiquement cadrer les musiques dans des carcans.
OG:
Il n’y a que les européens et les medias français, en particulier, qui ne connaissent rien du tout à cette musique et qui la cadrent dans un miroir déformant et absurde. Historiquement, la musique country est probablement le plus grand melting pot de toutes les musiques, et aujourd’hui elle a tellement évolué et muté qu’elle se fond complètement dans la musique pop-rock américaine. Le meilleur exemple actuel est probablement Lady Antebellum qui truste les récompenses dans tous les pays et qui est un pur produit de la scène country américaine. Le blues et la country sont deux sœurs inséparables dans l’histoire musicale américaine. Il n’y a que les ayatollahs de la musique qui prétendent le contraire et les opposent. Le rock en est un bel exemple aussi, puisqu’il est le fruit de ce croisement fabuleux.

VB: Quand es-tu tombé dans la musique et plus précisément dans la country?
OG:
J’ai commencé à apprendre la musique à l’âge de six ans et la guitare à vingt. Dans les années ‘70 j’ai écouté beaucoup de pop anglaise et surtout les Who, King Crimson, Pink Floyd, les Stones et les Beatles. J’ai découvert la musique américaine au milieu des années ‘70 avec America, les Eagles, Poco, le Grateful Dead, Steely Dan…. Toute cette scène californienne que l’on appelait la West Coast et qui était d’une telle puissance, fut une véritable révélation pour moi. J’ai tout de suite senti dans cette musique une révolution culturelle. C’est cette country rock et pop californienne qui m’a poussé à écouter la musique plus sudiste et plus traditionnelle, par là même beaucoup moins révolutionnaire mais tout aussi intéressante musicalement et culturellement parlant.


VB: Tu as effectué un voyage à Nashville avec ta compagne Erika pour l'enregistrement du dernier album. Que peux-tu nous dire de cette aventure?
OG:
Surnommée ‘Music City’, Nashville respire la musique à chaque coin de rue. La ville en elle-même n’a aucun attrait touristique si l’on n’aime pas la musique. Par contre, si l’on veut s’en mettre plein les oreilles, c’est un paradis. Dans la 17th avenue dans laquelle nous avons enregistré l’album ‘Two Lovers in Nashville’ au studio Jay’s Place Recording, toutes les maisons ont un rapport avec la musique, et sur des kilomètres. C’est tout juste hallucinant! Les musiciens avec lesquels nous avons travaillé ont tous des pedigrees que nous aimerions tous avoir. Danny Parks et Tommy Wells, guitariste et batteur, ont, entre autres, enregistré et produit en 2009 le sublime dernier album de Bill Labounty dont j’écoutais en boucle dans les 70’s le fabuleux ‘Livin it up’ et dont je suis un fan absolu. Jay fut clavier des Memphis Horn, Pat Severs pedal steeler de Dolly Parton, Hank Singer violoniste de George Jones, etc, etc…
Tu sais, à Nashville tu vas dans un bar voir un groupe et tu peux écouter des mecs qui ont joué avec les plus grandes stars mondiales. Là bas, ce n’est pas du star system variétoche parisien seulement positionné dans l’apparence, cette musique c’est leur culture avant tout. Même quand tu t’arrêtes pour aller pisser à une station service, ce qui passe à la radio est génial.

VB: Quels sont les thèmes que tu préfères aborder dans tes chansons?
OG:
Moi, je suis avant tout compositeur et mélodiste, et je travaille avec trois parolières: Ellen Wander, qui est originaire du Texas, et deux anglaises, Lorraine Meredith et Linda Price Ferrer. Je leur laisse une totale liberté pour les paroles. La seule chose qui m’intéresse, c’est que ça sonne. Ca part souvent de quelques mots ou d’une phrase que j’aime bien, et ensuite je fais les mélodies et elles placent leurs mots. Elles ont pris l’habitude de faire comme ça avec moi, et ça marche très bien ainsi.

VB: Lauréat du tremplin du festival de Mirande, est-ce que cela t'a ouvert de nouveaux horizons?
OG:
Ca ne m’en a pas fermé, semble-t-il….! (rires)

VB: Tu joues sur des Gretsch, des Gibson, des Tom Anderson et, plus original, des Cigar Box Guitar que tu fabriques. Une passion nouvelle?
OG:
Je me suis fait voler ma Tom Anderson en 2008, dans un hall d’hôtel. C’était une guitare unique et exceptionnelle, et je conseille au voleur de bien la garder au chaud chez lui car il n’en existe pas deux comme cela en France. Donc s’il la sort, il a de bonnes chances de se faire gauler à son tour (rires). Depuis, je joue principalement sur des Fender Stratocaster, et sur des Telecasters que j’ai montées moi-même. Les Cigar Box Guitar, c’est plutôt un truc fun et ça marque les esprits lorsque j’en joue, parce que ça ne ressemble à rien de conventionnel et ça sonne d’enfer. Faut dire à tes lecteurs d’aller voir ça sur www.cigarboxguitar.fr Outre le coté rigolo de l’instrument, ça représente un vrai micro phénomène social de l’histoire du Mississipi blues.

VB: Si je te parle de Seasick Steve, à quoi songes-tu?
OG:
A une espèce de vagabond ivrogne qui a une énergie et un talent extraordinaire. J’adore, et si vous aimez le blues, vous ne pourrez pas être insensible à ce mec. Seasick Steve au Festival de blues de Cognac, ça pourrait mettre la ville à sec, mais en tout cas j’irai voir ça!


VB: Quelle est ta plus belle rencontre musicale, ou autre ?
OG:
Ma femme!

VB: Pourquoi avoir choisi ce nom de scène d’Orville Grant?
OG:
En 2005 j’ai cherché un nom de groupe et je voulais un nom facile à prononcer autant en anglais qu’en français. Grâce à Orville Gibson, les guitares, Orville était pour moi un prénom mythique, puis Grant m’est venu tout naturellement. Ca sonnait. Depuis, je suis Orville Grant à part entière, si bien que ce nom est inscrit sur ma carte d’identité.

VB: Quelles sont les prévisions en matière de tournée? Sur le vieux continent, toujours, ou l'appel des espaces américains se fait-il ressentir?
OG:
Orville Grant se porte plutôt bien et nous continuons notre chemin au gré des festivals de Country ou des soirées pour les clubs privés ou les clubs de danse country qui sont très populaires en France. Tu sais, je suis bien conscient de ce que je représente et prétendre aller aux USA et intéresser le public américain, pour un français comme moi, c’est un peu comme si un marchand de hamburger de l’Oklahoma voulait devenir chef-cuisinier chez Ducasse.

VB: Peux tu nous présenter tes camarades de scène?
OG:
Tout d’abord ma femme Erika Pascal au chant, mais aussi à la guitare Klem Clemens et Fred Zerbib, à la batterie Denis Bielsa, à la basse Patrice Feugas, aux chœurs Corine Gireau et récemment intégré, Pascal Guisti aux claviers. C’est vrai qu’au début d’OG j’ai perdu du temps et de l’énergie avec des gens qui ne m’ont pas fait confiance et ne m’ont pas respecté. Ca m’a beaucoup blessé. C’est pour cela qu’aujourd’hui je suis fier d’être avec cette équipe de potes. Ce sont en outre d’excellents musiciens, des amis pour qui j’ai le plus profond respect et qui, je pense, me le rendent bien, sur scène et en dehors.

VB: Quels sont tes artistes de référence?
OG:
Ça, c’est une question à laquelle il m’est presque impossible de répondre tellement ils sont nombreux. Disons que tout a l’heure j’ai déjà répondu à cette question en citant quelques groupes, mais il y en a tellement d’autres…


VB: Fais tu partie de ces artistes qui ne savent pas lire une partition? As-tu appris le solfège?
OG:
Oui, je l’ai appris très tôt mais ça ne m’intéressait pas vraiment, donc je l’ai vite oublié. Depuis, j’ai fait quelques efforts et je comprends donc assez bien tout ça, mais je suis un piètre théoricien. C’est un peu comme pour les mathématiques. Lorsque j’étais au lycée, ça me faisait bien ch…., et j’ai eu 1 au Bac. Mais si aujourd’hui quelqu’un essaye de me b….. sur le montant d’un contrat, je m’en rends compte très, très, vite.

VB: Gary Moore est parti rejoindre d'autres guitaristes et musiciens. Quel est son morceau qui t'as le plus parlé?
OG:
Je vais être franc, car il n’y en a pas un qui ne m’ait parlé en particulier, même si Parisian Walkway est une jolie réussite mélodique. Ceci dit, je suis très triste de sa mort. J’ai connu Gary Moore avec Thin Lizzy, qui était un groupe génial et dont le bassiste, Phil Lynott, reste un emblème encore vivant dans le rock irlandais.

VB: Qu'écoutes-tu en ce moment?
OG:
J’écoute exclusivement des trucs anglo-saxons et ricains en particulier, pour beaucoup inconnus du public français. Pour les gens qui ne connaissent pas la country actuelle, je leur conseille d’aller écouter Lady Antebellum, Little Big Town, Sugarland, Zac Brown Band, les Rascall Flatts ou One Flew South. Ils verront que leur image de la country a probablement pris un sacré coup dans les oreilles. Sinon, dans ce qu’on entend un peu en ce moment sur les ondes, je suis sûr qu’il y a un titre qui va cartonner à mort. C’est Adele, avec ‘Rollin in the deep’. Je trouve ça super.

Orville Grant