Interview préparée et réalisée par Frankie Bluesy Pfeiffer et Nathalie ‘Nat’ Harrap
Traduction : Nathalie ‘Nat’ Harrap
Photos : Tous droits réservés
Au moment où les Allman Brothers Band, l’un des plus grands groupes de la fin du 20ème siècle, fêtent le 40ème anniversaire de leur carrière musicale par une série de 15 concerts au Beacon Theatre de New York, nous avons demandé à Butch Trucks, batteur et membre fondateur des ABB, de nous faire revivre certains moments clés de ce groupe légendaire, de nous retracer sa carrière tout au long de ces 40 années et de nous reparler de son ami dont l’absence plane toujours au dessus des ABB, Duane Allman. Un entretien au cours duquel l’ancien du groupe va évoquer pour nous son éternel plaisir de jouer sur scène, son album préféré, sa famille, les Grammy Awards, le décès de Berry, les sessions en studio, sa complicité avec Jaimoe, l’autre batteur des ABB, et plein d’autres choses encore…
FBP: Pour commencer, pourquoi ce surnom, ‘Butch’?
BT: Mon nom officiel est Claude Hudson Trucks, JR. Pendant la seconde guerre mondiale, des copains d’armée de mon père l’avaient surnommé ‘Butch’ [NDLR: prononcer ‘boutch’], et c’est le surnom que mes parents m’ont ensuite donné pour éviter que mon père et moi on n’accoure tous les deux lorsque ma mère m’appelait en criant ‘Claude’,….mon père et moi ayant le même prénom. D’ailleurs, pour être sûrs de leur coup, mes parents m’avaient déjà attribué ce surnom avant ma naissance. (sourire)
FBP: Quand et comment as-tu rencontré Gregg, Duane, Dickey, Berry et Jaimoe, les autres membres à l’origine des ABB?
BT: La première fois que j’ai rencontré Duane et Gregg, c’était pendant l’été ‘67. Je faisais partie d’un groupe qui n’avait pas réussi à pouvoir jouer au FL Club de Daytona Beach. Un jour, alors qu’on passait une audition, un groupe dénommé The Allman Joys est arrivé. Ils avaient une présence telle qu’on avait l’impression que les Beatles venaient de rentrer dans la salle. Gregg était un très beau mec, attirant tous les regards avec ses longs cheveux blonds, et Duane avait un tel charisme que tout le reste, autour de lui, n’existait plus. Après avoir entendu pour la centième fois que mon groupe était super mais que personne ne pouvait danser sur notre musique, on a fini chez les Allman, en dormant là où on pouvait,…même par terre. On est devenus de très bons amis et peu après Duane m’a appelé pour les dépanner comme batteur car ils jouaient à Jacksonville, là où j’habitais, et leur batteur venait de les lâcher. Je les ai dépannés et mon groupe a même fini par succéder aux Allman Joys en jouant pendant un an dans ce club.
FBP: Et vous vous êtes ensuite retrouvés comment?
BT: C’était en 1968. J’ai à nouveau croisé la route de Duane et Gregg après l’échec de leur groupe The Hour Glass, qui avait succédé à The Allman Joys. C’est là qu’on a décidé de jouer ensemble.
FBP: C’est là que vous avez décidé de former les Allman Brothers Band…?
BT: Début 69, Duane est venu chez moi avec Jaimoe et on a joué ensemble pendant plusieurs semaines. Duane en avait marre d’être en studio et il avait en tête de former un nouveau groupe pour faire des concerts. Après avoir joué avec pas mal de musiciens en janvier et février 69, il a décidé qui ferait partie de ce nouveau groupe avec lui. C’était le 26 mars 1969, et le nom qu’il a donné au groupe était The Allman Brothers Band.
FBP: Avant les ABB, dans quels autres groupes avais-tu joué?
BT: Mon premier groupe s’appelait The Vikings. C’était en 1963-64, et j’étais encore élève au collège. Je les ai quittés pour rejoindre un groupe qui s’appelait The Echoes et qui était une copie des Beatles. Après ça, je suis rentré à la Florida State University et j’y ai formé un trio avec deux copains de lycée, The Bitter Ind. [NDLR: avec Scott Boyer à la guitare et David Brown à la basse]. On était les premiers hippies de la FSU et on jouait Dylan, les Byrds, The Lovin Spoonful.
FBP: Et tu les as quittés pour rejoindre les ABB?
BT: Oui, et je me rends compte aujourd’hui que quand Duane m’a demandé de rejoindre son groupe, j’ai pris la décision la plus importante de ma vie. Et mieux encore: quand Duane me l’a demandé, j’ai été incapable de le lui refuser.
FBP: Et Jaimoe a rejoint le groupe en même temps que toi?
BT: Jaimoe était déjà venu à Jacksonville avec Duane et il nous avait déjà demandé de jouer avec lui. Et c’est pendant nos jams que Jaimoe et moi avons ressenti quelque chose de fort en jouant ensemble et qu’on était vraiment entrain de créer quelque chose de super, et de nouveau.
FBP: Tu avais déjà eu l’occasion de jouer avec un second batteur avant ces jams avec Jaimoe?
BT: Non, jamais.
FBP: Comment vous avez fait pour vous répartir les rôles et qui devait jouer quoi?
BT: Aucune idée. C’est venu comme ça, tout simplement, et ça a fonctionné tout de suite entre nous. C’est très difficile à expliquer… On a commencé à jouer ensemble et le déclic s’est produit tout de suite, sans même qu’on ait à se parler. Y’a pas d’explications. Cela s’est passé tout seul, et très bien.
FBP : Qui a eu l’idée que le groupe ait deux batteurs?
BT : C’est Duane. Il est venu à Jacksonville avec déjà cette idée en tête d’avoir deux batteurs. Il disait que si James Brown avait pu le faire, il pourrait le faire, lui aussi.
FBP : Ce n’était donc pas une réaction de la part des deux batteurs pour compenser la présence de deux guitaristes?
BT : (sourire) Non, pas du tout. Parce que les deux batteurs étaient là avant qu’il n’y ait les deux guitaristes. En fait c’est Berry qui a convaincu Duane de faire rentrer Dickey comme second guitariste. Nous, Jaimoe et moi, on était déjà là.
FBP : Peux-tu expliquer à des batteurs comment faire pour jouer à deux batteurs dans un groupe?
BT : Non, parce que la seule chose que je peux leur dire c’est d’essayer et si ça marche, allez-y, sinon, arrêtez,… car vous irez à la catastrophe, ou au divorce. (sourire)
FBP : Est-ce qu’il est plus difficile pour deux batteurs de jouer ensemble en studio qu’en live?
BT : Sans hésitation, je dirai que c’est beaucoup plus difficile en studio. Jouer en live c’est beaucoup plus spontané, alors qu’en studio il faut faire attention à ne pas jouer de trop. J’ai d’ailleurs toujours détesté jouer en studio.
FBP : Quel est ta formation musicale?
BT : Enfant, j’ai reçu une formation de musique classique. J’ai eu des cours de chant et j’ai appris le solfège. J’ai aussi joué aux timbales avec le ‘Jacksonville Symphony’ quand j’étais au collège et j’en ai toujours joué avec les ABB. Cela va te paraître bizarre, mais j’étais le seul membre parmi tous les membres fondateurs des ABB à savoir lire et écrire la musique.
FBP : Quand as-tu commencé à jouer de la batterie?
BT : Quand j’étais en cinquième, au collège, j’avais décidé de jouer dans l’orchestre de l’école. J’étudiais déjà la musique depuis que j’avais 8 ans et j’avais toujours eu envie de jouer de la batterie. Je pense qu’on devait être 30 à 40 gamins à vouloir jouer dans cet orchestre et la moitié voulait être à la batterie. Le chef d’orchestre nous a donné à tous une paire de baguettes et a demandé à chacun de jouer. Suite à ce test j’ai été retenu pour être le leader de la section des percussions. Aux autres, on a donné des trombones et d’autres instruments…
FBP: De très nombreux journalistes vous ont catalogué comme jouant du ‘Southern Rock’, comme Lynyrd Skynyrd, par exemple. Qu’en penses-tu?
BT: Nous, nous étions du sud et nous jouions du rock, donc on jouait effectivement du Southern Rock. Par contre, nous comparer à Lynyrd Skynyrd est, à mon avis, inapproprié, parce qu’on existait déjà un an avant eux et qu’en plus je ne trouve pas qu’on joue le même style de musique.
FBP: Et comment définirais-tu les ABB à leurs débuts?
BT: On était comme un orchestre de jazz qui jouait très fort. (sourire)
FBP : Pendant ces 40 ans de carrière avec les ABB, as-tu eu l’occasion de contribuer à la composition des titres des ABB?
BT: Un peu, mais seulement pour tout ce qui concerne les percussions. En fait, je suis un mathématicien et je n’ai pas beaucoup d’affinités avec tout ce qui est abstrait, donc avec tout ce qui touche à la mélodie et aux arrangements. Je suis quelqu’un de très concret et pas vraiment créatif sur le plan artistique, même si je sais lire et écrire la musique.
FBP: Comment expliques-tu alors que tu préfères jouer en live plutôt qu’en studio?
BT: Comme je te l’ai dit, je n’aime pas jouer en studio parce que c’est beaucoup plus contraignant que de jouer en live. La différence de sensation entre les deux, c’est un peu comme construire une maison et réaliser une sculpture. Dans le premier cas tu dois suivre exactement ce qui est planifié alors que dans le second, tu peux t’exprimer avec plus de liberté, tout en devant réussir quelque chose de beau.
FBP: Mais jouer en live signifie aussi que tu es toujours loin de chez toi. Est-ce que tu n’as pas l’impression d’avoir sacrifié une partie de ta vie de famille pendant ces 40 ans?
BT: Non, parce qu’en fait ma famille m’accompagnait très souvent en tournée, et j’ai pu ainsi passer beaucoup de temps avec elle.
FBP: C’était comment la vie en tournée? Aux débuts des ABB, par exemple…
BT: La vie en tournée, aux débuts des ABB, c’était une ‘non-stop party’. Au début des années ‘70 je menais la vie que tous les jeunes mecs rêvaient de vivre: «sex, drugs and rock’n’roll». Et puis tout ce qui est drogue a pris trop d’emprise sur nous, au point que toutes ces années sur la route où nous étions le groupe numéro un aux Etats-Unis sont finalement devenues, selon moi, les années les plus dures de notre vie. La gloire et la drogue nous avaient bouffés. Par chance, moi j’ai rencontré quelqu’un qui m’en a sorti et avec qui je viens de fêter mon 33ème anniversaire de mariage…! (sourire)
FBP: Et en regardant ces 40 années de carrière, quels regrets as-tu ?
BT: Aucun !
FBP: Sans passer en revue tous les concerts de ces 40 années, quels sont ceux qui sont pour toi les plus importants?
BT: Le premier, et sans hésitation, c’est celui de la nuit avant la fermeture du Fillmore East. Ce concert était sur invitation et il y avait dans la salle, en plus du public habituel, tous les crétins de l’industrie du disque. On est monté sur scène pour le deuxième set à environ 23h et on a joué pendant trois heures de suite. Ce fut un set absolument génial, incroyable. Les musiciens et le public étaient en totale harmonie et il y avait comme quelque chose de spécial en plus cette nuit-là. On est revenu sur scène pour jouer un long jam sur Mountain High et ça a duré jusqu’à 7 heures du matin. Quand on s’est arrêté, personne n’a applaudi. Tout le monde est resté assis, puis, très lentement, les gens ont commencé à se lever pour sortir. Quelqu’un a ouvert les portes en grand et les rayons du soleil levant ont illuminé la salle. Je me souviens être encore assis à ma batterie et Duane qui passe devant moi en traînant sa guitare et me disant: «Bon Dieu, c’est comme s’ils sortent d’une église.» C’était exactement l’impression que cela donnait, cette foule qui sortait sans dire un mot. Moi, comme sans doute tous ces gens, je venais de vivre quelque chose d’unique, d’intense, proche du divin. Mais heureusement pour nous, ce ne fut pas la seule et unique fois. Il y en a eu d’autres, après cette nuit-là…!
FBP: Après 40 années de musique, qu’est-ce qui te pousse encore à jouer de la batterie?
BT: Jouer de la batterie, c’est ma vie, tout simplement. A mon âge, lorsque je monte sur scène, je commence le concert comme un vieux mec, et à peine le premier morceau entamé, je suis redevenu un gamin. C’est une sensation que j’éprouve pendant toute la soirée et ce n’est qu’une fois le concert terminé que je reviens sur terre et que je reprends conscience de mon âge. D’ailleurs parfois cela m’amuse de me dire que l’on me paye pour redevenir un gamin.
FBP: Et as-tu autant de plaisir à jouer que dans les 70’s?
BT: Encore plus…!
FBP: Est-ce que tu fais encore autant de concerts qu’avant?
BT: Non. On fait entre 40 et 50 concerts par an, maintenant. Aux débuts des ABB, on en donnait plus de 250 par an!
FBP: Maintenant, vous jouez également avec trois batteurs, exact?
BT : Oui. Marc Quinones nous a rejoints il y a 18 ans, pour jouer des percussions.
FBP: Pourquoi lui?
BT: On avait pensé intégrer un percussionniste latino le jour où on a commencé à jouer ‘In Memory Of Elizabeth Reed’, mais on n’a trouvé personne qui avait l’instinct et la puissance musicale nécessaires pour jouer avec nous. J’avais vu Marc jouer avec Spyro Gyra, en 1990, et il m’avait épaté. On l’a contacté et on lui a demandé de nous rejoindre pour l’enregistrement de l’album ‘Shades Of Two Worlds’. Et depuis, il est resté avec nous.
FBP: C’est donc toi qui l’avais trouvé ?
BT: Oui, mais c’est tout le groupe qui a donné son accord pour qu’il vienne jouer avec nous. Ce ne fut pas que moi.
FBP: Comment faites-vous, tous les trois, pour vous partager les percussions? Qui décide?
BT: Jaimoe et moi, nous jouons de la batterie. Marc, lui, joue des congas, des timbales et plein d’autres instruments de percussion.
FBP: As-tu constaté un changement dans votre public?
BT: Oui, absolument. Mais c’était à prévoir. Un groupe comme les ABB ne peut pas, et ne doit pas rester avec le même public pendant autant de temps. D’ailleurs si le public des ABB était resté le même il n’y aurait que des vieux à nos concerts, et en plus les ABB n’auraient jamais duré 40 ans, je pense.
FBP: Qu’est ce qui attire les jeunes dans votre musique?
BT: Je pense que les jeunes aiment bien notre musique parce que nous ne sommes pas un groupe ‘statique’, qui n’évolue pas, qui ne fait pas vivre sa musique. On joue des titres qui ont quarante ans, c’est vrai, mais on les joue différemment. Et différemment à chaque concert! C’est pour cela que les gens viennent nous voir, parce qu’ils savent que chaque concert est différent.
FBP: En comparaison avec d’autres groupes, les ABB n’ont pas sorti beaucoup d’albums. En quarante ans, vous avez sorti 12 albums studio et 8 albums ‘live’, en ne comptant pas les Best Of ou autres compilations. Tu l’expliques comment?
BT: Par le fait que les ABB sont un groupe qui aime jouer en ‘live’ plutôt qu’en studio. Etre en studio est très limitatif pour nous, et je me demande d’ailleurs si on va sortir un autre album studio. Avec tous les téléchargements illégaux qui prolifèrent sur internet, et que je considère comme du vol, je ne vois vraiment pas l’intérêt que nous aurions à sortir un autre album.
FBP: Justement, concernant ces albums enregistrés par les ABB, quel est pour toi le meilleur,… ou ton préféré?
BT : Facile. C’est le ‘Live at Fillmore East’.
FBP: Pourquoi?
BT: C’est sans doute le meilleur album ‘live’ jamais enregistré.
FBP: Mais pour toi, c’est ton préféré à cause de la musique ou pour tout ce qui se rapporte à cette fameuse nuit?
BT: Les deux. Pour la musique, oui, c’est sûr, mais aussi pour tous les bons souvenirs autour de cet événement.
FBP: Comme tu le sais, je pense, un dénommé Scott Freeman a publié un bouquin sur les ABB appelé ‘Midnight Riders’. Tu l’as lu? Qu’est-ce que tu en penses?
BT: Pas grand-chose. Je pense que Mr Freeman est journaliste et qu’il a écrit ce livre comme un long article. En fait c’est un long descriptif de qui a fait quoi, et quand. C’est tout ce que je peux en dire.
FBP: Je pense que tu aurais préféré qu’il soit écrit autrement…
BT: Oui, et quand j’aurais arrêté de jouer de la batterie, j’en écrirais un. Et qui décrira notre histoire, autrement.
FBP: Et ton autobiographie?
BT: Peut-être,… mais il est sûr que le premier sera de toute façon un peu autobiographique puisque ce sera un livre sur Duane. C’est un bouquin que je me dois d’écrire.
FBP: Pourquoi? Parce que tu n’as toujours pas digéré le décès de Duane?
BT: Tout à fait. Je ne me suis jamais remis de sa mort. Même si je dois continuer à vivre, parce qu’il faut le faire et que je n’ai pas le choix, il me manque encore terriblement,… énormément.
FBP: Sa disparition soudaine a sans doute changé ta perception de la vie…
BT: Oui. Ca a été l’un des événements les plus traumatisants de ma vie. Si je n’avais pas rencontré Duane, je serais devenu prof de maths dans une école, quelque part… Duane m’a appris à avoir confiance en moi en tant que batteur. Il m’a soutenu, encouragé et motivé à jouer comme je le sentais, me disant que la question essentielle pour moi devait être: «Est-ce que j’aime ce que je fais, et sans me poser de questions sur ce que les autres pensent de moi?». Duane a changé ma manière de voir la vie.
FBP: Comment avez-vous fait pour terminer l’enregistrement de l’album ‘Eat a Peach’, sans Duane?
BT: On n’a pas eu le choix. On voulait faire un break et réfléchir à ce qu’on allait faire mais on était tellement secoués qu’on a décidé de continuer parce que nous, musiciens, on exprime beaucoup mieux nos émotions à travers la musique. En fait, soit on retournait en studio pour finir l’album puis on partait en tournée, soit on devenait dingue de chagrin tant le décès accidentel de Duane a été traumatisant pour nous tous.
FBP: Un an plus tard, c’est Berry qui disparait. Cela a du être très dur à encaisser, ce départ, un an après Duane?
BT: Berry avait eu énormément de mal à accepter la mort de Duane et sa vie, sans Duane, lui semblait vide de sens. Il commençait tout juste à retrouver goût à la vie quand il a eu cet accident mortel. Cela a été un choc terrible pour nous.
FBP: Ensuite, entre 1975/76 et 1989 le groupe a traversé des périodes plus difficiles, a connu des séparations, des changements de line-up. Comment toi, membre fondateur, as-tu vécu cette période là ?
BT: Mal, très mal. Financièrement ce fut aussi une période difficile pour moi et ma famille. Même si nous avions vendu plus de 30 millions de disques et que nous étions le groupe faisant venir le plus de spectateurs en tournée, on ne nous avait pas redonné grand-chose de tout ce qui avait été gagné… Heureusement, j’ai une femme et des enfants formidables, et on s’en est sortis.
FBP: N’as-tu jamais pensé à tout arrêter, à laisser tomber le groupe?
BT: Non. Fallait bien que je gagne ma vie.
FBP: En 2003 et 2004 les ABB obtiennent deux Grammy Awards pour ‘Instrumental Illness’, soit presque 40 ans après vos débuts. Est-ce que tu ne regrettes pas ce manque de reconnaissance pendant ces quatre décennies?
BT: Des regrets? Non, pas du tout. Je vais te dire ce que je pense: les Grammy sont une plaisanterie, comme la plupart de ces cérémonies. Ces prix étant soit disant basés sur la popularité, alors je me demande comment on n’a rien pu nous donner pendant des dizaines d’années alors qu’on était annoncé et présenté comme le groupe le plus populaire des USA. C’est peut être parce qu’on est du Sud qu’on ne nous a jamais pris au sérieux. Tu n’as qu’à écouter la chanson de Neil Young, ‘Southern Man’, pour comprendre ce que les gens de la Côte Ouest et du Nord Est pensent de nous….
BT: Non, parce que comme Duane me l’avait appris, cela ne sert à rien de se soucier de ce que les autres pensent de toi. Il faut d’abord et avant tout se faire plaisir à soi-même. D’ailleurs, le jour où on a gagné ces Grammy on était en pleine répétition à New York, pour un concert au Beacon, et je n’ai pas souvenir d’une quelconque réaction de joie de l’un d’entre nous. Tu sais, mon Grammy, je m’en sers de butoir pour caler ma porte. (sourire)
FBP: A part la batterie, qu’est-ce qui te passionne dans la vie?
BT: J’aime lire, assister à des conférences sur la philosophie, jouer à World of Warcraft, qui m’aide à faire passer plus vite les journées où je reste à l’hôtel, pêcher et finir de restaurer le mas que nous avons acheté dans le Languedoc. Et puis ces dernières années j’ai également passé beaucoup de temps à réaliser Moogis. Les nouvelles technologies font partie de ma vie quotidienne, maintenant.