Big Pete Pearson : une présence et une voix imposantes!

Interview parue dans Virus de Blues, réalisée par Jocelyn Richez, Michel Remond et Frankie Bluesy Pfeiffer, au Bay Car 2006.
Traduction (et sincères remerciements à) : René Malines.
Photos : Jocelyn Richez et Frankie Bluesy Pfeiffer


VdB (Virus de Blues) : Je pense que le mieux serait de commencer par nous parler de votre carrière ?
BPP (Big Pete Pearson) : Depuis le début ?

VdB : Oui. Quel a été le véritable début pour vous ?
BPP : J'ai commencé à l'âge de 9 ans. Je jouais du gospel à l'église, et on m'a demandé de me joindre à un autre groupe de gospel qui devait jouer dans un bar. Mais moi je ne le savais pas. Je devais avoir 9 ans, 9 ans et demi,…peut-être 10. On est venu me voir : « Il paraît que tu joues très bien de la guitare ? » J'ai dit « Oui, je sais en jouer. » Je pensais qu'on allait aller à l'église, mais en fait on est allé vers ce bar. On s'arrête, les gars commencent à décharger le matériel et je leur demande ce qu'on fait là. Ils me répondent que c'est ici qu'on joue. Je leur dit que c'est une trahison, ce à quoi ils me demandent : « Oui, mais tu joues de la guitare ? Tu peux chanter le blues ? » Je leur réponds que oui et ils m'ont dit de les suivre. Alors je suis sorti de la voiture, on est entré, on s'est assis et on a joué. Il y avait un grand seau pour les pourboires, les gens y mettaient de l'argent, et parfois des billets de 5 dollars. A la fin du set, le propriétaire est venu, il a pris le seau, il en a sorti 1 dollar et demi pour chacun de nous, et il a mis tout le reste dans sa caisse !

VdB : Non ?!?
BPP : Il a gardé tout l'argent !

VdB : Je sais que vous jouez de plusieurs instruments, mais votre premier instrument, c'est la guitare ?
BPP : J'ai joué de la guitare, de la basse, et je chante.

VdB : Maintenant vous ne jouez plus d'instrument, vous chantez seulement ?
BPP : Oui, c'est ça.

VdB : Pourquoi avoir cessé de jouer ?
BPP : Je me suis dit : je ne suis payé que pour une personne alors pourquoi continuer à tenir plusieurs rôles et me trimballer ces instruments, par dessus le marché ? J'ai décidé de ne plus me tuer à la tâche. Mais ça m'a quand même pris 25 ans pour réaliser ça ! (rires). En prenant de l'âge, ma première vraie grande rencontre fut Big Joe Turner. On a joué avec lui au Charley's Playhouse, à Austin, au Texas. A l'époque je jouais encore de la basse. On a joué pour Big Joe Turner, Gatemouth Brown, Johnny Ace, T-Bone Walker, Little Walter, Big Mama Maybelle, Big Mama Thornton. On servait de backup band à toutes les stars. Je suis resté dans ce groupe pendant 13 ans. On jouait 7 jours par semaine, 2 sets tard le soir, toujours dans le même club,..tout ça pendant 13 ans. Et c'était plein à craquer [il martèle] tous-les-soirs ! T'aurais pas pu y entrer ! Et le lundi, on avait le Blue Monday. Ça commençait dès 8 heures du matin. Mais au Texas, on ne pouvait acheter d'alcool que chez les marchands de spiritueux, et ils n'ouvraient qu'à partir de 9 heures. Alors le samedi, les gens achetaient des gallons [NDLR : environ 5 litres] qu'ils se gardaient pour le lundi. Et le lundi, dès 8 heures du matin, ils entraient, posaient ces grandes bouteilles sur les tables, et ils achetaient le reste : du Coca, des glaçons, des gobelets en carton, tout ça pour pouvoir boire leur alcool. Le groupe commençait à jouer à 8 heures du matin tous les lundis. C'était une grosse jam. Elvis Presley y est venu, Little Richard quelques fois aussi. Beaucoup de grandes stars venaient.

VdB : Ça c'était pendant les années cinquante ? En quelle année avez-vous commencé ce gig de 13 ans ?
BPP : Attendez… J'ai 69 ans… J'avais 17 ans. Mon tout premier gig, quand j'avais 9 ans, c'était au Triple J bar, sur la 6ème rue, à Red River, à Austin. De là j'ai commencé à jouer de bar en bar, mais je ne pouvais pas le dire à mes grands-parents que je jouais dans les bars. J'aurais eu droit à une fessée. Alors je leur mentais. Je leur disais que j'allais jouer à l'église. Mais à l'église, on n'était pas payé. Alors l'argent que je gagnais, il fallait que je le cache. Je le mettais dans une boîte à cigares que je cachais sous la maison. Quand j'ai été plus grand, assez pour jouer dans les bars, j'ai voulu leur en donner, mais ils m'ont dit : "C'est ton argent, économise-le !" Alors c'est ce que j'ai fait. J'ai économisé et je me suis acheté ma 1ère voiture quand j'ai eu 18 ans. C'était une Ford Coupé de 1946. Elle ne consommait pas beaucoup, mais pour faire un plein, il fallait 6 gallons ! [NDLR : 6 gallons = 22,7124708 litres]. Elle fumait énormément, mais bon, c'était 'ma' voiture.

VdB : A l'époque, vous viviez toujours à Austin ? Etiez-vous très proche avec votre cousin W.C. Clark ?
BPP : Vous savez, il était encore tout petit à l'époque. En prenant de l'âge, il a commencé à venir me voir, mais il doit être plus jeune que moi de 7 ou 8 ans. On le laissait s'asseoir sur une boîte, derrière la scène. Et quand je posais ma basse, il la prenait et me demandait : « Montre-moi. Apprends-moi à jouer ! ». Après il s'endormait, alors je le laissais dormir dans ma voiture. On travaillait 7 jours par semaine et il venait à chaque fois qu'il pouvait. Quand je le ramenais tard chez lui, sa mère nous demandait où il était passé et je lui disais qu'il s'était endormi chez moi. Elle ne savait pas qu'il était au bar. Je lui ai souvent sauvé la mise. Mais quand il a atteint ses 16 ans, il jouait déjà bien. Il n'était pas encore fantastique, mais il jouait bien. Et quand il a eu 20 ans, là il jouait vraiment bien. Je ne sais pas en quelle année il a monté son groupe parce que j'avais déjà quitté le Texas.

VdB : Mais si je comprends bien, pendant ces 13 ans, vous avez surtout joué de la basse ?
BPP : Oui. J'ai joué de la guitare pendant 3 ou 4 ans seulement. Mes grands-parents voulaient que j'apprenne le piano, mais je détestais ça. Je détestais le piano. Ils m'envoyaient à des cours mais je n'essayais même pas d'apprendre. Au point que mon professeur est allé les voir pour leur dire que je n'en avais pas envie et que je n'y arriverais jamais. Que je n'essayais même pas. Alors mon grand-père m'a demandé : « Mais qu'est-ce qui ne va pas chez toi ? Pourquoi ne veux-tu pas apprendre le piano ? ». J'ai répondu : « J'aime pas ça. Je veux une guitare ». Il m'a dit: « Mais si je t'achète une guitare, tu ne voudras pas apprendre non plus ! ». Je lui ai répondu : « Si tu m'en achète une, j'apprendrai en une semaine ! ». Alors on est allé en ville un samedi, on est entré dans un magasin qui vendait des guitares d'occasion. J'en ai montré une : « Celle-là me plaît – mais elle coûte 3 dollars ! ». C'était une somme, à l'époque, 3 dollars. Mon père m'a dit : « OK, mais t'as intérêt à apprendre à en jouer ! » J'ai appris en écoutant la radio. Je connaissais un type qui me l'accordait, il me montrait des trucs. Et j'ai appris en une semaine. Au bout d'une semaine, je jouais dans un groupe spirituel, puis dans un autre. C'est eux qui venaient me chercher : « On a besoin d'un guitariste ».

VdB : Et quand avez-vous quitté le Texas donc ?
BPP : Oh, j'étais jeune et plein de vie, et je voulais voir ce qui se passait dans le monde, là dehors. J'ai d'abord quitté Austin pour Odessa, au Texas, avec des gens comme T.D. Bell et d'autres grands artistes du blues de l'époque. T-Bone Walker était dans le coin en ce temps-là. Et moi je voulais apprendre, je voulais plus de musique, je voulais pouvoir faire ce que ces gars faisaient. Je les entendais chanter, et je me disais : « Ces mecs envoient ! Il faut que j'apprenne à faire ça ! ». Et ça, je ne pouvais pas l'apprendre en restant à Austin. Avec mes copains, ça faisait 13 ans qu'on jouait au Charlie's Playhouse. Je leur ai dit : « Je vous aime beaucoup, j'aime le groupe, mais il faut que je m'en aille. ». Et je suis parti. J'ai rencontré de grands musiciens, j'ai fait le bœuf avec eux, j'ai écouté, et j'ai appris. Et puis j'ai eu l'occasion de travailler avec ce gars, comment s'appelle-t-il déjà… Joe Houston ?

VdB : Joe Houston !?!

BPP : Oui, c'est ça, Joe Houston. Il m'a emmené en tournée, et puis j'ai rencontré Ray Brown, le contrebassiste. En fait j'avais une chambre en face de la sienne, ma porte était ouverte et il m'a fait: « Hé ! Qu'est-ce que tu fais de beau ? ». « J'essaie d'apprendre de nouveaux trucs », lui ai-je répondu. A l'époque, je le connaissais mais je ne savais pas vraiment qui il était. Il est entré dans ma chambre et m'a dit : « Fais-moi voir ça ! » Je lui tends ma basse….. (et là Big Pete se met à chanter des lignes de basse très jazzy)…. Mais c'est qui ce mec ?!? (rires) « Refais-le pour voir ? ». Il a dit OK et il m'a appris quelques licks. Il m'a demandé combien de temps je restais, je pense que c'était une semaine. Lui avait un autre gig de quelques jours au Billy Jean, et moi je travaillais au Green…"quelque chose" en face de l'hôtel. Et chaque jour, pendant une semaine, soit dans sa chambre, soit dans le mienne, il m'a donné des leçons. Je suis repassé à Austin quelques temps plus tard et j'ai joué avec des gars de là-bas. « Wow, mec, tu joues bien de la basse ! ». Et puis je suis parti pour Phoenix. Quand j'ai déménagé, j'avais presque 50 ans. J'y suis resté longtemps. J'ai joué avec tant de gens différents. J'ai eu l'occasion de faire des tournées avec Ike & Tina Turner. J'ai longtemps travaillé avec eux. J'ouvrais pour eux. Après Ike & Tina j'ai aussi ouvert pour Ray Charles dans plusieurs clubs. Puis je suis à nouveau reparti pour Phœnix.

Avant de repartir là-bas, j'ai travaillé dans un groupe appelé Jimmy Knight & The Knights Of Rhythm. C'était un escroc. Il prenait des engagements, prenait l'argent et ne payait pas l'orchestre. Une fois il est parti, et nous on est resté coincés, sans argent pour aller où que ce soit. On n'avait même pas de quoi payer la note de l'hôtel. On a dû voler de quoi manger. Je vous mens pas, on était vraiment dans le pétrin. Mais un jour il y avait ce super gig. Jimmy n'était pas là. Ils savaient qu'on était bons et ils avaient besoin de nous, ils payaient même d'avance! On parle d'une bande de mecs affamés, là ! On n'avait aucune envie de jouer, on voulait partir et rentrer chez nous. Tu paies pas d'avance des mecs comme ça. Enfin ce mec vient nous voir, il a l'argent à la main, je crois que c'était 400 dollars par tête. « A ce soir au club, les gars ! – Oui, c'est ça ! ». On avait vendu nos fringues, nos chaussures, on avait plus rien. Tout ce qui nous restait, on le portait sur nous. Quand le type est parti, on s'est tous regardé, et on a dit : « Ouais, on va le faire. ». On s'est entassé dans un taxi jusqu'à la gare routière, on est monté dans un bus Greyhound, et on est rentré chez nous. On n'a pas joué. On a pris l'argent du gars. On voulait rentrer ! On crevait de faim ! Je suis grand et bien portant, mais quand j'ai quitté L.A. cette année là, je devais peser moins de 60 kilos, alors que je devais en faire 109 en y arrivant ! On crevait vraiment de faim. J'ai vendu mes chaussures neuves. J'avais de très beaux vêtements que j'ai vendus aussi. Pour manger. Là où on vivait, il y avait un grand marché ouvert. On y allait avec nos manteaux sur le dos, qu'on remplissait de nourriture. En rentrant on donnait à la dame des steacks, du poulet, de la dinde, des fruits, des légumes, juste pour pouvoir rester là. Ok, mais ça, ce n'était que le premier voyage. Il fallait qu'on y retourne, parce qu'il fallait aussi qu'on mange ! On ne faisait que traverser le marché sans s'arrêter, volant la nourriture au passage. Après il fallait marcher pour rentrer, parce qu'on n'avait pas les moyens de prendre un taxi. Et puis on allait dans nos chambres, on retirait nos manteaux et on les secouait au-dessus du lit pour trier la nourriture. Et c'est comme ça qu'on survivait. Et finalement on a eu cette occasion d'avoir un peu d'argent pour sortir de cette situation et rentrer chez nous, et c'est ce qu'on a fait. Et pour moi, c'était à Phœnix.

A l'époque, j'étais marié. Ma femme était furax, parce qu'elle travaillait, et moi je ne ramenais rien à la maison. On avait 3 petites filles. Je crois qu'elle était prête à me couper la gorge ! « Où étais-tu ? Pourquoi ne ramènes-tu pas d'argent ? Qu'est-ce que tu as fait là-bas ? Vous avez l'air de clochards ! ». Mais le jour même de mon retour, on m'a proposé un gig. La seule chose que j'ai demandé, c'est « Combien ? ». Ce devait être 40 ou 50 dollars. J'ai dit « D'accord, je prends ! ». J'ai fait le gig, et je suis parti sans un mot dès que j'ai pris l'argent sur la table. Le lendemain matin je suis allé à l'aéroport Sky Highway, j'y ai déposé ma candidature et j'ai obtenu un job de cuisinier. J'y ai travaille aussi longtemps que possible, mais ce n'était pas vraiment ce que je voulais. J'aime cuisiner, mais c'était un autre genre de cuisine. Alors je suis parti travailler sur une chaîne automobile comme chef mécanicien. En même temps, je continuais à jouer tous les soirs, alors je commençais à me faire de l'argent. Je devais faire environ 1600 dollars par semaine. Je m'en sortais bien. Alors j'ai pensé à ouvrir un restaurant. Ma femme pourrait s'en occuper pendant que je continuerais à faire de la musique tout en travaillant au truc automobile. C'est donc ce que j'ai fait, il doit y avoir 15 ou 20 ans à peu près. Pendant ce temps, je faisais de la musique 6 soirs par semaine, entre Phœnix, Tucson, et puis je voyageais parfois, à L.A, Las Vegas, Colorado City ou à Albuquerque au Nouveau Mexique. On jouait partout en fait.

VdB : A Chicago, aussi ?
BPP : A cette époque, nous n'allions pas aussi loin. Je l'ai fait plus tard, quand j'ai eu mon propre groupe, mais là je travaillais pour quelqu'un. Quand j'ai monté The Blues Sevilles, là on a commencé à jouer partout. Partout. On jouait de 26 à 28 soirs par mois. Ça va faire 23 ans que le groupe est ensemble. Il y a eu des changements de personnel, bien sûr. J'ai eu un batteur qui est mort, un saxophoniste qui a eu une attaque… Il a fallu les remplacer. Mais le groupe existe depuis 23 ans. Et je continue à faire ça aujourd'hui. A partir du moment où j'ai eu mon propre groupe, j'ai commencé à faire des shows avec BB, John Lee Hooker, Muddy Waters, Delbert McClinton, Aaron Neville, j'ai travaillé avec tous ces gens. Avec Ray Charles aussi.

VdB : Tout ça à Phœnix ?
BPP : Parfois à Phœnix, parfois à Tucson, ou à LA. D'habitude, quand BB venait à Phœnix ou Tucson, c'est moi qu'on engageait. Les 2 dernières fois qu'il est venu à Phœnix, j'ai été engagé. C'était sold out partout. Et même quand il n'y avait plus de place assise, les gens continuaient à entrer. C'était plein, mais il en venait encore. Il y avait un groupe avant moi, je les ai trouvés bons. Eux n'étaient pas contents de leur set, mais moi ils m'ont plu. Et puis le clavier de BB m'a dit : « Ok Pete, vas-y, et montre leur un peu ce que c'est que le blues ». On y est allé et on a fait le ménage. Je veux dire qu'on a pas fait de prisonnier. Je vous ai vu prendre des photos d'ailleurs. C'était un bon show. Plus tard on est venu me dire : « Mais pourquoi c'était pas BB qui ouvrait pour toi ? ».  J'ai dit « Non, non, c'est très bien comme ça ». On devait avoir 140 CD ce soir-là. On les a tous vendus, à 20 dollars pièce. On en a manqué. On a dû faire venir deux filles en plus pour nous aider à les vendre. Il y avait tout cet argent qui s'empilait. Et moi je les dédicaçais aussi vite que je pouvais, aussi vite qu'ils se vendaient. Je suis pas bon pour les dédicaces, chérie ?

Oh toi…

Vdb : Bravo !
BPP : Mais on en manqué de CD ! Si j'avais su, je pense que j'aurais pu en vendre 3 ou 4 caisses! J'aurais pu vendre 3 ou 400 CD ce soir-là ! Mais quand je n'en ai plus eu, j'ai donné des cartes de visite. « Vous voulez un CD ? Contactez-moi ! ». Et depuis, je n'arrête pas d'envoyer des CD. Ce concert au Rhythm Room, c'était quelque chose.

VdB : Depuis quand connaissez-vous Bob ? [NDLR : Bob Corritore, harmoniciste et propriétaire du club en question]
BPP : Oh ça doit faire 25, 26 ans..

VdB : Tant que ça ?
BPP : Il était tout jeune quand je l'ai connu. Vous voyez, je jouais dans un club quand Bob est venu me voir, accompagné d'un guitariste du coin. Ils ne jouaient nulle part. Ils m'ont demandé si je pouvais venir les voir, les écouter, les conseiller. J'y suis allé, ils étaient trois dans la maison. Je leur ai dit ce que j'en pensais, je les ai conseillés. Et le guitariste m'a dit : « Donnez-moi un an, et je viens jouer de la guitare avec vous ». Un an plus tard, je l'embauchais. Ensuite j'ai monté le Detroit Blues Band. Bob est venu me voir, et je l'ai embauché comme harmoniciste. Oui, ça doit bien faire 25 ans que je le connais. Il a toujours été… oui, comme un fils pour moi. Et il me présente souvent comme son père qui lui a appris tout ce qu'il sait. Parfois, je lui dit : « Non, ça, je ne te l'ai pas appris, tu l'as appris tout seul. Ne m'accuse pas ! » (rires) On s'amuse beaucoup. Mais vous savez, ça a été un long et difficile voyage, mais on a fait tellement de choses, avec mes partenaires dans la musique. Beaucoup de choses se sont passées. J'ai monté beaucoup de groupes. Pas mon groupe, mais d'autres que j'ai mis sur les rails. Au moins une vingtaine. Certains sont toujours ensemble, d'autres se sont séparés. Mais je continue. Cette année, ça fera 61 ans que je fais de la musique, et je n'ai jamais raté un gig. Même avec une double pneumonie, je suis allé travailler, je suis allé faire le gig. Ils m'ont fait partir à la pause. 

VdB : On connaît vos 2 derniers CD, One More Drink et I'm Here Baby. Vous en avez fait d'autres avant ?
BPP : J'ai fait des 33 tours avant One More Drink. Je dois en avoir 3 ou 4.

VdB : En tant que leader ?
BPP : Non, comme sideman. Après j'ai fait One More Drink, il a bien marché. Je pense que le nouveau devrait bien marcher aussi. Il est peut-être même meilleur que le premier. Mais tout le monde a l'air d'aimer le premier. J'aime bien la façon dont on l'a fait.

VdB : Sur le nouveau, il y a différentes sessions, avec pas mal d'invités ?
BPP : Oh oui. Il y a Ike Turner, WC Clark,… Il y a plein de stars. Ils sont venus jammer au studio, c'était bien. Ike, ça fait 40 ans que je le connais. C'est toujours le même. Toujours aussi con. (rires) J'ai cru que l'ingé son aller lui botter les fesses. Il se plaignait de ne rien entendre et l'autre lui répétait « Mets le casque ! ». Mais il fait du bon boulot. Lui et Joe Francisco, Kid Ramos,… Ça nous a pris 6 mois pour le faire, ce CD. On a choppé la plupart quand ils étaient en ville pour un show. « Eh, viens, on enregistre ! »…

VdB : Et quand l'avez-vous fini ? Après Rossano ?
BPP : Non, on l'a fini avant d'aller en Italie. Mais ça a pris du temps, parce que chaque fois qu'une star passait en ville, on l'invitait. Mais on voulait l'avoir pour Rossano, histoire de le passer à des producteurs, des gens de radio, vous voyez. Vous avez eu l'occasion de l'écouter ? Je pense qu'il est pas mal du tout, il devrait bien marcher.

VdB : Oui, c'est le même feeling que ce que vous avez fait hier.
BPP : Oui. C'est surtout du Chicago blues, bien qu'on fasse d'autres types de blues aussi dessus.

VdB : Et quel est votre sentiment sur ce festival et votre performance d'hier ?
BPP : Oh c'était super, j'ai vraiment pris du bon temps. Je ne savais pas qu'il fallait arrêter, je continuais à enchaîner des morceaux quand Chris m'a dit bonne nuit. Moi je continuais ! Et puis je suis allé backstage, on m'a rappelé, j'y suis retourné et j'ai dit : « Ok, juste une alors… ».. J'en ai fait une, je suis retourné backstage, et on me rappelait encore ! Et là j'ai dit : « Non, cette fois, je n'y retourne pas. » (rires) Mais oui, j'ai pris du bon temps, je me suis régalé. J'ai trouvé ça bon.

VdB : Et la jam ?
BPP : Oh, la jam ? Terrible ! Ces gosses qui jouaient, ils envoyaient. Ces garçons savent jouer le blues. Ils ne parlent pas beaucoup l'anglais, mais qu'est-ce qu'ils jouent bien le blues ! Ils ne parlent pas anglais, mais ils chantent super bien le blues aussi ! Ce jeune qui jouait sur le côté ?

VdB : Arnaud Fradin…
BPP : Lui c'est un bon ! Et celui qui jouait de la rythmique, il est encore meilleur ! Ces gars sont bons ! J'ai parlé au guitariste rythmique, je lui ai dit : « Vous êtes sacrément bons ! Mais comment vous faites ? ». Ils sont vraiment bons. Ils sonnent comme mon groupe au Texas. C'est le genre de blues auquel je suis habitué, et ces mecs m'ont donné envie de me lever et de faire quelques morceaux avec eux. C'était bien.

VdB : Vous avez encore  pas mal de musiciens français à découvrir, parce que tous les meilleurs n'étaient pas là, ils ne jouaient pas sur scène, mais dans des maisons.
BPP : Oh oui, on m'a parlé de ça ! Olivier m'en a parlé. Quel dommage que j'ai raté ça. J'ai encore parlé avec Arnaud ce matin. Et cet autre, qui passait d'un instrument à l'autre ?

VdB : Mr Tchang.
BPP : Il est totalement dédié à la musique ! J'aime ça chez un musicien. Quand tu es dédié à la musique, tu vas continuer à jouer longtemps. Tu ne laisseras rien interférer avec la musique. Et c'est comme ça que ces gosses le chantent. J'ai adoré les regarder, voir comment ils s'investissaient dans ce qu'ils faisaient. Et ces gosses jouent sérieusement. Et l'autre, le petit [NDLR : Arnaud Fradin] on voit qu'il aime ce qu'il fait. Il y met son feeling. Il ne se contente pas de jouer, il y met toute son âme. Et ça fait une différence !

Virus de Blues©

Big Pete Pearson