Les années semblent n’avoir aucune prise sur Ahmad Jamal, véritable légende vivante du jazz. Protégé de Miles Davis, le pianiste s’est imposé comme un artiste à la personnalité et au talent incontestables. A presque 80 ans, Ahmad Jamal charme, envoûte, et c’est au Duc des Lombards que l’artiste a choisi de jouer en ce mois de juillet 2008.

Né en 1930 à Pittsburgh, en Pennsylvanie, Ahmad Jamal – de son vrai nom Frederick Russell Jones – a grandi dans une famille aux revenus modestes, et c’est sa mère qui fera les économies nécessaires pour acheter le piano sur lequel le jeune Frederick fera ses débuts. La légende raconte que c’est à son oncle que le jeune Frederick doit d’avoir touché ses premières touches : Frederick avait 3 ans et son oncle, qui était en train de jouer dans le salon familial, le taquina en le provoquant, lui demandant de reproduire l’air qu'il venait de jouer. Le titou, qui n'avait encore jamais posé ses mains sur un clavier, grimpa sur le tabouret et joua, note après note, ce que venait de jouer son oncle. A 11 ans il joue Litz et à 17 ans commence à jouer dans les clubs de Pittsburgh, sous le diminutif de ‘Fritz’ Jones.

En 1947, George Hudson lui propose de rejoindre son orchestre, dans lequel ‘Fritz’ jouera pendant deux ans avant de quitter la formation, d’abandonner ce surnom de ‘Fritz’ (pour cause de consonances germaniques peu appréciées en cette période d’après-guerre) et de monter sa propre formation, ‘The Four Strings’, qui sera dissoute peu après, puis départ pour Chicago, où il fait porteur et balayeur, le temps de trouver un engagement.

C’est le 18 février 1952 que Frederick Russell Jones se convertit à l'islam et prend le nom d'Ahmad Jamal. En 1957, après de nombreux changements de musiciens, Ahmad Jamal dispose d'un trio qui lui convient véritablement. Un an plus tard, le succès accompagnera la sortie de l’album ‘Ahmad Jamal at The Pershing’, qui contient notamment une exceptionnelle version de ‘Poinciana’. Signe de la consécration : il ouvre son propre club de jazz, l'Alhambra, équipé d'un studio d'enregistrement qui permettra à Ahmad Jamal de faire ses premiers pas de producteur.

En 1962, il dissout son trio et part pour New-York. Il en profite pour réaliser un de ses rêves : suivre les cours de la prestigieuse Julliard School. Toutefois, malgré des enregistrements de qualité, le succès n'est plus au rendez-vous et le pianiste-producteur traverse une mauvaise passe financière. C’est la crise, une crise sans doute salutaire qui pousse Ahmad Jamal à se défoncer pour son prochain album, ‘The Awakening’, album intense et profond qui pose les bases du ‘style Ahmad Jamal’ : les arrangements confèrent à tous les titres une cohérence et une sonorité très particulières, devenant ‘la’ signature du pianiste, consolidée par une admirable combinaison de classicisme et de modernité qui plaît au public, toutes générations confondues.
Une des particularités du ‘style Ahmad Jamal’ réside dans le jeu de sa main gauche qui impulse souvent un rythme similaire au charleston, le rapprochant en cela à des joueurs de stride, comme Fats Waller, ou à des adeptes de grosses rythmiques, comme Bud Powell.

C’est dans les années 80 que le pianiste va commencer à jouer du piano électrique et à travailler avec des vibraphonistes comme Gary Burton. Le plaisir de jouer est là et ne le quittera plus, comme si l’homme avait trouvé sérénité et apaisement après des années de recherches musicales et qui le virent être classé comme musicien à contre-courant. D’ailleurs Ahmad Jamal fut l'un des pionniers de l'improvisation modale, technique qui sera reprise et développée par Miles Davis, John Coltrane et Herbie Hancock, notamment.

Gageons qu’Ahmad Jamal jouera pendant ce séjour parisien de nombreux titres de son dernier album, ‘It’s Magic’, ainsi que quelques incontournables figurant dans la plus que cinquantaine d’albums qui ont jalonné la carrière du virtuose, et, espérons-le, cette superbe version de ‘Poinciana’.

En concert du 7 au 10 juillet.
Adresse : Duc des Lombards – 42 rue des Lombards – Paris 1er
Métro et RER : Châtelet-Les-Halles
Tél : 01.42.33.22.88
Réservation fortement conseillée !