Youn Sun Nah en concert au Sunside

C’est au Sunside, l’un de ces lieux incontournables pour tout amateur de jazz, que la chanteuse coréenne Youn Sun Nah donna son premier concert parisien en ce 12 mai 2009. Une date que personne n’oubliera tant le concert fut intense, lumineux.
 
Comme le veut la tradition dans le jazz chanté, c’est aux musiciens de débuter le set, et ce soir-là, au Sunside, c’est le guitariste Ulf Wakenius qui prit possession de la petite scène, interprétant deux morceaux de sa composition et imposant avec sa guitare acoustique sa stature et son talent. Salué, ovationné, le grand gaillard, presque gêné par un tel accueil, n’attendit même pas la fin des applaudissements pour annoncer la ‘magnifique Youn Sun Nah’.
Magnifique, la belle et souriante coréenne, visiblement très émue par l’accueil du public français, le fut, dès la première chanson, ‘Dancing With You’, une chanson de sa composition et premier titre de son dernier opus, ‘Voyage’, un album tout aussi magnifique que la chanteuse, et à acquérir absolument (ACT Music – CD 9019-2).
 
Magnifique, Youn Sun Nah le fut tout au long de ce concert, au travers tout d’abord d’une reprise de ‘Calypso Blues’, une chanson du légendaire Nat King Cole, qu’elle interpréta en faisant monter sa voix dans les aigus, prouvant (et sans en faire la ‘démonstration’) toute l’amplitude de ses capacités vocales. Une voix qui en devint lumière si belle et si intense dans ce caveau dédié au jazz qu’elle en colla des frissons insensés aux spectateurs présents.
 
Passage presque obligé (vu le sticker du drapeau brésilien collé sur la guitare du guitariste nordique), un rythme brésilien embarqua toute la salle de l’autre côté de l’Atlantique, Youn Sun Nah se transformant en diva de la bossa nova avant d’offrir à un public conquis et sous le charme un second titre de son dernier album, ‘The Linden’, et de conclure ce premier set sur une sublime interprétation de ‘Frevo’ (signé Egberto Gismonti) qu’elle interpréta debout, avec une énergie et une intensité émotionnelle énormes, laissant le public sans voix, comme tétanisé par cette première partie de concert.
 
Un concert dont Ulf Wakenius débuta le second set à nouveau seul sur scène, en interprétant deux morceaux de sa composition, dont un, inspiré et imprégné des rythmes indiens, frappant sur la caisse de sa guitare pour imiter le son des tambours, comme pour mieux annoncer de manière chamanique le retour de Youn Sun Nah.
 
Titre de son dernier CD, ‘Voyage’ embarqua la salle dans un ‘voyage’ où la chanteuse fut non seulement guide mais prêtresse. La salle du Sunside n’était plus une cave à jazz mais une chapelle, un temple dédié au jazz le plus chaud, le plus beau, le plus intense, et dont la superbe coréenne était la grande prêtresse.
 
L’hommage à Jacques Brel au travers de ‘Ne me quitte pas’, comme si la chanteuse envoyait un message à son public, fut un incroyable moment d’émotion partagé, avant cette interprétation absolument magistrale de ‘Jockey Full Of Bourbon’, sans doute l’un des plus beaux titres de Tom Waits et qui figure sur son album ‘Voyage’. Sans doute l’une des plus belles interprétations que je connaisse de ce titre phare du génial Tom Waits.
 
C’est seule sur scène et accompagnée par une petite boîte à musique que Youn Sun Nah offrit ‘Raindrops’ comme second rappel, clôturant le concert sur un mélange de douceur et d’émotion partagées. Un concert qui consacra non seulement une chanteuse unique, mais une artiste, dans le sens plein du terme, une véritable artiste.
 
Frankie Bluesy Pfeiffer & Nathalie ‘Nat’ Harrap
Paris-Move, Blues Magazine (Fr) & Blues Matters (UK)