Unique concert parisien de Willie Nelson à l’Olympia

                
               Unique concert parisien de Willie Nelson à l’Olympia

Reportage : Dominique Boulay
Réalisé le 26 juin 2010
Photos : © Anne-Marie Calendini

Installés dans un café face à l'Olympia, une heure avant l’unique concert parisien de Willie Nelson, nous tentons de contrer les effets déshydratants de cette chaude soirée de juin quand le couple installé à la table voisine engage la conversation: ‘Vous allez au concert? Nous, nous sommes venus spécialement de Belgique pour le voir. Il faut dire que nous le suivons fidèlement depuis plusieurs années’.
Le ton est donné! C’est bien une légende de la musique made in U.S.A qui se produit ce soir, en famille, dans la mythique salle de l’Olympia, à Paris, les amoureux de sa musique étant prêts à faire des centaines de kilomètres pour écouter cette voix chaude à l'accent du sud des Etats Unis. Le trottoir devant le fameux music-hall parisien ressemble de plus en plus à un lieu de rendez-vous particulier où se croisent notamment des gars au look zztopien et d’autres aux chapeaux du sud des States. On s’attendrait presque à voir surgir Buffalo Bill, Kit Carson ou Roy Rodgers. Aucun routier au volant de son truck ne débarqua également à l’improviste au milieu de l’avenue. Faut dire qu’on est bien loin des highway, c’est vrai, mais ajoutons immédiatement que nous sommes, avec Willie Nelson, très éloignés du folklore imagé ou caricaturé américain car cet immense artiste a toujours su se démarquer de cela.

Une petite mention pour le courageux jeune australien dont la mission consistait à nous préparer au choc de la soirée. Un petit entracte, histoire de boire un verre, et nous embarquons dans l’univers de Willie Nelson.
Il est vingt et une heures quand le rideau de la salle de spectacle s'ouvre sur un immense drapeau Texan. Nous ne sommes déjà plus tout à fait en Europe… Les musiciens investissent la scène: la pianiste, Bobbie Nelson, sœur du héros de la soirée, puis le batteur, l'harmoniciste, le préposé aux percussions et aux petits accompagnements sonores qui enrichissent les compositions musicales, et enfin le chanteur, ce jeune homme de 77 ans qui, dés son arrivée, est ovationné tandis qu’il passe la lanière vieillissante de sa guitare électro-acoustique derrière ses épaules.

Les premiers accords emplissent la salle, en même temps que les clameurs des spectateurs qui reconnaissent immédiatement le morceau. Souvent, au cours de la soirée, le public reprendra en chœur les paroles et les refrains des différents morceaux interprétés par l’ami américain du soir. Avec Willie Nelson, nous quittons définitivement l'Hexagone et direction la terre des stetsons, des santiags, du Jack Daniel’s, du Jim Beam, du Southern Comfort et de la bonne vieille country music. Monsieur Nelson, lui, la joue à sa sauce depuis les années soixante, ayant toujours su ajouter la petite goutte de Worcestershire ou de Tabasco pour la pimenter davantage!
C'est sans loi et sans carcan qu'il a toujours cherché à redynamiser le genre en y apportant même parfois des touches de jazz, de swing, de musique psychédélique, de reggae, en passant par la pop et le rock.
La voix est impeccable, assurée et ne tremble pas. Dire que le bonhomme a 77 ans. Le guitariste n'a, quant à lui, rien à envier au chanteur car ses doigts font encore des merveilles, délivrant des solos de très belle facture.
Sur scène, rien n'est ostentatoire: la batterie se résume à une caisse claire, le batteur utilisant le plus souvent des balayettes. Pas de guitare basse non plus, et pas de guitare électrique mais un piano à queue tenu par la frangine, et un harmonica de haute voltige. L’ensemble domine parfaitement son sujet ; tout respire la totale maîtrise de l’art. Le combo aligne des titres tantôt enlevés où l’on sentirait presque l'odeur des chevaux, les effluves de whisky, l’ambiance saloon, surtout lors des prestations de la pianiste, et tantôt plus intimistes, avec cette atmosphère de soirée au coin du feu sur les bords du Rio Grande.

Après quelques grands classiques de son répertoire, Willie Nelson se tourne pour attraper un bandana qu'il place nonchalamment sur son front, puis il reprend le cours du concert. Quelques morceaux plus tard, il lance son bandana dans le public. C’est le délire assuré, avec une sympathique bousculade à la clef, tous les spectateurs souhaitant mettre la main sur ce bandana.
Quatre autres foulards parfaitement alignés attendent leur tour, posés près de la batterie, pour éponger les gouttes de sueur qui perlent sur le front du maître avant d’être jetés en pâture aux fans qui se pressent, fébriles, devant la scène.

Le titre emblématique ‘On The Road Again’ rallie l'enthousiasme de la salle qui reprend le refrain avec entrain, encouragé par le bras levé de Willie Nelson qui bat la mesure. Après une ultime chanson, et tandis que les musiciens continuent de jouer, l’artiste vient saluer, seul, une salle qui lui est totalement acquise. De nombreux aficionados s'approchent de la scène pour tenter de toucher l'icône. Ce dernier n'hésite pas, en toute simplicité, à venir serrer les mains qui se tendent vers lui, à embrasser les joues d'un enfant perché sur les épaules de son père, à signer des autographes tout en arpentant la scène de long en large.
Cette séance particulièrement chaleureuse durera de longues minutes, puis le talentueux musicien qui ressemble bien plus au ‘vieil homme sage’ des légendes du Far West qu’à un habitué du box-office de la musique country regagne les coulisses sous les clameurs d'un public qui sait son bonheur et son émotion d'avoir assisté au concert de l’un des derniers highway-men vivants. L'ombre de Johnny Cash et de Waylon Jennings a plané sur la salle, ce soir-là, mais c'est bien Willie Nelson, né le 30 avril 1933 à Abbott, au Texas, qui est aujourd'hui le digne héritier vivant de la célèbre et populaire country outlaw music.

Dominique Boulay
Paris-Move
& Blues Magazine

Willie Nelson