The 2013 European Blues Challenge à Toulouse

The 2013 European Blues Challenge

Reportage: Alain ‘Blues Brother’ Hiot
Photos: © Alain ‘Blues Brother’ Hiot
Toulouse, du 6 au 9 mars 2013

Les deux premières éditions de l’EBC ayant eu lieu à Berlin, c’était au tour de Toulouse de devenir pour quelques jours la capitale européenne du Blues. Organisé conjointement par l’European Blues Union, France Blues et la Toulouse Blues Society, l’évènement a connu un franc succès. En dehors du challenge proprement dit, de nombreuses animations étaient proposées. Le mercredi 6, on pouvait ainsi assister à un mini concert des Mountain Men à l’espace EDF Bazacle et au vernissage de l’exposition ‘Au coeur du Blues’ de la talentueuse photographe Aveyronnaise Sylvie Bosc, expo dédiée au Cahors Blues Festival 2012. Cette expo avait lieu aux Musicophages, sorte de centre de contrôle du festival, et un bon nombre de personnalités du Blues Européen y étaient présentes ainsi que deux représentants du groupe Toulousain AWEK, Bernard Sellam et Olivier Trebel, fortement investis dans cette aventure.

Le jeudi 7 étaient prévus deux show-case de six groupes chacun, uniquement Français, et ceci dans deux salles voisines, La Dynamo et le Connexion. A titre personnel, j’avais choisi de rester dans la première car plusieurs amis s’y produisaient, que je voulais impérativement revoir les Mountain Men et découvrir Mama’s Biscuits que je n’avais pas encore eu l’occasion d’entendre. Et finalement les quelques personnes qui avaient décidé de faire des allers-retours entre les deux salles ont toutes fini par rester à un seul endroit, non pas à cause de la distance à parcourir mais plutôt à cause d’un temps assez exécrable.

On a donc vu se succéder au Connexion The Flyin Muffins, Daniel Blanc & Co, Driftin’ Blues, Jumpin’ To The Westside, Blues Power Band et les Mannish Boys, tandis qu’à La Dynamo on pouvait apercevoir Fred Cuvelier & Backwash Blues Band, Yann Lem, Mama’s Biscuits, In Volt, Scarecrow et les Mountain Men.


Et si je connaissais déjà le pouvoir d’In Volt et des Mountain Men à faire grimper illico la température de plusieurs degrés dans les salles où ils se produisent, je ne savais strictement rien du groupe local Scarecrow. Je dois même avouer que lorsque j’ai lu que cette formation se présentait comme un mélange de Blues et de Hip-Hop, j’étais assez incrédule sachant que je ne suis pas vraiment fan du second style. Et pourtant, quelle énorme claque m’est arrivée en pleine face! Non seulement c’est très bon, musicalement, mais ces lascars là dégagent quelque chose d’assez inexplicable et envoûtant sur scène. Ils sont programmés en juillet à Cahors et j’aurai un réel plaisir à les retrouver à l’occasion de ce festival.
Cette toute première soirée musicale, destinée à promouvoir la scène Française, a été une vraie réussite, avec un public très nombreux qui a blindé les deux salles, et des musiciens au top de leur forme.

Vendredi 8, première journée de compétition de l’EBU au Bikini avec 9 groupes au programme, présentés par un ancien candidat, le Belge Lightnin’ Guy. Ce sont les Lettons de GTZ qui vont essuyer les plâtres et qui partiront avec un handicap dès le départ, le critère ‘qualité vocale’ étant difficilement applicable à un combo purement instrumental. Alternant rythmes Boogie et Blues plus lents, ils s’en tireront plutôt pas mal, même si l’on s’attend plus à trouver ce groupe dans l’ambiance feutrée d’un piano bar que sur une scène comme celle-ci.

Au tour des Luxembourgeois de Heavy Patrol & The Greyhounds d’arpenter la scène. Un set honorable mais desservi (à mon avis) par un chanteur poussant la voix à l’extrême, comme s’il était absolument à la recherche de la performance…que d’ailleurs il n’atteindra pas.

Les troisièmes participants sont les Autrichiens Bluesmopolitans. Et là, en revanche, un chanteur, il y en a un! Avec des intonations qui ne sont pas sans rappeler Robert Plant sur le premier titre. L’ambiance va d’ailleurs immédiatement monter dans la salle avec cette formation dont les cuivres se font discrets tout en sachant se rendre indispensables. Un de mes coups de coeur de la soirée.

Place ensuite à Soul Serenade, représentant la Roumanie. Un trio acoustique voix-guitare-harmonica-mandoline qui va faire forte impression sur le Bikini. Un beau brin de voix pour la chanteuse qui arbore une jolie fleur dans les cheveux et des mélodies entraînantes qui vont charmer également le jury puisqu’ils finiront seconds ex-aequo. Un seul regret, mais ce ne seront pas les seuls à se produire de cette manière, il n’est pas spécialement agréable pour le public d’avoir des musiciens scotchés à leurs chaises, et encore plus compliqué pour les photographes de ne pas tous faire la même photo! Cela ne les empêchera toutefois pas d’emporter les applaudissements nourris du Bikini à la fin du set.

Second coup de coeur pour moi, le duo Anglais Babajack. Rien à voir, ou si peu, avec la plastique de la chanteuse-percussionniste qui va attirer beaucoup de monde devant elle, mais surtout une énergie communicative et une musique qui revient aux sources du Blues, un Blues rythmé et enlevé comme je le l’aime. Un guitariste–harmoniciste absolument magnifique en slide sur sa cigar-box-guitar, quelques mots en Français pour se mettre définitivement le public en poche, et voici vingt minutes de bien belle facture.

Direction la Croatie à présent avec Sunnyriders, un quatuor qui là aussi va jouer assis, et qui va peiner, sans doute à cause de cela, à faire décoller le public. Et ceci malgré des titres plutôt sympathiques et bien interprétés. Le principal atout scénique de cette formation étant sans conteste le percussionniste, dont les belles lunettes noires vont permettre aux photographes de faire de sympathiques clichés des reflets dans les verres. La chanteuse, plutôt talentueuse d’ailleurs, finira tout de même debout, tambourin en main, pour une sorte de danse indienne qui lui amènera finalement de beaux applaudissements.

Les Espagnols de Chino & The Big Bet sont assez compliqués à définir tant ils vont partir tous azimuts. Cela va visiblement plaire au jury puisque ce seront les autres ex-aequo de la seconde marche du podium avec Soul Serenade. Le guitariste au superbe costume satiné va, en plus, faire le spectacle tout en démontrant une technique assez redoutable. Personnellement je n’aurais pas mis ce groupe dans les trois premiers, mais il faut leur reconnaître une sacrée énergie et une bien belle prestation.

Avant-derniers concurrents de cette première soirée, le duo Slovaque Bonzo Radvani & Lubos Bena va nous ramener vers un Blues très roots, à grands coups de Dobro. La silhouette un peu atypique du chanteur va lui valoir, dans le public, le doux surnom de Don Quichotte. En tout cas un moment bien sympathique avec des sonorités somme toute assez traditionnelles.

Et ce sont les Belges de Hideaway qui vont clore cette première journée après avoir connu quelques soucis de connexion avec la cabine Leslie de l’organiste, qui va également tenir l’accordéon sur certains titres. Mon dernier coup de coeur du jour sera pour cette formation qui va aussi emporter le public durant ces vingt dernières minutes. Des titres flirtant parfois de très près avec la Soul et le Rhythm & Blues, ce qui n’est pas pour me déplaire, avec l’apport saxo-orgue ajoutant à tout cela une atmosphère tout à fait plaisante.

Samedi 9, seconde journée de l’EBC 2013 marquée par l’assemblée générale de l’European Blues Union. De mon côté, je profite de cette très belle météo de printemps pour faire un petit tour en ville avec deux autres photographes, et non des moindres, Sylvie Bosc et Bruno Migliano. Mais cette belle ballade aura pour effet de nous faire oublier un peu l’heure, et malheureusement de manquer le Blues Market qui, tout de même, a fermé un peu tôt, vers 16h30. Et c’est donc après un repas pris en commun avec d’autres amis photographes, que nous nous dirigeons vers le Bikini pour cette seconde soirée du challenge.

Les premiers à se présenter sont les Finlandais de Honey B & T-Bones. La salle mettra un peu de temps à se remplir et c’est fort dommage, car cela va priver une partie du public de ce premier set très intéressant. Outre le look particulier, limite gothique, de la bassiste-chanteuse, le style, le répertoire et la voix ne sont pas sans rappeler Alexx & les MoOonshiners, avec un type d’arrangements d’ailleurs assez proche. Mais que dire de la reprise absolument magnifique de ‘I Walk The Line’ de Johnny Cash, avec une voix teintée de Joan Baez, le tout arrangé à la sauce Finlandaise pour une version réellement assez fabuleuse. Un vrai régal pour les oreilles et une formation qui méritait, selon moi, de figurer sur le podium.

La soirée ne pouvait donc pas mieux débuter, d’autant que la deuxième formation à venir affronter le verdict du jury n’était autre que nos représentants nationaux, les Shaggy Dogs. Grosse ambiance dans la salle pour un set qui va commencer par une intro à la batterie avant que les trois autres compères n’entrent dans la danse à fond la caisse. Et comme à leur habitude, ça joue, ça bouge, c’est énergique et ça pète de partout…! Difficile de rester objectif tant j’apprécie ce groupe, mais l’absence des Shaggy sur l’une des trois premières marches de ce Challenge prouve que jouer à domicile n’est pas forcément un avantage, même si le jury est européen.

Ce sont les Hollandais Sugar Boy & The Sinners qui vont donc succéder à nos chiens hirsutes. Ces gars-là savent aussi chauffer une salle, qui ne se fera d’ailleurs pas prier pour applaudir chaleureusement le combo. Mais même si ça joue bien, même si ça embarque bien le public et même si la contrebasse était de toute beauté, je suis tout de même resté un peu sur ma faim. Je pense que l’on pouvait attendre un peu plus de folie de la part de nos amis Hollandais, car ils ont vraiment un gros potentiel.

Les Suisses avec Fabian Anderhub vont de leur côté assurer un show assez musclé sous les yeux de quelques spectateurs renommés, dont Frank Margerin, avec qui la rencontre a été un réel plaisir. Plus proche du rock que du Blues, Fabian le Québécois va toutefois nous faire partager un bon moment après mis le public dans sa poche.

Au tour de Veronica Sbergia & Red Wine Serenaders, le groupe Italien, de nous faire replonger dans les années 1920-1930 à l’aide d’un répertoire interprété avec une classe incroyable, la voix de Véronica se prêtant admirablement à tous ces titres. S’accompagnant au Washboard à l’aide de brosses à cheveux métalliques et nous offrant des passages étonnants au Kazoo, cette artiste charismatique va nous faire quelques petits discours trilingues Français-Italien-Anglais qui vont ravir le Bikini. Complété par un guitariste particulièrement inspiré et une contrebassiste également démonstrative, ce combo nous a régalés durant les vingt minutes allouées à sa prestation.

Représentant la Norvège, voici venir Yngve & His Boogie Legs. Look Fifties et contrebasse sans toutefois être Rockabilly, ce groupe va nous distiller un Blues bien léché avec quelques passages instrumentaux très intéressants appuyés par un clavier omniprésent. Voici une formation que j’ai beaucoup appréciée et que j’aurai plaisir à revoir dès que l’occasion s’en présentera.

De la Norvège au Danemark il n’y a qu’un pas, et voici maintenant sur scène Chris Grey & The Bluesspand. Un très bon chanteur-guitariste, un batteur au look improbable, un morceau très sympa un peu soul, mais au final un passage assez monocorde et sans grande originalité, à mon idée. Mais comme dit le proverbe, ‘les goûts et les couleurs’…! Et d’ailleurs cela va encore plus se vérifier avec le dernier groupe intervenant ce soir.

Car de l’original, nous allons en avoir avec le groupe Polonais Harpcore. Quatre harmonicistes, un guitariste, un bassiste et un batteur, sept musiciens qui vont nous embarquer dans des rythmes incroyables avec un public qui va allègrement battre la mesure et qui va visiblement apprécier cette formation inattendue. Un super moment qui n’a pas rafraîchi l’atmosphère du Bikini où il commence à faire vraiment très chaud, et où les spectateurs se succèdent au bar pour se désaltérer.

On approche de la fin avec les Allemands du Tommy Schneller Band et sa section de cuivres. On commence par un titre très Ray-Charles’ien qui n’est pas sans évoquer le fabuleux ‘Georgia On My Mind’, le solo de sax en plus. On commence très fort outre-Rhin et ça ne va pas s’arrêter là! Tout le set sera sur ce ton! Ca groove, c’est carré, c’est entraînant au possible et ça va plaire au public qui va le faire savoir.

Dernière formation à se produire avant le verdict, les Suédois Matti Norlin & Badge. Et comme je l’indiquais un peu plus avant dans ce report, les goûts de chacun peuvent diverger considérablement. Certains ont adoré, mais personnellement je n’ai pas aimé le côté ‘bûcheron’ et j’ai trouvé la prestation ennuyeuse. Je ne ferai pas plus de commentaires que ça sur ce groupe.

Après une courte pause voici donc venu le temps d’annoncer les lauréats de ce troisième European Blues Challenge, et après que l’ensemble du jury soit monté sur scène pour rejoindre Lightnin’ Guy, ce sont Tom Ruf et Jean Guillermo, respectivement présidents de l’EBU et de France-Blues, qui seront chargés de désigner les vainqueurs. Comme je l’ai déjà mentionné, il y aura deux groupes ex-aequo à la seconde place, Soul Serenade et Chino & The Big Bet, alors que les grands vainqueurs de ce challenge seront les Italiens Veronica Sbergia & Red Wine Serenaders dont la joie démonstrative et communicative va faire extrêmement plaisir à voir.

Un titre des lauréats puis une mini Jam avec les deux autres formations viendront conclure cette belle aventure Toulousaine et Européenne, avant que la fête ne se poursuive au bar entre photographes qui vont se lâcher quelque peu, et dans une salle contiguë où l’on célèbrera tous les bénévoles sans qui, il est nécessaire et important de le rappeler, tous ces évènements ne pourraient avoir lieu.

A l’heure des bilans, on retiendra la très bonne organisation globale de ce challenge (même si un petit couac de logistique ‘transport’ est venu perturber l’arrivée de nos représentants nationaux), les animations autour de l’événement lui-même qui ont amené un très large public, et la vitesse incroyable avec laquelle ont été géré les changements de plateau entre chaque formation sur la scène du Bikini. Du côté ‘moins bien’ il faut souligner l’absence de Pit qui a considérablement gênée les photographes accrédités qui ont eu pas mal de difficultés à se frayer un chemin jusqu’à la scène, le premier rang étant squatté par des spectateurs-photographes-flasheurs-téléphoneurs peu coopératifs et dont quelques-uns étaient même carrément agressifs. Et puis également les lights de La Dynamo et de la seconde journée au Bikini pour le moins compliqués à gérer.

En conclusion, cette troisième édition a été un véritable succès, avec un très large public venu assister aux différents concerts et des rencontres extrêmement plaisantes tout au long de ces quatre jours. Prochaine étape, La Lettonie, Riga, pour l’édition 2014 d’une manifestation particulièrement agréable et conviviale, à qui l’on souhaite une très longue vie.