Spingfield au Pitchtime

Du Bluegrass au Pitchtime avec le groupe Springfield

Reportage : Alain AJ-Blues
Photos : © Alain AJ-Blues
Le Pitchtime, le 1er Octobre 2016

Le Bluegrass, vous connaissez tous cette musique je pense, et donc inutile de vous rafraichir la mémoire. Comment? Que vois-je tout de même là bas au fond de la classe, quelques regards interrogatifs et des doigts levés? Je sais, me direz-vous, toujours deux ou trois mauvais élèves… Mauvais élèves, peut-être, mais pour la bonne cause, vous dirais-je, car finalement ils vont me permettre de vous dire en quelques mots que le Bluegrass est un métissage de musiques traditionnelles américaines et anglo-irlandaises où se côtoient entres autres la country, le folk et le blues. Il est principalement joué en acoustique avec des instruments à cordes, comme la guitare, le banjo, la mandoline, le dobro, la contrebasse ou le violon, et chanté à plusieurs voix.

Souvenez-vous de ce titre instrumental ‘Dueling Banjos’ immortalisé dans la musique du film ‘Délivrance’ sorti en 1972, mais ce n’est qu’un point de repère bien sûr, car le Bluegrass est une musique à part entière, rythmée et festive.

Il est assez rare, et c’est bien dommage, de pouvoir assister à un concert de Bluegrass en France, alors réjouissons-nous, car en ce samedi 1er octobre 2016, nous sommes des privilégiés: Springfield, groupe de référence dans cette discipline, est à l’affiche du Pitchtime à Dourdan.

Le public a répondu présent et les passionnés de cette musique se sont déplacés en nombre, certains ayant même parcouru des dizaines de kilomètres pour ce concert. Le pitchtime fait salle comble, et c’est tant mieux.

Cette soirée est annoncée comme exceptionnelle, et croyez-moi, elle le sera. Elle tiendra toutes ses promesses et même plus, car en première partie nous avons droit à une belle surprise, celle du duo Juno, né d’une rencontre en début d’année entre deux jeunes et talentueuses jeunes femmes, Claire Nivard et Marie Clémence. En août dernier, elles décident de  ‘faire quelque chose ensemble’, et ce soir, pour la première fois, elles jouent devant un public. Quelque peu intimidées, peut-être, mais déterminées à la fois. Leur émotion est palpable, une émotion qu’elles nous feront partager, nous faisant succomber au charme de des deux voix sensuelles en parfaite harmonie.

Elles nous feront voyager au gré de ballades folk intemporelles ‘And am I born to die’, s’inspirant de la version Bela Fleck/ Abigail Washburn, ou encore ‘Everybody wants to go to heaven’, version  Alisson Kraus.

Claire alterne guitare acoustique et Ukulélé, petit instrument à cordes pincées, traditionnel de la musique polynésienne (info pour éviter que d’autres doigts se lèvent) tandis que Marie alterne guitare acoustique et mandoline. Nous sommes bluffés par leurs jeux respectifs sur les sept titres joués durant cette première partie de soirée, dont ‘Alex’ des Punch Brothers, ‘Bottom Dolar’ de Good Harvest et ce denier titre, ‘Working girl blues’, version Cherryholmes d’Hazel Dickens.



Elles seront ovationnées par le public et je suis sûr qu’elles se souviendront longtemps de cette première prestation (nous également!!), car Juno est le début d’une belle aventure musicale et d’un projet à deux promis à un bel avenir.

Je vais profiter de cette petite pause avant la venue de Springfield sur scène pour ouvrir une (petite) parenthèse et vous dire quelques mots sur tous ces jeunes artistes que je rencontre en concerts, dans des disciplines différentes et malheureusement non médiatisées, comme Marie Clémence, par exemple. Cette jeune femme est issue du classique (guitare), depuis toujours dirions-nous, et il y a environ 4 ans elle découvre le Bluegrass. Deux ans plus tard, en été 2014, elle assiste au festival de La Roche et c’est le déclic. Et puis cette soirée au Pitchtime est aussi pour elle un anniversaire, car c’est le 1er octobre 2014, jour pour jour, qu’elle a fait ses premiers pas dans le Bluegrass avant d’intégrer Springfield en janvier dernier. 

Pour atteindre ce niveau, il faut en vouloir. Elle apprend la mandoline en relevant des solos depuis à peine un an, la guitare acoustique, bien différente de celle de ses années de classique, car c’est un autre instrument, une autre technique, et beaucoup plus récemment le chant.

Marie caractérise cette fougue de la jeunesse qui a soif d’apprendre toujours plus avec plein de projets en tête, car elle joue également avec Ruby, un groupe plus roots formé cet été (également un duo!) avec Dorian Ricaux, que nous découvrirons en fin de concert avec Glenn Arzel, deux autres jeunes artistes incontournables du Bluegrass.

Soutenez cette jeune génération, elle est la relève assurée! Découvrez tous ces jeunes musiciens qui donnent toujours le meilleur d’eux-mêmes, apportant cette touche de modernité dans les musiques qu’ils affectionnent. Allez les applaudir dans les salles de proximité et les festivals dignes de ce nom et parlez d’eux à vos amis. Vous l’aurez compris, c’est mon coup de coeur légitime pour la jeunesse et…je ferme la parenthèse.

Formé en 1996, Springfiel est, je le répète, une référence incontournable dans l’univers du Bluegrass avec à leur actif deux albums offrant une majorité de compositions: ‘Opening’ (en 2002) et ‘Cross over’ (2009). Ce dernier avait d’ailleurs été plébiscité par la presse spécialisée et les amateurs de ce style musical.

Formé de quatre musiciens lors de sa création, le groupe joue ce soir en trio, avec deux des piliers de Springfield, des musiciens confirmés et aguerris, Pierre-Jean Lorre à la basse et Philippe Checa à la guitare acoustique, sans oublier bien sûr Marie Clémence à la mandoline, tous les trois assurant également le chant.

Durant plus de deux heures et avec une bonne trentaine de titres partagés en deux sets, le trio nous plongera dans son univers captivant, privilégiant des adaptations de standards, puisant dans les racines intemporelles du Bluegrass pour la plus grande joie et sous les applaudissements de tous les fervents et passionnés de cette musique présents au Pitchtime ce soir.

Avant d’assister à ce concert, ma compagne et moi avions dépoussiéré quelques vieux vinyles en notre possession, Doc & Merle Watson et Gordon Lightfoot par exemple, histoire de nous plonger dans le contexte de la soirée, sans être, et nous l’avouons, de réels connaisseurs. Et puis, découvrir une musique en live prend toujours une autre dimension: vous entendez battre votre coeur plus fort et plus vite, vous sentez vos yeux s’humidifier et les frissons vous parcourir. Comme tout le public, ce soir, nous sommes en état de grâce, car dès les premiers titres, ‘Head over heels’ de Lester Flatt et ‘Rockwell’s gold’ de Randy Kohrs, cette musique nous touche d’emblée au plus profond de nous et prend possession de nous.


Pour ne pas être rébarbatif, je ne vous citerai pas tous les titres joués ce soir (une bonne trentaine!), mais je peux vous assurer que ‘Early morning rain’ de Gordon Lightfoot, ainsi que ‘Old Man’ de Neil Young nous ont donné quelques envies de bouger.

Bien que différentes, les voix de nos trois chanteurs ne font qu’une: ils chantent parfois chacun leur tour mais le plus souvent ensemble, avec ce timbre de voix particulier et indispensable pour chanter du Bluegrass. Les voix sont en parfaite symbiose avec la musique, les rondeurs de la basse, la technique du flatpicking à la guitare et la maîtrise du jeu à la mandoline.

Je ne chercherai pas à faire ici de comparaison avec le Blues, mais simplement un rapprochement au niveau des textes, car ils narrent souvent une même histoire, celle d’un passé emprunt de nostalgie avec ses joies, ses peines et ses errances, les chemins de la vie, partagés entre ombres et lumières à la recherche d’un idéal plus ou moins inaccessible, comme sur ‘Brother wind’ de Darrel Scott ou ‘Mary Ann’ de Jimmy Martin.

C’est l’allégresse au Pitchtime, et les festivités se prolongent avec ces standards: ‘Mountain of the world’ de Blue Highway, ‘Blue is falling’ de Hot Rise, ou encore ‘Holding to the right hand’ du Lonesome River Band,et quelques perles comme ‘Who’ll stop the rain’ de John Fogerty, ‘Locomotive Breath’ de Jethro Tull, ou cette composition ‘Guardian angels’ de Philippe Checa.

Parmi les invités venus partager la scène, Hervé Tuel accompagnera le groupe au banjo, instrument incontournable de cette discipline, et il nous fera partager quelques frissons jouissifs sur quelques titres.

Le marchand de sable est déjà passé pour beaucoup mais ici, au Pitchtime, le public frappe dans ses mains à l’unisson et en redemande. Généreux, le groupe va nous en redonner encore et encore, avec trois titres en rappel. Et place à nouveau à cette talentueuse jeunesse! Glenn Arzel à la mandoline et au chant, et Dorian Ricaux à la guitare viennent retrouver Springfield et Hervé au banjo sur ‘Another day another dollar’, ‘One way track’, rejoints par Claire Nivard au chant sur ce dernier ‘Sawing the Strings’, tel un bouquet final, un feu d’artifice, sous l’ovation d’un public totalement conquis.

Insatiable, le public acclame et réclame, « Encore, encore! ». Pour finir, c’est le trio Pierre-Jean, Marie et Philippe qui nous offre un chant ‘a cappella’ pour clôturer cette soirée véritablement exceptionnelle.

Avec ma compagne, nous sommes sortis une fois de plus des sentiers battus et comme nous avons bien fait. Voilà pourquoi je terminerai ce reportage par cette citation de la romancière Colette : L’heure de la fin des découvertes ne sonne jamais.

Sachez qu’il existe un festival consacré aux musiques country, cajun, zydéco…, c’est le Salamandre Gumbo Festival à Montoire-sur-le-Loir (41), et pour cette édition 2017, du 25 au 28 mai, le groupe Springfield y sera présent.

Vous avez toutes les infos sur le site www.salamandre-gumbo-festival.com

Reportage : Alain AJ-Blues

Photos : © Alain AJ-Blues

Le Pitchtime, le 3 Septembre 2016

Spingfield