Rodolphe Burger, Berbérian et Dupuy, concert dessiné

           Rodolphe Burger, Berberian et Dupuy, concert dessiné

Reportage : Anne-Marie Calendini & Dominique Boulay
Photos : © Jonathan Scott

Le Festival TEMPS D'IMAGES créé par ARTE et la Ferme du Buisson a proposé une affiche musicale inédite, mêlant concert et dessins, lors de sa dernière manifestation en octobre de cette année 2011. Cela se passait le vendredi 14 octobre, à 22h30, au Studio 104, établissement artistique de la ville de Paris, rue d’Aubervilliers, à Paris. Et c’est plus précisément dans la Nef Curial que la magie allait opérer. Côté musique, on a retrouvé le guitariste-chanteur Rodolphe Burger et côté images, les dessinateurs de BD Dupuy & Berberian. Un duo qui connut la consécration en janvier 1999 au Festival de la bande dessinée d'Angoulême en recevant l'Alph'Art du ‘meilleur album de l'année’ pour le quatrième volume de ‘Monsieur Jean’.

Collaboration originale où les modes d'expressions se confondent. Les dessinateurs jouent de leurs crayons et pinceaux pour imager les territoires musicaux de Rodolphe Burger. Le choix des chansons nous replonge dans plus de vingt ans d'une discographie riche et singulière, de ‘Cupid’ avec Kat Onoma en 1988 à ‘Valley Session’ en 2009.
Le dispositif est discret, avec deux tables à dessins situées de chaque côté de la scène. Leurs traces prennent corps et sont projetées sur un écran géant. Le public devient alors le témoin privilégié d'une belle osmose artistique.

Le voyage commence. Rodolphe Burger, seul sur scène et accompagné de sa guitare, pose sa voix chaude sur ‘La chambre’, titre composé avec Kat Onoma sur l'album ‘Far from the pictures’. Puis, rejoint par Julien Perraudeau (basse, clavier), Alberto Malo (batterie) et les dessinateurs Dupuy & Berberian, il entame le puissant ‘Samuel Hall’. S'esquisse alors le dessin d'un homme qui porte des lunettes noires. Les traits s'affinent et le visage d'Alain Bashung apparaît, lui qui interpréta magistralement le texte de cette chanson sur son album Fantaisie Militaire. Une chanson qui sera d’ailleurs le point de départ d'une amitié forte entre les deux artistes.
Suivent les magnifiques ‘Shape on the ground’ et ‘Cheval mouvement’ extraits de l'album éponyme sorti en 1993. Première escapade en solo pour Rodolphe Burger.

Eric Truffaz rejoint le trio de musiciens sur le titre ‘Love will tear us apart’ de Joy Division avant de poser les notes incarnées de sa trompette sur le langoureux ‘Lady of guadalupe’. Le public voit, au fil des mots qui sonnent comme une prière, se matérialiser ‘Notre dame de Guadalupe’ sur les planches à dessins, jusqu'à occuper tout l'espace de l'écran dans une posture divine et protectrice.
Suit le titre ‘Que sera votre vie?’ extrait du dernier album studio de Kat Onoma sorti en 2001. Les tables à dessins s'embrasent littéralement pour illustrer la nerveuse reprise de ‘Play with fire’ des Rolling Stones. Puis le rythme martial de la batterie d'Alberto Malo marque une rupture et annonce l'univers carcéral et froid de la chanson ‘Marie’, enregistrée en duo avec Jeff Blood Ulmer sur l'album ‘Guitar-Music’ en 2003.

Prenons de la hauteur avec ‘Un nid?’ extrait de ‘No Sport’. Rodolphe Burger parle et chante un texte énigmatique sur un beat electro: ‘On a entrelacé des branches pour installer un nid en haut d'un très grand arbre, assez grand pour y lover un homme/c'est bizarre/Un nid pour quoi faire, c'est bizarre.’ Des arbres noirs et blancs se dressent et s'entremêlent, laissant l'imaginaire agir. Rodolphe Burger tape sur un clavier et le public entend une voix à l'accent alsacien qui répète en boucle ‘C'est dans la vallée, vous savez les gens avaient la vie dure mais quand il s'agissait de s'amuser…’ Une intro parlée qui précède la très nerveuse et rock'n'rollienne reprise de ‘Moonshiner’ de Bob Dylan. L'énergie contagieuse de Rodolphe Burger et de ses musiciens gagne les dessinateurs qui dansent en crayonnant. Celle-ci ne faiblit pas sur le titre suivant où la voix du poète américain Jack Spicer, qui inspira l'excellent album ‘Billy the kid’ de Kat Onoma, répète inlassablement ‘Billy the kid I love you’.

Les musiciens s'avancent et saluent la salle puis se retirent sous des applaudissements nourris. Quelques minutes d'attente et tout le monde réapparaît pour deux titres supplémentaires à la veine métallique: l’incontournable reprise Burgienne du ‘Radioactivity’ de Kraftwerk et ‘High- Tech’ de l'électronique ‘Méteor Show’ où la guitare impose ses riffs acides, de quoi se désintégrer sur place…!
Les deux dessinateurs délaissent alors leur table pour gagner le centre de la scène, devenant eux aussi musiciens, Dupuy au banjo électrique et Berberian à la guitare acoustique, complétant avec Rodolphe Burger un trio de cordes inédit qui jouera l’ultime titre de la soirée, Ashbox, aux côtés d’Eric Truffaz et de sa trompette magique. Le public écoute, attentif, les dernières notes de cette soirée, heureux d'avoir parcouru en images le répertoire d'un guitariste-chanteur dont l'univers musical parvient à suspendre le temps, rendant possible tous les voyages de l'âme et de l'esprit.

 

Rodolophe Burger