Philip Sayce au Réservoir le mercredi 26 mai 2010

                  Philip Sayce au Réservoir : un canadien à Paris

Reportage : Dominique Boulay & Frankie Bluesy Pfeiffer
Le Réservoir, Paris, le 26 mai 2010
Photos : © Frankie Bluesy Pfeiffer

Il était une fois un canadien à Paris…Tout aurait pu commencer ainsi, si ce n’est que mes doigts tremblent encore après le séisme sonore et visuel qu’a été le premier passage français de ‘Monsieur’ Philip Sayce, sous son propre nom, au Réservoir, à Paris, 16 rue de la Forge Royale. Le garçon avait déjà eu l’occasion de jouer à Paris, à l’Olympia, lorsqu’il était guitariste de Jeff Healey, avant que celui-ci n’aille rejoindre Janis Joplin, Jim Morrison, Jimi Hendrix et bien d’autres.
Je pense, entre parenthèses, que s’il subsiste quelques forgerons ou maréchaux-ferrant dans le coin de la rue de la Forge Royale, ceux-ci ont dû penser, au fond de leurs ateliers, qu’une nouvelle Révolution venait les priver de leur labeur! Seuls quelques rares piétons traînaient encore dans la charmante ruelle en question aux alentours de vingt heures et c’est à 20h30 que les musiciens sont descendus du petit escalier en colimaçon qui relie la loge des artistes à la scène, pour passer devant le bar et monter sur scène.

Les musiciens, au nombre de trois, prennent possession de leurs instruments: basse pour Joël Gottschalk, baguettes pour le batteur Ryan Macmillan et guitare pour Philip Sayce. Il s’agit bien de la paire rythmique qui a enregistré le dernier opus en compagnie du garçon, ‘Innerevolution’ (chez Provogue) et qui sera durant tout le concert une mécanique parfaitement huilée, sans le moindre accroc quel que soit le régime moteur imposé par Philip Sayce. Un régime que le garçon n’hésite pas à faire monter au max, jusqu’à faire rugir sa guitare de manière quasi indécente. Rappelons que l’instrument du guitariste a été blanc, il y a très longtemps, mais l’affectif restant un mystère, Philip conserve sa six cordes en l’état. Parions que celui-ci deviendra, un jour, une guitare Collector. Une seconde, neuve, repose sur son chevalet, et avec donc un aspect bien moins destroy que celle qu’il affectionne particulièrement.
Le jeune gallois ayant passé sa jeunesse à Toronto, il parle un petit peu le français et a tout d’abord remercié les spectateurs de s’être déplacés pour venir le voir et l’écouter. Nous ne savions pas encore que c’est nous qui allions le remercier chaleureusement du cataclysme sonore sous lequel il allait nous pétrifier quelques instants plus tard…

Une fois la machine lancée, elle monte en régime, s’emballe et plus rien ne pourra l’arrêter. Il se murmurait qu’ils joueraient une heure trente environ, et finalement le concert a passé le cap de la centaine de minutes, flirtant avec les deux heures de show. Un show durant lequel le trio a aligné des morceaux des deux galettes publiées en Europe par Provogue, ‘Peace Machine’ en 2005 et donc ‘Innerevolution’ en 2010.
Une recommandation que nous vous faisons: procurez-vous ‘The Philip Sayce Group’, sorti en 1997 et que vous trouverez uniquement au Canada, et le fameux ‘Silver Wheel Of Stars’ paru uniquement en édition japonaise. Disons également tout net qu’il faut oser intituler son premier album ‘Peace Machine’ alors que le show s’apparente davantage au ‘Machine Gun’ du Band of Gypsys de 1970, et que le second est de la même veine.

Ce 26 mai au soir, nous avons tous été abasourdis, estomaqués, captivés par le magnifique déluge de décibels qui dévalait des enceintes. Une vélocité redoutable, une voix posée comme il faut, beaucoup de sensibilité et de finesse qui confèrent aux soli et au jeu de guitare ultra rapide une originalité certaine, sont les atouts indiscutables de Philip Sayce. Rappelons que non seulement il a accompagné Jeff Healey, mais qu’il s’est aussi compromis avec les Allman Brother Band, B.B King, et qu’il a accompagné Mélissa Etheridge pendant quelques temps, ce qui, toutes choses confondues, permet l’acquisition d’expériences indéniables!

Aux amateurs de ce virtuose de la six cordes avec lesquels nous discutions des différents titres joués ce 26 mai, je peux confirmer, pour avoir récupéré la set list, qu’ils ont joué ‘One Foot in the Grave’, ‘Powerful’, ‘Powerful Thing’, ‘Over my Head’, ‘Alchemy’ et ‘Slipaway’, de leur premier album, mais aussi ‘Bitter Monday’, ‘Changes’ et ‘Scars’, du second, avant, en rappel, cette fabuleuse reprise de Neil Young, ‘Cinnamon Girl’, qui succède à ce superbe morceau de Freddie King, ‘As The Years Go Passing By’ version Albert King de 1967, qu’il dédia à son ami Jeff Healey auquel il rendit un hommage intense, la voix cassée par l’émotion.

Des soirées et des concerts comme cela, on ne s’en lassera JAMAIS. Un talent incommensurable et une gentillesse de la même taille, cela vous requinque pour vingt ans minimum. Si le recul de l’âge de la retraite est à l’ordre du jour, alors qu’ils fassent rembourser les galettes du garçon par la Sécurité sociale, c’est encore le meilleur moyen de rester jeune et frais plus longtemps!

Dominique Boulay
Paris-Move & Blues Magazine

PS : Habitant à Los Angeles près de son ami Joe Bonamassa, j’imagine que les deux garçons doivent s’en conter de fort belles, guitares à la main, lorsqu’ils se retrouvent autour d’une bière.