MOTOCULTOR FESTIVAL
15-18 août 2024, Carhaix-Plouguer (Finistère) – 15ème édition
54 000 spectateurs
Texte et Photos: Jean-Christophe Baugé (BLUES MAGAZINE/ JAZZ NEWS/ LEGACY (DE)/ MYROCK/ PARIS-MOVE/ ROCK & FOLK)
Enraciné dans cet étrange territoire sans autoroute qu’est la Bretagne, le Motocultor, quinzième du nom, égale son record d’affluence de 2023: 54.000 festivaliers pour 110 groupes. L’organisation, heureuse de s’amender, traduit enfin les aspirations de la majorité avec, notamment, deux Mainstages contiguës à la vue imprenable depuis la plate-forme VIP.
JEUDI…
Bouleversé par l’empreinte carbone que laisse son groupe DEWOLFF en cette mi-août (11 heures de route, depuis les Pays-Bas, pour 45 minutes de show), Pablo, benjamin de la fratrie augmentée Van de Poel, ponctue dans la majesté ses cascades guitaristiques du “Soul Sacrifice” de Santana. Révélé aux Trans Musicales de Rennes en 2019, MOUNDRAG, duo hors du commun et du temps, remet pattes d’éléphant et rouflaquettes au goût du jour avec “Changes”, dédié aux peuples opprimés… non désignés. ANGE, en remplacement de Magma dont le batteur Christian Vander vient de se fracturer le coude, offre au public chenu un denier tour de carrousel classic rock, Décamps père et fils transformant les états d’âme de leurs héros de fiction en mélodies obsédantes. On pourrait penser que de l’eau boueuse a coulé sous les ponts qui s’effritent depuis la vraie-fausse tournée d’adieux de 1995, mais “Quitter La Meute”, que Hassan Hajdi colore à la whammy, augure d’un excellent prochain album, celui que nous appelions de nos vœux les plus ardents.
VENDREDI…
Après 35 ans de carrière dans l’underground le plus miteux, INHUMATE amorce son grand raout d’adieux auprès du lumpenprolétariat. Comment ne pas demeurer interdit à la vue de Christophe Knecht, un pied dans le grind, l’autre dans le death, qui dispense des tutoriels sur le vivre ensemble (“Vous entendez du bruit, vous bougez. Vous n’entendez plus de bruit, vous attendez”), se scarifie le front avec son micro, et s’offre en victime expiatoire aux belligérants de son propre wall of death? L’acmé de la bordélisation. La combinaison “seconde peau” dans laquelle s’est glissée Tatiana Shmayluk (Jinjer) au Motocultor 2018 n’a pas laissé que des traces dans le slip des photographes du premier rang: Elena Cataraga, chanteuse dreadlockée des nu-métalleux moldaves d’INFECTED RAIN, ne jure désormais que par le collant en lycra intégral. Pleurera-t-elle encore (de joie) sur commande lors de la tournée Motocultor Across Europe de janvier 2025 avec Semblant, Elyose, Skin On Flesh et Miruthan? Le festival, qui a entériné le privilège rouge, aime à tendre le micro aux islamo-gauchistes à pulsion totalitaire comme s’ils étaient l’oracle de Delphes: BAMBIE THUG, personnalité au minimum trouble qui a milité pour l’exclusion d’Israël au concours Eurovision 2024, file ainsi sa doxa impérieuse, drapée dans les couleurs palestiniennes. Que le faux Death (LEFT TO DIE) ou le vrai KK’S PRIEST liquide les vieux clivages importe peu aux fans, partis en nombre se restaurer… ou se challenger à Guitar Hero dans le carré VIP! Avec cet humour pince-sans-rire qu’on connait surtout à Ian Anderson, de Jethro Tull, Mikael Åkerfeldt présente OPETH comme un groupe jouant du rock pour payer les factures. Une gageure lorsqu’il reprend en une seconde et deux accords le “You Suffer” de Napalm Death. En after, SKYND, port de tête altier et démarche de poule pondeuse, souffle le chaud (“Tyler Hadley”) et beaucoup de froid (“Violets Are Blue”) dans ses revisites des crimes sanglants de notre temps.
SAMEDI…
“A tous les boloss avec les T-shirts FAF (NDLR: acronyme de France Aux Français), cassez-vous”: sous l’œil enamouré de ses patrons du label Frozen Records, Dominique Lucas, demi-lettré fanatisé de SORCERER, prêche urbi et orbi l’évangile selon Saint Jean-Luc. On retrouve le même entrisme à visée d’endoctrinement sous le stand des associations Nous Toutes 29 et Poulettes L’Assaut, dames patronnesses qui, à défaut de faire leur examen de conscience (erreur 404 dans l’affaire Lola), jouent au chamboule-tout avec des boîtes à l’effigie de coupables… d’être accusés de violences sexistes et sexuelles (Till Lindemann et al.)! Les cinquante minutes de chorégraphie léchée des quatre idoles japonaises de BROKEN BY THE SCREAM suffiront-elles à trancher dans le running order: JINJER, ambassadeur officiel du “fuck the war” sur la Dave Mustage, ou BERNARD MINET, batteur “nostalgeek” des Musclés sur la Bruce Dickinscène? Enchantés par les merguez gonflables (“Merguez Partie”) tels les enfants d’Hamelin par le flûtiste revanchard, nous rejoignons la “Fête Au Village”, forcément régressive, avec la section rythmique d’Ultra Vomit, et rendons un dernier hommage à Claude “Framboisier” Chamboissier puis René Morizur, garanti “100% de Brest”. Yusaf “Vicotnik” Parvez (DØDHEIMSGARD), enhardi par les vapeurs d’encens, échappe de peu à l’accident en hauteur des structures supportrices de sa scène, démontrant qu’il est encore béni des dieux du black metal norvégien. ARCHITECTS, tête d’affiche à la force de frappe insoupçonnée, rejoue le théâtre d’ombres devant deux murs d’écrans LED ayant considérablement restreint l’espace vital des groupes de première partie… et une marée humaine de loin la plus dense des quatre jours.
DIMANCHE…
Miracle ou mirage ? HIRAX et EXUMER, qui ont infusé le monde du thrash avec deux marqueurs de décivilisation, Raging Violence (1985) et Possessed By Fire (1986), rappellent les états de sévices de Katon De Pena, lanceur de regards exorbités, et Mehmet “Mem Von Stein” Zendut, champion de sauts carpés, aux cinquantenaires oublieux. TERRORIZER, source d’inspiration pour le magazine anglais du même nom en 1993, ressort les cadavres en plastique du placard, ainsi que le cultissime World Downfall de 1989, premier album de grindcore correctement produit (par Scott Burns). Pete Sandoval, 61 ans, démissionnaire de Morbid Angel en 2013, est toujours alerte à la double pédale. ROTTING CHRIST, qui a échangé de créneau avec GORGOROTH, joue son premier Motocultor sans poursuite, tirant profit du crépuscule pour nimber le conclusif “Grandis Spiritus Diavolos” d’un voile encore plus hypnotique. Enfin, AVANTASIA, projet collaboratif opéra metal lancé en marge d’Edguy par Tobias Sammet en 1989, replace le son et la lumière au centre des débats. Le maître de cérémonie, cool au sens d’élégant sous la pression, tête d’affiche oblige, tient la dragée haute à des invités de la trempe de Geoff Tate (ex-Queensrÿche) et Adrienne Cowan (Seven Spires), références en matière de voix claires.
Les premiers noms annoncés pour le Motocultor 2025, Machine Head, Dimmu Borgir, Blind Guardian, Landmvrks…, témoignent de l’ambition d’un festival qui fait désormais jeu égal avec ses partenaires de l’UFF, United Festival Force: l’Alcatraz en Belgique, le Bloodstock Open Air en Angleterre, le Brutal Assault en République tchèque, le Dynamo Metalfest aux Pays-Bas, le Leyendas Del Rock en Espagne et le Summer Breeze en Allemagne. Gare cependant: la réduction ad hitlerum, d’une imbécilité crasse, d’une partie du public, n’est plus une passade qui n’engage pas l’organisation.
Texte et Photos: Jean-Christophe Baugé (BLUES MAGAZINE/ JAZZ NEWS/ LEGACY (DE)/ MYROCK/ PARIS-MOVE/ ROCK & FOLK)