Mister John et le Comité Central du Blues au Pitchtime

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Reportage : Alain AJ-Blues
Photos : © Alain AJ-Blues
Le Pitchtime, le 8 juillet 2017
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“Lorsque l’on ne vous a pas transmis tous les secrets du peuple du Blues et que par malchance votre accent américain est juste bon à tenir le rôle du français simplet dans une mauvaise comédie de Broadway…, votre avenir dans le Blues est sûrement compromis. Mais quand, en plus, vous n’êtes né ni à Chicago, ni à Austin, ni à New York, ni dans un bled pourri et rural dans un état encore ségrégationniste…, alors, il est vraiment dur de chanter le Blues.
Mais…, par un hasard heureux et salvateur, vous vous appelez Mister John. Et ça… ça fait incontestablement Blues. En plus, si votre gueule en dit long sur vos idées et vos chemins, et si votre voix parle alcools durs, tabacs forts et nuits blanches…, alors ça… ça fait super Blues blanc. Il reste alors l’imaginaire, les références, un certain état d’esprit et… le Groove. La puissance du Blues est planétaire. Respect pour ses racines de souffrances. Il exprime les joies et les peines (air connu) sous toutes les latitudes.”, dixit Mister John.

Alors laissons-nous aller, laissons-nous emporter par le rêve, car avec lui tout est possible. Pour vivre un Blues authentique proche des racines de cette musique, nous pourrions donner libre cours à notre imagination et nous laisser guider des banlieues de Chicago aux champs de coton sur les rives du Mississippi, en passant par les bayous de la Louisiane. Mais parfois la réalité dépasse de loin le rêve, comme ce sera le cas pour nous en ce soir du 8 juillet 2017. Non, vous ne rêvez pas, nous sommes bien éveillés, nous allons vivre l’authenticité du Blues dans la moiteur du bayou et d’un vrai “juke joint”, celui du Pitchtime à Dourdan. Le Blues de Mister John & le Comité du Blues, affranchi et francophone, cette musique dite du diable qu’il prêche depuis bientôt une quinzaine d’années.

Profitons de l’occasion pour remercier une fois de plus Alain Sabbatier, le Boss du Pitch, pour sa programmation toujours belle et variée. Pour nous, ce concert, c’est du sur-mesure, c’est de la haute couture Blues, c’est notre ‘Fashion Day’, et quel bonheur, car c’est du Blues chanté en français. J’adore le Blues sous toutes ses formes, mais avec, je l’avoue, un faible pour ce Blues chanté en français, car la langue de Molière me parle tout particulièrement et m’émeut. Je défends cette discipline et je vous invite, si vous le souhaitez, à découvrir cette page sur Facebook, la bien nommée “Le Blues chanté en français”.

Durant deux sets et environ deux heures, je pense (car depuis déjà quelques bonnes années mon insouciance me fait vivre sans montre), par le biais des compositions de Mister John nous allons vivre intensément son Blues. Orfèvre de la langue française, Mister John sculpte les mots et façonne le verbe.
Si riche est la rime que parfois elle s’en fiche, elle s’encanaille avec un air coquin, sans se prendre au sérieux pour parler de loose, de sexe et des ratés de la vie. Entre vécu et imaginaire, le Blues de Mister John est tout à la fois grave et léger, futile et poétique, élégant et populaire, trivial et élitiste.

Durant cette soirée, quasiment toutes les compositions de l’album “L’orage” (2015) seront jouées. J’insiste sur cet opus, car il fait partie des incontournables du Blues! Vous savez, ceux que l’on ne range jamais, toujours en bonne place en haut de la pile, au plus près de la platine. Il est impératif de vous le procurer, sinon vous passeriez à côté de l’excellence, et croyez moi, ce serait bien dommage.
Pour vous procurer ce très bel album, contactez Mister John par sa page Facebook, ICI
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Mister John et le comité Central du Blues, c’est une découverte pour nous, et quelle découverte! Mister John, c’est bien sûr son jeu de guitare, mais c’est également cette voix quelque peu nonchalante, chaude, grave et émotionnelle, aux intonations chargées d’une certaine mélancolie. C’est la voix du Blues, qui colle aux textes pour mieux les épouser et nous les faire vivre.

A la guitare électrique, l’excellent Fabrice Alombert qui, ce soir, étrenne une magnifique Strat de marque Rebel Relic du luthier Luke Whitfield, hollandais émigré aux States. Cette dernière attirera notre curiosité avant concert, avec ce super design aux couleurs vintage, avec corps en frêne, manche érable et touche palissandre. Plus étonnés encore nous serons par ce ténor de la six cordes qu’est Fabrice, grâce à son jeu fluide et incisif. Bonjour les riffs, et bonjour les frissons.
La découverte des guitaristes de blues nous offre souvent de très belles surprises, et celle-ci en est une, et de taille, il faut le dire.

Autre forte présence sur scène, celle de Philippe Dandelot, extériorisant ses démons intérieurs pour mieux nous ensorceler de son talent à l’harmonica et de sa voix sur quelques titres.

La rythmique n’est pas en reste, bien au contraire. Galanterie oblige, laissons place au sourire et à la dextérité de Catherine Lambert à la batterie. Notre ‘Miss Cathy’ fait partie de ces femmes musiciennes, malheureusement trop peu présentes dans les groupes de l’hexagone. Si besoin encore était, elle nous prouvera ce soir que son talent n’a absolument rien à envier à celui de la gente masculine. Que voulez-vous, nous aimons les femmes du Blues, nous les affectionnons, c’est notre droit, et il est légitime.

Lorsque les doigts courent sur son instrument, c’est en maître et tout en souplesse que Benoît Grisoni nous fait claquer ses rondeurs de basse.

Parmi une bonne vingtaine de compositions jouées durant les deux sets, encore une fois je ne les citerai pas dans l’ordre établi, commençons par celle de l’album déjà cité, “L’Orage”.
Nous faisons nos premiers pas dans l’univers du groupe avec ce titre approprié, “Mes chaussures rouges”. C’est vrai qu’elles en jettent. Mate un peu mes chaussures rouges, j’préfère quand ça bouge. Le dimanche, pour la messe, elles sont blanches comme l’allégresse, et puis le noir, dans le business, ça apprivoise les coups de stress.
Quelques riffs de gratte bien balancés n’y feront rien sur ce titre, “L’insomnie”. Mon lit est un enfer, je n’ai plus rien à faire. J’éteins l’interrupteur, je ferme les yeux à contre coeur, oh putain d’insomnie et toujours pas endormi.

Alors après l’insomnie, il ne faut pas s’étonner d’un matin difficile, et j’en ai pour preuve ce titre, “Café noir”. Au fond du Blues, le café noir, noir profond dans le brouillard, après le noir c’est le hasard. Le café noir dans cette histoire, c’est quelques pages de série noire.
Enorme ! Un blues profond et envoûtant, du genre celui qui vous met les poils des avant-bras au garde à vous.

Laissons faire les caprices du temps avec ce titre, “L’orage”. Les soirs de grand orage, pas de retard à l’allumage, les écarts de langage affolent le voisinage, no rain in my bed, il pleut bergère, viens donc dans ma chaumière.
Quand jalousie rime avec poésie, rien de tel que “Sans toi je suis groggy” pour se délecter de rêveries et nostalgies.
Et comment ne pas craquer sur ce Blues lent “J’comprends pas”, tant forte est l’émotion dans laquelle compatissent guitare et harmo en pleurs. Quand tu changes de ton c’est regrettable, tu n’est pas toujours aimable. J’deviens grossier, c’est pas fameux. Je fume au lit, c’est ennuyeux. Je rentre tard le soir avec l’humeur d’un vieux mammouth. T’es toujours sur mon dos, tu ne me lâches pas, j’comprends pas, j’comprends vraiment pas pourquoi.

Nous allons quelque peu reprendre nos esprits avec ce swinguant “Black Boogie” avec harmo et guitare en fête. Nous entendrons sur cette photo usée, noir et blanc, et déchirée, un bluesman bizarre jouer de la guitare, nous entendrons les plaintes et les courages et tout le blues et l’alléluia des grandes plaines et du delta. This is the white story of the black boogie.
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J’ai encore à vous conter une histoire avec le Blues et les guitares, et où celle de Fabrice Alombert se la joue démoniaque sur ce titre “Le diable est noctamblues”, avec Philippe Dandelot au chant, regard perçant derrière ses lunette noires. Hypnotisés par ses cordes vocales nous serons. Ce diable est poétique, érotique et fantastique. Son habit feu les soirs de Blues vire au bleu, c’est merveilleux. Le soir de lune rousse, le diable est noctamblues.

Nous reprendrons tous en choeur “Denim”, tissu bleuté, bien ajusté, faisant ressortir quelques formes et rondeurs affriolantes et suggestives sur ce titre “Victime de ton Blue Jean”. Je t’imagine, c’est un peu frime ce petit Jean, Denim. Postures coquines, c’est pas un crime d’être une victime, pas de déprime, t’es l’héroïne, Denim. Je suis victime de ton Blue Jean, Denim.
Nous aurons droit à une reprise, une seule durant ce concert. Souvenez-vous de ce titre, “Ode to Billie Joe” de 1967, créé et interprété par la chanteuse américaine Bobbie Gentry, dont la version française, “Marie-Jeanne”, chantée par Joe Dassin, est connue de vous tous. Mister John et le CCB nous en feront une superbe version bluesy.

Une dizaine de compositions récentes seront également à l’honneur durant cette soirée, et trois seront chantées par Philippe, “Tais-toi”, “Les pieds dans le tapis” et “Fais ton sac, Jack”.
Je vous en offre également quelques autres: “Bourgeoises Blues”, “J’me barre de Paris”, “Coup de Blues dans l’faub”, qui évoquent toutes, de près ou de loin, les quartiers de notre capitale.
Ce sont sûrement les prémices d’un nouvel album, et espérons de tout coeur que ce projet se concrétise. Une galette qui pourrait se nommer “Blues à Paris”.

Sous les applaudissements nourris d’un public conquis, nous clôturons cette superbe soirée avec ce dernier titre en rappel, “L’infirmière”.
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Pour nous cette soirée fut exceptionnelle, car Mister John et le CCB, comme tous les autres artistes et groupes qui osent encore chanter le Blues en français, ne font jamais dans la facilité. Quasiment tous, par le biais de leurs compositions, nous dévoilent leur propre identité. Et j’ai envie de dire que la langue de Molière sied parfaitement au Blues, loin de la marginalité.

Ces artistes chantant en français devraient être bien plus nombreux, comme bien plus nombreux aurait du être le public ce soir, car pour ce concert la salle du Pitchtime aurait méritée d’être pleine à craquer, ce qui ne fut pas le cas, hélas. Et il faut saluer encore et encore ces artistes qui donnent le maximum d’eux-mêmes alors que la salle est loin d’être remplie, dans un souci de respect pour ceux qui sont présents.
Alors, au nom de toute la rédaction de PARIS-MOVE, je vais encore piquer un coup de gueule. Braves gens, bougez-vous, sortez de votre léthargie chronique, fréquentez toutes ces petites salles de concerts au lieu de dire qu’il ne se passe rien près de chez vous, débranchez la télé et allez découvrir et applaudir les groupes en live. Et très souvent pour un prix d’entrée plus que raisonnable en comparaison aux prix parfois délirants payés pour un ticket dans une grande salle parisienne et où vous n’avez aucune proximité avec les artistes. Cette culture musicale de proximité fait partie de notre patrimoine, alors soutenez-la, n’attendez pas qu’elle devienne “espèce” en voie de disparition, sinon il ne vous restera plus que les yeux pour pleurer.
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Suivez l’actualité et les dates de concerts de Mister John et le CBB, et n’oubliez surtout pas de vous procurer l’album, car il y a de l’Orage blues dans l’air ambiant.
Page Facebook officielle: ICI

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Reportage : Alain AJ-Blues
Photos : © Alain AJ-Blues
Le Pitchtime, le 8 juillet 2017