LOKERSE FEESTEN 2024

LOKERSE FEESTEN 2024

Lokerse Feesten, 6 août 2024
Grote Kaai, Locres/ Lokeren, Belgique
48ème édition
15 000 spectateurs
Affiche de la scène principale: Wargasm/ Nova Twins/ Frank Carter & The Rattlesnakes/ The Dillinger Escape Plan/ Korn

Texte et Photos: Jean-Christophe Baugé (BLUES MAGAZINEJAZZ NEWSLEGACY (DE)MYROCKPARIS-MOVEROCK & FOLK)

Pour sa 48ème édition, le festival flamand Lokerse Feesten, secret le mieux gardé des frontaliers des Hauts-de-France, a misé sur une journée nu metal avec la reformation-surprise de The Dillinger Escape Plan et les “patrons” de Korn. Une fois n’est pas coutume, l’Histoire s’est écrite sur la petite scène du Club Studio Brussel, où trois Mexicaines tout juste sorties de l’adolescence ont cloué le bec aux plus blasés des critiques rock…

WARGASM, du nom de la chanson de L7, est né de la rencontre du fils du bassiste des Sex Pistols Sam Matlock, chanteur/ guitariste de Dead! de 2012 à 2018, et Rachel “Milky Way” Hastings, sa photographe jusqu’au split du groupe, reconvertie mannequin à Tokyo. Plutôt que de lutter pied à pied, les deux multi-instrumentistes abandonnés à leur fonction (Way n’a pas fait l’économie d’un mamelon à l’air aux Heavy Music Awards de 2020) s’irradient mutuellement dans un attachement fécond au nu metal le plus synthétique. La menace sonore du premier album Venom, qui avalise toutes les audaces inaugurales, est protéiforme: digital hardcore (“Venom”), pop décadente (“Modern Love”), synthpunk (“S.A.D.”). Le duo n’est pas encore autonomisé dans ses racines musicales (“Death Rattle” et sa ligne de basse du “Army Of Me” de Björk, créditée, “Feral” et son riff contrefait du “Be All, End All” d’Anthrax)? Il a suffisamment de substance propre pour convaincre Fred Durst (Limp Bizkit, pour qui il a ouvert en 2022) de poser sa voix sur le sursaturé, façon Nova Twins, “Bang Ya Head”. Et si Venom, nommé aux Heavy Music Awards de 2024 dans la catégorie Best Breakthrough Album, a failli, il n’est pas le seul horizon: l’onction médiatique peut aussi venir des singles isolés, en nette inflation.

Alors que la scène culturelle londonienne, hors jazz, provoque depuis trop longtemps des crises d’hilarité, NOVA TWINS – Amy Love (chant, guitare) et Georgia South (basse), ni sœurs ni jumelles, plus un batteur dans la soumission – définissent les contours d’un cyberpunk urbain tout en pédales et sans synthé. Triangulées par le flow de Princess Nokia, le son de Rage Against The Machine (metal avec whammy), et l’attitude de N.E.R.D. starring Pharrell Williams (rap analogique), les 30 minutes de Who Are The Girls suffisent à la nouvelle génération qui, en quête de sensations éphémères, zappe très vite. Chaque coup d’harmoniseur Boss, sparadrapé pour que les photographes de concert n’éventent pas le secret de fabrique-à-son, fait mouche à la guitare (“Vortex”) comme à la basse (“Athena”). Mais les tournées de 2017 et 2019 avec les Prophets Of Rage, qui portent sérieusement à gauche, ont laissé d’autres stigmates. La capilotade féministe “Bullet” (“I talk about my dick coz my brain is fucking slow”), qu’on ne pensait que clientéliste, verse dans l’ire haineuse du mâle blanc sur “Taxi”, clippé avec de surprenants moyens hollywoodiens… On retrouve le titre en pole position de la compilation Voices For The Unheard (financée par Dr. Martens, pour le “name and shame”) dont les bénéfices sont reversés à l’association alter-identitaire The Black Curriculum, prestataire de révisionnisme historique en milieu scolaire. Qu’ont bien pu penser nos Nova Twins ethnocentrées des faces de craie du Hellfest 2019 qui les ont programmées sur la Mainstage1 alors qu’elles n’avaient sorti que deux misérables EP?

Mourir? Plutôt crever! Premier effort solo de FRANK CARTER le tatoué, Blossom est une offensive qui vient de loin. Démissionnaire des hardcoreux de Gallows après quatre albums, il fonde Pure Love en 2011 avec le guitariste Jim Carroll. Mais sa power pop à fort effet émollient déçoit plus qu’à son tour. Re-polarisé grunge/ punk, notre sociologue en chambre s’époumone, en pleine projection narcissique (“Devil Inside Me”) et excrétion haineuse (“I Hate You”), sur le souffle épique des têtes à lampes de son guitariste et webmaster Dean Richardson, rattlesnake en chef (Thomas Mitchener, basse, et Memby Jago, batterie, n’ont pas vocation à faire de vieux os parmi les serpents à sonnette). “Beautiful Death” témoigne d’un fond de sensibilité triste que Frank n’arrive pas à étouffer: “I care about you more now than I ever did before”, chuchote-t-il à l’oreille de ceux qui ont déjà mis un proche en bière. Bleak is beautiful! Mais plus que son corpus de textes, c’est le bain culturel commun que prend Frank, en live, avec ses fans, qui fera date. La photo de son crowd-surfing sur crowd-surfer au Download festival français de 2018 est la mise en abîme rock ultime… D’autant qu’elle est expurgée de son insupportable harangue au “wokabulaire” inclusif.

Si les sœurs Villareal – Daniela (guitare, chant), Alejandra (basse) et Paulina (batterie) – de Monterrey, Mexique, sont de la génération du jeu vidéo Rock Band, elles sont aussi de celle de YouTube. Les premiers émois musicaux de THE WARNING, disciplinés par des parents investis, sont donc richement documentés. La repise d’”Enter Sandman” de Metallica, virale et saluée par Kirk Hammet en 2015, a même valu au trio de figurer en pole position du quadruple CD hommage The Metallica Blacklist sept ans plus tard. Après trois albums composés au gré d’humeurs adolescentes (émo, même, sur le conceptuel Queen Of The Murder Scene en 2018), Keep Me Fed monte de plusieurs crans en termes de production et de… tranchant. Sans trahir son public (“Qué Más Quieres”, en espagnol dans le texte: que veux-tu de plus?). Cette power pop, saupoudrée de soli de guitare à l’octaver dont Muse a cédé les droits, se consomme désormais sous-accordée, dans un esprit rock parfaitement résumé par la formule “Give me violence, kill the silence, till it makes me feel sick” du second single “S!ck”, première grenade dégoupillée sans sommation à la face des festivaliers “2025” de Clisson.

Setlist KORN

  1. Rotting In Vain (The Serenity Of Suffering, 2016)
  2. Here To Stay (Untouchables, 2002)
  3. A.D.I.D.A.S. (Life Is Peachy, 1996)
  4. Clown (Korn, 1994)
  5. Start The Healing (Requiem, 2022)
  6. Good God (Life Is Peachy, 1996)
  7. Drum solo
  8. Blind (Korn, 1994)
  9. Got The Life (Follow The Leader, 1998)
  10. Falling Away From Me (Issues, 1999)
  11. Coming Undone (See You On The Other Side, 2005)
  12. Drum & Bass Battle
  13. Somebody Someone (Issues, 1999)
  14. Y’All Want A Single (Take A Look In The Mirror, 2003)

Rappel :

  1. Shoots And Ladders (Korn, 1994)
  2. Twist (Life Is Peachy, 1996)
  3. Divine (Korn, 1994)
  4. Freak On A Leash (Follow The Leader, 1998)

Line up KORN
Jonathan Davis: chant
Brian “Head” Welch: guitare
James “Munky” Shaffer: guitare
Reginald “Fieldy” Arvizu: basse
Ray Luzier: batterie

Texte et Photos: Jean-Christophe Baugé (BLUES MAGAZINEJAZZ NEWSLEGACY (DE)MYROCKPARIS-MOVEROCK & FOLK)