Le Buis Blues Festival 2010 : le sacre du blues au cœur de l’hexagone
Reportage et photos : Virgin B.
La réputation des festivals de blues en province, ceux de Cahors, de Cognac ou de Lax, pour n’en citer que quelques uns, n’est plus à faire, mais celle du Buis est en passe de les égaler et ce, sans grand renfort de publicité. Sachez le, Le Buis n’a rien à envier à ses frères de sang bleu, de sans blues.
Août 2010, une 5ème édition sous un soleil radieux, voire même un petit peu trop cogneur à ses heures, mais qu’importe, on est là!
Arrivée en début d’après midi, ce samedi 21 août, dans le petit village du Buis, en pleine campagne limousine, c’est tout d’abord un sentiment de calme qui se dégage du village. Calme apparent, car plus vous pénétrez dans le village et plus vous voyez des gens qui s’activent ici et là, avec des badges ou sans, avec des casquettes ou T-shirts estampillés du sceau du festival. Au premier coup d’œil, cela se sent, cela se voit, l’organisation est au top! Que ce soit à la buvette, à la sono, à la restauration, à la balance, au stand de vente CD et autres produits dérivés.
C’est au milieu de tous ces bénévoles que je me mets en chasse de Laurent Bourdier, organisateur de l’évènement, qu’on repère ici, ailleurs et même encore au-delà, tellement il court partout pour apporter son soutien, prodiguer des conseils, donner un coup de main.
Notre Frankie Bluesy national qui devait initialement venir sur le festival ayant été bloqué en dernière minute pour réaliser une ITW de Robert Plant outre-manche, j’hérite de la mission et c’est avec grand plaisir que je me plonge dans le cœur de la machine humaine qui prépare ce que Frankie avait qualifié l’année passée de ‘modèle de festival’.
Rentrer dans le village du Buis, c’est comme pénétrer dans le chœur d’une église. Au centre du village, quelques maisons en vieilles pierres avec, au milieu de l’artère centrale, une scène qui s’élève. Pour y accéder, vous slalomez entre des bidons peints en noir à la signalétique violette, les fameux comptoirs Bluesy. Comme un rappel de ce pétrole qui souille encore actuellement les côtes louisianaises, et les notes de blues qui s’échappent pendant les balances sont comme des pensées vers les populations de l’autre côté de la Mare.
Pour commencer, c’est justement avec Hobo Blues, un groupe originaire de l’Hérault que l’on plonge dans le bain blues dans toute sa dimension. On se sent tout de suite au pays de Tom Sawyer, sur les bords du Mississippi, pas si loin de BB King.
Les Hobo Blues sont deux mais ils savent occuper l’espace comme s’ils étaient trois fois plus. Marine excelle au chant avec une profondeur, une tessiture de voix presque semblable à celle des noires américaines. Elle ne démérite pas non plus à la guitare, au tambourin comme au washboard qu’elle fait tinter avec brio et tempo. Ses doigts agiles et gantés de cuir noir dont chaque extrémité est terminée par un dé à coudre proposent avec agilité et intensité une rythmique symbole du folklore sudiste.
Antoine, quant à lui, manie avec bonheur le bottleneck, nous offrant un jeu de slide magnifique sur son dobro scintillant de mille feux, de ceux des projecteurs après ceux du soleil couchant de cette fin de journée.
C’est ensuite Laurent Bourdier qui monte sur scène pour remercier les bénévoles pour leur implication et leur présence, les artistes présents, les représentants des médias, ayant aussi une belle pensée pour les absents, dont notre Frankie, saluant au passage la représentante de Paris-Move, avant d’annoncer la tornade Nina Van Horn. Mais aussi d’indiquer une exposition originale de Harley et de guitares dans une vieille grange toute proche. Hey, les fans de ZZ Top, les amateurs de belles bécanes et les bikers nombreux dans le public, la grange, vous suivez…? On y parlait de grosses cylindrées, tatouages et liberté.
Et Nina fait son apparition, véritable bête de scène qui sait de suite accrocher le public, entourée de musiciens reconnus, avec tout d’abord Fabien Saussaye aux claviers, qui, avec classe et clarté dans son jeu de mains, mais pas de vilain, ne donne que du bon relief, une ligne mélodique parfaite. Vient ensuite Mar Todani, un des meilleurs guitaristes du moment, qui manie le bottleneck avec dextérité aussi bien sur sa Gibson électrique que sur sa guitare acoustique. Concentré, passionné jusqu’à la transe, il ira même jusqu’à faire un tour dans le public avant de revenir sur scène, comme si celle-ci n’avait plus de limites entre lui et le public.
Marten Ingle, quant à lui, à la basse, sans trop en dire, sans trop s’immiscer, donne et se donne au maximum, tout comme Julien Audigier à la batterie.
Pour ceux qui ne la connaitraient pas encore (et c’est bien regrettable!), Nina Van Horn, c’est une voix qui porte, aussi bien au niveau de la tessiture que dans les messages, les hommages qu’elle adresse aux femmes qui ont du lutter pour se faire respecter, et se faire écouter. Un répertoire prenant que vous pouvez (re)découvrir et (ré)écouter dans son album dédié aux femmes qui ont chanté le blues, ‘Hell of Woman’.
Après Nina Van Horn, c’est Rob Tognoni qui investit la scène du Buis. Un blues différent, et même plutôt un rock-blues australien nettement plus agressif, plus technique, plus mordant que celui de Nina et qui peut dérouter, intriguer, mais qui n’a néanmoins pas fait perdre pied au public conquis, électrifié, branché à fond dans les riffs qui se succèdent. Par moments, pourtant, Rob balance sa guitare comme s’il la berce, avant de la reprendre comme s’il avait une arme pour mitrailler le public de notes. Un punch, une puissance que son album ‘2010db’ retranscrit très justement et qui comblera tous ceux qui adorent les fulgurantes envolées de grattes.
Pour clôturer le festival, ce sont quatre gangsters aux mines pas du tout patibulaires qui font leur entrée sur scène avec ‘French Blues’. Gang, c’est un combo composé de deux guitaristes, Pascal et Erik, un bassiste, Freddy, et un batteur, Steffy.
Si Marine, d’Hobo Blues, utilisait un washboard, Steffy, lui, a fait rouler les tambours non pas de sa machine à laver mais de sa batterie avec une énergie sans faille. Armé de sa Gibson, Erik fait filer riffs et soli avec un talent à faire pâlir pas mal de gratteux qui se la jouent, pendant que Pascal, d’abord discret dans ses présentations, finit par se libèrer totalement dès qu’il pose ses doigts sur le manche de sa guitare. De compositions en reprises, et pas des moindres, c’est tout le public du Buis qui s’enflamme à la lueur du clocher du village. Il est déjà une heure et demie du matin passées que Nina Van Horn, par surprise, s’invite sur scène pour accompagner nos gangsters pour un Hey Joe incendiaire.
Et pourquoi faudrait-il que ça s’arrête… ? Car tout a une fin, vous dira-t-on… Mais aussi pour mieux revenir l’année prochaine, avec Frankie, cette fois-ci.