Le Buis Blues Festival 2011

                                     Le Buis Blues Festival 2011

Reportage : Frankie Bluesy Pfeiffer
Photos : Frankie Bluesy Pfeiffer

Il est de ces festivals où l’ambiance familiale compte plus que tout autre paramètre alors même que le public dépasse le millier de fans. Des ‘fans’ car on ne va pas au Buis ou à Lax comme à quelques autres festivals de blues. Le Buis, c’est un village de quelques dizaines d’âmes qui vous ouvre ses portes, vous accueille comme si vous étiez un membre de la famille, comme si vous étiez toujours venu dans ce coin perdu du Limousin. Un coin perdu dont la convivialité et la qualité de la programmation nous font revenir en mémoire les premières années de ce qui est devenu un festival référence, Les Vieilles Charrues.

C’est à Nieul, ville voisine du Buis, que débutent les festivités avec deux concerts acoustiques: Olivier Gotti tout d’abord, un chanteur-guitariste découvert par Laurent Bourdier au festival de Cognac et qui a obtenu un succès mérité auprès du public limousin, suivi par le duo Mathieu Pesqué & Roll.

Assis et armé de sa guitare lapsteel, Olivier Gotti fait vibrer les spectateurs, faisant partager ce talent qu’il possède à adapter et personnaliser des titres connus repris de répertoires blues, reggae comme folk ou rock. Les clins d’œil sont nombreux, les fondamentaux respectés et l’énergie de l’artiste communicative. A preuve la ‘standing ovation’ qui ponctue le set et les rappels. Une mise en bouche qui donne une sacrée saveur à ce début de festival.

C’est le duo Mathieu Pesqué & Roland Pignault (aka Roll) qui assure la seconde partie de cette première soirée. Un duo composé de deux personnalités complémentaires et différentes à la fois: chanteur-guitariste à la voix charmeuse et à l’accent anglais impeccable, Mathieu Pesqué est de ces troubadours de classe qui mériteraient une forte présence sur les ondes des radios nationales. Quel que soit le chemin qu’emprunte la guitare acoustique de Mathieu, l’harmonica de Roll vient se glisser derrière le chant, en toute discrétion, ou de manière beaucoup plus présente, lorsque le chant s’efface, toujours au service de chaque chanson. Un Roll qui ne ménage aucun effet, allant jusqu’à s’effacer totalement pour laisser Mathieu Pesqué et Olivier Gotti terminer la soirée dans un jam déjanté.

Le lendemain, sur la grande scène posée en plein milieu du Buis, c’est un Davide Lipari en pleine forme qui ouvre cette nouvelle édition du Festival, seul tout d’abord, avec guitare électrique et tambourin accroché au pied gauche, avant d’être rejoint à la batterie par Ruggero Solli.
Davide Lipari est une sorte de One Man Blues band dont la guitare légèrement saturée crache ses notes à la manière d’un John Lee Hooker vintage qui s’amuse à défier les lois de l’équilibre d’un duo guitare-batterie. Le résultat est cinglant, percutant…et d’une redoutable efficacité. Je retrouve ici le Davide talentueux au charme électrifié qui avait représenté l’Italie aux premiers Blues Challenge européen, en mars 2011, à Berlin, et qui s’était remarqué par de nombreux programmateurs.
Interprétant son propre répertoire, l’italien à la barbe bien taillée nous propose un blues ‘indé’ débridé qui colle réellement bien avec son timbre de voix brûlant et rugueux, un blues allumé comme la chaudière d’une locomotive lancée à pleine vitesse.

Le temps que les Cotton Belly’s s’installent, une partie du public se dirige vers la buvette tandis que l’autre se dirige vers la très belle grange où sont proposées plusieurs expos: de très belles photos en grand format réalisées par Jean-Mi, des machines à tatouer et de bien jolis dessins présentés par Jacky Baugeois, de vieilles pochettes de disques de blues ainsi qu’une exceptionnelle collection de guitares-bidons, véritables pièces uniques dignes de figurer dans un musée du Blues et que quelques guitaristes présents au Buis, comme Dom-Bruneau, iront même titiller pour montrer que ces pièces sont non seulement des objets d’art mais aussi et surtout de véritables guitares.

Avec les Cotton Belly’s c’est dans un blues bien roots que va plonger le public. Et pour qui a déjà vu le groupe en concert, est-il utile de dire que Yann Malek et ses musiciens ont non seulement conquis les amateurs de bon Blues, mais aussi charmé le cœur du public féminin.
C’est avec grand plaisir que nous découvrons au Buis le nouveau lead guitariste des Cotton, Alexis, et dont le jeu colle parfaitement avec la musique que le quatuor proposait depuis maintenant dix huit mois.

Et comme à chaque fois, c’est au son d’une gigue endiablée qu’une bonne partie du public va former de grands cercles pour danser et danser encore. Un élan bluesy quasi mystique qui s’avère être du pain béni pour les oreilles. Les Cotton, le type même de formation et de musique qui s’en va forger la réputation du festival du Buis et qui va inciter le public à revenir l’année prochaine, plus nombreux encore.

Changement de style et retour aux fondamentaux d’un Chicago blues haut en couleurs avec le groupe suivant, Awek, la formation qui avait représenté la France au Blues Challenge européen à Berlin et à l’I.B.C. à Memphis, et dont l’harmoniciste, Stéphane Bertolino, s’est vu remettre à Memphis des mains de Lee Oskar, le Award de ‘Best Harmonica Player’.
C’est dire que non seulement le groupe est attendu, mais le public est également impatient de voir en chair et en os ces artistes qui portent bien haut les couleurs du blues ‘made in France’. Un groupe qui fut aussi, faut-il le rappeler, lauréat du Prix Cognac Blues Passions qui lui avait permis d’aller se produire en juillet 2009 sur la scène ‘Blues Paradise’ en première partie de B.B. King qui, conquis par le talent de ces frenchies, avait ensuite invité le groupe à le rejoindre sur scène au milieu de son propre concert.

Telle une fresque musicale, le blues de Awek éclate dans la nuit, swinguant malicieusement. Torride session de blues débridé qui recueille une longue ovation, à l’instar des Cotton, et qui confirme que décidément, cette édition 2011 du Buis Blues Festival est à marquer d’une pierre blanche. De celles que l’on trouve au crossroad, là où certains auraient donné leur âme au diable.

Son âme au diable, c’est l’ingé-son et lumières de la dernière formation à monter sur scène, The Buttshakers, qui aurait dû la vendre, car dès les premières notes de guitare sur-saturée, nous sommes nombreux à frémir, à reculer même. Avec une guitare en permanence à la limite du larsen tandis que la rythmique est sous-sonorisée et que la chanteuse s’égosille dans un micro mal réglé, cela devient très vite insupportable et l’ingé-son refusant de modifier ses réglages malgré nos demandes répétées, nous repartons vers la grange avec une partie du public, avec cette intime conviction que c’est là-bas que nous allons vivre quelque chose de beau, et d’inédit.

Effectivement, c’est dans cette grange située au cœur du village du Buis que nous allons vivre un grand moment de blues, l’endroit s’étant transformé à l’initiative du chanteur-guitariste Jérôme Piétri en scène ‘off’.
Une guitare bidon dans les mains, Jérôme Piétri nous offre un véritable set improvisé, recueillant une ovation du public venu découvrir cette scène ‘off’ non officielle. Un public qui verra ensuite Davide Lipardi choisir une autre guitare bidon pour interpréter deux de ses chansons avant d’inviter Jérôme Piétri à une jam endiablée.

Une soirée totalement improvisée et qui, espérons le, incitera Laurent Bourdier à officialiser dès l’édition 2012 une scène ‘off’ dédiée à de l’acoustique, des duos et des one man band. Preuve que ce festival possède tout ce qu’il faut pour devenir très vite l’un des festivals de référence français et européens.

Le Buis Blues Festival 2011