Jerry T. & The Black Alligators: “Unleash The Beast”

Reportage : Alain AJ-Blues
Photos : © Alain AJ-Blues
Jerry T. & The Black Alligators au Pitchtime le 29 Septembre 2017
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“J’étais en haut, à l’étage, quand les adultes faisaient la fête sur des disques de Muddy Waters, Elmore James, Howling’ Wolf ou Ray Charles, et après je descendais en douce pour grapiller des chips et fumer des mégots. Ce son, c’était quelque chose de pas vraiment diabolique, mais de fort, d’épais. Le premier guitariste qui m’a marqué, c’était Muddy Waters. J’étais un petit garçon quand j’ai entendu un de ses vieux disques, et ça ma flanqué la trouille, tous ces sons qu’il faisait. Ouah, c’était donc ça? C’était géant!”
(Jimi Hendrix)

En cette soirée du 29 septembre 2017, le ciel s’obscurcit à l’approche de la nuit. Le tonnerre gronde et des trombes d’eau se déversent sur le Temple du Pitchtime à Dourdan, accentuant la moiteur environnante. On devine, à proximité, dans les marais du bayou essonnien, des formes reptiliennes, sombres, onduler au fil de l’eau glauque et briller des yeux inquiétants à l’affût de la moindre proie… Ca flanque la trouille!
Robert Johnson, aurait-il pactisé avec le diable?
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Même si la question reste posée, l’âme de Robert Johnson (8 Mai 1911 – 16 Août 1938) est bien présente ce soir. Une copie d’une de ses rares photos, ramenée par Jerry T. du musée de Clarksdale au Mississippi, lors d’un de ses voyages aux USA, trône sur un petit chevalet de bois, en bonne compagnie, entre deux albums: ‘One Last Before I Go’ et ‘Unleash the Beasts’n le nouvel opus de Jerry T. & The Black Alligators.
Le regard serein de Robert Johnson en dit long, impatient, mais il n’est pas le seul, n’est-ce pas Jerry, attendant que l’horloge égrène les premiers coups de minuit, l’heure de la sortie officielle de cette quatrième galette!
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Sorcellerie ou magie… Les chaînes se brisent et libèrent quatre bagnards en tenues rayées, ces quatre forcenés du Blues que sont Jerry T., JP Harmo, Nicolas Hostiou et Fabien Maraguet, épris de liberté, et qui traversent la petite salle du Pitchtime, entonnant a cappella un chant du Blues pour rejoindre la scène, sous les applaudissements nourris du public, surpris, mais toujours sous la surveillance rapprochée du bien veillant ‘Sax Sheriff’ Jemm’s Elook, qui ne les lâchera pas d’une semelle durant tout le concert.

C’est parti pour un premier set mené à train d’enfer, nous menant sur les rails, là bas, des rives du Mississippi aux bayous de Louisiane, avec ce Blues proche de ses racines et emprunt d’une belle touche créative de modernité. Jerry T. & The Black Alligators va nous surprendre, rendant hommage aux pionniers et aux grands de cette discipline, avec quelques adaptations de reprises très personnelles, griffées et écaillées de magistrale façon, c’est à dire ‘Alligatorement Blues’. Et voici quels furent ces titres: ‘Stormy Monday’, ‘Hoochie Coochie Man’, ‘ One Bourbon, One Scotch, One Beer’.
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Survolté est Jerry T.! Sa voix prenante nous étreint, tout comme nous transcende son jeu aux guitares, alternant l’acoustique et l’électrique. Surprenant est JP Harmo, sacré “bonhomme”, lui également, qui va nous étonner de sa générosité de tous les instants, sur tous les titres, complice et diaboliquement Blues avec ses ruine-babines.

Sapé comme un milord, fort de sa présence au saxophone, Jemm’s Elook, donne quelques belles lettres de noblesse supplémentaire à ce Blues, faisant intimement converser son instrument avec l’harmo et la guitare. C’est la classe, la grande classe!

Lorsque Jerry T. nous présente son bassiste, Nicolas Hostiou, et son batteur, Fabien Maraget, il en parle avec admiration en ces termes: “c’est la rythmique sans failles, c’est la base, c’est le pilier, c’est le fondement du groupe. Sans eux nous ne serions rien.”
Comme tu as raison, Jerry. Quelle cadence imprime cette rythmique, tant Nicolas enrobe ces rondeurs de basse, précises et jouissives comme le ferait un métronome, et tant Fabien, avec ce sourire que l’on entrevoit derrières les cymbales, frappe en relative délicatesse, modulant son jeu de façon plus excessive lorsqu’approprié, le moment venu.

Citons encore quelques titres joués par Jerry T. & The Black Alligators durant ce premier set: ‘Drivin Through The Rain’ du précédent album ‘One Last Before I Go’, et cet incontournable ‘House of The Rising Sun’ chanté en français et en anglais!
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Il fait chaud dans la salle, ce soir, très chaud, et je vous assure que le réchauffement climatique n’est pas à mettre en cause, car la raison en est toute autre, sur scène comme dans le public. Sur scène, les musiciens ont le diable au corps, le sang bleuté coule dans leurs veines, le Blues transpire par tous les pores de la peau, la complicité est totale. Jerry T. nous conte des anecdotes, nous parle de ses débuts en tant que guitariste, conjugue l’humour avec ses compères en totale communion avec le public, sourires aux lèvres et totalement conquis. Il fait chaud, il fait soif, et constamment il faut éponger ces quelques perles de labeur scintillant sur les visages.
Avec tout ce monde, le service au bar bat son plein, et en bonne fée attentive notre amie Béa, présente à nos côtés, se chargera de ramener quelques serviettes pour les musiciens. Jerry en profitera pour enlever la casquette de JP Harmo, pour mieux lui éponger le front. Ce dernier nous fera rire, tirant et jouant sur l’extensibilité de son pantalon pour s’aérer. Ce sont des détails, me direz-vous, mais ils ont une certaine importance pour que vous compreniez toute la complicité que ces artistes peuvent avoir avec le public. Ce soir, cette complicité est extrême!

Le moment est venu, tant attendu… Jerry T. & The Black Alligators nous offrent deux titres du nouvel album: cette très belle compo ‘Loving In Vain’, et pour clôturer ce premier set cette fabuleuse adaptation de ‘I Put a Spell on You’.
Il y a de la magie dans l’air, et bonjour les frissons!!! Comment vous dire… Pour l’exprimer, je reprendrai volontiers cette expression populaire, sans vouloir être vulgaire: “nous sommes tous tombés sur le cul”.

Elle est bienvenue cette pause, et nous allons en profiter pour prendre l’air frais sur la terrasse du Pitchtime.
Scoop de dernière minute: nous apprenons qu’une petite caméra discrète au fond de la salle a enregistré ce début de concert et qu’il vient d’être retransmis en direct. Non pas sur une des chaines de télé du service public, nous dit-on, car si c’était le cas, nous pourrions crier au miracle, mais ailleurs, là-haut, tout là-haut, au paradis des Bluesmen, là où brillent toutes les étoiles des légendes du Blues. Ils ont tous manifesté pacifiquement, assis autour du créateur de Crossroad, ils ont tous repris leurs guitares et ont chanté en choeur “libérez les bêtes, libérez les bêtes”…
On va bien sûr leur pardonner d’avoir fumé quelques mégots et d’en fumer encore, dans leur éden, car ils ont obtenu gain de cause, la libération immédiate et sans condition de Jerry T. et de ses Blacks Alligators, pour que ces derniers perpétuent l’histoire de Blues. Yeah…!!! Finie la geôle, finie la vie derrière les barreaux, ils sont libres! Je jette un regard vers le petit chevalet de bois. La photo du Bluesman semble me parler, et je perçois un sourire malicieux sur son visage. Alors, Robert Johnson aurait-il pactisé avec le diable? Il me semble que désormais nous avons un élément de réponse, n’est-ce pas?

Nous profiterons également tous de cette pause, même si les 12 coups de minuit n’ont pas encore sonné, mais c’est imminent, pour nous procurer l’album ‘Unleash The Beasts’, dédicacé par les membres de Jerry T. & The Black Alligators. Un collector de plus!

Vous vous en doutez, pour ce deuxième set la tenue de bagnard a fait place à une tenue ‘civile’. Jemm’s Elook a tombé la veste de sheriff, Jerry se la joue un peu dandy, et dès cette première compo de la nouvelle galette ‘Three Girls on the Fryin’ Pan’, liberté retrouvée, on perçoit déjà une certaine émancipation. Cette impression d’affranchissement est d’ailleurs confirmée avec le titre suivant, ‘Grown Man Wants to Play with Dolls’. Amusé, Jemm’s Elook reste impassible mais avec un large sourire de connivence.

Lorsque minuit sonne, fier et heureux, tout comme le sont les compères de Jerry, ce dernier nous montre son ‘bébé’ avec une joie non dissimulée. Hey, hey! ‘Unleash the Beast’ est là, comme savent si bien le faire les gamins que nous avons été et que nous sommes encore, émerveillés, en découvrant nos cadeaux après le passage du père Noël. Le titre de l’album sera joué ainsi que ‘The Blues had a Baby’, car comment pouvait-il en être autrement pour fêter cet avènement. Le groupe nous dépoussière ensuite quelques standards, comme ce bien beau ‘All your Love’ d’Otis Rush, et ce ‘Voodoo Child’ de Hendrix, mais version Black Alligators, avec un Jerry en transes et bluffant avec son jeu de guitare. Enorme!

A nos côtés, autour des petites tables basses, comme c’est de coutume au Pitchtime, des amis prennent toujours place. Lorsque Jerry demande si un guitariste est présent pour un petit boeuf sur scène, nos regards se portent immédiatement sur Paul, ‘Monsieur’ Paul Massiani. Tout au feeling et sans médiator, Paul va s’en donner à coeur joie, empruntant la guitare de Jerry pour quelques riffs dont il détient le secret.

Durant toute la soirée Jerry laissera la part belle à ses musiciens, nous les présentant maintes fois pour les mettre à l’honneur, et tous les solos, à l’harmonica, à la basse, au sax et à la batterie seront fortement ovationnés par le public. Citons ici encore deux titres parmi tous ceux joués: ‘Everybody Need Somebody’ et ‘Miss You’, des Stones, avec une nouvelle fois notre Jerry dans la zone rouge, capable d’étirer et de sublimer des morceaux des minutes et des minutes durant, pour notre plus grand bonheur. Impressionnant…!!!
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Jerry, au plus proche du public, se mêlera aussi parmi nous, et assis devant la scène, il nous jouera un titre en acoustique. Avec une forte émotion partagée.

En fin de concert, frappant dans ses mains, Jerry invitera le public à en faire autant et nous demandera de nous lever, ce que nous ferons tous. Nous reprendrons quelques refrains, tous en choeur, frappant dans nos mains à l’unisson, comme sur ce dernier titre. Me fiant au déroulé de la set list, fruit du hasard ou signe du destin, comme pour rendre hommage à tous ceux, vous savez, qui reposent là-haut, tout là-haut, nous conclurons un pacte fraternel avec cette chanson des Stones rendue culte par l’album Live “Get yer ya ya’s out” (sorti en Sept. ’70 – il y a 47 ans!) avec le phénoménal duo Keith Richards-Mick Taylor, ‘Sympathy for the Devil’.

Pour résumer la soirée en un mot, le concert de Jerry T. & The Black Alligators fut exceptionnel!
Nous avons découvert ce soir, ma compagne et moi, Jerry T. & The Black Alligators en live et ils nous ont bluffés! Quel talent! Mais nous avons également découvert des personnages (et des personnes!) forts sympathiques et attachants. De plus, après avoir écouté maintes et maintes fois leur dernier album, ils font désormais partie de nos ‘chouchous’ du Blues, ceux que nous retrouverons toujours avec autant de joie et de bonheur!

Amis lecteurs de Paris-Move, très prochainement, nous reviendrons en détail sur cet album, ‘Unleash the Beast’, pour vous le présenter. Mais vous pouvez (vous devez!) de suite vous le procurer, car il fait partie des incontournables du Blues. N’hésitez pas à contacter ces artistes via leur page Facebook, ICI.

J’ouvre également une parenthèse, destinée à tous les patrons de salles et organisateurs de festivals de Blues en France: n’hésitez surtout pas à programmer ce groupe! Vous ne regretterez pas, car le public vous en redemandera! Avec eux, la fête au village sera pleinement assurée.

Pour info, l’album de Jerry T. & The Black Alligators est disponible en écoute/Streaming/téléchargement, avec Itunes et Apple Music en tête:
https://itunes.apple.com/album/id1286867946?ls=1&app=itunes

Écoutez ou offrez les pistes grâce à Bandcamp:
https://jerrytandtheblackalligators.bandcamp.com/…/unleash-…

Mais aussi sur Anghami, Tidal, Google Play…
https://play.anghami.com/artist/2269221

Téléchargez les pistes via Amazon Music:
https://www.amazon.com/Unleash-Beasts-Jerry-B…/…/ref=sr_1_2…

Leur fiche “Rock en Folie” avec 5 morceaux en Streaming gratuit:
http://www.rockenfolie.com/…/Jerry_T_the_Black_Alligators-1…

Et bien d’autres infos à venir encore!