JERRY T. & The BLACK ALLIGATORS au BLUES CORNER à Versailles
Le 26 mai 2018
Reportage: Alain AJ-Blues – rédacteur en chef adjoint (Paris-Move)
Photos: © Alain AJ-Blues
“Well you make up in the morning, hear the ding dong ring, you go a-marching to the table, see the same damn sing
Well, it’s on a one table, knife, a fork and a pan, and if you say anything about it, you’re in trouble with the man.
Let the midnight special, shine her light on me.
Let the midnight special, shine her ever-loving light on me.
If you ever go to Houston, you better walk right, you better no stagger, you better no fight,
Sheriff Benson will arrest you, he’ll carry you down, and if the jury finds you guilty, penitentiary bound.
Yonder come little Rosie, how in the world do you know?
I can tell her by her apron, and the dress she wore,
Umbrella on her shoulder, piece of paper in her hand,
She goes a-marching to the captain, says, ‘I want my man’.”
Ce sont quelques paroles d’une vieille chanson, ‘Midnignt special’, dont la mémoire est perdue au plus profond des racines américaines, immortalisée par le bluesman Leadbelly, né en Louisiane, probablement en 1885 ou 1888, et décédé à New-York en 1949.
Même en fermant les yeux, nous ne pouvons oser imaginer qu’à cette époque l’homme noir n’avait pas le droit de marcher sur les trottoirs. Mais il est aisé de lire toute la détresse dans ce regard masqué sous l’ombrelle, lorsque sévissait la ségrégation raciale, période où le fait d’être rebelle était considéré comme criminel.
Mais avant qu’à nouveau, loin du virtuel, ne claque le fouet dans notre monde actuel, en ce soir du 26 mai 2018, s’ouvrent devant nous les portes, non pas du pénitencier, mais celles de cette belle salle versaillaise du Blues Corner, lieu désormais apprécié des initiés. Lorsque surgissent les ombres naissantes à la nuit tombante, lorsque s’estompent les turbulences de la jungle urbaine environnante, telle une complainte, chanté A capella, un vieux Blues prend possession de nous, envoutés par cette étreinte.
Venus du fond de la salle, se dirigeant vers la scène tout en frappant dans leurs mains et chantant en choeur, sous les applaudissements du public, déambulent quatre individus en tenue de bagnards, sous une faible lumière, accentuant leur teint blafard. Un sheriff, non pas Benson, mais un solide gaillard à la peau d’ébène nommé Jemm’s Elook leur emboite le pas.
Aucune affiche à l’effigie de ces personnages mentionnant en gros caractères ‘Reward’ ne fleurissait sur les murs de Versailles ni des villes environnantes. Sauf une, couvrant entièrement la façade d’une maison à proximité du Blues Corner, preuve que nous n’avons pas affaire à des usurpateurs.
Il s’agit bien du groupe Jerry T. & The Black Alligators, car dans cette discipline du Blues hexagonal, cette formation est inscrite à notre patrimoine. Nous le savons tous, méfiance, lorsque subsiste le doute , même en pyjama rayé, l’habit ne fait pas le moine.
Les musiciens prennent place sur scène, Jerry T. au chant et guitares, JP Harmo à l’harmonica, Nicolas Hostiou à la basse, Fabien Maraget à la batterie et Jemm’s Elook au saxophone.
Durant deux sets, entre compositions et adaptations de reprises,17 titres seront joués, bluffant le public pour un périple avec quelques errances au gré du temps dans différentes contrées du Blues.
D’emblée, soutenus par quelques rythmes endiablés, fusent ces premières compositions, ‘I wanna go Home’ et ‘The Blues and the Shame’ figurant sur le premier album acoustique ‘The Roots’ de Jerry T, datant de 5 ans et remises au goût du jour par l’ensemble du groupe.
Narguant le Sheriff de son ruine-babines, JP Harmo montrera quelques signes d’insoumission, mais lorsque fend l’air de la lanière, très vite ce dernier reprendra sa position. Un moment de complicité parmi d’autres, parmi tant d’autres, tant durant toute cette soirée, unis comme les 5 doigts de la main, pardon, comme les 5 orteils d’une grosse patte avant aux écailles rugueuses, ces sauriens du Blues vont tout nous donner.
Depuis leur formation en 2014, Jerry T. & The Black Alligators, pour étancher leur soif de Blues, ondulant dans les marécages d’eau douce et milieux saumâtres où s’entremêlent les racines de cette musique, ont déjà produit 3 albums (sans compter celui de Jerry T déjà cité). Je vous passe le détail des phases d’accouplement de ces prédateurs, mais sachez que courte est leur période de gestation. Alors ne faisons pas dans le secret de Polichinelle, privilège du Live, ce soir nous aurons droit à une nouvelle composition, ‘You’re Gonna Change’. Prémices d’un nouvel album dont la parade nuptiale est annoncée pour l’année prochaine.
Alternant guitare acoustique pour quelques ondées de relatives douceurs acidulées et guitare électrique pour fortes averses de riffs tempétueux, Jerry T chante le Blues pour nous le faire vivre. Mais plus encore, il nous en parle, fort de ses convictions, de son enseignement et de ses voyages aux Etats-Unis, dans les contrées où sont nées les légendes. Pour Jerry T, le Blues est bien plus qu’une passion, c’est une raison de vivre.
Forte est la présence de ses talentueux complices sur les compositions comme ‘Driving through the Rain’ de l’album ‘One Last Before I Go’ et sur toutes les adaptations de reprises, magistralement interprétées d’une touche très personnelle et étonnante. Je citerai ces standards intemporels connus de tous , ‘The House of the Rising Sun’, ‘Stormy Monday’, ‘One Bourbon, One Scotch, One Beer’ et encore ‘I put a Spell on You’.
Le petit instrument de JP Harmo, je parle de son harmonica, n’ayez aucune pensée déplacée, lui permet une totale mobilité, il en profite le bougre pour être partout à la fois et nous enivrer de son art, en parfaite connivence ses camarades de jeux.
De ses notes cuivrées lorsque le saxophone de Jemm’s Elook métisse cette musique bleutée, il nous convie à un road trip à la croisée des chemins, au carrefour de différentes civilisations, du côté de News Orleans, une migration sur les terres du Rhythm’n’ Blues.
Côté rythmique sont justement nommés, derrière les fûts, Fabien Maraget, aka ‘Fab’ la Percut’, et à la basse, Nicolas Hostiou, aka ‘Don Nicorleone’, l’alliance entre la fougue et l’expérience. Tous deux semblent maîtres du temps, l’apprivoisant tout au feeling pour encore plus de groove, le ralentissant ou l’accélérant en parfaite concordance au gré de leur cadence.
Il fait chaud ce soir, très chaud, l’ambiance est à son paroxysme, sur scène comme dans la salle avec ce public totalement conquis. Nous profiterons de cette pause entre deux sets pour nous offrir quelques rafraichissements, mais aussi des moments de partage et de complicité avec, entre autres, deux photographes, Patrick et Jean-Paul… ils se reconnaitront en ces lignes.
Tee-shirts et albums seront également disponibles à la vente, et les membres du groupe, avec cette disponibilité et cette générosité que nous leur connaissons, se feront un plaisir pour offrir des dédicaces dans l’intimité, au plus proche du public.
C’est notre deuxième concert auquel nous assistons de Jerry T. & The Black Alligators, mais nous retrouvons également certains membres du groupe qui viennent indépendamment en d’autres endroits applaudir d’autres musiciens sur scène ou la partager avec eux. Je vous assure que ce sont non seulement de talentueux artistes, mais également d’adorables personnages.
Pour ce deuxième set, la tenue de bagnard est remisée au placard. Mais qu’à cela ne tienne, laissons le bon temps rouler, laissons le Blues nous exorciser. Citons cette adaptation ‘All the music that we love’ estampillée Alligators, chantée en français et en anglais, dont il est inutile de faire la traduction, car nous le savons tous, elle vient de là, elle vient du Blues comme le chantait si bien Johnny.
Deux compositions du dernier album en date ‘Unleash The Beasts’ seront jouées, ‘Three Girls on the fryin’ Pan’, ‘Grown Man wants to play with Dolls’ ainsi que cette adaptation de reprise ‘The Blues had a Baby’ de Muddy Waters.
Vous pourrez (re)lire ici la chronique de cet excellent opus sur Paris-Move: ICI
La guitare en bandoulière, poings levés ou bras tendus, Jerry T nous contera à nouveau des anecdotes sur l’histoire du Blues. En transes, reprenant ces standards, ‘Woodoo Child’ de Jimi Hendrix, ‘Miss You’ des Rolling Stones, il nous fera pleurer sa Gibson, rouge flamboyante, comme le feu incandescent de la passion qui brûle en lui.
Chacun de ses complices, JP, Jemm’s, Nicolas et Fabien, totalement décomplexés, nous offriront quelques solos d’enfer à l’harmo, au sax, à la basse et aux baguettes, sous les applaudissements nourris du public, tout comme le sera ce dernier titre ‘Everybody need Somebody’ de Solomon Burke sous les ovations nourries du public.
C’était la deuxième soirée concert au Blues Corner à Versailles, après celle de Peter Nathanson et Nina Van Horn en février dernier. Un concert que vous pouvez revoir sur PARIS-MOVE, ICI
Deuxième soirée concert au Blues Corner à Versailles, et une deuxième messe du Blues, prêchée dans l’allégresse, qui comme la première a tenu toutes ses promesses pour le plus grand bonheur d’un public en liesse.
Je tiens à remercier Jean-Philippe Lalande, Jean-Mi Parent et toute l’équipe des bénévoles du Blues Corner pour leur chaleureux accueil, sans oublier les deux techniciens derrière leurs consoles pour ce superbe ‘son et lumière’ qu’ils nous ont offert.
Comme me l’a confié Jerry T après concert ,“ce soir le public était extraordinaire”. Il faut également remercier toutes ces personnes qui se sont déplacées. Mais pour cette soirée, le Blues Corner aurait mérité plus de monde encore pour que cette belle salle soit comble.
Ici, au Blues Corner tout comme ailleurs, des personnes s’investissent corps et âmes pour vivre de leurs passions et les faire partager, pour que jouent les musiciens, pour que vibre le public. Pour qu’ici et ailleurs chacun se sente comme chez soi.
Nous ne connaissons pas encore la prochaine date de concert en ce lieu, prévue pour l’automne prochain, ni ne savons quel groupe sera présent sur scène, mais une chose est sûre, nous y serons et nous vous attendons nombreux!
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Et surtout n’oubliez pas, lorsque Jerry T. & The Black Alligators seront à l’affiche d’un concert à proximité de chez vous, allez les découvrir, les écouter, les applaudir! En attendant vous pouvez vous procurer leurs albums, ICI
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JERRY T. & The BLACK ALLIGATORS au BLUES CORNER à Versailles
Le 26 mai 2018
Reportage: Alain AJ-Blues – rédacteur en chef adjoint (Paris-Move)
Photos: © Alain AJ-Blues