Irish Night Legends au Trabendo: Eric Bell Trio,Taste & Pat Mc Manus

                                 Irish Night Legends au Trabendo

Reportage : Dominique Boulay & Sylvie Cornu
Salle du Trabendo, le 17 mars 2010
Photos : Yann Charles (photos ‘YC’) et Sophie Cornu (photos ‘SC’)

Le houblon coule à flots et nous nous trouvons là, au Trabendo, ravis, pour écouter une myriade de musiciens irlandais qui tous caressent, pétrissent, malaxent, dorlotent et font gémir leurs six cordes électriques ou acoustiques. Des anciens reviennent, des nouveaux apparaissent. Il y en a pour tous les âges, toutes les couleurs musicales et toutes les oreilles averties avec le Eric Bell Trio, le Pat Mc Manus Trio et TASTE. Et, remarque préalable, il n’incombe à aucune formation d’ouvrir pour les suivantes, tant chacune possède suffisamment de potentiel et de talent pour être, à elle-seule, la tête d’affiche du concert du soir! Une affiche fournie qui constitue le plus beau plateau étiqueté ‘Irish Blues Rock’ depuis des décennies, je vous l’affirme. On imagine quel choix cornélien fut celui de la programmation pour définir l’ordre de passage des groupes.

Le premier qui s’y colle est le Eric Bell Trio. Celui qui fonda Thin Lizzy, au siècle dernier, après avoir travaillé avec le Noël Redding Band, n’a rien perdu de sa dextérité.
Dans le cadre des quarante cinq minutes dont il disposait il nous a offert une parfaite démonstration de ses talents de guitariste, de slider et de chanteur, le moment phare de la soirée étant bien entendu la reprise du fameux ‘Whiskey in a Jar’. Eric Bell est un artiste, un vrai, dans le sens premier du terme et il n’a rien perdu de sa prestance et de son efficacité.

Des spectateurs qui entrent et sortent pour s’en griller une commentent sans retenue ce talentueux celte ignoré de la multitude mais toujours vénéré par ceux qui le suivent depuis l’apparition du premier single de Thin Lizzy, en 1970.
Ce n’est pourtant qu’à partir de 1973 que le morceau phare évoqué ci-dessus se retrouva propulsé à la sixième place des ventes de singles au Royaume-Uni. Je rappelle que plus qu’une composition du groupe, c’est en réalité d’une reprise adaptée du folklore irlandais qu’il s’agit. Il n’en demeure pas moins que c’est un excellent blues rock joué par le trio et qui restera attaché au nom de Thin Lizzy pour l’éternité. Eric Bell quittera définitivement le groupe en 1974 et sera remplacé par Gary Moore. Il sera resté avec la formation le temps de graver ‘Thin Lizzy’, en 1971, puis ‘Shades of a Blue Orphanage’, en 1972, et enfin ‘Vagabonds of the Western World’, en 1973. Sans épiloguer sur ce qu’il a fait depuis, une chose est évidente: il n’a rien perdu de sa dextérité de guitariste. Un garçon à voir, revoir et à assimiler complètement si l’on veut se proclamer guitariste ou amateur de cet instrument.
Je signale à toutes fins utiles aux personnes présentes et à ceux qui préfèrent les programmes de télévision que le lascar vient de publier un nouvel album, ‘Lonely Nights In London’, chez Angel Air Records, et que le meilleur moyen de vérifier mes assertions est encore…de se procurer l’opus en question.

A peine le temps de reprendre son souffle et une boisson irlandaise, que Taste monte sur scène, ‘le’ fameux groupe dans lequel joua Rory Gallagher. Aussitôt les sons de ‘What’s Going Home’, ‘Catfish’ ou ‘Messin’ with the King’ vous remontent à la gorge. J’avais eu le privilège d’assister à leur retour sur le devant de la scène, l’hiver dernier, dans la salle du Plan, à Ris-Orangis, qui m’avait littéralement scotché, mais ce soir, très sincèrement, c’est encore mieux car les musiciens ont gagné en maturité et en cohésion vu les nombreuses tournées qu’ils ont faites depuis.
Là encore, il faut bien comprendre que depuis l’année qui vit le grand Rory Gallagher les quitter, en 1970, il n’en fallait pas beaucoup pour que la machine reparte à fond les ballons!
Taste avait enregistré deux opus studio, ‘Taste’, en 1969, et ‘On The Boards’, en 1970 ainsi que deux live, ‘Live Taste’, en 1971, et ‘Live at the Isle of Wight’, en 1972.
Et simultanément avec le retour sur les planches du Taste nouvelle formule est arrivé en 2009 le nouveau petit bébé, l’excellent ‘Wall to Wall’, sorti chez Bad Reputation, le label français qui monte, qui monte….

Me manquent les qualificatifs pour définir la soirée car le concert est fabuleux. John Wilson demeure un batteur exceptionnel. Sa manière de jouer et de taper sur les peaux et les cymbales donne l’impression qu’il fait en permanence un solo de batterie. Rien de répétitif et de régulier dans le jeu car des innovations permanentes illuminent le tempo.
Albert Mills est un excellent bassiste et si ce n’était sa chevelure blanche, on ne lui donnerait certainement pas l’âge de ses artères vu comme il utilise, accroche, joue et s’empare de ses quatre cordes. Mi, La, Ré, Sol, cela roule, déroule de manière impressionnante.
Sam Davidson réussit, tout en discrétion mais en s’imposant à sa manière, à atténuer l’ombre du génial guitariste qui l’avait précédé dans le groupe. Aussi bon au chant qu’à la guitare, il ne semble pour le moment pas être aussi créatif que son prédécesseur mais il possède de quoi en bluffer plus d’un, se lançant par moment dans des soli que beaucoup vont lui envier.

Nouveau changement de plateau pour laisser la place à une formation qui a atteint un degré supérieur dans l’intensité de son jeu scénique, le Pat Mc Manus Trio. Un combo qui va insuffler une telle énergie dans cette troisième partie de soirée qu’il va, involontairement, atténuer la puissance de ceux qui l’ont précédé. Il faut dire que côté management des ressources humaines en foule, il en connaît un rayon, le lascar. Accompagné de ses deux sbires préférés, Gordon Sheridan à la basse, dont la casquette reste viscéralement scotchée sur sa tête, et Paul Faloon à la batterie, Pat Mc Manus s‘est livré à une démonstration de ce que doit faire un trio de blues-rock pour capter une salle. Guitariste, violoniste, chanteur, le garçon déborde d’énergie, et celle-ci en devient tellement communicative que plus un spectateur ne sortira de la salle pour aller s’en fumer une. Un garçon au charisme énorme et qui transforme le public en bande de potes qui vient de se retrouver après quelques années de séparation. Le truc qui vous colle une boule au ventre tellement le mec vous file les frissons.

Le final est d’ailleurs à la hauteur de l’événement en question, majeur, car tous les guitaristes sont revenus pour un ultime tir groupé. Il faut dire que les derniers instants du concert de l’ancien guitariste des Mamas Boys avaient été enrichis par la présence d’Andy Powell, l’un des deux guitaristes du mythique Wishbone Ash.
Une fabuleuse soirée, arrosée comme il se doit en hommage à Patrick, saint irlandais s’il en est.

Dominique Boulay
Paris-Move & Blues Magazine
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