Festival de Cahors 2005

Le festival de Blues de Cahors, ce sont 5 jours de musique Blues et de soleil, de bon vin et de Cabécou. Mais c’est aussi la magie du Blues sous les platanes de l’Allée des Soupirs, près du Pont Valentré, face à la scène Juke Joint Blues, tous les après-midi, dès 16h30.

Premier groupe à ouvrir le bal de cette 24ème édition en ce mardi 19 juillet, et Dieu sait qu’il est difficile d’être ainsi en première ligne et de lancer un festival, Mama’s Biscuits : un groupe qui vous fait plonger dans le Blues, le Rythm & Blues, la Soul et le Gospel des années 50 et 60. Mama’s Biscuits, c’est une rythmique de talent, avec Thibault Chopin à la basse et Fabrice Millerioux à la batterie, épaulés par un excellent Stan Noubar Pacha à la guitare. Un Stan des grands jours, comme lorsqu’il joue les seconds couteaux de luxe au sein de The Blues Conspiracy où son talent rivalise avec celui du ténébreux mais terriblement efficace Neal Black, un Stan au touché délicat et assuré comme au sein du Steve Verbecke Trio, un Stan talentueux comme au sein des Tortilleurs chers à Benoît Blues Boy, un Stan qui se refuse en leader d’un possible Stan Blues Band, préférant jouer les mercenaires de prestige – reconnu et apprécié par tous ! – aux risques et dangers du leadership.

Mais Mama’s Biscuits ne serait pas Mama’s Biscuit s’il n’y avait Véronique Sauriat, Véro, dont la voix s’affirme à chaque concert. Une Véro qui sait charmer et faire frissonner, comme dans Because it’s Love ou Steal Away, et tout comme dans le dernier album du groupe, Woman, petit bijou de 16 titres et sur lequel apparaît Julien Brunetaud aux claviers. Une Véro qui ne se contente jamais d’assurer en donnant dans le facile, mais qui prend des risques à chaque concert en s’imposant un répertoire difficile. Et rien que pour cela elle mérite toute notre attention et notre admiration. Et de grosses bises, aussi.

Bien lancé par ce quatuor, le festival de Cahors démarre sur les chapeaux de roue. Passant la seconde, presque en surrégime. Limite zone rouge. Eric Starczan, jeune guitar hero révélé au cours de la tournée du batteur américain Tony Coleman à Bougy en 2003, pousse la sono au max, faisant étalage de tout son talent et de ses capacités de virtuose de la six cordes. Déluge d’un mix acéré de Blues, de Rock et de Funk qu’il plonge de temps à autres à la sauce Sinclair. C’est fort, c’est puissant, c’est efficace, mais il reste encore à cet Eric « le foudroyant » à tracer sa ligne et affirmer son style.

Eric, laisse Steve, Jimi et les autres maîtres du manche à leurs étoiles et trace ton propre chemin. Petit, tu en as le talent, et le temps.

Et pendant que celui qui doit tout faire pour ne pas devenir un clone de Steve ou de Jimi range ses guitares, nous avons l’honneur – que dis-je, le plaisir, le bonheur – d’accueillir au stand Blues Magazine la divine et tendre Diunna Greenleaf, qui vient chercher les numéros de notre magazine dans lesquels sont présentées des figures du Blues dont son père avait été l’un des professeurs de chant.

Et pendant que Diunna file vers le stand voisin d’un revendeur de vinyles et de CD, les bataves de T-99 font leur balance en alignant presque l’intégrale d’un de leurs morceaux de leur album « Coo-Coo ». Un CD tellement apprécié à sa sortie qu’il fut qualifié par Blues On Stage comme l’un des meilleurs premiers albums de Blues. Une référence, donc, et que vous seriez impardonnable de ne pas posséder, surtout après avoir lu ce papier…. !

La force de T-99, c’est incontestablement un punch et une joie de jouer sur scène. C’est un Blues nerveux, mélange de Roots et de Rock à Billy, une suite endiablée de covers et compos originales, un son rond et une présence scénique : trois compères qui bougent, savent faire bouger le public et le conquérir.

Le show est punchy et emballant, avec un brillant Misha den Haring à la guitare et au chant, un Donné La Fontaine en bassiste zélé et discret mais terriblement efficace et un Martin de Ruiter à la présence scénique incroyable : entre chant et fûts, le voici qui se dresse sur son tabouret pour frapper cymbales et toms. T-99 : un groupe aux déclics de folie passagère qui n’est pas sans rappeler un certain Stray Cats du bon vieux temps, une mini-tornade de fraîcheur dans cette musique Blues que trop de personnes imaginent triste ou made for dépressifs.

A ma question « Pourquoi cette lettre T avant 99 ? »,  Misha, guitariste fondateur du groupe, m’avait répondu avec un large sourire ironique : « Pourquoi T ?…Mais…pour Touring, parce que nous sommes aussi un groupe de scène. Et en plus, la scène c’est l’endroit idéal pour un groupe comme le nôtre. Tu verras… ! ». C’est tout vu.

Après Cognac l’année passée, T-99 démontre qu’il est incontestablement l’un des groupes incontournables des festivals à venir.

Cette première journée sur la scène Juke Joint s’achève en feu d’artifice avec le talentueux Eddie Martin aux manettes. Celui qui fut élu meilleur guitariste Blues en 1996 et 97, meilleur album anglais de Blues et meilleur groupe de Blues anglais en 1998, 99 et 2000, démarre son show au dobro et en solo, avec cette voix rauque et cette ligne d’harmonica si propres à son style de bluesman anglais qui ne renie pas ses premières inspirations Dylaniennes. Premiers morceaux intimistes qui rapprochent Eddie de son public, pour le tenir là, dans le creux de la main, avant le déluge. Epaulé par Michael Wiedrich à la batterie et Marion Dotton à la basse 5 cordes, Eddie va en effet mettre le feu aux bords du Lot en alternant des morceaux de ses sept albums, dont l’excellent Ice Cream – qualifié par The Times lui-même de Masterpiece –, et plusieurs titres du dernier sorti, le superbe Play the Blues with Feelings, chroniqué dans le n° 37 de votre magazine et estampillé 3 étoiles.

Eddie qui, en plus de posséder une voix épatante, se révèle être un harmoniciste de talent,…et avec un coeur gros comme çà… !

La rythmique d’enfer est parfaite, avec une discrète mais époustouflante Marion à la basse et un formidable Michael aux fûts, et dont Eddie nous expliquera seulement en fin de concert qu’il a joué avec un doigt cassé. Chapeau bas, Michael !

Il est près d’une heure du matin lorsque Mr Tchang et son groupe Easy Money rallument la flamme du Blues aux Docks, cette salle vouée aux bœufs nocturnes et devenue incontournable pour tout Bluesman qui se respecte. Un Mr Tchang qui, en maître incontesté des jam’sessions, fera alterner aux guitares, claviers et fûts tous les musiciens de passage.

La nuit fut courte car nous ne voulions sous aucun prétexte rater Rag Mama Rag qui est annoncé Place du Marché. Comment le public allait-il réagir à ce blues très roots proposé par Deborah et Ashley ? La réponse est rapide, quasi instantanée. Dès les premiers accords de guitare, dès les premiers bruissements de la planche à laver, le public s’approche, s’agglutine autour des deux artistes. Un public enthousiaste, emballé par ce Blues acoustique qui fait danser adultes et enfants. Un Blues comme improvisé près de chez soi, un Blues du quotidien, un Blues frais et vrai, mélange de morceaux de Robert Johnson et Sam Lightning Hopkins (signalons une fabuleuse version de Blues in the Bottle) avec, glissé ici et là, une ballade irlandaise, un worksong et du pur Mississipi Blues.

Si vous ne les connaissez pas encore, précipitez vous sur le Net (et sur leur site www.ragmamarag.co.uk ) ou chez votre disquaire et croquez sans tarder leurs cinq superbes CD. Vous ne pourrez rester de marbre plus de quelques secondes tant l’enthousiasme et le rythme de ce Rag Mama Rag vous fera vibrer, de la plante des pieds aux bouts des doigts.

De retour devant la scène Juke Joint Blues, nous avons droit à un second set de Eddie Martin, notre premier coup de cœur et grosse révélation de cette 24ème édition de ce Cahors Blues Festival. Un Eddie qui assure à la perfection alors même que la foule se fait encore discrète en ce début d’après-midi. 

Nous en profitons pour faire un saut à l’Eden Café, un bar chébran à l’ambiance très sympa, tenu par Alexandre et Manu, et qui propose toutes les deux semaines (environ…), au printemps et en été, des groupes et artistes en « live ». Seul membre du festival « Off » (!!!), l’Eden propose en ce mercredi 20 juillet une jeune blueswoman du centre de la France, Tia, qui venait déjà de séduire les mordus de Blues présents à Grésivaudan. Mais jouer dans un bar après la scène du Grésiblues n’est pas une mince affaire, et Tia semble peiner dans une balance qui commence à devenir un peu trop longue. Dommage, mais l’expérience finira par payer, Tia, et c’est en tournant et en tournant encore que vous deviendrez aussi douée pour la balance que pour la guitare.

Retour à Juke Joint Blues pour y réécouter (et revoir !) T-99. Leur concert de la veille avait été une telle claque que nous ne pouvons rater ce second set. Comme des gamins qui réclament de la mousse au chocolat pour la deuxième fois. Par pure gourmandise. Mais quel délice…. !

Dans la foule, Eddie et son batteur Michael (avec son doigt cassé), ainsi que Sharrie, sont là, en toute discrétion, appréciant également le set de ces hollandais un peu fous-fous, mais tellement attachants.

L’heure est maintenant à la soirée Voix féminines, au concert « Ladies Blues Night ». Une nuit dédiée à trois voix : deux déjà reconnues et appréciées, celles de Sharrie Williams et Janiva Magness, et une troisième à découvrir, celle de Diunna Greenleaf. Que nous réserve donc Jean-Phi, le directeur artistique et grand manitou de ce festival avec cette Diunna là ? Une Xième voix façonnée à l’école Gospel et versée au Blues…. ? Un clone de Sharrie ou de Janiva…. ? Une future grande voix…. ? Un talent jalousement gardé par nos confrères américains…. ?

Nous sommes donc là aussi pour voir et entendre celle que Janiva a choisie comme guest star.

A vingt et une heures, Sharrie entame son show, en grande dame du Blues, en pro. Un band à la hauteur, un son rond et énorme, une voix explosive : le show est parfait. Presque trop parfait, avec ces pas de danse au milieu de la foule sur fond de Just You and Me, ce micro tendu pour que des inconnus viennent chanter avec elle. Sharrie nous refait ensuite le coup de la petite larme et du mouchoir, un coup infaillible et qui fait craquer les cœurs des machos, et des plus sensibles, surtout. 

Et cette Diunna, alors ?

Celle qui était encore une inconnue pour nous avant ce festival prend la suite, sans se poser de questions. Et c’est la claque, la grande claque. Délivrée par une perle, une perle noire qui étonne l’assistance par sa présence et sa voix. Une voix qui n’est pas sans rappeler celle de la grande, de la très grande Aretha Franklin. Diunna Greenleaf, c’est l’explosion, avec un Blues à fleur de peau, un Blues à vous faire frissonner. Diunna, c’est l’émotion à l’état pur, qui va droit au cœur, car Diunna vit son Blues et le fait partager. Et cette guest star est incontestablement la seconde découverte de ce festival, après le génial Eddie Martin. J’ai bien dit génial… !

Et après la guest star, place à la Star, avec un grand S, s’il vous plaît : Janiva Magness. Janiva, c’est le talent, l’expérience, le plaisir de chanter,….et un physique à faire tourner la tête du plus blasé des Bluesmen. En mini-jupe et collants noirs, Janiva assure son show à la perfection, en diva, transformant le Théâtre de Verdure en fournaise.

Et comme cette nuit-là est dédiée à trois voix féminines, c’est sous la pleine lune que les trois Blueswomen clôturent le bal dans un superbe trio final où l’on retrouve Sharrie au diapason des deux autres, la Sharrie que l’on aime entendre. Un final étourdissant, éblouissant, sur un I’m a Queen Bee qui m’arrache une petite larme, mais sans mouchoir prévu. Divin… !

Le lendemain, Mama’s Biscuits a de nouveau le redoutable honneur d’ouvrir l’après-midi sur la scène Juke Joint Blues. Et une fois de plus, Véro et ses musiciens s’en sortent fort bien, devant un public clairsemé mais amoureux de ce Blues un peu rétro. Incontestablement, les nuits aux Docks et le Tsunami Tchang laissent des traces chaque lendemain qui passe et les festivaliers ont du mal à suivre le rythme. Logique, pour qui a plongé dans la magie de ces jam’sessions nocturnes.

Mais ce que fait Mama’s Biscuits c’est aussi un joli pied de nez à ceux qui rechignent à assurer des premières parties ou à jouer à des heures impossibles, devant des parterres clairsemés. Bravo et merci à Véro et aux Tortilleurs.

Quand claquent les premiers accords de guitare du groupe suivant, le public est enfin plus nombreux. Il s’approche, se colle aux grilles, attiré par ce Blues métallique : place au Mercy Blues Band. Un son énorme, pesé et assuré, avec à la guitare un Jean-Paul Avallaneda aux faux airs de Bertignac mais au talent incontestable, un excellent Bruno Quinonéro à la basse et un non moins explosif et époustouflant jeune blanc-bec de 19 ans à la batterie qui bluffe les pros présents derrière la scène. Mercy, ce sont des compos originales, des textes pas qu’en anglais, de grosses guitares et un son façon avion à réaction ; un Blues énergique qui vous plonge dans la chaleur moite de la contrée des alligators. Mercy Blues Band : un groupe qui non seulement s’affirmera comme un pilier du Blues européen, mais qui s’imposera aussi aux USA, croyez-moi…. ! Parole de Frankie Bluesy !

Mercy Blues Band ayant mis le feu à la scène Juke Joint, Arthur Neilson ne peut manquer l’occasion de l’attiser plus encore. Maestro de la six cordes, Arthur, en crack de l’écurie Popa Chubby, est à la fois gladiateur et chevalier, alignant de superbes et grandes envolées dans un set de belle qualité. Adepte d’un Blues-Rock puissant et destructeur, Arthur reste toujours très influencé par son maître, Otis Rush, mais n’est pas homme à rester scotché à un seul style. Pour preuve, ce génial That’s Allright Mama qu’il personnalise en faisant rugir sa Gibson sur fond d’accords acoustiques légers puis acérés. Démoniaque… !

Mais cette nuit, le feu du Blues semble ne jamais vouloir s’éteindre. Et ce sont les vieux briscards du légendaire Climax Blues Band qui font la démonstration qu’il n’y a pas d’âge pour le Blues. Et le meilleur ! Avec un punch à mettre KO plus d’un groupe de trentenaires, comme le démontre brillamment Colin Cooper, chanteur, saxophoniste et harmoniciste de talent. Leur show est pimenté de nombreuses reprises, dont celles de Willie Dixon, à qui le Climax a dédié un CD, mais malheureusement pour la désormais ancienne génération, peu de ces vieux morceaux et tubes de cette vingtaine d’albums qui forgèrent notre jeunesse. Dommage…. ! Mais indiscutablement, ce groupe fondé en 1968 du côté de Stafford aura gravé sur les scènes du monde entier des pages indémodables d’un Blues authentique et tonique.

Le lendemain, c’est à Mig & The Mudz que revient la lourde tâche de lancer la courte soirée au Juke Joint, et ils s’en acquittent avec beaucoup d’énergie et d’enthousiasme. Mig & The Mudz, c’est la réunion-fusion entre Mig Toquereau, ex bassiste de Doo The Doo, et le quatuor bordelais Mudzilla, pour délivrer un Blues musclé bien tartiné de sauce Bayou, avec notamment un excellent Me and the Devil. Un set bien bouclé, ponctué par de superbes envolées de Florian à la six cordes, ouvrant superbement la voie au second passage du Climax Blues Band, aussi fameux que leur premier set de la veille au soir.

Avant de nous rendre au Théâtre de Verdure pour assister au concert de Tee et de James Harman sur la scène Caviole, nous filons à l’Eden Café pour y découvrir le second groupe sélectionné par Alexandre et Manu pour leurs concerts « Off », Coup de Blues : un trio solide, spécialisé dans l’adaptation de reprises de Mc Daniel, Wilson ou Tony Joe White, morceaux que l’on peut retrouver sur leur premier CD, Ghetto.

Coup de Blues, un groupe que Blues Magazine va suivre pour vous, car cette formation-là a tout ce qu’il faut pour devenir un très bon groupe…., surtout s’ils se mettent à composer.

Sur la scène Caviole, au Théâtre de Verdure, c’est Mark Tee qui lance les hostilités, dans son style très fluide et coloré. Tatoué façon « j’le fais pour faire hurler belle-maman », notre guitariste aligne compos et covers veloutés, dont un sensuel et ravageur I can’t stand the rain. Tee, c’est un personnage attachant, un guitariste au jeu subtil et acéré, dont les influences, de T Bone Walker à Buddy Guy, ont laissé des traces dont plus d’un Blues-guitar player serait jaloux. Son band, impeccable dans une rythmique swingante et colorée, est impressionnant d’efficacité. Un conseil : réécoutez Tee chez vous, en boucle, encore et encore.

Facétieux et showman discret mais toujours présent, James Harman profite du rappel pour traverser la scène de Caviole et proposer avec le sourire quelques serviettes à Tee et à ses musiciens. Tonnerre d’applaudissements et de rires : James a déjà gagné la partie, sans même avoir joué un seul morceau. Chapeau, l’ami !

Chapeau, car c’est avec son éternel chapeau que Mister James Harman débute son set, accompagné du guitariste Nathan James, celui-là même qui nous avait offert une prestation de très haute volée au Bay Car Blues Festival, fin avril. Le duo James-Nathan fonctionne à la perfection ; la complicité est totale. James est la vedette, certes, mais il sait aussi que ses musiciens de ce soir sont au Top, et les applaudissements qui ponctuent chacun des solos de Nathan le soulignent un peu plus encore : pas de doute, Nathan est bien un grand, un super-grand guitariste ; je ne vous le répéterai jamais assez…. !

Chez Nathan virtuosité rime avec humilité : le garçon, sincère et timide, est loin d’être un frimeur-poseur.

Les morceaux sont sublimes, comme d’habitude, magnifiques de justesse, sans frime aucune. James et son band, épaulé par Mark Tee en guest star, c’est le plaisir de jouer, de donner, de tout donner. Alternant les titres de quelques uns de ses 29 albums (Hé oui, 29… !) dont Black & White, Takin’ Chances et le dernier en date, le superbe et envoûtant Lonesome Moon Trance, James s’impose à Caviole et sous une superbe pleine lune comme un Bluesman original, authentique, et dont la ligne reste plus que jamais : « You have to develop your own [Blues] approach and identity,…with energy,…and humor. » (Vous devez développer votre propre approche et identité dans le Blues,…avec énergie,…et humour.).

Le lendemain, Rag Mama Rag reprend place à l’entrée du Marché et offre au public matinal un deuxième concert intimiste tout aussi plaisant et enthousiasmant que le premier. Et à ceux qui se demandent pourquoi Rag Mama Rag n’est pas sur une grande scène du festival, je réponds que c’est sans doute mieux ainsi, et qu’à travers un duo aussi attachant que Deborah et Ashley un grand nombre de personnes qui n’auraient jamais été se balader du côté de Juke Joint ont découvert et apprécié le Blues. 

Sur la scène Juke Joint, justement, où l’on retrouve Mike Green et Bulldog Gravy (même si le programme officiel, pratique au demeurant, annonçait un Bullgog Gravy…) : une formation très originale ; mélange d’acoustique et d’électrique, de batterie classique et de percussions en acier trempé, bref un Blues efficace qui ne laisse pas indifférent. Alternant compos et reprises arrangées à la sauce Bulldog, Mike & Co nous offre un set de très haute facture, au cours duquel, une fois encore, on ne peut qu’apprécier les perfs du toujours souriant Philippe Sangara à la gratte.

A quand un concert des Bulldog Gravy 100% acoustique…. ? Rien que pour se faire un petit plaisir de plus… ?

Vainqueur du tremplin Blues sur Seine 2004, Spoonful prend le relais devant une assistance qui s’étoffe, lentement. Même si leur set est moins percutant que ceux de leurs dernières apparitions (notamment la très bonne prestation en première partie de The Blues Conspiracy, à la Nacelle), le groupe s’emploie à donner tout ce qu’il peut. Les jeunes payent sans doute ici la fatigue accumulée par les trajets. Mais le public est conquis, et les CD du quatuor s’arrachent sur le stand de Blues Magazine. Et c’est tant mieux ainsi !

D’ailleurs était-ce un signe prémonitoire ? La veille encore, le Climax Blues Band avait (sans le savoir ?) annoncé la venue de ceux qui pourraient être leurs fils, en interprétant Spoonful.

Autre grand chevalier du Blues électrique, Fred Chapellier transforme la scène de Juke Joint en volcan. Accompagné, épaulé par les excellents musicos que sont Lorenzo à la six cordes, Abder à la basse, Pat à la batterie et Sébast aux claviers, Fred met le feu à l’Allée des Soupirs. La foule est au rendez-vous et se presse face à la scène, tapant des mains, dansant sur les morceaux les plus relevés. Mais Fred est aussi un chevalier au cœur gros comme ça, un ami éternel au-delà de la séparation : le morceau C’est pas permis est dédié à son pote, Poill’s, disparu l’année passée. Séquence émotion dans un set incandescent et aux solos ravageurs, comme sur ce Sky is Crying qui signe le talent incontestable de Monsieur Fred Chapellier.

Redoutable challenge que doit relever Mig & The Mudz : succéder à ce déluge de Blues métallique et clore les concerts proposés sur la scène Juke Joint. Cette fois, Mig and Co ont face à eux une foule compacte, dix fois plus importante que la veille, et chauffée à blanc. Le résultat est là, net et sans bavures : un tonnerre d’applaudissements et une belle consécration après celle, intimiste, des quelques fanas un peu esseulés d’hier.

Mais la touche finale et non programmée de cette 24ème édition est portée par Mr Magic Tchang & Easy Money, qui débutent exceptionnellement cette nuit des jam’sessions sur la scène Juke Joint, avant de filer aux Docks, jusqu’au petit matin, rejoints par de nombreux pros et amateurs, comme ces marseillais de Coup de Blues.

Le Cahors Blues Festival 2005 vient de se terminer. Bravo et merci à Patrick Guyot, président du festival, et à tous les bénévoles sans qui ce festival ne pourrait être ce qu’il est. Et un grand, très grand coup de sombrero à Jean-Philippe Kauffman, directeur artistique, qui a tout fait pour que cette édition 2005 soit un Cahors grand cru.

Mais nous ne pouvons tourner la page sans saluer et remercier Domi, du restau Le Méphisto, accompagné de son orgue de barbarie et de son équipe, dont le fol-dingue et génial Marcel à l’accordéon-jouet; ainsi que le très sympa Jean-Luc, au restau La Terrasse.

Lucky Sylvie Lesemne, Jean-Marcel Laroy, Michel Enfert et Frankie Bluesy Pfeiffer.
Festival de Cahors 2005