DURBUY ROCK FESTIVAL, 10-11 Mai 2024
Bomal-sur-Ourthe, Hall Le Sassin, Belgique
27ème édition
Affiche: Amorphis/ KK’s Priest/ Sonata Arctica/ Soilwork/ Feuerschwanz/ Candlemass/ Delain/ Equilibrium/ Heidevolk/ The Raven Age/ Exhorder/ Xandria/ Suicidal Angels/ Insanity Alert/ High Voltage Plays AC/DC/ ODC/ Baraka/ Tardigrad/ Disconnected/ Raüm/ Through The Void/ Echoes Of Nihil/ Stand For
Texte et Photos: Jean-Christophe Baugé (BLUES MAGAZINE/ JAZZ NEWS/ LEGACY (DE)/ METALLIAN/ PARIS-MOVE/ ROCK & FOLK)
Au cœur des Ardennes belges, et ses villages médiévaux où plus d’un métalleux s’est fait flasher à plus de 50 km/h, s’est tenue la vingt-septième édition du Durbuy Rock Festival. Une dénomination abusive, c’est là le moindre de ses défauts, puisque les vingt-quatre groupes belges et internationaux à l’affiche se sont succédé en alternance dans la salle Le Sassin et le podium extérieur de… Bomal-sur-Ourthe, situé à dix kilomètres au nord-ouest de “la plus petite ville du monde”.
VENDREDI…
En quatre titres, RAÜM monopolise moins l’attention que le tyrannosaure gonflable qui headbangue dans le public épars. Le quatuor liégeois post-black metal né à l’ère pandémique, sous contrat avec Les Acteurs De L’Ombre Productions, annonce tout de même un second album, Grounds Of Desolation, pour 2025. Vainqueur du tremplin de la vingt-cinquième édition du DRF, TARDIGRAD, qui tire son nom de l’ourson d’eau trompe-la-mort, pratique un death metal qui ne fait pas de prisonnier… Excellente bande-son pour baguenauder chez l’unique disquaire néerlandais du metal market qui nous fait prendre des pirates à cinq euros de l’ère pré-Phil Anselmo de Pantera pour des originaux, soit des vessies pour des lanternes. Ambre Vourvahis, dernière d’une longue lignée de chanteuses diversement remerciées chez XANDRIA, souffre du jeu de scène ostentatoire du guitariste Robert Klawonn et… d’avoir été photoshopée sur les visuels promotionnels. Cachée derrière son micro, elle peine à donner corps à “Universal”, nouveau single qu’on jurerait recyclé des rebus de Within Temptation. ODC, plus rock si l’on en croit la blogosphère anglaise qui taxe la chanteuse Célia Do de “Björk du heavy metal” (cf. sa reprise de “You Should See Me In A Crown” de Billie Eilish), peut se prévaloir d’être la coqueluche des réseaux sociaux depuis que “I Don’t Know You” a été streamé plus de trois millions de fois. Gageons que le bassiste arc-en-ciel Sonny aurait remisé ses résilles et sa mini-jupe s’il avait officié sur des terres moins progressistes: celles, flamandes, de la N-VA et du Vlaams Belang depuis les élections européennes du 9 juin. SOILWORK, auteur du premier double album studio de l’histoire du death metal mélodique, n’en oublie pas de promouvoir Övergivenheten (l’abandon, en suédois) via quatre extraits. Sylvain Coudret, Français de l’équipe qui porte beau, bénéficie d’un indéniable capital sympathie. Jusques en haut des cuisses, elle est bottée: Diana Leah sublime DELAIN, tel que sauvé des eaux par le claviériste Martijn Westerholt en 2021 (cf. “Burning Bridges”, sur lequel elle a auditionné). Pieds de micros et de cymbales coordonnés aux lumières donnent le change sur une scène parfois étriquée lorsque la bête, l’alter ego masculin, donne la réplique à la belle. Plus encore qu’AMORPHIS et CANDLEMASS, qui tirent respectivement leur originalité de l’utilisation d’arpégiateur (“Wrong Direction”) et de la chute de cheveux de leur membre fondateur (Leif Edling, basse), HIGH VOLTAGE, la lettre et l’esprit d’AC/DC en “after”, brise les dernières nuques récalcitrantes. Les paires de New Rock, elles, restent rivées au sol outragé par les libations de Maes.
SAMEDI…
Après le plus grand “wall of death” officieusement attribué à Mass Hysteria au Hellfest en 2016, STAND FOR, de Mons, décroche la palme du plus petit grâce à quelques aminches se donnant en spectacle à hauteur du stand d’Amnesty International et son enfileur de capotes à visée didactique. Les vainqueurs bruxellois des tremplins de 2024, THROUGH THE VOID (metalcore) puis ECHOES OF NIHIL (hardcore), font mieux en début d’après-midi. Le metal de DISCONNECTED, groupe du guitariste Adrian Martinot qui voue un culte décomplexé à Mark Tremonti et ses Paul Reed Smith à table en érable flammé, est d’un tout autre bois. Amaury Pastorelli, batteur fin dans tous les sens du terme, proposera plus tard sa grosse caisse amplifiée à THE RAVEN AGE, groupe ami (tournée européenne commune en 2013) du fils de Steve Harris, plongé dans la tourmente suite à une série de pannes électriques. S’il se défend d’aligner les reprises des plus grands hits de la planète pop puisqu’il en modifie les paroles, Kevin Stout, thrasher en short d’INSANITY ALERT, use en revanche du même gimmick que Bob Dylan dans son Scopitone de “Subterranean Homesick Blues”: les pancartes (“Run to the pit/ Mosh for your life” détourné d’Iron Maiden). Le chanteur à face vérolée, jamais avare de bons mots, s’étonne qu’en présence d’un public de si bonne constitution, il puisse exister l’Eurovision, Marc Dutroux et la guerre en Ukraine. Dans le désordre. BARAKA qui, en indigne héritier du Grand Jojo, officie en jogging élimé au niveau des joyeuses, préfère ses parodies en Français: “Money, Money, Money” d’ABBA devient “Pognon, Pognon, Pognon”, que les fans, corrompus par une distribution gratuite de Cara Pils (pisse d’âne pour beuveries estudiantines), reprennent tous en chœur. En pilotage automatique, SUICIDAL ANGELS (Grèce), EQUILIBRIUM (Allemagne) et EXHORDER (Etats-Unis) crédibilisent par contraste le folk metal de FEUERSCHWANZ, sextet augmenté en voie d’exportation après le succès des albums Memento Mori et Fegefeueur, numéros uns des charts allemands en 2021 et 2023. Deux valkyries en armure légère brandissent lances et haches en direction d’une marée montante de crowd surfers, avant de former la base d’une pyramide sur laquelle Stephanie Pracht fait jaillir d’envoûtants chorus de son violon azur. Le même show sur la scène principale du prochain Alcatraz Festival promet d’être chaud! Dans une ambiance plus intimiste, Tony Kakko, chanteur plénipotentiaire de SONATA ARCTICA, déroule un discours rodé depuis le Hell’s Balls 2023 de Courtrai, invitant quiconque connait les paroles ou la mélodie à entonner “Full Moon”, fantasmant la relation de cause à effet de “Tallulah” sur le baby-boom de 2001 comme Scorpions avec “Still Loving You” en 1984, et dressant un parallèle entre les locutions “When California falls into the sea” et “When cows fly” pour éviter un cours rasoir sur la tectonique des plaques. Que penser des quelques influenceurs du web ayant doctement affirmé que l’âme de Judas Priest réside désormais dans le KK’S PRIEST du démissionnaire Kenneth Keith Downing? Certes, à la harangue “Breaking the what?” de Rob Halford succède “What’s my name?” de Tim Owens. A laquelle répond la foule en cuir, comme un seul homme: “The Ripper”! Il est pourtant vain de chercher la flamme ardente, la force motrice des nouvelles compositions, tant elles pâtissent de la comparaison avec les classiques “Night Crawler”, “Beyond The Realms Of Death”, “Hell Patrol”, “The Green Manalishi” (Fleetwood Mac), “Breaking The Law” et “Victim Of Changes”… que K.K. a eu la décence de choisir sans se soucier d’en être systématiquement le co-compositeur.
A l’heure du débriefing, le plus petit des gros festivals (jauge journalière: 2 500 métalleux et assimilés) annonce officiellement 3.500 entrées payantes. La marge de progression n’est donc pas nulle. L’équipe organisatrice de Bernard Hemblenne, qui nous avait servi Candlemass à 0°C à la mi-avril 2019, se félicite de la clémence de la météo en mai… et fixe la prochaine édition aux 11 et 12 avril 2025! Un risque bien calculé? Nous serons présents au rendez-vous, caméra au poing, dussions-nous revêtir notre plus belle doudoune à patches.
Texte et Photos: Jean-Christophe Baugé (BLUES MAGAZINE/ JAZZ NEWS/ LEGACY (DE)/ METALLIAN/ PARIS-MOVE/ ROCK & FOLK)