Daniel Darc, ‘il sera une fois’ !

            
                                    Daniel Darc, ‘il sera une fois’ !

Reportage : Dominique Boulay
Photos : © Anne Marie Calendini.
Le Palace, Paris, lundi 7 février 2011

C’est dans la salle du Palace, lieu culte des extravagantes fêtes des 80’s, que se produit ce soir Daniel Darc. Un show précédé d’une première partie, ‘Les Diables Verts’, pour le moins originale puisqu’il s’agit d’une prestation mêlant jazz, danse et électro Hip Hop. Cela aurait-il un lien avec la présence récurrente de Marie-Claude Pietragalla qui se produit depuis plusieurs soirs au Palace? Il semblerait même que oui, car le danseur, Julien Derouault, n’est autre que son compagnon, épaulé sur scène par le DJ Malik Berki et les frères Encho, Thomas au piano et violon, David à la trompette.
Ce quatuor artistique nous délivre un spectacle de 30 minutes articulant différent langages: celui du corps qui danse, de la voix qui déclame le poème de Louis Aragon, ‘La nuit des jeunes gens’ (écrit en 1960) et des notes de musique où s’expriment la fluidité du piano, la tension de la trompette et les beat électroniques. Le public venu voir un artiste plutôt rock, écoute et regarde sans un bruit ce surprenant quatuor tandis que la porte menant aux loges s’ouvre et que Daniel Darc sort discrètement des loges pour assister un instant au spectacle avant de disparaitre à nouveau.

La première partie s’achève. La lumière et les bruits de la salle rompent la solennité ambiante. La porte des loges s’ouvre à nouveau…, mais cette fois, ce n’est pas la silhouette du héros de la soirée qui apparaît, mais celle d’un autre grand artiste français, Christophe, qui avait pris possession de ces mêmes lieux pour deux concerts, quelques semaines auparavant. Et tandis qu’il remonte l’allée latérale pour atteindre son fauteuil, le public l’accueille par une salve d’applaudissements, comme pour légitimer sa présence, car ce soir, c’est bien l’ex-leader de Taxi Girl, l’un des groupes phares des années 80, que Christophe et le public Sont venus écouter.

Il est presque 22 heures lorsque le rideau de velours s’ouvre, laissant apparaître un piano, un violoncelle et, entre les deux, un micro. Daniel Darc entre en piste, accompagné de ses deux musiciens du soir, le pianiste et flûtiste Rémi Bousseau, dit ‘Kalim B.’ et le violoncelliste Jean-François Assy.
Il semble donc que le choix artistique de ce chanteur par essence rock est de faire ce soir l’impasse sur les instruments qui caractérisent habituellement le genre. Point de guitare électrique, donc, ni de basse, ni de batterie, juste l’épure acoustique et la voix façon talk over, auxquelles viennent parfois s’ajouter une boîte à rythmes, un synthétiseur ou un harmonica joué par Daniel Darc lui-même.

Ces arrangements harmoniques soulignent la grande beauté des mélodies composées par Frédéric Lo qui a réalisé les deux derniers albums de Daniel Darc, comme les magnifiques chansons ‘La pluie qui tombe’, ‘Inutile et hors d’usage’, ‘Je me souviens, je me rappelle’, extraites de l’album ‘Crève Cœur’ sorti en 2004 et qui recèle de véritables perles tant sur le plan des arrangements instrumentaux à l’élégance ingénieuse que sur celui des textes écrits au rasoir. Un album à écouter absolument, si ce n’est pas déjà fait! Sans oublier la chanson ‘Ca ne sert à rien’, figurant sur l’album ‘Amours suprêmes’ sorti en 2008, titre sur lequel le pianiste pousse les notes de sa flûte traversière jusqu’au paroxysme!
L’absence de passage en force à grand renfort d’instruments électriques et de rythmique lourde n’enlève rien à la nervosité originelle des morceaux grâce au piano tantôt doux tantôt rageur, et au violoncelle parfois mélodramatique.
Le trio parvient à restituer la puissance mélodique des chansons et Daniel Darc met son âme à nu pour nous livrer les fragilités de son être et ses éternels tourments: le temps qui passe, emportant la jeunesse, les amours déchues, les solutions drogues alcool, comme il se plaît à le dire lui-même, et la mort, toujours obsédante, le tout servi par des textes à la beauté vénéneuse qui vous crève véritablement le cœur.

Avant d’entamer la chanson ‘L.U.V.’, extraite d’Amours suprêmes, Daniel Darc rend hommage à l’immense Alain Bashung avec lequel il enregistra ce duo chanté en anglais comme pour mettre un voile pudique, une distance nécessaire, au récit des affres de la drogue.
Après un set reprenant presque intégralement les deux derniers albums de sa discographie, Daniel Darc salue la salle, enlaçant ses deux musiciens, puis quitte la scène en leur compagnie sous les ovations du public qui l’applaudit sans discontinuer, jusqu’à un probable retour.
Celui-ci ne se fait pas attendre, l’artiste s’installant derrière son micro et entamant la lecture du ‘Psaume 23’ de David, tiré de la Bible et clôturant l’album ‘Crève Cœur’. Un psaume dédié à la souffrance physique et à la douleur, thème cher au chanteur et dont les textes se font puissamment l’écho. Puis Daniel Darc referme le livre et prononce une prière en hébreu, comme pour ériger une passerelle entre ses origines juives et sa conversion au protestantisme. La spiritualité comme autre réponse possible aux terrestres angoisses…

Après cet instant de recueillement intense, Guilain Ranouil à la clarinette et Laurent Marimbert au Wurlitzer montent sur scène pour interpréter deux titres inédits d’un album en préparation avant que le concert ne se termine par une chanson, ‘la chanson qu’attendent tous les fans de la première heure, celle de l’époque où Daniel Darc était le chanteur du groupe Taxi Girl, ‘Chercher le garçon’.
Fort heureusement, ‘le garçon’, il y a bien longtemps que son public l’a trouvé et jamais lâché, malgré les aléas d’une existence artistique chaotique et torturée.
Autre signe, le spectacle de ce soir s’appelle ‘Il sera une fois’, et cet auxiliaire ‘être’ conjugué au futur nous rassure sur l’avenir musical de cet artiste infiniment touchant. L’un des auteurs-poètes français les plus inclassables et les plus talentueux.