Concert de James Blood Ulmer & Rodolphe Burger

                Concert de James Blood Ulmer & Rodolphe Burger

Reportage: Dominique Boulay
Mercredi 7 septembre 2011, Festival Jazz de la Villette
Photos : © Francis Vernhet

Nous voici au Cabaret Sauvage, étonnante salle aux allures d'immense yourte colorée, pour assister à un événement rare et électrique qui va réunir sur scène deux grands guitaristes-chanteurs, l'américain James Blood Ulmer et l'hexagonal Rodolphe Burger.
Abolissant les frontières musicales et les carcans artistiques, ces deux là nous avaient déjà offert l'album ‘Blood & Burger – Guitar Music’ en 2003, et voilà qu’ils nous régalent ce soir d’une reprise de ces titres en Live.

Mais d’abord, faisons un petit crochet par la Suisse pour découvrir le groupe Hell's Kitchen qui assure la première partie. Les hasards de la programmation du festival ont bien fait les choses puisque Rodolphe Burger a participé à la production du dernier album du groupe Helvétique, ‘Dress to Dig’, et que la rencontre de ce soir est purement fortuite.
Ces musiciens de la cuisine de l'enfer jouent un blues décomplexé, rageur et urbain, mélodique et enlevé, crade et suintant. La voix de Bernard Monney est brute, éraillée, et sa guitare joue du blues primitif, du boogie revisité, alignant des riffs rageurs appuyés par une rythmique mêlant la contrebasse ronde et grasse de Christophe Ryser à l'improbable batterie de Cédric Taillefert composée en grande partie de divers ustensiles de cuisine allant de la râpe jusqu'au tambour d'une machine à laver! Les musiciens mouillent largement la chemise, faisant grimper la température du lieu séduit par ce trio original et inspiré.

Voilà qui constitue une belle entrée en matière. Le temps de boire un verre et le public regagne la salle bigarrée pour écouter les deux musiciens aux parcours enrichis de diverses explorations musicales. James Blood Ulmer, ancien complice d’Ornette Coleman, et Rodolphe Burger, ancien leader du groupe Katonoma, font leur entrée sur scène, accompagnés des musiciens Benoît Corboz aux claviers, Marcello Giuliani à la basse et Alberto Malo à la batterie. Tous prennent place sous les ovations d'un public qui mesure à ce moment précis la chance qu'il a d'assister à un ‘live’ du duo Blood & Burger, tant les occasions de les voir réunis sur scène sont rares.

L'imposante stature de James Blood Ulmer impressionne, c’est sûr, mais moins que sa voix sauvage, profonde, quasi chamanique, et son jeu de guitare légendaire qui s'accorde parfaitement à celui de son frère de scène Rodolphe Burger.
Le concert s'ouvre sur l’instrumental ‘House People’ sur lequel les guitares des deux compères dialoguent nerveusement sur une mélodie lancinante et répétitive. La set list reprend quasi intégralement les chansons de l'album ‘Blood & Burger – Guitar Music’. Rien de nouveau donc, mais la puissance électrique et hypnotique des morceaux agit toujours aussi efficacement sur le public qui se délecte de l'envoûtement qui gagne le jeu de guitare et le corps de Rodolphe Burger, au point de presque le faire chuter, et de la force faussement tranquille de Blood, comme l'appelle affectueusement Rodolphe Burger.

Musicien inclassable et prolifique n'ayant jamais renoncé à sa liberté créatrice, J.B. Ulmer a toujours exploré et mêlé divers univers musicaux dans des formes parfois radicales, pour en extraire une sève musicale et vocale prenante, presque extatique, qui touche au plus profond celui qui l'écoute.
Cette communion des artistes ravit un public enchanté et conquis qui réécouteen live ‘Are you glad to be in America’, ‘Blues allnight’, ‘Cheering’, ‘Huit couché’, ‘Long legged fly’, ‘Let me take you home’, ‘Play with fire’ et dans une version quasi cosmique, ‘Unlimited marriage’. Quelques bonus, tout de même, dont ‘Marie’, duo figurant sur l'album ‘No sport’ de Rodolphe Burger.

Après un rappel endiablé, tous les musiciens reviennent sur scène secondés par les Hell's Kitchen, venus jouer des percussions sur ‘Billy the Kid’, titre sur lequel on entend de façon répétitive la phrase ‘I love you’ dite par le poète américain Jack Spicer, celui qui a inspiré Rodolphe Burger, à l'époque de Katonoma. Quelle plus belle synthèse pour ce set, qui se terminera comme il a commencé, par un instrumental puissant et mélodique, ‘High Tech’.

Les ovations grondent pour saluer la performance musicale des deux guitaristes-chanteurs dont on devine à leurs regards tout l'amour et le respect qu'ils se portent. Ce goût pour le partage et l'improvisation qui leur confère tant de puissance lorsqu’ils sont réunis.
Les musiciens saluent une dernière fois le public en délire que Rodolphe Burger quitte par un immense ‘I love you’, ce qui veut tout dire…!

 

Rodolophe Burger