| Blues-Rock |
À l’écoute du troisième opus de ce quartette du Bade-Wurtemberg, une question nous taraude: mais que fait donc Thomas Ruf? L’amitié franco-allemande a-t-elle donc tant œuvré qu’il faille désormais ein französisches label pour promouvoir le meilleur blues-rock outfit teuton? Résumons-nous: après l’autoproduit “Holy Ground” en 2022, Dixiefrog a publié l’an dernier leur “Can’t Kill Me Twice” (chroniqué ICI), et récidive crânement avec ce “Make A Change”, dont le titre ne se réduit pas à un simple changement de bassiste. Toujours mené par le vétéran du Cadillac Blues Band, le chanteur, claviériste et harmoniciste Joe Fischer (qui officie également à la cigar-box) et son cadet guitariste, Tom Vela, Blue Deal revendique à bon droit le statut de porte-flambeau d’un blues-rock européen ne cédant en rien à l’aura de ses glorieux aînés. Avec son barrelhouse piano et ses riffs millésimés seventies, “Another Reason” renoue avec la veine Bad Company déjà décelée sur leur prédécesseur, d’autant que le timbre vocal de Fischer ne s’y montre guère éloigné de celui de Paul Rodgers. Sur un rhythm pattern façon “La Grange” et “Bad To The Bone”, “Bad Boogie Woman” déroule ensuite un Texas shuffle implacable, sur lequel les six cordes de Vela lâchent les chevaux avant une coda Chicago blues, où le relaie le Hammond de Fischer. La ballade acoustique “Easy To Hurt” achève de poser les atouts de la formation: capable d’alterner rock n’ roll, blues-rock et folk sensible, Blue Deal se révèle tout autant crédible dans chacun de ces registres. Nos amis Germains ne démordent pas de ces trois pôles au fil des onze nouveaux originaux qu’ils proposent. Si le solo d’orgue de l’impérieux “Get It Done” ravive des souvenirs du Deep Purple d’il y a un demi-siècle (de même que la plage titulaire, où Vela pastiche allègrement Blackmore) et si, avec sa slide hululante et son intro sur les toms, le bref instrumental “Hell Valley” évoque le Wishbone Ash d’alors (tandis que le slow blues ternaire et aérien “Greenland Shark” renvoie en morceau de bravoure aux débuts de Fleetwood Mac, avec son chorus de guitare imprégné de Peter Green), Blue Deal assume ouvertement ces références pour les intégrer à sa propre identité. Le funky “Two Hearts” permet d’apprécier la finesse et le groove de la section rythmique (où le nouveau bassiste Willy Macht épaule un Jürgen Schneckenburger toujours au top), tandis que les six cordes de Vela y tutoient les élans du Jeff Beck Group. Le sombre et languide “Over Jordan” n’aurait pas déparé sur le séminal “Tons Of Sobs” de Free, tandis que le soulful “Rent A Heart” offre à Fischer et Vela une nouvelle occasion de briller avec sensibilité. En guise de conclusion, le ténébreux heavy blues “The Storm Will Come” réconfortera les fans endeuillés de Gary Moore. Il ne suffit cependant pas d’un frontman au gosier bien trempé – ni même d’un guitar hero en puissance – pour valider un groupe majeur. C’est ce qu’a manifestement compris Blue Deal, en misant autant sur une cohésion imparable que sur une valeur trop longtemps négligée dans les productions contemporaines: le feeling. Le quartette abat ainsi une carte maîtresse, qui le propulse désormais en First League.
Patrick DALLONGEVILLE
Paris-Move, Illico & BluesBoarder, Blues & Co
PARIS-MOVE, October 30th 2025
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